Fil d'Ariane
Examen du Pérou au Comité des droits de l’enfant : les experts font part de préoccupations s’agissant notamment des violences à l’égard des enfants, des grossesses adolescentes et des disparitions d’enfants
Le Comité des droits de l’enfant a examiné hier après-midi et cet après-midi le rapport périodique présenté par le Pérou au titre de la Convention relative aux droits de l’enfant.
Au cours du dialogue noué entre les experts membres du Comité et la délégation péruvienne venue soutenir ce rapport, un expert a fait remarquer que le Congrès national péruvien était actuellement saisi de projets de loi mettant en cause les droits des enfants tels que définis par la Convention, s’agissant en particulier de l’âge de responsabilité pénale – qu’il est envisagé de baisser.
Un autre expert a relevé que la violence à l'encontre des enfants semblait prendre des « proportions épidémiques » au Pérou. Selon certaines publications épidémiologiques, a-t-il ajouté, le Pérou a la plus forte prévalence d'abus sexuels en Amérique du Sud. Le Comité a même entendu dire que certains considéraient les abus sexuels comme une « pratique tolérée », s’est inquiété l’expert, avant de relever que plus de 50% des enfants déclarent avoir subi des violences physiques à la maison, et que le personnel scolaire serait lui aussi responsable de violences physiques. Ont été mentionnés de nombreux cas de violence sexuelle dans le district de Condorcanqui et d'autres régions éloignées. Des questions ont par ailleurs porté sur les mesures prises pour protéger les enfants contre les abus commis par des membres du clergé.
A d’autre part été jugé inquiétant le chiffre indiquant que 700 à 800 enfants âgés de 12 à 17 ans ont disparu chaque mois au Pérou en 2024. Le système péruvien de protection de l'enfance est manifestement défaillant, a-t-il été souligné.
On compte chaque année au Pérou environ mille grossesses chez des écolières ou de très jeunes filles, a relevé un expert. Une experte a rappelé les préoccupations du Comité concernant le taux élevé de grossesses chez les adolescentes au Pérou, et s’est enquise des suites données aux constatations adoptées par le Comité en 2023 dans l'affaire Camila c. Pérou , notamment pour ce qui est de garantir l'accès des filles enceintes à des services d'avortement légaux et sûrs. L’experte a fait état d’informations selon lesquelles l'incidence de la grossesse chez les adolescentes serait plus élevée dans la région amazonienne et parmi la population autochtone.
Une experte s’est pour sa part interrogée sur l’accès effectif de tous les enfants à une éducation gratuite et de qualité au Pérou, faisant observer que certains enfants vivant dans des régions reculées n’ont pas d’école à proximité et que des difficultés subsistent en matière de transport scolaire.
Au cours du dialogue, a toutefois été saluée la loi de 2018 sur la promotion de l'éducation inclusive – qu’un expert a jugée excellente.
Des préoccupations ont par ailleurs été exprimées face aux taux élevés de plomb mesurés dans le sang des enfants dans plusieurs régions du pays. Le Comité est très préoccupé par cette question, a fait savoir une experte.
Présentant le rapport de son pays, Mme Ángela Teresa Hernández Cajo, Ministre de la femme et des populations vulnérables du Pérou, a souligné que l'État péruvien avait adopté des mesures concrètes pour la protection et la promotion des droits des enfants et des adolescents, notamment la Loi pour la promotion de l'utilisation sûre et responsable des technologies de l'information et de la communication par les enfants et les adolescents, le Code de responsabilité pénale des adolescents ou encore la loi interdisant le mariage des personnes de moins de 18 ans.
D’autre part, a ajouté Mme Hernández Cajo, en 2021, le Gouvernement a approuvé la Politique multisectorielle nationale en faveur des enfants et des adolescents à l’horizon 2030, qui s’articule autour de cinq axes prioritaires : amélioration des conditions de vie saines, renforcement de l'autonomie et de la capacité de décision, réduction des risques liés au manque de protection, promotion de la participation active des jeunes et enfin optimisation de la gouvernance pour garantir le respect et l'exercice de leurs droits.
