Aller au contenu principal

LA CONFÉRENCE ENTEND PLUSIEURS DÉLÉGATIONS S’EXPRIMER AU SUJET DE LA PROPOSITION RUSSE CONCERNANT LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME CHIMIQUE ET BIOLOGIQUE

Compte rendu de séance

La Conférence du désarmement a entendu, ce matin, plusieurs délégations présenter leurs commentaires au sujet, en particulier, de la proposition russe – soumise la semaine dernière – visant l’établissement d’un groupe de travail qui serait chargé de mener des négociations en vue de l’élaboration d’une convention internationale pour la suppression des actes de terrorisme chimique et biologique. Il s’agissait de la dernière séance plénière sous la présidence de l’Ambassadrice Tehmina Janjua du Pakistan.

Les délégations du Brésil, de la France, du Maroc, de la Norvège, de l’Afrique du Sud, de l’Allemagne, de la République arabe syrienne, de la Suisse, des États-Unis, de la Fédération de Russie et de la Malaisie ont fait des déclarations.

L’Ambassadeur Mazlan Muhammad de la Malaisie a informé la Conférence qu’il allait quitter son poste de Représentant permanent de la Malaisie auprès des Nations Unies à Genève, y compris auprès de la Conférence du désarmement.

La prochaine séance plénière de la Conférence se tiendra mardi 31 mai, à 10 heures, sous la présidence du Pérou.


Aperçu des déclarations

La Présidente de la Conférence, l’Ambassadrice TEHMINA JANJUA du Pakistan, a remercié les participants à la réunion informelle sur les femmes et le désarmement qui s’est tenue la semaine dernière. Elle a ensuite indiqué qu’elle poursuivrait jusqu’à la fin de sa présidence de la Conférence ses consultations sur un programme de travail pour cette instance, à la recherche d’un consensus sur la question. Mme Janjua a ensuite souhaité connaître les commentaires des membres de la Conférence au sujet de la proposition présentée par la Fédération de Russie concernant la lutte contre le terrorisme chimique et biologique.

Le Brésil a déclaré que la Conférence du désarmement est une instance pertinente, quoique parfois négligée, pour prendre des décisions concernant l’avenir de l’humanité. Malheureusement, l’impasse au sein de cette instance est due à un écart très grand entre la majorité des Etats, qui estiment que les armes nucléaires constituent une menace pour la sécurité internationale, et ceux qui pensent que ces armes augmentent au contraire la sécurité, a ajouté la délégation brésilienne. Combler ce fossé semble être une tâche très difficile comme l’illustre le refus des États dotés d’armes nucléaires de participer aux travaux du Groupe de travail sur le désarmement nucléaire créé par l’Assemblée générale. L’écart entre les discours et la pratique des États dotés d’armes nucléaires fait que les États non dotés n’ont pas d’autre alternative que de relancer une fois de plus l’agenda du désarmement nucléaire, a expliqué le Brésil. La délégation brésilienne a condamné les tentatives visant à justifier la possession des armes nucléaires que ce soit pour assurer un niveau minimum de sécurité nationale ou pour maintenir un niveau minimum de sécurité pour tous. Des négociations sur un traité d’interdiction de ces armes constitueraient un pas majeur, a-t-elle déclaré.

La France a informé la Conférence qu’à la suite d’un accord interne, la France a transféré aux États-Unis le 1er mai dernier la responsabilité de la coordination du processus «P5» (en soutien à la mise en œuvre du Traité sur la non-prolifération nucléaire - TNP). La France ayant assumé ce rôle durant moins d’une année, elle reprendra la coordination de ce processus au 1er janvier 2017, jusqu’au premier comité préparatoire du TNP en mai 2017. La France a rappelé qu’en tant qu’États dotés d’armes nucléaires au sens du TNP, le «P5» a réaffirmé lors de la première Commission de l’Assemblée générale en octobre dernier l’objectif partagé du désarmement nucléaire et du désarmement général et complet. À cet égard, notre engagement à rechercher un monde plus sûr pour tous et à instaurer un monde sans armes nucléaires demeure inébranlable, a insisté la France. Le processus «P5» sert à développer des approches communes en faveur du désarmement nucléaire, conformément à nos engagements et à nos obligations, en particulier celles découlant du TNP, a rappelé la délégation française. Sous l’égide de la Chine, a par ailleurs rappelé la France, une première édition d’un «Glossaire des termes nucléaires essentiels» a été publié, qui vient renforcer la compréhension mutuelle.

