Fil d'Ariane
LE COMITÉ POUR LA PROTECTION DES DROITS DES TRAVAILLEURS MIGRANTS EXAMINE LE RAPPORT DE LA JAMAÏQUE
Le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport de la Jamaïque sur les mesures prises par ce pays pour donner effet aux dispositions de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.
Mme Cherryl Gordon, chargée d'affaires par intérim à la Mission permanente de la Jamaïque auprès des Nations Unies à Genève, a rappelé que l'île était depuis longtemps un pays d'origine, de transit et de destination pour les migrations de travail. Les travailleurs jamaïcains travaillent de longue date à Cuba, au Panama, aux États-Unis, au Canada et au Royaume-Uni. Compte tenu de la situation de l'emploi en Jamaïque, de nombreux travailleurs continuent d'émigrer. Dans le même temps, le pays fait face à un grave manque de main-d'œuvre qualifiée, particulièrement dans le domaine médical et de l'éducation, ce qui entraîne le recrutement de migrants, a indiqué Mme Gordon.
Le Programme des travailleurs étrangers temporaires qui permet à des jamaïcains de s'expatrier pour des contrats temporaires a été une véritable source de croissance pour le pays ces 60 dernières années, a-t-elle ajouté. Ce Programme a participé à la réduction du chômage, notamment en zone rurale.
Par ailleurs, les transferts de fonds depuis l'étranger ont contribué à l'équilibre de la balance commerciale, à l'élévation du taux d'épargne et à la réduction de la pauvreté.
La délégation du pays était également composée de deux autres représentants de la Mission permanente de la Jamaïque auprès des Nations Unies à Genève. Elle a répondu aux questions des membres du Comité, s'agissant notamment, de la protection des jamaïcains expatriés; de la supervision des agences de recrutements; des transferts de fonds depuis l'étranger; du respect des droits des migrants illégaux dans le pays; et de la coordination entre les institutions pertinentes.
M. Ceriani Cernadas, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Jamaïque, a regretté que la Jamaïque n'ait pas rendu son rapport à l'avance, ce qui aurait permis des débats plus approfondis. A également été regretté l'obsolescence partielle du cadre normatif relatif aux migrations. L'expert s'est également enquis de la discrimination des Jamaïcains, basée sur leur orientation sexuelle. L'accès à la justice ou des voies de recours sont-ils disponibles pour les victimes d'abus et de violations des droits protégés par la Convention, a-t-il demandé ?
Un expert a par ailleurs demandé des précisions sur les mécanismes de protection consulaires offerts par la Jamaïque à ses ressortissants détenus à l'étranger.
Une experte a fait part de sa préoccupation quant aux traitements des migrants irréguliers. Les enfants des migrants sans-papiers ne peuvent pas fréquenter l'école, a-t-elle également vivement regretté.
Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport de la Jamaïque et les rendra publiques à l'issue de la session, qui doit clore ses travaux le 13 avril.
Cet après-midi, à partir de 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport du Nigéria.
Présentation du rapport de la Jamaïque
Le Comité est saisi du rapport initial de la Jamaïque (CMW/C/JAM/1), établi sur la base de la liste de points à traiter que lui a adressée le Comité.
MME CHERRYL GORDON, chargée d'affaires par intérim à la Mission permanente de la Jamaïque auprès des Nations Unies à Genève, a rappelé que la Constitution jamaïcaine assurait la protection des droits de l'homme à tous les jamaïcains. La Jamaïque accorde la plus haute priorité au développement, comme en atteste son Plan de développement national intitulé «Vision 2030 Jamaica», qui a pour objectif de faire de l'île un lieu privilégié pour «vivre, travailler, élever sa famille et faire des affaires», a-t-elle fait valoir.
La Jamaïque est depuis longtemps un pays d'origine, de transit et de destination pour les travailleurs migrants. Les travailleurs jamaïcains travaillent de longue date à Cuba, au Panama, aux États-Unis, au Canada et au Royaume-Uni. Compte tenu de la situation de l'emploi en Jamaïque, de nombreux travailleurs continuent d'émigrer. Dans le même temps, le pays fait face à un grave manque de main-d'œuvre qualifiée, particulièrement dans le domaine médical et de l'éducation, ce qui entraîne le recrutement de migrants, a indiqué Mme Gordon. La législation nationale relative aux migrations repose sur neuf lois, dont deux sont issues du Commonwealth et de la Communauté caribéenne (CARICOM). En outre, la Jamaïque a ratifié la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, mais également le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et la Convention n°97 sur les travailleurs migrants de l'Organisation internationale du travail.
