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Examen de l’Arménie au Comité contre la torture : les experts évoquent notamment l’usage excessif de la force par la police et des affaires de torture en suspens

Compte rendu de séance

 

Le Comité contre la torture a examiné, hier matin et cet après-midi, le rapport présenté par l’Arménie au titre de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Au cours du dialogue qui s’est noué entre les experts membres du Comité et la délégation arménienne venue présenter le rapport, des experts ont salué l’adoption par le pays de ses nouveaux Codes pénal, de procédure pénale et pénitentiaire, ainsi que d’une nouvelle loi sur la police. Il a été jugé très positif que la Constitution arménienne prévoie que « la pratique des organes opérant sur la base des traités internationaux relatifs aux droits de l’homme » doit être prise en compte lors de l’interprétation des dispositions relatives aux droits et libertés fondamentaux de la Constitution.

Un expert a cependant mis en garde contre des rapports persistants faisant état d’un usage excessif de la force par la police en Arménie, en violation de la Convention. Deux raisons principales sont évoquées : un besoin de formation accrue en matière de droits de l’homme, et l’impunité des policiers auteurs de mauvais traitements. L’expert a rappelé que la police avait été accusée de recours excessif à la force lors de manifestations en 2008, en juin 2015, juillet 2016, avril 2018, septembre 2023 et juin 2024.

L’expert a reconnu les progrès réalisés par l’Arménie concernant les enquêtes sur la conduite de la police, mais a souligné que de nombreuses affaires de torture restent en suspens pendant des années, que les signalements aboutissent rarement à des poursuites pénales, et que, lorsque celles-ci ont lieu, les enquêtes sont inefficaces.

Une experte s’est interrogée sur la formation dispensée au personnel militaire, aux agents de renseignement et aux gardes de sécurité en matière de prévention de la torture et de recours approprié à la force dans le contexte des tensions persistantes liées au conflit militaire au Haut-Karabakh. Saluant par ailleurs les avancées en matière de conditions de détention en Arménie depuis le précédent examen, l’experte a exprimé des préoccupations concernant la surpopulation et l’exiguïté des cellules dans certains établissements pénitentiaires.

Présentant le rapport, Mme Anna Karapetyan, Vice-Ministre de la Justice de la République d’Arménie, a précisé qu’après la dissolution du Service spécial d’enquête en 2021, le mandat d’enquêter sur les actes de torture avait été transféré à la Commission d’enquête de la République d’Arménie. Une division spécialisée, composée de huit enquêteurs, a été mise en place au sein de cette Commission pour traiter ces affaires.

Mme Karapetyan a insisté sur le fait que la réforme de la police 2020-2022 avait considérablement renforcé le contrôle civil de la police, avec en particulier la création du Ministère de l’intérieur en 2023 et, en son sein, d’un département chargé de mener des procédures disciplinaires concernant la conduite de la police. De plus, la loi de 2024 portant création d’un nouveau corps de police traduit le passage d’un service militarisé à une approche policière moderne, spécialisée dans la gestion des foules, et comprend des dispositions détaillées établissant des critères clairs de légalité et de proportionnalité dans le recours à la force et aux mesures coercitives par les agents de police, a dit Mme Karapetyan.

Mme Karapetyan a mentionné par ailleurs l’introduction de nouveaux types de mesures préventives constituant des alternatives non privatives de liberté à la détention. Elle a aussi cité les mesures prises en faveur de la réhabilitation des victimes de torture, notamment une indemnisation pour soins médicaux et l’accès à des services psychologiques et juridiques.

Enfin, Mme Karapetyan a rappelé que le Comité contre la torture, dans ses dernières observations finales sur l’Azerbaïdjan, avait exprimé sa profonde préoccupation concernant (…) le maintien en détention de 23 Arméniens. Ces préoccupations demeurent d’actualité, car la situation continue de poser de graves et permanents risques pour les droits, la sécurité et la dignité des personnes concernées, a affirmé la Vice-Ministre.

La délégation était composée de Mme Hasmik Tolmajian, Représentante permanente de l’Arménie auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que d’autres représentants des ministères arméniens des Affaires étrangères, de l’Intérieur, de la Santé, et du Travail et des Affaires sociales. Le pouvoir judiciaire et la Commission d’enquête de la République d’Arménie étaient aussi représentés.

Pendant le dialogue avec le Comité, la délégation a précisé en particulier que le Ministère de l’Intérieur lançait une procédure disciplinaire pour chaque cas présumé de torture ou de mauvais traitement par la police. Ainsi, en 2024, 67 procédures disciplinaires ont-elles été ouvertes, entraînant le renvoi de trois agents.

