Fil d'Ariane
LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LE RAPPORT DE L'AFRIQUE DU SUD
Le Comité des droits de l'homme a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport initial présenté par l'Afrique du Sud sur les mesures qu'elle a prises pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Le rapport a été présenté par le Ministre délégué chargé de la justice et du développement constitutionnel de l'Afrique du Sud, M. John Harold Jefferey, qui a notamment déclaré que son pays avait adopté des mesures visant à panser les divisions du passé en établissant une société basée sur les valeurs démocratiques, la justice sociale et les droits fondamentaux de l'homme. Depuis vingt-deux ans, le Gouvernement a effectué des progrès en s'attaquant aux trois grands fléaux légués par l'apartheid: l'inégalité, le chômage et la pauvreté. Entre autres mesures concrètes, la création d'un système de sécurité sociale global comprenant le logement, l'eau, l'assainissement et l'électricité a constitué une priorité pour le Gouvernement, de même que les soins de santé primaire, l'éducation et l'assistance sociale. Le ministre a reconnu que, récemment, le racisme avait relevé la tête en Afrique du Sud et qu'il fallait y faire face. Le Gouvernement met actuellement la dernière touche à un projet de loi réprimant les crimes et discours de haine qui sera examiné cette année par le Parlement. Par ailleurs, un groupe de travail a été mis sur pied pour prendre des mesures contre les discriminations envers les lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexuées. De même, le Gouvernement s'est engagé en faveur de la reconnaissance des communautés autochtones et de la promotion de leurs langues. L'égalité de genre, qui a rang constitutionnel, est promue dans le cadre d'une politique nationale qui a notamment donné lieu à la création du Ministère à la présidence chargé des femmes.
L'importante délégation sud-africaine, qui était dirigée par Mme Susan Shabangu, Ministre à la Présidence chargée des femmes, était également composée de M. Luwellyn Landers, Vice-Ministre des relations internationales et de la coopération; de Mme Ncumisa Notutela, Représentante permanente adjointe de l'Afrique du Sud à Genève; ainsi que de hauts fonctionnaires des ministères des femmes, des relations internationales, du développement social, de l'intérieur, de la gouvernance participative et des affaires traditionnelles, ainsi que du ministère public et des services correctionnels. Elle a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant, notamment, des langues officielles et minoritaires; des crimes de haine; de la surpopulation carcérale; de l'avortement; des tests de virginité; de la pratique des enlèvements traditionnels; de la polygamie; de la sorcellerie; de la violence de genre et des châtiments corporels; des rites d'initiation traditionnels; de la situation des migrants; de la politique du pays face au VIH/sida; des personnes disparues pendant l'apartheid; du fait que l'Afrique du Sud n'ait pas appréhendé le Président soudanais Omar El-Béchir lors d'un séjour dans le pays alors qu'il est inculpé par la Cour pénale internationale.
Un expert a relevé que le rapport, qui était attendu en 2000, avait été déposé seulement en 2014, exprimant le souhait que le deuxième rapport périodique soit présenté dans les temps. Il a salué l'indépendance dont jouit la Commission nationale des droits de l'homme, tout en déplorant les moyens insuffisants dont elle dispose. Les experts ont souligné l'hostilité de la police et d'une partie de la population envers les étrangers et les migrants. L'État partie a toutefois été félicité pour les mesures prises visant à réduire les tensions entre migrants et Sud-Africains. Malgré une action publique favorable aux lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués, les discriminations restent fortes, ont noté des membres du Comité. Des questions ont été posées sur la politique sanitaire de l'Afrique du Sud contre la propagation du VIH/sida. La question de la légalité de la polygamie a aussi été abordée. Un expert s'est par ailleurs étonné du retard mis dans les poursuites contre des responsables présumés d'exactions du temps de l'apartheid.
Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales sur le rapport de l'Afrique du Sud qu'il rendra publiques à l'issue de la session, qui se termine le jeudi 31 mars.
À l'ouverture de la séance de ce matin, le Président du Comité, M. Fabián Omar Salvioli, a condamné l'attaque terroriste survenue hier matin à Ben Gardane en Tunisie. Il a aussi rappelé qu'en ce 8 mars, Journée internationale de la femme, il n'y avait pas de motif de réjouissance compte tenu des défis restant à relever en matière d'égalité des sexes. Il a souligné que l'égalité des droits devait constituer une préoccupation constante et pas seulement une journée par an. La délégation sud-africaine a elle aussi condamné ce matin les attaques en Tunisie.