De plus, six agences et ministères sont responsables des affaires liées à l'immigration: le Ministère de la sécurité nationale, le Ministère de la justice, le Ministère du travail, le Ministère des affaires étrangères, l'Agence des passeports, de la citoyenneté et de l'immigration, et les forces de police jamaïcaines; ces dernières étant responsables des affaires liées à la traite. En outre, les Missions de la Jamaïque à l'étranger fournissent aux expatriés des services de protection contre les abus à la législation du travail.
Le Programme des travailleurs étrangers temporaires qui permet à des Jamaïcains de s'expatrier pour des contrats temporaires a été une véritable source de croissance pour le pays ces 60 dernières années, a-t-elle ajouté. Ce Programme a participé à la réduction du chômage, notamment en zone rurale.
Par ailleurs, les transferts de fonds depuis l'étranger ont contribué à l'équilibre de la balance commerciale, à l'élévation du taux d'épargne, et à la réduction de la pauvreté. Les Jamaïcains bénéficient de quatre programmes pour travailler temporairement à l'étranger; deux aux États-Unis, pour les travaux ruraux et l'hôtellerie; et deux au Canada, dans l'agriculture et les métiers les moins qualifiés. Entre 2015 et 2016, près de 15 000 Jamaïcains ont bénéficié de ces programmes.
La Jamaïque est également un pays de destination, a expliqué Mme Gordon. Entre 2015 et 2016, près de 5 000 permis de travail ont été délivrés. Le Gouvernement vérifie que ces migrations sont légales et veille ensuite au respect du droit du travail pour les travailleurs migrants. À cette fin, des inspections régulières des agences de recrutement ont lieu, et les plaintes déposées contre celles-ci font l'objet d'enquêtes approfondies.
Par ailleurs, la Jamaïque, en tant que membre de la CARICOM, dispense de permis de travail les ressortissants des autres membres de la Communauté. Ces migrants bénéficient des mêmes droits que les nationaux. En outre, des systèmes de reconnaissance des qualifications entre les membres de la communauté sont en train d'être mis en place. Dans le cadre de la CARICOM, des accords de réciprocité avec les autres États membres ont été établis afin que tous les travailleurs bénéficient des mêmes droits sociaux.
Dans le cadre des programmes de travail temporaire à l'étranger, les familles ne sont pas autorisées à accompagner le travailleur. En l'absence du travailleur migrant, les services sociaux jamaïcains veillent à ce que les droits de sa famille soient respectés.
S'agissant de la traite, la Jamaïque, en plus d'être partie à la majorité des mécanismes internationaux de lutte contre la traite, a voté une loi en 2011 réprimant sévèrement cette pratique. Une équipe spéciale de lutte contre la traite a été déployée sur tout le territoire, a conclu Mme Gordon.
Examen du rapport
Questions et observations des membres du Comité
M. CERIANI CERNADAS, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Jamaïque, a regretté que la Jamaïque n'ait pas établi son rapport à l'avance, ce qui aurait permis des débats plus approfondis. A également été regretté l'obsolescence partielle du cadre normatif relatif aux migrations. L'expert s'est également enquis de la discrimination des Jamaïcains, basée sur leur orientation sexuelle. L'accès à la justice ou des voies de recours sont-ils disponibles pour les victimes d'abus et de violations des droits protégés par la Convention, a-t-il demandé ?
Une experte a demandé à la délégation si la rédaction d'un Plan stratégique en matière de migrations en Jamaïque était à l'ordre du jour. En outre, elle a souhaité savoir si un organe d'évaluation indépendant ou une commission nationale des droits de l'homme existait. Relevant que la délégation avait évoqué plus de six ministères responsables de la question migratoire, une autre experte a demandé si un cadre de coordination existait entre ces divers acteurs. Elle s'est de surcroît enquise de la diffusion de la Convention auprès des travailleurs migrants et des candidats à l'expatriation.