La Ministre a insisté sur le fait que le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant était intégré dans toutes les politiques publiques, de manière à placer les droits et le bien-être des enfants au centre des décisions de l'État tout en veillant à ce que, dans tous les domaines, leurs besoins et leurs droits soient prioritaires.
La Ministre a ensuite décrit plusieurs actions concrètes prises en 2024 par le Pérou contre la violence sexuelle, notamment le lancement de l'intervention « Prévenir pour protéger », dont l’objectif est de réduire la prévalence de la violence sexuelle, et le « Plan d'action intersectoriel pour lutter contre la violence sexuelle à l'égard des enfants et des adolescents dans la province de Condorcanqui (Amazonas) ».
La délégation péruvienne était également composée, entre autres, de M. Cristobal Melgar Pazos, Ministre, Représentant permanent adjoint, Chargé d’affaires par intérim à la Mission permanente du Pérou auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de représentants des Ministères de la femme et des populations vulnérables, des relations extérieures, de la justice et des droits de l’homme, de la santé, du développement et de l’inclusion sociale, et de la culture. Le Registre national d’identification et d’état civil était aussi représenté.
Durant le dialogue, la délégation a notamment fait savoir qu’un plan d’action intersectoriel avait été mis au point pour prévenir et réprimer les violences sexuelles dont les jeunes sont victimes dans la région de Condorcanqui.
Quelque 5000 enfants disparus en 2024 ont été retrouvés, sur plus de 9000 cas, a d’autre part indiqué la délégation, avant de souligner que le Ministère de l’intérieur avait formé plusieurs milliers de policiers à cette question.
La délégation a par ailleurs fait état d’une baisse depuis dix ans de 5% du taux de grossesses parmi les adolescentes, grâce notamment à un accès élargi aux contraceptifs modernes et à la forte augmentation du nombre des jeunes filles couvertes par le système national de santé.
Les autorités ont lancé un plan de prise en charge et de prévention à l’intention des populations exposées aux métaux lourds, a par ailleurs fait savoir la délégation, avant d’assurer que le risque induit par l’exposition au plomb est dûment pris en compte.
Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Pérou et les rendra publiques à l’issue de sa session, le 31 janvier prochain.
Demain après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l’examen du rapport de la Gambie.
Examen du rapport du Pérou
Le Comité est saisi du rapport valant sixième et septième rapports périodiques du Pérou (CRC/C/PER/6-7), document établi sur la base d’une liste de points à traiter soumise par le Comité et portant sur la période janvier 2013-janvier 2024.
Présentation
Présentant le rapport de son pays, la cheffe de la délégation péruvienne, MME ÁNGELA TERESA HERNÁNDEZ CAJO, Ministre de la femme et des populations vulnérables du Pérou, a précisé que son Ministère était l'organe directeur du système national de prise en charge intégrale des enfants et des adolescents de la République du Pérou, et que le rapport intégrait formellement les opinions des jeunes Péruviens par l'intermédiaire des Conseils consultatifs et participatifs des enfants et des adolescents (CCONNA).
Mme Hernández Cajo a ensuite souligné que l'État péruvien avait adopté des mesures concrètes pour la protection et la promotion des droits des enfants et des adolescents, notamment la Loi pour la promotion de l'utilisation sûre et responsable des technologies de l'information et de la communication par les enfants et les adolescents, ou encore la Loi n°30466 et son règlement d’application, établissant des critères et garanties procédurales aux fins de la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant en tant que considération primordiale dans tous les processus, procédures et autres actions de l'État ou d'entités privées.
Ont aussi été adoptés, a précisé Mme Hernández Cajo, le Code de responsabilité pénale des adolescents, qui établit des mesures appropriées pour le traitement des adolescents en conflit avec la loi, favorisant leur réhabilitation et leur pleine réintégration dans la société ; la loi interdisant le mariage des personnes de moins de 18 ans ; ou encore la loi ayant approuvé la fourniture d'une assistance économique aux enfants et adolescents orphelins pendant l'urgence sanitaire de la COVID-19.