Cet après-midi, le Comité entamera l'examen du rapport présenté par la Namibie (CCPR/C/NAM/2) qu'il achèvera demain matin.
Présentation du rapport de l'Afrique du Sud
Le Comité est saisi du rapport initial de l'Afrique du Sud (CCPR/C/ZAF/1, ainsi que de ses réponses (CCPR/C/ZAF/Q/1/Add.1) à la liste de points à traiter que lui a adressée le Comité (CCPR/C/ZAF/Q/1).
M. JOHN HAROLD JEFFEREY, Ministre délégué chargé de la justice et du développement constitutionnel de l'Afrique du Sud, a d'emblée reconnu le retard concernant la remise du rapport, assurant que le Gouvernement avait amélioré sa capacité à élaborer les rapports qu'elle doit présenter aux organes conventionnels tout en menant les consultations nécessaires avec les parties concernées.
Depuis l'avènement de la démocratie en 1994, l'Afrique du Sud a démontré son engagement en faveur de la paix mondiale, de la sécurité et de la justice. En remédiant à l'héritage du passé, l'État a adopté un certain nombre de mesures positives afin de traiter les divisions du passé en établissant une société basée sur les valeurs démocratiques, la justice sociale et les droits fondamentaux de l'homme. Il a reconnu que, récemment, le racisme avait relevé sa tête monstrueuse sur les médias sociaux et électroniques, causant une grande douleur et de la colère dans son pays. «Il est nécessaire de faire face au démon du racisme», a-t-il souligné. La Journée des droits de l'homme du 21 mars sera commémorée cette année en tant que Journée nationale contre le racisme. L'Afrique du Sud contribue à combattre la discrimination et le racisme en favorisant la réconciliation au travers, par exemple, de la Commission de la vérité et de la réconciliation et son nouveau Plan national d'action pour la lutte contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée. Ces vingt-deux dernières années, le gouvernement démocratique sud-africain a fait des progrès en s'attaquant aux trois grands fléaux légués par l'apartheid: l'inégalité, le chômage et la pauvreté.
Afin d'édifier une nation nouvelle, assurer une sécurité sociale globale comprenant le logement, l'eau, l'assainissement et l'électricité pour ceux qui en étaient jadis privés, a constitué une priorité pour le Gouvernement, de même que les soins de santé primaire, l'éducation et l'assistance sociale à plusieurs millions de personnes. Le ministre a souligné que le droit à l'égalité et à être protégé de toute discrimination figurait dans la Constitution. Le Gouvernement met actuellement la dernière touche à un projet de loi réprimant les crimes et les discours de haine qui sera déposé dans le courant de l'année devant le Parlement. Par ailleurs, le Ministère de la justice et du développement constitutionnel a mis sur pied un groupe de travail pour agir contre les discriminations envers les lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués. Il prévoit par ailleurs de reconnaître les communautés autochtones Khoi-San, notamment en favorisant l'usage des langues khoi, nama et san.
L'égalité de genre, qui a rang constitutionnel, est promue dans le cadre d'une politique nationale qui a notamment donné lieu à la création du Ministère à la Présidence, chargé des femmes. L'Afrique du Sud est d'ailleurs l'État africain assurant la meilleure représentation féminine sur le continent. Le parti majoritaire a atteint la parité dans sa représentation parlementaire. Toutefois, l'opposition ayant fait moins bien, la représentation féminine au Parlement n'est que de 41%. Au sein du Gouvernement, elle est de 43%, a précisé le ministre. La parité progresse aussi au sein du secteur judiciaire puisque les femmes représentent désormais 60% de la haute magistrature, la proportion étant de 45% dans l'ensemble de la magistrature.
Le ministre a indiqué que la police disposait d'unités chargées de la violence domestique, de la protection de l'enfance et des délits sexuels qui fournissent une assistance aux victimes de la violence de genre. Le Département du développement social a créé 84 refuges pour les femmes victimes d'abus et 201 centres d'accueil pour les victimes de violence domestique. Un service téléphonique d'écoute est accessible 24 heures sur 24; il reçoit une moyenne de 1500 appels par jour, auxquels répondent une quarantaine de travailleurs sociaux. L'accès à la justice des personnes pauvres est favorisé par l'aide juridictionnelle.
