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Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes auditionne des organisations de la société civile au sujet de la mise en œuvre de la Convention dans cinq pays

Compte rendu de séance

 

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a auditionné cet après-midi des organisations de la société civile au sujet de l’application de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes dans les cinq pays dont les rapports restent à examiner d’ici la fin de cette 86ème session, prévue pour le vendredi 27 octobre, à savoir la France, l’Albanie, le Malawi, l’Uruguay et le Nicaragua.

S’agissant de la France, ont notamment été soulevées les questions relatives à la situation dans des territoires d’outre-mer, à l’interdiction du voile, aux violences et discriminations fondées sur le sexe, à la traite de personnes ou encore à l’indisponibilité des pilules abortives.

En ce qui concerne l’Albanie, ont notamment été évoquées les disparités entre hommes et femmes dans l’emploi et les violences fondées sur le genre, y compris les violences et discriminations à l’égard des femmes LBTI.

Pour ce qui est du Malawi, l’attention a été attirée sur la situation des femmes handicapées et des femmes privées de liberté, sur les questions relatives à l’avortement, ainsi que sur les violences contre les femmes, les cas de mariages d’enfants et de grossesses adolescentes, ou encore les discriminations rencontrées par la communauté LBTI.

S’agissant de l’Uruguay, a particulièrement été évoquée l’augmentation du nombre de femmes privées de liberté.  La situation des femmes et des filles autochtones et d’ascendance africaine, ainsi que les violences sexuelles contre les enfants et les féminicides ont également retenu l’attention.

En ce qui concerne le Nicaragua, la situation des femmes autochtones et d’ascendance africaine, celle des femmes prisonnières politiques ou encore la fermeture des organisations de défense des droits des personnes LGBTIQ+ ont été évoquées. 

Plusieurs membres du Comité sont également intervenus durant la séance.

 

Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l’examen du rapport de la France.

 

AUDITION DE LA SOCIÉTÉ CIVILE

S’agissant de la France

Kimbe Red a attiré l’attention sur deux crises sanitaires majeures concernant les Antilles françaises, à savoir l’empoisonnement au chlordécone et le manque d'eau potable. Malgré la connaissance de son extrême toxicité, la France a autorisé ce pesticide dans les bananeraies des années 70 aux années 90 et aujourd’hui, le chlordécone est partout : dans le sol, l’eau et les aliments. Alors que 90% de la population a été contaminée – dont 54% de femmes –, seules 14 personnes ont été indemnisées en 2022. L’organisation non gouvernementale (ONG) a insisté sur les défis rencontrés dans tous les territoires d’outre-mer pour un accès à l’eau potable.

Notre Affaire à Tous a jugé préoccupant que dans son rapport périodique, la France ne fasse aucune référence aux changements climatiques et à leurs impacts sur les droits des femmes.  Alors que la France échoue à réduire significativement ses émissions de gaz à effet de serre, il est indispensable qu’elle respecte l’Accord de Paris, et cela passe notamment par la mise en place de mesures fortes d’atténuation du climat et la nécessaire réduction des énergies fossiles, a ajouté l’ONG.

Union of Francophone Women of Oceania New Caledonia (UFFO NC) a affirmé que les femmes restaient les grandes oubliées du processus de décolonisation de la Nouvelle-Calédonie. L’ONG a notamment attiré l’attention sur le fait que les instances et les organes décisionnels en Nouvelle-Calédonie comportent peu ou pas de femmes et qu’une personne détenue sur cinq l’est pour des faits de violences conjugales. Les cas de féminicides sont de plus en plus nombreux, a-t-elle ajouté.

Le Syndicat des travailleuses et travailleurs du sexe (STRASS) a dénoncé les politiques publiques relatives à la prostitution comme portant gravement atteinte aux droits fondamentaux des travailleuses du sexes. Plusieurs entités des Nations Unies soulignent les conséquences délétères de la criminalisation du travail du sexe sur la santé et la sécurité des travailleuses du sexe, a-t-il rappelé.  Le Syndicat a attiré l’attention sur les obstacles rencontrés par la communauté des travailleuses du sexe pour avoir un accès à la santé et aux droits reproductifs.

Development and Alternatives with Women for a New Era (DAWN) a dénoncé les 196 essais nucléaires effectués par la France entre 1966 et 1996 et a plaidé pour que la France traite pleinement l’impact de ces essais sur la santé de la population de la Polynésie, notamment sur les femmes et les filles.