D’autre part, a ajouté Mme Hernández Cajo, en 2021, le Gouvernement a approuvé la Politique multisectorielle nationale en faveur des enfants et des adolescents à l’horizon 2030, qui s’articule autour de cinq axes prioritaires : amélioration des conditions de vie saines, renforcement de l'autonomie et de la capacité de décision, réduction des risques liés au manque de protection, promotion de la participation active des jeunes et enfin optimisation de la gouvernance pour garantir le respect et l'exercice de leurs droits.
La Ministre a insisté sur le fait que le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant était intégré dans toutes les politiques publiques, de manière à placer les droits et le bien-être des enfants au centre des décisions de l'État tout en veillant à ce que, dans tous les domaines, leurs besoins et leurs droits soient prioritaires. Ce principe oriente les politiques dans les domaines concernant, entre autres, la migration, l'égalité, la santé, la gouvernance, le handicap, la traite des êtres humains, la population afro-péruvienne, le développement national, la sécurité des citoyens et l'inclusion sociale.
Mme Hernández Cajo a aussi fait savoir que le Pérou avait mis en place une méthodologie solide pour estimer les dépenses publiques consacrées aux enfants et aux adolescents et, entre 2016 et 2023, le Gouvernement a obtenu une augmentation de 38% du budget national dans ce domaine, a-t-elle fait valoir.
La Ministre a ensuite décrit plusieurs actions concrètes prises par le Pérou contre la violence sexuelle, qui touche principalement les filles et les adolescentes. L'Enquête nationale sur les relations sociales (ENARES) menée en 2019 par l'Institut national péruvien des statistiques a montré que, si l'on compare les années 2013, 2015 et 2019, on constate une diminution de 8,3 points de pourcentage du nombre d'adolescents qui ont subi un type quelconque de violence sexuelle au cours de l'année écoulée, a-t-elle souligné. Entre 2015 et 2019, cette diminution est de 1,2 point de pourcentage, a-t-elle précisé. La Ministre a ensuite évoqué le lancement, en 2024, de l'intervention « Prévenir pour protéger », qui promeut l'adoption d'attitudes favorables pour prévenir la violence sexuelle affectant les enfants et les adolescents et dont l’objectif est de réduire significativement la prévalence de la violence sexuelle et de renforcer le bien-être intégral des enfants et des adolescents, en garantissant un environnement plus sûr et plus protecteur pour leur développement.
Mme Hernández Cajo a souligné que le Pérou disposait déjà de services spécialisés dans la protection et la prise en charge des enfants et des adolescents, à savoir notamment de 25 unités de protection spéciale, qui interviennent dans les cas de négligence familiale et prennent des mesures de protection pour garantir le plein exercice des droits des enfants et des adolescents, ou encore de 240 centres de soins résidentiels pour enfants et adolescents privés de soins parentaux, qui leur offrent une protection et des soins complets.
Mme Hernández Cajo a également mentionné le « Plan d'action intersectoriel pour lutter contre la violence sexuelle à l'égard des enfants et des adolescents dans la province de Condorcanqui (Amazonas) », adopté en 2024, qui comprend un ensemble d'actions dans cinq domaines : santé, éducation, protection, participation et coordination intergouvernementale.
Questions et observations des membres du Comité
Le Comité avait chargé quatre de ses membres d’examiner plus avant le rapport du Pérou : M. Luis Pedernera Reyna, Mme Ann Marie Skelton, M. Philip Jaffé et Mme Faith Marshall-Harris.