Notant que le racisme était un sujet sensible dans les pays anciennement colonisés, un expert s'est enquis des mesures prises par la Jamaïque pour lutter contre le racisme, notamment à l'égard des travailleurs migrants, issus d'Afrique notamment.
Un expert a demandé des précisions sur les mécanismes de protection consulaires offerts par la Jamaïque à ses ressortissants détenus à l'étranger. Il a également demandé des explications sur la situation des Haïtiens en Jamaïque.
Une experte a fait part de sa préoccupation quant aux traitements des migrants irréguliers. Les enfants des migrants sans-papiers ne peuvent pas fréquenter l'école, a-t-elle également vivement regretté.
Une experte a demandé à la délégation si des formations étaient fournies aux candidats à l'expatriation avant leur départ.
Un autre expert s'est enquis de la possibilité pour les Jamaïcains vivant à l'étranger de voter.
Une membre du Comité, relevant que les familles des travailleurs migrants restaient généralement en Jamaïque, a demandé à la délégation si les transferts de fonds étaient facilités.
Un expert a fait état d'abus sexuels à l'encontre des femmes et des enfants, ainsi que de nombreux cas de traite. Il a demandé à la délégation des informations sur les mesures prises pour combattre la traite des personnes.
Un expert a rappelé que de nombreux migrants fuyaient l'instabilité politique, la guerre et la misère. Qu'en est-il de l'accueil de ces réfugiés, a-t-il demandé ? Il s'est en outre inquiété de la persistance de textes de lois discriminatoires à l'égard des personnes handicapées.
Une experte s'est inquiétée de la situation des enfants dont les parents sont partis travailler à l'étranger.
Un troisième expert s'est alarmé des conditions déplorables des lieux de détention en Jamaïque. Les migrants et les membres de leur famille doivent être séparés des prévenus, et des personnes condamnées, a-t-il rappelé.
Réponses de la délégation
S'agissant de la diffusion de la Convention, le Gouvernement jamaïcain ne diffuse pas particulièrement les traités qu'ils ratifient, a expliqué la délégation. Toutefois, lorsque les conventions sont transposées en droit interne, les modifications à la législation sont largement publiées.
La délégation a regretté de ne pas pouvoir fournir des réponses très précises sur la question des immigrés économiques en Jamaïque, leur nombre étant faible. La législation nationale est conforme au droit international, car la Jamaïque a toujours été à l'avant-garde de la défense des droits des travailleurs.
Pour ce qui est de la coordination, un comité interministériel en matière des droits de l'homme a été mis sur pied et répond aux obligations en matière de droits de l'homme au titre de tous les instruments que la Jamaïque a ratifiés. Trois comités interministériels ou interinstitutions ont été établis en 2010 pour les questions liées à l'immigration, comme la traite, la sécurité nationale ou le droit du travail.
S'agissant de l'obsolescence de certains textes législatifs, la délégation a assuré que les migrants issus de la CARICOM n'avaient pas besoin d'obtenir de permis de travail. Les dix catégories de travailleurs qualifiés autorisés à travailler en Jamaïque ont été révisées en 2015.
Les travailleurs expatriés temporaires ont vu leur niveau de vie largement augmenter. Certains sont aujourd'hui capables d'offrir à leurs enfants des études supérieures, s'est félicitée la délégation. En outre, la plupart des travailleurs jamaïcains expatriés temporairement ont également une activité génératrice de revenus en Jamaïque.
Des accords de libre-circulation des travailleurs ont été signés avec la CARICOM et le Royaume-Uni permet aux travailleurs migrants de continuer à bénéficier de leurs droits sociaux même lorsqu'ils travaillent dans un autre pays signataire. Les réfugiés en bénéficient également, a fait valoir la délégation.
Depuis 2016, ceux qui ont participé aux programmes de travail au Canada et aux États-Unis doivent transférer leur argent vers la Jamaïque par leurs propres moyens, ces deux pays ayant refusé le programme mis en place par le Gouvernement pour transférer les fonds des expatriés. Compte tenu de cette situation, la délégation est incapable de pouvoir rendre compte au Comité des frais payés par les travailleurs migrants expatriés.