La détention provisoire en Afrique du Sud est en forte diminution, a poursuivi le ministre sud-africain. Le nombre de détenus est passé d'un maximum de plus de 55 000 détenus en 2007 à un peu plus de 41 000 en décembre dernier. Le taux d'incarcération par habitant est passé de 403 à 290 pour 100 000 entre 2004 et 2014. Le nombre de mineurs détenus est passé quant à lui de 3910 à 402 entre 2000 et 2014. Le pays compte 14 écoles dans autant de centres correctionnels pour mineurs, soit au moins un par province.
Le ministre a reconnu que dans certains cas, les services de police aient pu agir en dehors de la loi. Il a assuré néanmoins que les responsables présumés faisaient couramment l'objet d'enquêtes disciplinaires. Ainsi, à la suite de la tragédie de Marikana, un groupe de travail a été mis sur pied pour faire le bilan des mesures de maintien de l'ordre. En matière de prévention et de lutte contre la torture, une loi de 2013 prévoit la traduction en justice des auteurs.
Le chef de la délégation sud-africaine a souligné que son pays constituait une destination de choix pour les demandeurs d'asile et pour les migrants en général. Les migrants sans papiers sont retenus au centre de rapatriement de Lindela, qui est un centre de rétention pour les personnes en instance d'expulsion. Si la loi prévoit que la période de rétention de départ ne saurait excéder un mois, celle-ci peut être prolongée de 90 jours sous réserve de l'aval d'un juge. Le centre de Lindela est surveillé par la Commission sud-africaine des droits de l'homme, qui y dispose d'un bureau permanent, ainsi que par la Commission parlementaire des affaires intérieures. Le Comité international de la Croix-Rouge y effectue des visites régulières. Le ministre a aussi fait valoir que l'Afrique du Sud appliquait une politique d'intégration des réfugiés.
En conclusion, M. Jefferey a affirmé que son pays avait accompli des progrès significatifs dans la poursuite et la réalisation des droits de l'homme, pas uniquement les droits civils et politiques mais aussi les droits sociaux et économiques. «La réalisation des droits de l'homme n'est plus déterminée par la couleur de peau d'une personne. Cela ne signifie pas pour autant que notre pays soit parfait, aucun pays ne l'est. Mais nous avons réussi, en l'espace de deux brèves décennies, à faire de grands pas pour inverser les effets de siècles de colonisation, d'apartheid et de discrimination».
Examen du rapport
Questions et observations des membres du Comité
Un expert a indiqué que le rapport, qui était attendu en 2000, n'a été déposé qu'en 2014 et il a exprimé le souhait que le deuxième rapport périodique serait présenté dans les temps. S'agissant du cadre institutionnel et juridique, il a salué le fait que la Commission nationale des droits de l'homme relève du statut A. En revanche, elle semble souffrir de moyens insuffisants, si l'on en juge par la difficulté à faire face à la résurgence du racisme. L'expert a souligné que la société civile avait fait part de sa préoccupation quant à l'indépendance de certaines institutions telles que le service d'inspection des prisons, qui ne peuvent ainsi mener à bien leur travail de contrôle. L'État s'intéresse-t-il de manière appropriée à leurs structures et à leurs compétences, a-t-il demandé. Il s'est demandé si une sensibilisation était assurée sur les dispositions du Protocole facultatif et sur les avis émis par le Comité.
L'expert a demandé des éclaircissements sur le cas d'une affaire relative à des mauvais traitements en prison – le cas Bradley McCallum c. Afrique du Sud – à propos de laquelle le Comité a rendu un avis. Quelle suite a-t-il été donnée à cet avis? Il a demandé des précisions sur les possibilités de recours, notamment auprès de la Cour suprême. Suite aux réponses fournies par la délégation, l'expert a estimé que l'Afrique du Sud avait fait preuve d'une certaine désinvolture face au Comité, notant, d'une manière générale, le retard apporté au traitement des plaintes des personnes ayant estimé que leurs droits avaient été violés.