La France estime qu’une «approche incrémentielle et pragmatique» représente le seul moyen efficace pour réaliser des progrès dans le domaine du désarmement nucléaire. La France a en outre indiqué comprendre la frustration et l’impatience de certains qui considèrent que le désarmement nucléaire ne va pas assez vite ni assez loin; pour autant, le désarmement nucléaire ne peut pas s’accomplir du jour au lendemain. Comme les faits l’ont prouvé, le désarmement ne se décrète pas, il se construit. La France d’autre part indiqué être prête, entre autres, à travailler étroitement avec la Commission préparatoire de l’Organisation du traité d’interdiction complète des essais nucléaires, sur le développement d’un régime de vérification du traité. À l’occasion du vingtième anniversaire de l’ouverture à la signature de ce traité, elle tient en outre à réaffirmer l’importance vitale et l’urgence de l’entrée en vigueur de ce traité. Une approche incrémentielle –étape par étape – est la seule option possible pour faire des progrès en faveur du désarmement nucléaire et la France continue de penser qu’après le TICE, la prochaine étape logique est le commencement de négociations à la Conférence d’un traité interdisant la production de matières fissiles pour les armes nucléaires. La France a en outre indiqué être disposée à œuvrer avec ses partenaires du «P5» au renforcement des trois piliers du TNP.

Le Maroc a indiqué apprécier les efforts fournis par plusieurs délégations en présentant des propositions pour tenter de faire sortir la Conférence de sa litanie. Cette prise de conscience collective doit nous interpeller tous pour aller de l’avant, a souligné le Maroc. Cet activisme au sein de la Conférence doit, malgré nos différences, être soutenu afin de développer une compréhension commune, a déclaré la délégation marocaine. Elle a en outre indiqué être prête à contribuer à la discussion en vue d’une convention internationale permettant de lutter contre le terrorisme chimique et biologique et s’est également dite favorable à des discussions sur les autres initiatives, britannique et nigériane.

La Norvège a indiqué avoir étudié avec soin la proposition russe (visant la lutte contre le terrorisme chimique et biologique) et souscrire au point de vue selon lequel ce type de terrorisme constitue une menace grave. Cependant, la Norvège ne peut appuyer cette proposition, car elle estime que le principal problème s’agissant de ces questions reste le manque de mise en œuvre du cadre déjà existant. Il faut développer des mesures pratiques qui ne portent pas atteinte aux instruments et processus existants, a souligné la Norvège. Les délibérations sur ces questions devraient donc se développer dans le cadre de la Convention sur les armes chimiques, de la Convention sur les armes biologiques ou encore de l’Assemblée générale, a-t-elle estimé.

L’Afrique du Sud s’est dite préoccupée par l’effet de l’immobilisme de la Conférence sur le multilatéralisme. Si certains membres continuent d’utiliser la Conférence et son Règlement intérieur comme un moyen de faire obstacle à la sécurité collective, cette instance ne pourra conserver sa pertinence, a-t-elle déclaré. La sécurité d’un petit nombre ne peut se faire au détriment de la sécurité de tous les autres, a souligné la délégation sud-africaine. La question des armes nucléaires ne saurait être considérée comme étant pertinente uniquement pour les quelques pays qui possèdent ces armes, a-t-elle insisté. L’Afrique du Sud a relevé avec intérêt la proposition russe en vue d’une éventuelle convention visant à réprimer les actes de terrorisme chimique et biologique. L’Afrique du Sud a toutefois souligné, entre autres, que la question du terrorisme n’est pas en soi une question de désarmement. Néanmoins, l’Afrique du Sud a indiqué qu’elle ne s’opposerait pas à quelque consensus qui pourrait apparaître concernant cette proposition russe.

L’Allemagne a commenté la proposition russe concernant une convention qui viserait à lutter contre le terrorisme chimique et biologique en soulignant qu’elle serait davantage encline à s’appuyer (pour mener cette lutte) sur les mécanismes déjà existants tels que l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) ou la résolution 1540 du Conseil de sécurité.

La République arabe syrienne a commenté la proposition russe visant la prévention du terrorisme chimique et biologique en exprimant sa satisfaction concernant cette initiative. La Conférence est bien le lieu appropriée pour négocier une telle convention, a déclaré la délégation syrienne. L’approbation d’instruments internationaux ne relève pas du Conseil de sécurité, a-t-elle notamment rappelé. La menace de développement et d’utilisation d’armes chimiques est une menace réelle et imminente, a déclaré la délégation syrienne, précisant s’appuyer sur des informations reçues concernant des activités de Daech et d’Al Qaeda.