Coordonnateur de ce groupe de travail, M. PEDERNERA REYNA s’est enquis de ce que le pays avait fait pour que la crise institutionnelle profonde qu’il a traversée ait le moins d’incidence possible sur la situation des enfants. Il a fait remarquer que le Congrès national péruvien était actuellement saisi de projets de loi mettant en cause les droits des enfants tels que définis par la Convention, s’agissant en particulier de l’âge de responsabilité pénale – qu’il est envisagé de baisser.
L’expert a ensuite voulu savoir quelle instance était chargée d’appliquer la Politique multisectorielle courant jusqu’à 2030 mentionnée par la cheffe de délégation, et comment cette politique permettrait de remédier au problème de la fragmentation des services publics consacrés aux enfants. Il s’est aussi interrogé sur les mesures prises pour faire connaître les droits de l’enfant parmi la population péruvienne et sur les budgets consacrés à ces droits.
M. Pedernera Reyna a d’autre part regretté que le Pérou manque de données relatives aux enfants, y compris de données ventilées par ethnie et par langue, et que l’institution du Défenseur du peuple soit l’objet d’une forte politisation.
Le coordonnateur s’est par ailleurs enquis des mesures prises pour que les entreprises industrielles et minières péruviennes respectent les droits de l’enfant. Il s’est également enquis des mesures prises contre la discrimination subie par les enfants autochtones, les enfants migrants et les enfants handicapés. Des enfants et des adolescents ont été délibérément visés par la police lors des troubles civils qui ont eu lieu au Pérou, a d’autre part constaté M. Pedernera Reyna, avant de demander où en étaient les enquêtes sur ces faits.
M. Pedernera Reyna s’est également interrogé sur la protection accordée aux enfants et aux adolescents péruviens dans le monde numérique.
Le coordonnateur s’est aussi enquis des mesures prises pour protéger les enfants contre les abus commis par des membres du clergé.
Sur ce même sujet, M. JAFFÉ a pour sa part prié la délégation de dire où en étaient les procédures engagées contre des membres du clergé.
M. Jaffé a par ailleurs relevé que la violence à l'encontre des enfants semblait prendre « des proportions épidémiques au Pérou » et a regretté que le rapport « ne donne aucune indication sur la mobilisation urgente » de l'État pour remédier à cette situation. Selon certaines publications épidémiologiques, a-t-il ajouté, le Pérou a la plus forte prévalence d'abus sexuels en Amérique du Sud, tandis que 21% des adultes interrogés estiment que s'ils ont connaissance d'un cas d'abus sexuel sur un enfant, il est préférable de ne pas intervenir. Le Comité a même entendu dire que certains considéraient les abus sexuels comme une « pratique tolérée », s’est inquiété l’expert.
M. Jaffé a ensuite relevé que plus de 50% des enfants déclarent avoir subi des violences physiques à la maison, et que le personnel scolaire serait lui aussi responsable de violences physiques, des centaines de cas de violences sexuelles ayant également été signalés. Il a demandé ce qui était fait pour mettre en œuvre les dispositions de la loi n°30403 contre les châtiments corporels. M. Jaffé a également jugé inquiétant le chiffre indiquant que 700 à 800 enfants âgés de 12 à 17 ans ont disparu chaque mois au Pérou en 2024.
Le Comité, a poursuivi l’expert, a été choqué par la plainte qu’il a reçue de la part d'une péruvienne pré-adolescente victime d'un viol incestueux à qui l'on a refusé un avortement thérapeutique et qui a été poursuivie en justice alors que sa grossesse avait été interrompue involontairement. M. Jaffé a par la suite plaidé pour que les autorités péruviennes fassent preuve d’une volonté politique forte afin de faire comprendre que l’avortement thérapeutique est une question de vie ou de mort pour les très jeunes filles victimes de viol au Pérou.
On compte chaque année au Pérou environ mille grossesses chez des écolières ou de très jeunes filles, a par ailleurs relevé M. Jaffé, avant de demander comment les autorités comptaient réduire rapidement l’incidence de ces cas.
M. Jaffé a mentionné de nombreux cas de violence sexuelle dans le district de Condorcanqui et d'autres régions éloignées.