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport de l’Arménie et les rendra publiques à l’issue de sa session, le 2 mai prochain.

Le Comité achèvera demain, à partir de 15 heures, l’examen du rapport de la France, entamé ce matin.

Examen du rapport de l’Arménie

Le Comité est saisi du cinquième rapport périodique de l’Arménie (CAT/C/ARM/5), rapport établi sur la base d’une liste de points à traiter qui avait été soumise au pays par le Comité.

Présentation

Présentant le rapport, Mme Anna Karapetyan, Vice-Ministre de la Justice de la République d’Arménie et cheffe de la délégation, a notamment souligné que son pays avait fait de la lutte contre la torture et les traitements inhumains et dégradants un objectif stratégique prioritaire dans toutes ses stratégies sectorielles.

Dans ce contexte, Mme Karapetyan a indiqué que la réforme de la police 2020-2022 avait considérablement renforcé le contrôle civil de la police, avec en particulier la création du Ministère de l’intérieur en 2023 et, en son sein, du département de la sécurité intérieure et de la lutte contre la corruption chargé d’engager et de mener des procédures disciplinaires concernant la conduite de la police. De plus, la stratégie de réforme de la police et son plan d’action pour 2024-2026 prévoient des formations à grande échelle à destination des policiers, des enquêteurs et des professionnels de la santé sur la documentation, le signalement et les enquêtes relatives à la torture.

D’autre part, a poursuivi Mme Karapetyan, les nouveaux Codes pénal, de procédure pénale et pénitentiaire sont entrés en vigueur en 2022. Le nouveau Code pénal est conforme à l’article premier de la Convention, y compris en ce qui concerne les crimes commis par des fonctionnaires ; il reconnaît l’élément intentionnel du crime et garantit une peine proportionnelle à la gravité de l’acte, conformément à l’article 4. Le Code interdit en outre la grâce, l’amnistie et la prescription pour les actes de torture. Axé sur les droits de l’homme, ce nouveau Code instaure un seuil d’ouverture d’enquête relativement bas : si le nombre d’affaires pénales ouvertes a augmenté de ce fait, cette approche permet également de filtrer les plaintes non fondées, a souligné la Vice-Ministre.

En ce qui concerne le nouveau Code de procédure pénale, il garantit les droits fondamentaux des personnes arrêtées, conformément aux normes internationales : droit de notifier un tiers de sa détention, droit à l’assistance d’un avocat et d’un agent de santé, et droit d’être informé dès le moment de la privation de liberté de ses droits et obligations ainsi que des raisons de l’arrestation. Mme Karapetyan a également précisé que le Code de procédure pénale impose l’enregistrement audio et vidéo de presque tous les actes d’enquête, y compris les interrogatoires.

Parallèlement, le nouveau Code pénitentiaire prévoit que l’examen médical soit effectué immédiatement après le transfert, au plus tard dans les 24 heures, et hors de portée de voix du personnel non médical.

Mme Karapetyan a également mentionné l’existence de mécanismes de plainte internes et externes, notamment un mécanisme national comprenant une plateforme électronique unifiée de dénonciation. Ce système ayant prouvé son efficacité dans les établissements pénitentiaires, le Ministère de l’intérieur a entamé un processus visant à l’étendre aux centres de détention de la police, a précisé la Vice-Ministre.

Elle a en outre insisté sur l’importance de la loi de 2024 portant création d’un nouveau corps de police destiné à remplacer les « troupes de police » actuelles : cela traduit le passage d’un service militarisé à une approche policière moderne, spécialisée dans la gestion des foules. Cette loi, qui entrera en vigueur en novembre 2025, comprend des dispositions détaillées établissant des critères clairs de légalité et de proportionnalité dans le recours à la force et aux mesures coercitives par les agents de police.

La Vice-Ministre a aussi indiqué qu’après la dissolution du Service spécial d’enquête en 2021, le mandat d’enquêter sur les actes de torture avait été transféré à la Commission d’enquête de la République d’Arménie. Une division spécialisée, composée de huit enquêteurs, a été mise en place au sein de cette Commission pour traiter ces affaires.

Elle a également fait état du lancement d’un processus d’optimisation ou de rénovation des installations pénitentiaires et des lieux de détention dans les commissariats, ainsi que de la création d’un Centre médical pénitentiaire intégré au système de santé publique.