La Suisse a souligné l’importance pour la Conférence de s’accorder sur un programme de travail cette année, sous peine de voir cette année marquer le vingtième anniversaire de la paralysie au sein de cette instance. La Suisse a souligné que l’adoption d’un calendrier d’activités similaire à ce qui a été entrepris ces dernières années n’est pas de nature à inverser le processus de marginalisation de la Conférence. La Suisse a ensuite remercié la Fédération de Russie pour ses efforts visant à prendre en compte les différents commentaires formulés au sujet de la proposition russe relative à la lutte contre le terrorisme chimique et biologique. La Suisse a précisé qu’elle jugeait pertinents un grand nombre d’éléments figurant dans le document russe. Néanmoins, la Suisse tient à réitérer qu’il lui semblerait opportun – sinon impératif – d’appuyer tout effort dans ce domaine sur la valeur que constituent les normes déjà existantes en la matière. En effet, la norme de non-utilisation de ces armes par tout acteur, quel qu’il soit, est déjà inscrite dans le droit international coutumier et il ne faut pas laisser place à un narratif qui laisserait entendre que tel n’est pas le cas. Si la proposition russe ne pouvait bénéficier du soutien de l’ensemble des membres de la Conférence, la Suisse jugerait opportun de voir si un consensus pourrait émerger sur un texte révisé qui parlerait non pas de conduire des négociations en vue d’élaborer une convention mais plutôt d’explorer la possibilité de conduire de telles négociations. Pour sa part, la Suisse serait disposée à appuyer d’autres propositions, comme la proposition britannique, qui malheureusement ne semble pas bénéficier du soutien de tous au sein de la Conférence.

Les États-Unis ont estimé qu’il n’est pas nécessaire de négocier une nouvelle convention sur cette question des armes chimiques et biologiques ; il existe déjà des instruments qu’il faut soutenir, ont-ils souligné. S’il existe un écart, c’est au niveau de la mise en œuvre, ont-ils insisté. Il faut veiller à ne pas remettre en cause les instruments déjà existants, ont souligné les États-Unis.

La Fédération de Russie a exprimé ses condoléances aux peuples syrien et iraquien qui, tous les jours, luttent contre le terrorisme pour sauver leur vie, ainsi qu’à la France et à l’Égypte et aux autres pays dont des ressortissants ont perdu la vie dans la chute de l’avion qui reliait Paris au Caire. Bon nombre de participants appuient la proposition russe ou sont disposés à se joindre au consensus sur cette proposition si un tel consensus venait à émerger, a ensuite relevé la délégation russe. À l’intention de ceux qui ne sont pas convaincus par la nécessité d’un instrument distinct ou par le caractère idoine de la Conférence pour négocier une convention sur le terrorisme chimique et biologique, la Fédération de Russie a notamment rappelé que la résolution 1540 du Conseil de sécurité n’est pas une résolution de lutte contre le terrorisme, mais une résolution de non-prolifération. En outre, certaines questions ne peuvent pas être traitées par les deux conventions relatives, l’une, aux armes chimiques et, l’autres, aux armes biologiques.

L’Ambassadeur Mazlan Muhammad de la Malaisie a informé la Conférence qu’il allait quitter son poste de Représentant permanent de la Malaisie auprès des Nations Unies à Genève, y compris auprès de la Conférence du désarmement. Il a assuré qu’il avait pris plaisir à participer aux travaux de la Conférence, même s’il n’y a pas eu de progrès au sein de cette instance qui, malheureusement, n’a toujours pas trouvé de solution pour parvenir à un accord sur un programme de travail.

En conclusion de la séance, la Présidente de la Conférence a rappelé qu’il s’agit de la dernière plénière présidée par le Pakistan et a souligné qu’il faudrait attendre onze ans, voire davantage si la composition de la Conférence venait à être élargie, pour voir de nouveau le Pakistan présider cette instance. Mme Janjua a d’autre part indiqué qu’elle poursuivrait ses consultations sur un programme de travail jusqu’au dernier jour de sa présidence. L’adoption d’un programme de travail reste certes la priorité de la Conférence, a ajouté la Présidente, avant d’estimer qu’il faudrait néanmoins aussi réfléchir à un programme d’activités et de discussions sur les questions de fond – programme qui prendrait fin si un programme de travail venait à être adopté par la suite. L’élément clef reste le droit de tous de bénéficier d’une sécurité garantie et non diminuée, a rappelé Mme Janjua.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

DC16/021F