Le système péruvien de protection de l'enfance est manifestement défaillant, a déploré M. Jaffé. Il est urgent d’appliquer un plan d'action multisectoriel qui combine la prévention et l'intervention sociale, l'application de la loi et l'intervention judiciaire, ainsi qu'une augmentation massive du nombre de professionnels formés dans tous les secteurs et dans tous les coins du pays, a-t-il déclaré. Il faut aussi s'attaquer à la pratique néfaste du mariage forcé des enfants, a-t-il ajouté.
S’agissant du Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, M. Jaffé a voulu savoir si le Pérou avait adopté une disposition légale spécifique érigeant la vente d'enfants en infraction distincte de l'infraction plus générale de traite de personnes.
M. Jaffé a ensuite salué « l’excellente loi n°30797 (2018) sur la promotion de l'éducation inclusive ». Il a toutefois relevé que, selon l'enquête nationale spécialisée sur le handicap (ENEDIS), plus de 150 000 enfants au Pérou ont une forme de handicap, alors que le Registre national des personnes handicapées en 2020 n'a enregistré que 55 946 enfants et adolescents handicapés. L’expert s’est enquis des stratégies que le Pérou mettrait en œuvre pour atteindre tous les enfants handicapés et pour réduire le fossé entre zones urbaines et rurales, lequel s'ajoute à d'autres formes de discrimination dont sont victimes les enfants handicapés et leurs familles.
Selon certains rapports, 80% des écoles n'ont inscrit aucun élève handicapé, et près de 80% des enfants et adolescents handicapés en âge scolaire ne fréquentent aucune école, spéciale ou ordinaire, s’est inquiété l’expert.
Pour sa part, MME SKELTON a rappelé les préoccupations du Comité concernant le taux élevé de grossesses chez les adolescentes au Pérou. Elle a indiqué que, dans les constatations adoptées par le Comité en 2023 dans l'affaire Camila c. Pérou, le Comité avait demandé au Pérou, entre autres, d’octroyer des réparations à la plaignante, Camila ; de garantir l'accès des filles enceintes à des services d'avortement légaux et sûrs ; et de veiller à ce que les services post-avortement soient disponibles. Mme Skelton a voulu savoir ce qui avait été fait en ce sens.
L’experte a fait état d’informations selon lesquelles l'incidence de la grossesse chez les adolescentes serait plus élevée dans la région amazonienne et parmi la population autochtone. Le Comité est informé que le Pérou a élaboré des lignes directrices sur l'éducation sexuelle complète, mais aussi qu'un projet de loi publié en 2024 reconnaît aux parents le droit de choisir comment leurs enfants recevront une éducation sexuelle complète, a fait remarquer Mme Skelton.
Les médecins sont toujours réticents à pratiquer des avortements thérapeutiques, a ajouté l’experte, avant de s’enquérir de la formation dispensée aux personnels de santé, éducatif et judiciaire concernant l'application et l'interprétation de la législation relative à l'avortement thérapeutique.
Mme Skelton a par ailleurs attiré l’attention sur l’augmentation des taux de dépression et de suicide ces dernières années au Pérou.
Mme Skelton a également fait remarquer que la pauvreté est plus élevée chez les jeunes âgées de 0 à 17 ans et que le programme national d'alimentation scolaire n'atteint pas tous les élèves.
L’experte a en outre relevé que selon une étude réalisée par le Ministère péruvien de la santé en 2005, 99,9% des enfants de moins de six ans testés dans la région de La Oroya présentaient un taux élevé de plomb dans le sang. Ce problème s'étend bien au-delà de La Oroya, a regretté l’experte, puisque d’autres rapports gouvernementaux et études scientifiques font état de niveaux élevés de plomb dans le sang d'enfants vivant à Lima, Callao, Cerro de Pasco, Rio Corrientes, Quiulacocha, Champamarca, Corcona, Carachacra, Cocachacra, Tornamesa et dans les bassins fluviaux du nord de l'Amazonie péruvienne. Le Comité est très préoccupé par cette question, a insisté Mme Skelton.