Action Droits des Musulmans (ADM) a déploré qu’en France, les autorités décident de ce que les femmes doivent porter, avec une série d'interdictions vestimentaires concernant notamment le port du voile dans les établissements scolaires mais aussi dans le sport, comme lors des Jeux olympiques. Ce sont les filles et les femmes issues des minorités ethniques et musulmanes qui sont visées, a ajouté l’ONG, évoquant en outre l’interdiction de l’abaya.

Regards de femmes a affirmé que la menace principale envers les droits des femmes provient des atteintes fondamentales à la Convention de la part d’«idéologues transactivistes ». S’il est évident que les adultes transsexuels ont des droits en tant que personnes, ceux-ci ne doivent pas se substituer à celui des femmes et des filles, ni les amoindrir, a poursuivi l’ONG. La France ne saurait laisser un groupuscule idéologique contester la réalité biologique du sexe féminin, agresser ceux qui affirment cette réalité ni tolérer des mutilations envers des enfants, a-t-elle déclaré.  L’ONG a demandé à la France de surseoir à tout traitement hormonal ou chirurgical sur des mineurs transidentifiés.

Coordination SUD a rappelé que le France était redevable de sa politique de solidarité internationale. Ainsi, la diplomatie féministe a été inscrite pour la première fois dans la loi d’orientation et de programmation relative à la solidarité internationale de la France en 2021, a relevé l’ONG avant de demander que les engagements du pays visant à augmenter la prise en compte du genre dans son aide publique au développement d’ici 2025 soient tenus et que les financements du Fonds de soutien aux organisations féministes soient pérennisés, au-delà de 2027. 

La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) a mis l’accent sur les manquements de l'État français dans la mise en œuvre des droits sexuels et reproductifs des femmes. L’organisation a fait part de ses préoccupation quant à l’indisponibilité des pilules abortives et l'absence de réglementation du recours à la clause de conscience en matière d'avortement. En effet, la France a connu cinq mois de pénurie importante d'approvisionnement de l'un des deux médicaments nécessaires pour réaliser une IVG médicamenteuse, a-t-elle insisté, déplorant en outre que certains hôpitaux français se soient retrouvés dans l'impossibilité de proposer des avortements parce que la plupart de leurs médecins refusaient de pratiquer l'avortement.

La Commission nationale consultative des droits de l’homme de la France a indiqué qu’après le dernier examen de la France par le Comité, les droits des femmes ont été érigés en grande cause du quinquennat depuis 2017. Toutefois, la situation s’est dégradée sur de nombreux plans, a-t-elle estimé. Beaucoup de femmes se sont mobilisées pour un salaire décent et ont subi beaucoup de répressions ; en outre, beaucoup de pensions de retraites des femmes sont inférieures à celles des hommes. Par ailleurs, les émeutes survenues en France cet été ont conduit à la stigmatisation des familles monoparentales, y compris des mères issues de l’immigration, a fait observer la Commission.  Les violences conjugales sont mieux prises en compte par les autorités mais les condamnations restent faibles, a poursuivi la Commission, avant de souligner que les cyberviolences explosent.  La Commission a encouragé le Comité à exhorter la France à modifier l’incrimination de viol pour l’articuler autour de la notion de consentement, conformément à la Convention d’Istanbul que la France a ratifiée.  Des rapports récents montrent que le sexisme ne recule pas en France et s'aggrave auprès des jeunes générations, a en outre indiqué la Commission.  Par ailleurs, a-t-elle ajouté, La France est le pays européen où sont recensées le plus de victimes de traite des êtres humains, mais depuis deux ans, il n’existe plus aucune politique en la matière.

La Défenseure adjointe des droits de la France en charge de la lutte contre les discriminations et de la promotion de l’égalité a indiqué que les discriminations fondées sur le sexe continuent de représenter un phénomène de grande ampleur. Elle a en outre déploré l’absence de mise en œuvre de la politique d’éducation à la sexualité dès le plus jeune âge ; la persistance des inégalités femmes-hommes et des discriminations fondées sur le sexe dans le domaine de l’emploi ; et les inégalités salariales.  Elle a plaidé pour la nécessaire revalorisation des emplois à prédominance féminine.  Elle a également déploré des cas de harcèlement sexuel encore beaucoup trop fréquents et des discriminations à l’égard des femmes musulmanes. Les femmes portant le voile rencontrent de plus en plus d’obstacles dans l’accès à des emplois, a-t-elle souligné. La défenseure a également indiqué être régulièrement saisis par des femmes étrangères victimes de proxénétisme ou de violences conjugales qui n’arrivent pas à faire valoir leur droit de séjour alors qu’elles remplissent les conditions prévues par la loi pour y avoir accès.