L'expert a demandé à la délégation dans quelle mesure le Gouvernement avait été à l'écoute des avis émis par la Commission des droits de l'homme à la suite de manifestations de racisme et de xénophobie. La police se montre extrêmement hostile envers les ressortissants étrangers et les migrants, a-t-il observé. Existe-t-il des indemnités pour les victimes, a-t-il demandé. Près d'un millier d'étrangers ont perdu la vie ces dernières années et il semble que l'État n'ait guère tenté de poursuivre les responsables. Que fait-il pour endiguer ce phénomène?
Le même expert a félicité l'Afrique du Sud pour les mesures prises visant à réduire les tensions entre migrants et Sud-Africains, tout en s'inquiétant du fait que quelque 3000 individus aient perdu leur logement et vivent aujourd'hui dans des camps. Il s'est félicité du projet de loi sur l'interdiction du racisme, tout en s'étonnant du délai qu'il avait fallu pour ce faire malgré l'urgence de la situation. L'État se penche-t-il sur le rôle des médias sociaux et sur les discours de haine qui y sont propagés? Il semble que malgré une action publique favorable aux lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués, dans la réalité, les discriminations restent fortes. Quels efforts sont-ils menés par l'État pour changer l'attitude d'une partie importante de la population à cet égard, a-t-il demandé. L'expert a par ailleurs relevé les grandes difficultés d'application s'agissant du texte de loi permettant le changement de sexe.
Une experte a demandé quel était le contenu du second plan de lutte contre le VIH/sida et souhaité savoir si un troisième plan lui succèderait. L'État a-t-il une estimation du nombre de personnes infectées qui ne bénéficient pas de traitement. Les femmes rurales bénéficient-elles d'une action en leur faveur, particulièrement celles vivant dans des zones reculées, a-t-elle aussi demandé.
La même experte a évoqué l'incident de Marikana au cours duquel 44 mineurs ont été massacrés par les forces de l'ordre en 2012. Dans quelle mesure les recommandations formulées par la suite ont-elles été suivies d'effet? Combien d'actions en justice ont-elles été menées et des mesures visant à mieux former les forces de l'ordre ont-elles été prises? Une enquête a-t-elle été conduite pour faire la lumière sur le rôle éventuel de la société minière concernée, voire sur celui de l'industrie d'extraction dans son ensemble.
L'experte a souhaité savoir quelles mesures avaient été prises par l'État sud-africain pour mettre un terme à la torture. Des formations sont-elles proposées aux personnels policiers et judiciaires concernés?
Un membre du Comité a attiré l'attention sur les traditions néfastes dont sont victimes les femmes et les filles, notamment la polygamie. Il a demandé si l'État envisageait de l'interdire ou si l'Afrique du Sud s'en accommodait du fait qu'elle était courante.
La sorcellerie étant théoriquement interdite, le Comité souhaite savoir ce qui est fait concrètement pour y mettre un terme. L'expert a aussi noté la grande prévalence des châtiments corporels, souhaitant savoir ce que l'État faisait pour l'interdire complètement, y compris au sein de la famille. La loi sur la traite est entrée en vigueur l'an dernier, a noté l'expert qui a demandé des précisions sur les mesures concrètes prises en faveur des victimes.
Un autre expert a constaté que l'on observait fréquemment soit une absence de législation, soit des difficultés de mise en œuvre. Quelles mesures sont-elles prises en matière de sensibilisation, d'éducation, de publications en direction des publics concernés, a-t-il demandé, notamment en matière de lutte contre la violence à l'égard des femmes. Dans quelle mesure les victimes, notamment les femmes handicapées, ont-elles accès à des refuges, a-t-il aussi demandé. Il a d'autre part relevé que les femmes étrangères victimes de violences domestiques ont peur non seulement de leur compagnon mais aussi de la police par peur d'être expulsées.
Un expert a félicité l'Afrique du Sud d'être enfin parvenue à soumettre son rapport initial, même si c'est avec 14 ans de retard. Il a rappelé à cet égard que le Comité pouvait examiner le rapport d'un État partie en l'absence de rapport. Bien que cette façon de procéder ne soit pas idéale et ait pu être critiquée par certains pays comme l'Afrique du Sud, elle est la conséquence du manquement de certains États à leurs obligations en matière de présentation de rapports. Le même expert s'est félicité de la création du groupe de travail chargé de prendre des mesures contre les discriminations envers les lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués et a demandé si un bilan de son action avait été fait. Il a relevé la difficulté pour cette catégorie de la population de faire valoir ses droits et d'intenter des actions en cas de discrimination.