MME MARSHALL-HARRIS s’est pour sa part interrogée sur l’accès effectif de tous les enfants à une éducation gratuite et de qualité au Pérou. Certains enfants vivant dans des régions reculées n’ont pas d’école à proximité et des difficultés subsistent en matière de transport scolaire, a-t-elle fait remarquer. Des élèves seraient, de plus, victimes d’agressions sexuelles de la part d’enseignants qui bénéficieraient de l’impunité, s’est inquiétée Mme Marshall-Harris.
Mme Marshall-Harris a d’autre part voulu savoir si le Gouvernement disposait de chiffres officiels concernant le nombre d’enfants vivant dans les rues au Pérou ; la situation de chaque enfant concerné doit être évaluée au cas par cas, a-t-elle recommandé.
Mme Marshall-Harris a par ailleurs demandé si les jeunes en conflit avec la loi avaient accès à une aide juridique gratuite.
Une autre experte a salué les mesures prises par le Gouvernement pour sécuriser l’espace public, mais a voulu savoir comment les jeunes victimes d’allégations de violence commises par des agents de l’État avaient accès à la justice.
Réponses de la délégation
Le Pérou a adopté des politiques publiques qui lui ont permis de progresser dans la réalisation des droits de l’enfant, a indiqué la délégation. Le processus de décentralisation mené depuis quinze ans signifie que la Politique multisectorielle en faveur des enfants et des adolescents est appliquée à la fois par le pouvoir central et par les autorités locales, a précisé la délégation. Le Ministère de la femme et des populations vulnérables est chargé de coordonner toutes les activités à ce titre et de procéder à des évaluations périodiques, a-t-elle précisé.
L’Institut national des statistiques procède à une ventilation limitée des données, étant donné la grande variété des sources d’information, a expliqué la délégation, avant d’ajouter que l’Institut mène actuellement une étude sur l’ampleur du problème de la violence à l’égard des enfants.
Le Ministère de la femme a ouvert, dans la région de Condorcanqui, un centre d’urgence spécialisé dans la prise en charge professionnelle des victimes autochtones de violences sexuelles, a par la suite indiqué la délégation. Ces violences surviennent dans le milieu scolaire et dans le milieu familial, a-t-elle précisé, avant d’indiquer que des équipes se déplacent pour aller au contact des victimes potentielles.
Un plan d’action intersectoriel a été mis au point pour prévenir et réprimer les violences sexuelles dont les jeunes sont victimes dans la région de Condorcanqui, a poursuivi la délégation. Depuis juillet 2024, ce plan a notamment permis de former huit professionnels de la santé, de recruter deux professionnels autochtones, d’organiser 47 orientations techniques ainsi que de former des médiateurs scolaires et communautaires, a-t-elle précisé. Les autorités ont notamment pour objectif de faire en sorte que tous les enfants puissent suivre une scolarité de qualité et exempte de violence, a-t-elle indiqué.
La délégation a par ailleurs mentionné le lancement d’une application destinée aux victimes de violence sexiste, contenant notamment des informations sur les postes de police ou les centres de soutien d’urgence les plus proches. En 2024, le plan de formation continue de la police contenait plus de quarante enseignements relatifs à la violence sexiste. De plus, les policiers qui ne donnent pas suite aux plaintes de victimes de violence sexiste s’exposent à des sanctions, a indiqué la délégation.
Des cours et autres renforcements des capacités sont organisés pour favoriser l’application de la loi interdisant les châtiments corporels sur les enfants, a d’autre part fait savoir la délégation. La délégation a par la suite estimé que le sondage sur les relations sociales en 2024 devrait montrer, au sein de la population, une baisse du taux d’acceptation des châtiments corporels par rapport à 2019, date du précédent sondage. Des éléments recueillis auprès des femmes semblent déjà confirmer cette tendance, a-t-elle indiqué.