Mme Karapetyan a mentionné par ailleurs l’introduction de nouveaux types de mesures préventives constituant des alternatives non privatives de liberté à la détention, telles que l’assignation à résidence et la surveillance administrative. Elle a cité les mesures prises en faveur de la réhabilitation des victimes de torture, notamment une indemnisation pour soins médicaux et l’accès à des services psychologiques et juridiques. Elle a également souligné l’importance accordée par l’Arménie au renforcement de la lutte contre la violence domestique.

Enfin, Mme Karapetyan a rappelé que le Comité contre la torture, dans ses dernières observations finales sur l’Azerbaïdjan, avait exprimé sa profonde préoccupation concernant (…) le maintien en détention de 23 Arméniens. Ces préoccupations demeurent d’actualité, a-t-elle affirmé, car la situation continue de poser de graves et permanents risques pour les droits, la sécurité et la dignité des personnes concernées.

Questions et observations des membres du Comité

M. Peter Vedel Kessing, corapporteur du Comité pour l’examen de l’Arménie, a d’abord salué l’adoption par l’Arménie d’un nouveau Code pénal, d’un nouveau Code de procédure pénale et d’un nouveau Code pénitentiaire, ainsi que de la nouvelle loi sur la police mentionnée par la Vice-Ministre. Il a également jugé très positif que la Constitution arménienne prévoie que « la pratique des organes opérant sur la base des traités internationaux relatifs aux droits de l’homme » doit être prise en compte lors de l’interprétation des dispositions relatives aux droits et libertés fondamentaux inscrites dans la Constitution.

M. Kessing a ensuite relevé que la définition de la torture dans le droit arménien posait problème, notamment parce que la définition de « fonctionnaires de l’État » était trop étroite, excluant par exemple le personnel des institutions psychiatriques ou les agents de santé.

L’expert a souhaité savoir si la suppression du délai de prescription, prévue par le nouveau Code pénal, s’appliquait rétroactivement aux cas de torture commis dans le passé. À ce sujet, il a demandé ce qu’il adviendrait de l’affaire Virabyan de 2012 : ce justiciable, ayant participé à des manifestations antigouvernementales, avait été arrêté et soumis à de graves tortures en 2004 ; mais l’affaire pénale contre les policiers responsables avait été classée en raison du délai de prescription de dix ans.

Par ailleurs, l’expert a mis en garde contre des rapports persistants faisant état d’un usage excessif de la force par la police, en violation de la Convention. Deux raisons principales sont évoquées : un besoin de formation accrue en matière de droits de l’homme, et l’impunité des policiers auteurs de mauvais traitements. M. Kessing a donc interrogé la délégation sur l’état d’avancement de la réforme de la police, en particulier sur l’accès effectif des personnes arrêtées à un avocat, et sur le caractère obligatoire de l’enregistrement des interrogatoires.

Il a également demandé quelles suites avaient été données aux recommandations du Comité concernant la nécessité de mener des enquêtes impartiales et efficaces sur les allégations d’usage excessif de la force par la police lors d’une manifestation en mars 2008, au cours de laquelle dix personnes avaient trouvé la mort. Il a regretté la lenteur de l’enquête, désormais vieille de dix-sept ans.

M. Kessing a rappelé que la police avait également été accusée d’un recours excessif à la force lors de manifestations en juin 2015, juillet 2016, avril 2018, septembre 2023 et juin 2024. Ces événements, dont bon nombre font encore l’objet d’enquêtes, montrent l’importance de renforcer la préparation et la gestion des opérations de maintien de l’ordre, selon l’expert.

Concernant les enquêtes sur la conduite de la police, M. Kessing a reconnu les progrès réalisés par l’Arménie depuis le précédent examen, mais a souligné que la qualité des enquêtes demeurait problématique. Il semblerait que de nombreuses affaires de torture restent en suspens pendant des années, que les signalements n’aboutissent que rarement à des poursuites pénales, et que, lorsque celles-ci ont lieu, les enquêtes soient inefficaces. Il a cité, à cet égard, des données issues d’organisations de la société civile selon lesquelles, en 2022, 340 affaires pénales liées à des actes de torture auraient été ouvertes, mais une seule renvoyée devant un tribunal.

Il a aussi relevé que, depuis mai 2022, la fonction d’enquête sur les cas de torture avait été transférée à la Commission d’enquête, mais des doutes subsistent quant à son niveau d’indépendance institutionnelle et fonctionnelle, pourtant requis pour ce type d’enquête.