Un expert a demandé si l'Afrique du Sud envisageait de ratifier le Protocole facultatif à la Convention sur la torture afin de pouvoir recevoir la visite du Sous-Comité pour la prévention de la torture.
Un autre s'est félicité des progrès accomplis s'agissant de la condition de la femme et demandé si la délégation disposait de chiffres sur la mortalité maternelle, alors que le rapport reconnaît lui-même qu'elle demeurait relativement élevée malgré une baisse. Il a aussi relevé le risque présenté par le recours à l'avortement dans de mauvaises conditions.
Une experte s'est étonnée de l'écart entre le nombre estimé de cas de violence domestique et sexuelle et le nombre de plaintes en justice. La délégation dispose-t-elle de données ventilées?
Un membre du Comité a évoqué le rite de l'initiation des jeunes adolescents, y compris dans le cadre scolaire, qui se passent dans de très mauvaises conditions et qui s'avèrent parfois fatales. Il a souhaité savoir si les autorités entendaient y mettre un frein.
Un autre expert s'est interrogé sur le fait que l'Afrique du Sud n'ait rien fait pour arrêter le Président soudanais Omar el-Béchir, lorsqu'elle était en mesure de le faire, en dépit du fait qu'il ait été inculpé par la Cour pénale internationale, rappelant l'obligation de coopérer avec celle-ci.
Dans le cadre d'une série de questions complémentaires, un expert a demandé s'il était exact que le permis de transit pour les demandeurs d'asile devait être réduit de 14 à 5 jours. Par ailleurs, les bureaux d'accueil des étrangers sont placés dans les zones frontalières, ce qui rend plus difficile pour les requérants d'asile se trouvant déjà dans le pays de déposer leur demande. L'expert s'est aussi interrogé sur une politique consistant à concentrer tous les étrangers en instance d'expulsion dans le centre de rapatriement de Lindela, plus grand établissement de rétention pour migrants sans papiers du pays. Il semble par ailleurs que de nombreux étrangers sans papiers demeurent incarcérés dans des postes de police pendant de longues périodes avant d'y être transférés. Par ailleurs, des personnes y sont gardés en rétention parfois au-delà de la durée maximale de 120 jours, les conditions de vie y sont très dures, et les soins de santé limités, notamment en matière du traitement du VIH/sida, l'expert citant la Commission sud-africaine des droits de l'homme. Une institution indépendante telle que la Commission a-t-elle accès à ces camps et aux postes de police, a demandé l'expert.
Une experte a souhaité obtenir des données ventilées sur la surpopulation carcérale, des chiffres faisant état d'un taux d'occupation moyen de 132%, le pourcentage pouvant atteindre les 200% dans certains établissements. Elle a souhaité avoir des précisions sur les alternatives à la détention et sur les mesures prises afin de réduire la détention préventive. Par ailleurs, la même experte a fait état d'intimidations envers les défenseurs des droits de l'homme qui ne seraient pas protégés de manière adéquate par la police. Quelles mesures sont-elles prises pour enquêter à ce sujet et des programmes de formation dans ce domaine existent-ils en direction des forces de l'ordre, a-t-elle demandé.
Après avoir relevé que la législation était disponible en anglais et partiellement en afrikaans, un expert a demandé s'il était envisagé de la traduire dans les neuf autres langues officielles du pays. Un autre membre du Comité a posé une série de questions sur les communautés autochtones, notant que le khoi-san n'était pas reconnu en tant que langue officielle.
Un expert a évoqué le lancement récent de poursuites contre des responsables présumés d'exactions du temps de l'apartheid, s'interrogeant sur le délai qu'il avait fallu pour ce faire et sur le faible nombre de cas renvoyés devant la justice, ainsi que l'a relevé Desmond Tutu. Il a déclaré que selon certaines estimations, le nombre de personnes disparues avoisinerait les 2000 et souhaité savoir si la délégation avait des informations à ce sujet, notamment sur d'éventuelles recherches pour localiser ces victimes.
Un autre expert a souhaité savoir s'il existait des communautés pratiquant la polyandrie, compte tenu que celle-ci est théoriquement légale au même titre que la polygamie.
Réponses de la délégation
En matière institutionnelle, toutes les commissions chargées de questions relatives aux droits de l'homme rendent compte au Parlement, leur budget dépendant du ministère concerné.