Quelque 5000 enfants disparus en 2024 ont été retrouvés, sur plus de 9000 cas, a d’autre part indiqué la délégation. Le Ministère de l’intérieur a formé plusieurs milliers de policiers à cette question, y compris s’agissant de l’utilisation des technologies de l’information et des télécommunications (TIC) pour faciliter les enquêtes. Une intervention spécifique « Te retrouver » est axée sur l’identification, avec les enfants eux-mêmes, des situations de risque de disparition, y compris les risques induits par la fréquentation d’inconnus sur les réseaux sociaux, a précisé la délégation.
La délégation a par ailleurs fait état de la volonté du Gouvernement de mener un programme de désinstitutionnalisation des enfants, expliquant que tout placement est considéré comme temporaire, en attente de solutions durables par la justice. Quelque 749 familles accueillent actuellement des enfants, a précisé la délégation, avant d’ajouter que pour favoriser la désinstitutionnalisation, les autorités s’efforcent, avec des organisations non gouvernementales (ONG), de faire connaître cette modalité d’accueil et de recruter de nouvelles familles [d’accueil]. Le nombre d’enfants placés en institution recule chaque année de 5%, a fait valoir la délégation ; plus de 20 000 enfants ont repris le chemin de leur famille, a-t-elle indiqué.
La délégation a mentionné plusieurs progrès accomplis, pendant la pandémie de COVID-19, dans le domaine du droit à l’identité, de l’inscription des enfants à l’état civil et de la délivrance d’actes de naissance et de cartes d’identité électroniques, grâce notamment à l’ouverture de services gratuits d’état civil dans les maternités. Ces mesures sont également favorables à la lutte contre la traite des êtres humains, a fait remarquer la délégation.
Le pays étant pluriculturel et plurilingue, l’état civil a créé, de plus, un service itinérant chargé d’aller au contact des populations éloignées et isolées. Les équipes ainsi dépêchées peuvent émettre des documents d’identité. Le registre civil, en partie bilingue, est en train d’être informatisé, a ajouté la délégation, précisant que plus de 400 000 actes de naissance ont été établis dans des langues autochtones. De plus, entre 2016 et 2024, 779 bureaux d’état civil ont été ouverts dans les régions où vivent les Péruviens d’origine autochtone, a indiqué la délégation.
La police a mis en place une formation continue sur la manière de tenir compte des besoins des enfants en conflit avec la loi, dans le respect des droits de l’homme, a-t-il été indiqué par ailleurs. Toute intervention policière doit tenir compte, entre autres, du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant et de respect de sa vie privée. Le personnel qui ne s’acquitte pas comme il se doit de ses fonctions sera immédiatement mis à pied, a assuré la délégation.
De nombreux autres fonctionnaires actifs dans l’espace public, de même que le grand public en général, sont formés ou sensibilisés pour détecter les risques pour la protection des enfants et des adolescents, a également indiqué la délégation.
Le Défenseur du peuple émet des recommandations sur les droits de l’enfant dont l’exécutif tient compte, a assuré la délégation.
Le Plan national sur les entreprises et les droits de l’homme prévoit, entre autres, une interdiction du travail des enfants, a d’autre part souligné la délégation. Un guide pratique dans ce domaine a été adopté, a-t-elle indiqué.
Depuis l’adoption de la loi interdisant les mariages de mineurs, aucune unionn’a été recensée en 2024, contre plus d’une centaine en 2023, a par ailleurs fait valoir la délégation.
Compte tenu du problème de la haute tolérance des communautés face au mariage des mineurs, l’important pour le Gouvernement est la « prévention pour la protection » et la sensibilisation en faveur du changement de mentalités, a par la suite ajouté la délégation.