L’expert a par ailleurs fait état d’informations selon lesquelles les forces arméniennes auraient violé les règles du droit international humanitaire et des droits de l’homme durant le conflit avec l’Azerbaïdjan. Il a demandé si l’Arménie avait pris des mesures pour garantir que les crimes de guerre présumés soient soumis rapidement à une enquête impartiale menée par un organe indépendant.

Parmi ses autres questions figuraient celles portant sur le nombre de plaintes pour torture reçues par le Défenseur des droits humains, qui fait aussi office de mécanisme national de prévention de la torture au titre du Protocole facultatif se rapportant à la Convention. Il a demandé quel suivi l’État donne aux recommandations de cette instance. Enfin, il a exprimé l’espoir que l’Arménie envisagerait de reconnaître la compétence du Comité pour recevoir et examiner des plaintes individuelles.

M. Kessing a salué les nouvelles réformes et initiatives que l’Arménie a mises en œuvre ou s’apprête à mettre en œuvre. Il a demandé si l’Arménie envisageait d’aggraver les peines pour faits de torture – faits qui, a relevé l’expert, sont actuellement sanctionnés de trois à sept ans de prison.

Mme Ana Racu, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport de l’Arménie , a tout d’abord salué les mesures prises par l’Arménie pour renforcer les capacités de la police et des gardiens de prison en matière de prévention de la torture et des mauvais traitements, y compris dans le contexte des manifestations. Toutefois, malgré les progrès accomplis, des efforts restent nécessaires pour éradiquer totalement la torture, a relevé l’experte.

En particulier, les programmes de formation ne seraient pas dispensés de manière uniforme sur l’ensemble du territoire et pour toutes les unités concernées, et manqueraient de mécanismes de suivi. L’experte a souhaité savoir quels mécanismes de contrôle sont en place pour garantir que les policiers reçoivent une formation adéquate et soient sanctionnés en cas de recours excessif à la force ou de mauvais traitements lors d’arrestations ou de détentions.

De même, Mme Racu s’est interrogée sur la formation dispensée au personnel militaire, aux agents de renseignement et aux gardes de sécurité en matière de prévention de la torture et de recours approprié à la force à l'intention, dans le contexte des tensions persistantes liées au conflit militaire au Haut-Karabakh. Vu la nature sensible des opérations de sécurité dans cette région, une formation efficace est essentielle pour assurer la protection des droits de l'homme et prévenir les abus potentiels pendant et après les engagements militaires, a estimé Mme Racu.

L’experte a salué les avancées en matière de conditions de détention depuis le précédent examen, notamment la rénovation de la prison d’Abovyan, l’installation de systèmes de ventilation et de chauffage dans celle d’Armavir, ou encore l’amélioration de la qualité des repas servis aux détenus. Elle a toutefois exprimé des préoccupations persistantes, notamment concernant la surpopulation et l’exiguïté des cellules dans certains établissements pénitentiaires, ainsi que les restrictions imposées aux communications entre les détenus et leurs familles.

Un autre sujet de préoccupation concerne la santé des détenus : certains ne seraient pas transférés vers des établissements médicaux en raison de l’impossibilité pour l’administration pénitentiaire de fournir un agent accompagnateur. Mme Racu a également souligné la pénurie de personnel médical dans les prisons et a souhaité savoir quels protocoles étaient en place pour documenter les blessures résultant de tortures ou de violences.

Elle a par ailleurs interrogé la délégation sur les mesures prises par le gouvernement pour démanteler les hiérarchies informelles et les gangs criminels exerçant un pouvoir dans plusieurs établissements pénitentiaires. Elle a insisté sur la nécessité de garantir une protection égale à tous les détenus, et de prévenir toute forme de discrimination ou d’abus – y compris d’abus sexuels – de la part d’autres détenus ou de chefs informels.

Mme Racu a en outre demandé quelles mesures avaient été prises pour accroître le nombre de personnels pénitentiaires. Elle a souligné qu’en vertu des normes internationales, toute unité accueillant des femmes détenues doit disposer, à tout moment, d’un personnel pénitentiaire féminin en nombre suffisant.

Elle a indiqué que, selon les défenseurs des droits de l’homme, on a recensé 123 décès violents de militaires arméniens en 2023-2024 dans des situations autres que le combat. Elle a demandé ce qu’il en était de la supervision des unités militaires, notamment en matière de prévention des actes de violence, de harcèlement et d’abus sexuels.

Mme Racu a enfin demandé si l’Arménie envisageait de ratifier la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul).