Pour ce qui de la question du racisme, le Gouvernement jamaïcain a établi une unité sur la rémunération et les conditions de travail pour s'assurer que le droit du travail s'applique à tous les travailleurs quelle que soit leur origine. Les travailleurs migrants sont encouragés à porter plainte si leurs droits sont violés.
Le Gouvernement offre des aides consulaires là où les travailleurs migrants jamaïcains se trouvent. En cas d'arrestations ou de détentions, les missions à l'étranger effectuent des visites consulaires auprès des détenus. En outre, une aide juridictionnelle est offerte aux détenus. Le Ministère du travail et de la sécurité sociale en lien avec le Ministère des affaires étrangères fournit des services aux travailleurs migrants temporaires, notamment des conseils en matière de droit du travail.
Des lignes d'appels d'urgence ont été mises en place pour les travailleurs migrants jamaïcains qui bénéficient du Programme d'emploi temporaire à l'étranger. Une ligne a été créée par le Gouvernement jamaïcain, l'autre par le Gouvernement des États-Unis.
Concernant les discriminations liées à l'orientation sexuelle, la délégation a assuré qu'aucune politique discriminatoire n'était pratiquée par le Gouvernement jamaïcain.
Le Gouvernement est responsable de la supervision des agences privées de placement, en vertu d'une législation stricte. Une personne qui souhaite recruter un individu doit disposer d'une licence, sous peine d'infraction. Des contrôles réguliers sont effectués, a affirmé la délégation. Les agences de placement ne peuvent pas prélever plus de 45 000 dollars jamaïcains pour placer des personnes à l'étranger. Si ce plafond n'est pas respecté, des sanctions pénales sont prévues par la législation.
Une équipe spéciale a été déployée dans tout le pays afin de détecter et de poursuivre les cas de traite, a par ailleurs souligné la délégation. Des campagnes de sensibilisation et de formation des enfants et des enseignants ont été menées dans les écoles de l'île. La société civile participe aux travaux de l'équipe spéciale sur la traite des personnes. Aucune organisation de la société civile n'a participé à la rédaction de ce rapport, a cependant reconnu la délégation.
S'agissant des migrants clandestins, la délégation a indiqué qu'en 2007, alors que 90 pêcheurs du Honduras péchaient dans les eaux territoriales de la Jamaïque, des cas de traite ont été signalés sur ces bateaux. Les mineurs qui y travaillaient ont été placés en lieu sûr et ont été pris en charge par l'équipe spéciale contre la traite des personnes. Les victimes ont été renvoyées vers leurs terres d'origine.
Les migrants clandestins ne sont pas placés avec les condamnés durant leur détention préalable à l'expulsion. Ils disposent de tous leurs droits et peuvent faire appel de la décision leur imposant de quitter le territoire. Seuls les migrants considérés comme des menaces pour la sécurité nationale sont incarcérés.
Des foyers pour femmes ont été créés pour protéger les victimes de violences et d'abus sexuels. Des abris sécurisés sont prévus pour les victimes accompagnées d'enfant. Le Gouvernement couvre les frais médicaux, psycho-sociaux et les conseils juridiques dont les victimes ont besoin.
Remarques de conclusion
M. CERIANI CERNADAS, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Jamaïque, a à nouveau regretté que la délégation n'ait pas soumis son rapport à l'avance, ce qui n'a pas permis d'avoir un débat approfondi. Toutefois, il a remercié la délégation pour les nombreuses informations fournies durant les débats. Il a également regretté que la société civile n'ait pas été consultée pour la rédaction du rapport. Par ailleurs, il a déploré ne pas avoir eu de réponses sur les émigrations potentielles de certaines personnes en raison de leur orientation sexuelle.
MME SALOME CASTELLANOS, corapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de la Jamaïque, a remercié la délégation pour le dialogue fructueux qu'elle a noué avec les membres du Comité, mais a elle aussi regretté de ne pas avoir reçu le rapport de la Jamaïque avant cet examen.
MME CHERRYL GORDON, chargée d'affaires par intérim à la Mission permanente de la Jamaïque auprès des Nations Unies à Genève, s'est engagée à transmettre au Gouvernement jamaïcain les observations finales que présentera ultérieurement le Comité. Elle a en outre assuré que la délégation allait transmettre des réponses par écrit aux questions restées en suspens.
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