S’agissant de l’Albanie

The Monitoring Network Against Gender Based Violence a relevé des améliorations législatives en Albanie en matière de lutte contre la violence fondée sur le genre, d’aide juridictionnelle apportée au victimes, ou encore d’emploi. Pour autant, des défis demeurent, a souligné l’ONG, affirmant notamment que la législation sur l’égalité doit être revue. Il conviendrait notamment d’aligner le Code pénal sur la Convention d’Istanbul et de créer un observatoire des féminicides, a-t-elle indiqué.

Gender Alliance for Development Centre representing the Albanian Coalition for Labour Rights a estimé que les travailleuses en Albanie étaient particulièrement vulnérables et qu’il était crucial de répondre à leurs préoccupations. Les disparités entre les hommes et les femmes se poursuivent, l’écart de rémunération entre hommes et femmes étant de 27,2% en 2022, a notamment fait observer l’ONG.

Alliance Against Discrimination Of LGBTI a dénoncé les violences et la discrimination qui persistent à l’égard des femmes albanaises LBTI, y compris à l’égard des femmes transgenres. L’organisation a plaidé pour des mesures visant à sauvegarder les droits de ces femmes, telles que l’adoption d’une législation sur la reconnaissance de l’identité de genre des femmes transgenres, l’interdiction des chirurgies non thérapeutiques sur les bébés intersexués, ou encore l’adoption d’une législation assurant les droits relatifs au mariage pour les couples du même sexe.

Human Rights in Democracy Centre a soulevé un certain nombre de préoccupations relatives aux services de soutien pour les victimes de violences basées sur le genre ; à l’exécution des décisions de justice liées aux affaires de violence fondée sur le genre ; à l’accès au logement social pour les groupes marginalisés et les victimes ; à la dotation en personnel dans les unités administratives chargées des affaires de violence domestique ; ou encore à la loi-cadre sur les violences de genre.

S’agissant du Malawi

Disabled Women Organisations a rappelé que la Constitution du Malawi interdisait les discriminations fondées sur le handicap et le genre.  Pour autant, les femmes handicapées dans ce pays continuent de se heurter à la discrimination et à la marginalisation et la législation en vigueur ne tient pas compte des discriminations croisées et multiples à l’encontre des femmes et des filles handicapées.

Ivy Foundation a attiré l’attention sur les discriminations généralisées rencontrées par la communauté LBTIQ au Malawi, y compris en ce qui concerne l’accès aux soins de santé et à la justice. Ainsi, la stigmatisation et la discrimination répandues dans les établissements de soins de santé ont créé des obstacles importants, dissuadant les individus de rechercher les soins médicaux essentiels, notamment lorsqu’il s’agit de maladies comme le VIH/sida. L’ONG a plaidé en faveur d’une révision complète des lois discriminatoires et d’un programme national inclusif afin de répondre aux besoins de la communauté LBTIQ.

Young Women's Consortium on Women's Reproductive Rights a fait observer que si la législation consacre le droit légal d’interrompre une grossesse lorsque cela présente un risque direct pour la vie de la personne enceinte, il n’en demeure pas moins que la criminalisation de l’avortement reste un formidable obstacle juridique, perpétuant la stigmatisation, la peur et la confusion parmi les prestataires de soins de santé et ceux qui ont besoin de services d’avortement. De plus, cette situation s’étend tragiquement aux enfants survivants de violences sexuelles, qui se voient systématiquement refuser l’accès à un avortement sûr et légal, a déploré l’ONG.

Reprieve a notamment plaidé pour qu’il soit demandé au Malawi de respecter les droits des femmes en conflit avec la loi et des femmes privées de liberté. Les femmes sont en effet confrontées à de nombreuses injustices dans le système juridique et sont soumises à des violences physiques et sexuelles, y compris des abus de la police, lors de leur arrestation et de leur détention, a affirmé l’ONG.

L'Institution nationale des droits humains du Malawi a félicité le Gouvernement pour ses efforts, notamment aux fins de la promotion des femmes grâce à divers programmes d’autonomisation ou encore en ce qui concerne l’âge du mariage, mais a attiré l’attention sur un certain nombre de défis persistants, s’agissant notamment de l’accès des femmes à la justice, des violences contre les femmes ou encore de l'augmentation continue des cas de mariages d'enfants et de grossesses adolescentes. L’institution a en outre fait observer que le projet de loi sur l'interruption de grossesse n'a toujours pas été déposé au Parlement.