Un autre expert du Comité a regretté le recours persistant à des méthodes de contrainte physique, y compris l’enchaînement, appliquées à des personnes handicapées placées dans des institutions fermées

Un expert a souhaité savoir si l’Arménie détenait toujours des prisonniers de guerre azerbaïdjanais et, le cas échéant, quelles procédures étaient en place pour enquêter sur les allégations de mauvais traitements à leur encontre.

Réponses de la délégation

La délégation a précisé qu’une procédure d’alignement de la loi existante sur les nouvelles dispositions du Code de procédure pénale était en cours.

Le Gouvernement travaille en étroite collaboration avec le Défenseur des droits humains en Arménie, a précisé la délégation. Le Défenseur a accès à tous les documents dont il a besoin dans l’exercice de ses fonctions, et peut émettre des propositions législatives et autres. Il joue également le rôle de mécanisme national de prévention ; à ce titre, ses recommandations ont été prises en compte lors de la rénovation des lieux de détention. Le Défenseur ne peut pas encore saisir les tribunaux.

Les autorités redoublent d’efforts pour former tous les fonctionnaires ou professionnels concernés par la prévention de la torture, a poursuivi la délégation. Le personnel pénitentiaire bénéficie de ces formations depuis plusieurs années, les règles Nelson Mandela (sur le traitement des détenus) ayant été traduites en arménien ; la démarche de formation est en train d’être étendue aux fonctionnaires de police judiciaire et communautaire. Le Protocole d’Istanbul (Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants) devrait s’appliquer d’ici peu, a précisé la délégation.

S’agissant des conditions de détention, un certain nombre de cellules ont été rénovées et adaptées aux besoins des personnes à mobilité réduite et des femmes détenues. Les salles de visite familiale ont également été rénovées. D’autre part, plus de 95 % des détenus sont très satisfaits de l’alimentation en prison et les membres de leurs familles ne sont plus obligés de leur faire parvenir de la nourriture, a-t-il été précisé. De plus, des paquets de produits d’hygiène sont désormais distribués chaque mois à tous les détenus du pays. Les autorités veillent par ailleurs à ce que les personnes détenues reçoivent l’éducation ou la formation dont elles ont besoin.

La délégation a assuré qu’une personne ayant commis un acte de torture ne pourrait bénéficier d’une mesure d’amnistie. Elle a précisé que tout agent de l’État susceptible d’être inculpé de torture verrait sa responsabilité engagée. D’autre part, l’Arménie mettra sa loi en conformité avec le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

La délégation a communiqué des informations statistiques sur le nombre de personnes placées en détention ou soumises à des mesures de restriction de liberté avant le jugement. Elle a fait état d’une diminution marquée du nombre de ces détentions depuis l’adoption du nouveau Code de procédure pénale en 2022. La délégation a par ailleurs mentionné des initiatives en cours pour élargir la portée des services juridiques pro bono.

La délégation a aussi mentionné que le nouveau Code pénal érige en infraction le fait d’appartenir à une hiérarchie criminelle interne dans les prisons. De plus, un projet de loi sur cette question est à l’étude au Parlement. De 2022 à 2024, 63 affaires ont été ouvertes, trois verdicts ayant déjà été prononcés, dont deux acquittements, a-t-il été précisé.

Un autre domaine prioritaire du Gouvernement est la lutte contre la corruption dans les institutions pénitentiaires, a indiqué la délégation. Une nouvelle loi garantit ainsi la confidentialité des lanceurs d’alerte dans le système pénitentiaire. Parallèlement, des stratégies sont appliquées pour garantir la bonne mise en œuvre des mesures contre la corruption au sein de la police, a ajouté la délégation.

Environ dix pour cent des postes de gardiens de prison sont vacants, a-t-il été précisé.

Les autorités pénitentiaires prennent par ailleurs des mesures pour faire en sorte que tous les justiciables soient détenus dans des conditions d’égalité , ainsi que pour réduire l’incidence des suicides et de l’automutilation parmi les détenus, notamment par le biais de procédures d’évaluation des risques à l’arrivée en détention. De plus, les autorités sont en train de rénover les prisons et les tribunaux pour mieux répondre aux besoins des justiciables.

La délégation a mentionné d’autres progrès accomplis en Arménie dans la prise en charge médicale des détenus, avec notamment une meilleure intégration dans le système de santé publique et l’augmentation des effectifs de personnels médicaux qualifiés en prison.