Si le fait de ne pas disposer d'une législation spécifique sur les crimes de haine est problématique, ceux-ci sont toutefois reconnus comme des crimes en tant que tels, a souligné la délégation. Des critiques ont été émises, y compris en Afrique du Sud, sur l'inefficacité de l'équipe spéciale du Ministère de la justice, la «NTT» (National Task Team), chargée de réfléchir aux mesures à prendre contre les discriminations visant les lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués, a reconnu la délégation. Elle a toutefois assuré que ce groupe de travail était ouvert à toutes les propositions, et est directement accessible aux organisations non gouvernementales, qui ne doivent pas hésiter à faire valoir leur point de vue auprès d'elle. Elle a par la suite précisé que l'Afrique du Sud ne dispose pas de statistiques sur les crimes de haine, ceux-ci n'étant pas distingués des autres crimes dans la loi.
La nouvelle loi sur la traite a élargi la portée du texte précédent afin d'y inclure le travail et le mariage forcés, même si ce dernier crime était déjà passible de poursuites en justice par le passé.
De nouvelles prisons sont construites pour faire face à la surpopulation carcérale, les autorités envisageant de proposer des mesures alternatives à la détention pour les peines de moins de deux ans. La délégation a par la suite indiqué qu'un programme de construction de prisons avait été lancé pour répondre au problème de la surpopulation carcérale. Des mesures ont également été prises avec un certain succès afin de réduire la détention préventive et elles sont en voie d'être généralisées à l'ensemble du pays; l'accent a été mis en particulier sur les cas des personnes détenues depuis plus de deux ans.
La loi de 1996 sur l'interruption volontaire de grossesse permet à la femme qui en fait la demande d'avorter pendant les douze premières semaines de la grossesse, entre la treizième et la vingtième semaine pour des raisons médicales ou sociales et, après la vingtième semaine, en cas de risque pour sa vie ou en cas de malformation ou de lésion du fœtus. Cette loi a permis de réduire de moitié la mortalité maternelle. Toutefois, on a constaté que certains centres pratiquant des avortements n'étaient pas aux normes et qu'en outre, des jeunes femmes se font avorter en dehors des centres agréés par manque de moyens. Cette question fait partie des priorités des pouvoirs publics, a affirmé la délégation. Elle a aussi reconnu qu'il existait une stigmatisation envers les jeunes femmes demandant à se faire avorter. Des programmes de sensibilisation et de formation ont été mis en place pour lutter contre ce genre de préjugés.
En réponse à la question d'un membre du Comité sur certaines pratiques sociales, la délégation a indiqué que les tests de virginité étaient interdits par la loi s'agissant des mineurs de moins de 18 ans, tandis qu'ils doivent faire l'objet d'un consentement par écrit de la part des adultes majeurs concernés.
En ce qui concerne la pratique des enlèvements traditionnels (ukuthwala), qui existe principalement dans la province de KwaZulu-Natal, il prend deux formes: la première se produit lorsqu'un couple rencontre des obstacles à son union. Avec l'assentiment de la jeune fille, celle-ci est enlevée par son amoureux et conduit dans la famille de celui-ci, les deux familles s'efforçant ensuite de s'entendre à l'amiable; une variante désigne une forme d'enlèvement d'une fille ou d'une jeune femme par un homme et ses amis ou ses pairs dans l'intention de contraindre la famille de la jeune femme à accepter des négociations en vue d'un mariage. En revanche, une autre pratique concerne des enlèvements pratiqués sous couvert de la tradition et qui, de fait, n'en sont pas. Ainsi, en 2012, un homme a été traduit en justice pour viol, traite et agression à la suite d'un enlèvement prétendument ukuthwala. Il a été condamné à 22 ans de prison, ce qui démontre la volonté du pays de ne plus tolérer de telles pratiques néfastes qui portent atteinte aux droits et à la dignité des femmes.