S’agissant de l’Uruguay

CLADEM a estimé que l’urgence nationale déclarée en 2019 concernant la violence sexiste n’a pas été résolue de manière adéquate en raison, entre autres facteurs, de la création insuffisante de tribunaux spécialisés dotés de fonctionnaires dûment formés. L’ONG a mis l’accent sur un certain nombre de défis rencontrés par l’Uruguay, parmi lesquels l’augmentation des violences sexuelles contre les enfants; le blocage des interruptions de grossesse par la violence institutionnelle; l’absence de parité au niveau politique; l’augmentation exponentielle du nombre de femmes privées de liberté ; ou encore le racisme subi par les femmes et filles d’ascendance africaine et qui est l’une des causes de l’exclusion de filles et d’adolescentes du système éducatif.

COTIDIANO MUJER a regretté que le taux de mortalité des femmes dû à la violence domestique et sexiste n’ait toujours pas diminué.  Le nombre de féminicides et de tentatives de féminicide est extrêmement préoccupant et l’Uruguay avait 2021 le troisième taux de féminicides le plus élevé d’Amérique du Sud, a indiqué l’ONG, avant d’attirer également l’attention sur l’augmentation du nombre de femmes privées de liberté dans le pays.

Organisation Consejo de la Nación Charrúa a notamment attiré l’attention sur la situation du peuple Charrúa d'Uruguay. L’ONG a regretté l’absence d’études socio-démographiques spécifiques relatives à la population autochtone et a plaidé pour que l’État uruguayen garantisse la participation des femmes issues des communautés autochtones et reconnaisse l'existence et la préexistence des peuples autochtones sur son territoire.

L'institution nationale des droits humains de l’Uruguay a salué le potentiel de loi 19.580 concernant les violences fondées sur le genre, mais a notamment déploré le manque de ressources pour sa pleine application, tout en insistant sur le nécessaire renforcement des rôles du système éducatif et du système de santé dans la détection précoce en la matière.  Parmi les autres sujets de préoccupation soulevés par l’institution, figurent la situation des femmes privées de liberté et les questions relatives à l'autonomie économique des femmes.

S’agissant du Nicaragua

International Institute on Race, Equality and Human Rights et Rights Livelihood a indiqué que depuis le dernier examen du Nicaragua devant le Comité, la situation des droits humains et des femmes autochtones s’est considérablement aggravée dans le pays. Les communautés autochtones et d’ascendance africaine continuent de subir des massacres, des meurtres et des déplacements forcés, et sont confrontées à une crise humanitaire sans précédent, en toute impunité, a affirmé l’ONG.

International Institute on Race, Equality and Human Rights a donné lecture d’une déclaration préparée par des organisations de femmes d'ascendance africaine « qui ne peuvent être ici en raison de la persécution par l'État des défenseurs des droits de l'homme », déclaration dans laquelle est notamment déplorée l’absence de données ventilées concernant la population d’ascendance africaine dans le pays, rendant difficile toute analyse de la situation des droits des femmes d’ascendance africaine au Nicaragua.

International Lesbian, Gay, Bisexual, Trans and Intersex Association (ILGA World) a indiqué que le Nicaragua traversait la pire crise sociale, politique, économique et des droits de l’homme de son histoire. Tous les mécanismes internationaux des droits de l'homme expriment leurs graves inquiétudes et leur rejet de la dérive autoritaire du Gouvernement Ortega-Murillo. Ainsi, au 2 octobre 2023, 93 prisonniers politiques sont détenus, dont 17 femmes, et, en prison, ils subissent des traitements cruels, inhumains et dégradants, a affirmé l’ONG. Par ailleurs, en 2023, 176 organisations de femmes et 16 organisations de défense des droits des personnes LGBTIQ+ ont été fermées de manière arbitraire.

Suite à ces très nombreuses présentations, des membres du Comité ont posé un certain nombre de questions, s’agissant notamment de l’avortement en Uruguay ; de la situation des femmes migrantes et membres des minorités religieuses en France, notamment dans le domaine du travail ; ou encore des questions relatives au statut des réfugiés et apatrides en Albanie.

 

Ce document produit par le Service de l’information des Nations Unies à Genève est destiné à l'information ; il ne constitue pas un document officiel.

Les versions anglaise et française de nos communiqués sont différentes car elles sont le produit de deux équipes de couverture distinctes qui travaillent indépendamment.




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