La délégation a fait état d’autres réformes en vue d’introduire une approche axée sur les droits de l’homme dans la gestion de la police et d’autres institutions publiques. En particulier, les agents suivent désormais des formations sur les droits fondamentaux – y compris le droit de manifester –, la prévention de la torture ou encore l’utilisation proportionnée de la force. Une méthode d’évaluation de la qualité de cette formation sera mise en œuvre au cours du premier semestre 2025.

La vidéosurveillance des opérations de police est utilisée à grande échelle, des caméras vidéo étant en outre installées à l’entrée et dans les commissariats. Toute personne arrêtée pour un bref laps de temps doit être placée, dans le commissariat, dans une salle spécialement aménagée.

Le Ministère de l’intérieur lance une procédure disciplinaire pour chaque cas présumé de torture ou de mauvais traitement par la police, a-t-il été précisé : en 2024, 67 procédures ont ainsi été ouvertes, entraînant le renvoi de trois agents. Dans les cas les plus graves, les procédures disciplinaires sont suspendues au profit de poursuites judiciaires, a indiqué la délégation.

La délégation a fait état d’une modification en cours, avec l’aide du Conseil de l’Europe, du protocole de signalement, par le personnel médical, des soupçons de torture ou de mauvais traitement.

De même, le Gouvernement prépare un projet de loi pour mieux protéger les droits de l’homme pendant les manifestations. Des procédures normalisées ont déjà été élaborées concernant le recours proportionné à la force, notamment l’utilisation des armes et de l’équipement tactique par les agents de police. Plus de 300 agents ont reçu une formation de cinq semaines sur ces questions.

S’agissant d’affaires évoquées par les experts, la délégation a précisé notamment que les faits survenus pendant les manifestations de mars 2008 étaient toujours sous enquête, trois agents ayant été révoqués en 2023. Des équipes d’enquête ont été créées pour traiter ces affaires très complexes ; plus de mille actes d’enquête et autres actions judiciaires ont été réalisés.

S’agissant de l’affaire Virabyan, la Cour de cassation arménienne a statué que la Convention avait préséance sur la loi nationale et indiqué que toute norme imposant une prescription pour des faits de torture était incompatible avec le droit international. En conséquence, les décisions du tribunal de première instance ont été cassées et deux agents condamnés pour mauvais traitements, a-t-il été précisé.

La délégation a répondu à d’autres questions des experts du Comité relatives au contrôle du respect des droits des personnes âgées et des personnes handicapées vivant dans des institutions. Elle a fait état, en particulier, de l’ouverture de canaux de communication pour faciliter la dénonciation des mauvais traitements subis, ainsi que de la formation des personnels concernés par la prévention de ces mauvais traitements.

La délégation a enfin fait état d’une réforme législative en cours pour mieux protéger les enfants contre les châtiments corporels, le harcèlement et d’autres formes de violence dans tous les environnements, y compris la famille et les institutions de santé.

Il n’y a pas de prisonniers de guerre azerbaïdjanais dans les prisons arméniennes, a précisé la délégation. Elle a fait part, en revanche, de la préoccupation de son pays face à la situation des prisonniers de guerre arméniens en Azerbaïdjan, où ils sont victimes, entre autres, de mauvais traitements, de traitements dégradants et d’actes de torture, a-t-elle mis en garde.

Il a été précisé qu’en 2022, le président de la Commission d’enquête de la République d’Arménie avait créé une subdivision de la Commission chargée d’enquêter de manière autonome sur les crimes de torture. En 2024, cette unité a ouvert des procédures dans six cas concernant des personnes qui auraient porté des uniformes arméniens et parlé arménien dans le cadre du conflit. Il n’a pas encore été possible d’identifier ces personnes et les enquêtes se poursuivent.

La délégation a mentionné, d’autre part, les efforts des autorités pour identifier les comportements déviants au sein des forces armées arméniennes, ainsi que pour former les soldats aux principes des droits de l’homme.

La sanction pour faits de torture peut atteindre douze ans de réclusion en présence de circonstances aggravantes, et quinze ans si les faits sont commis en bande organisée, a-t-il été précisé.

La délégation a enfin mentionné la création en cours d’un organisme chargé d’assurer le suivi des recommandations faites par les organes de traités, y compris le Comité contre la torture.

La délégation a répondu à d’autres questions des experts portant notamment sur la politique d’asile de l’Arménie, la lutte contre la discrimination raciale, la prévention de la violence domestique et fondée sur le genre, ainsi que sur le processus en cours de désinstitutionnalisation des personnes handicapées.

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