La délégation a ensuite fait état d’une baisse depuis dix ans de 5% du taux de grossesses parmi les adolescentes, grâce notamment à un accès élargi aux contraceptifs modernes et à la forte augmentation du nombre des jeunes filles couvertes par le système national de santé. Parallèlement, le Ministère de la santé met en œuvre à l’école, progressivement, une éducation sexuelle complète, conforme aux besoins des élèves.
L’interruption volontaire de grossesse est autorisée en cas de viol ou de malformation du fœtus, a précisé la délégation.
S’agissant de l’affaire Camila, il a été précisé que cette jeune fille bénéficiait actuellement d’une couverture de santé physique et mentale complète, y compris s’agissant du remboursement de frais élevés. Un membre du Comité ayant souhaité savoir si Camila avait reçu des indemnités, la délégation a indiqué que le calcul des indemnités devant être versées à Camila était en cours.
La délégation a assuré que tout enfant né au Pérou recevait une prise en charge intégrale en matière de santé, et que le Ministère de la santé avait pour instruction de ne pas chercher à s’informer du statut migratoire des enfants qui passent par ses services.
La délégation a donné d’autres renseignements concernant la lutte contre l’anémie chez les jeunes enfants.
La délégation a ensuite décrit la lutte que mènent les autorités contre la xénophobie envers les migrants au Pérou et contre les formes de discrimination dans les médias et les réseaux sociaux. Elle a mentionné le plan d’action qui a été lancé pour donner effet à la Convention interaméricaine contre le racisme, la discrimination raciale et les formes connexes d’intolérance.
Des mesures sont en outre prises pour que les jeunes migrants aient accès au système scolaire péruvien, y compris au travers de la mise en place d’un système de reconnaissance des diplômes obtenus dans un pays tiers.
D’autres dispositions sont prises concernant l’accès des migrants mineurs au système de santé et à l’assurance maladie.
La délégation a par ailleurs fait état de la régularisation de la situation de plusieurs jeunes migrants et de leur famille élargie.
La Commission multisectorielle temporaire chargée des mesures en faveur de personnes ayant subi des préjudices pendant les manifestations a accordé un soutien, économique et autres, aux familles de plusieurs mineurs tués ou blessés, a d’autre part indiqué la délégation. Le ministère public a inculpé, dans ce contexte, 338 personnes – à savoir 35 membres de forces armées et 303 de la police nationale, a-t-elle précisé.
La délégation a également mentionné la mise en place d’unités de protection spéciale pour jeunes privés de protection familiale. Le Gouvernement est très exigeant quant à la protection devant être accordée aux enfants placés dans des institutions, des enquêtes étant lancées immédiatement en cas de soupçon de violence exercée par le personnel d’encadrement, a indiqué la délégation.
Les autorités ont lancé un plan de prise en charge et de prévention à l’intention des populations exposées aux métaux lourds, a par ailleurs fait savoir la délégation, avant d’assurer que le risque induit par l’exposition au plomb est dûment pris en compte. Le taux de contamination au plomb à La Oroya est en baisse, a-t-il été précisé.
La délégation a rendu compte des mesures prises en matière de lutte contre la pauvreté au Pérou, s’agissant en particulier des dispositions prises pour remédier au problème des enfants vivant dans les rues.
Remarques de conclusion
M. PEDERNERA REYNA a affirmé que le Pérou, pays riche de par sa population et sa diversité géographique et culturelle, devait se doter de lois et programme pour matérialiser ses obligations envers les enfants. Il a recommandé que le Gouvernement analyse les observations finales du Comité avec les enfants eux-mêmes, destinataires de toutes les mesures.
MME HERNÁNDEZ CAJO a assuré que l’État péruvien avait pleinement conscience de ses obligations au titre de la Convention. Le Gouvernement est conscient des difficultés qui persistent au détriment des enfants, s’agissant notamment de la croyance selon laquelle les enfants vaudraient moins que les adultes – une mentalité que les autorités s’efforcent de faire évoluer, a assuré la Ministre. Les autorités élaboreront en outre une stratégie pour remédier aux causes de la violence envers les enfants, a-t-elle indiqué.
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