Le mariage traditionnel polygame est séculaire en Afrique du Sud et il a été légalisé par un texte de en 1998 reconnaissant les mariages coutumiers, sur un pied d'égalité avec les mariages civils. Alors qu'auparavant, une femme était considérée comme une perpétuelle mineure, désormais, y compris dans les unions polygames, les femmes ont un statut égal à celui de leur époux, y compris s'agissant de la propriété des biens. Elle a par la suite ajouté que l'Afrique du Sud reconnaît tout un éventail de familles, y compris les couples homosexuels. La Constitution reconnaît la diversité de l'Afrique du Sud, a-t-elle rappelé. La question de la polygamie a été analysée par la Cour constitutionnelle qui a jugé que la première épouse devait donner son avis lorsque son mari envisage de prendre une «coépouse». Il n'est pas question d'abolir le mariage polygame, celui-ci n'étant pas réservé exclusivement aux hommes, la législation n'interdisant ainsi pas à une femme d'avoir plusieurs maris. La polyandrie est légalement possible, la loi sur les mariages traditionnels polygames n'étant pas sexiste, a insisté la délégation en réponse à de nouvelles questions sur ce thème.
La sorcellerie, particulièrement dans la province de Limpopo, a conduit à des atteintes aux biens et aux personnes, généralement des femmes soupçonnées par le voisinage d'être des sorcières. Des campagnes de sensibilisation ont été conduites afin d'inciter les gens à ne pas lancer des accusations gratuites de cette nature, a indiqué la délégation. Une législation spécifique est envisagée afin de remédier aux lacunes de la loi de 1957 sur la répression de la sorcellerie, interdisant diverses activités liées à la sorcellerie, aux accusations de sorcellerie et à la chasse aux sorcières.
Les châtiments corporels sont interdits dans les établissements scolaires, a poursuivi la délégation, précisant que le Gouvernement envisageait de les interdire également au sein de la famille. Elle a par la suite précisé que les châtiments corporels étaient interdits dans les institutions de l'État mais pas dans le secteur privé. Toutefois, il est envisagé de généraliser cette interdiction.
La ratification du Protocole facultatif à la Convention sur la torture dépend d'une étude approfondie de ses implications, a expliqué la délégation. Elle a indiqué que cela dépendait en partie du déblocage de moyens afin de créer un mécanisme pour l'examen de plaintes, qui devra précéder la ratification de l'instrument.
La délégation s'est dite surprise par le chiffre de 900 victimes migrantes mentionnées par un expert. Elle a par la suite demandé de préciser ses sources à l'expert ayant donné le chiffre de 900 personnes ayant succombé à des attaques racistes depuis 2008. Elle a précisé qu'entre 2000 et mars 2008 au moins 67 personnes avaient perdu la vie dans des attaques xénophobes, une soixantaine d'autres les années suivantes. En 2015, six décès ont été enregistrés dans ce type de violence dont ceux de trois Sud-Africains.
La délégation a souligné que près de 1,1 million d'étrangers étaient entrés dans le pays ces dernières années. La population totale de migrants est estimée entre 2,2 et cinq millions de personnes. Il y a très peu de camps de réfugiés, contrairement à d'autres pays d'Afrique ou d'Europe, mais il est exact qu'une concurrence féroce a lieu avec les travailleurs sud-africains. Les étrangers qui ont été la cible d'attaques ont eu le choix entre l'intégration dans des communautés locales ou le versement d'une aide au retour dans leur pays.
La délégation a par la suite expliqué que la majorité des demandeurs d'asile arrivaient en Afrique du Sud par un poste-frontière terrestre; ils disposent désormais de cinq jours pour déposer une demande, contre 14 auparavant, le délai ayant été réduit afin que les migrants aient pour priorité de demander un permis de séjour dès leur arrivée. Il est possible à tout demandeur d'asile dépourvu de papiers d'identité d'entrer légalement en Afrique du Sud, à condition qu'il signale dès l'entrée sur le territoire son intention de faire une demande d'asile. Ne sont envoyés au centre de rétention de Lindela que les étrangers ayant épuisé toutes les voies de recours pour pouvoir rester dans le pays, a précisé la délégation. La Commission nationale des droits de l'homme dispose d'un bureau à Lindela, le Parlement ayant lui aussi un droit de regard sur la gestion du centre.
Quant à l'affaire McCallum, au sujet de laquelle le Comité a constaté que l'Afrique du Sud avait violé le Pacte en n'offrant pas de recours effectif au requérant, en ne donnant pas rapidement suite à la demande d'examen médical de celui-ci, la délégation a indiqué que cette personne avait vu sa plainte classée sans suite. Reconnu coupable de meurtre, Bradley McCallum est considéré comme un menteur compulsif, qui s'est adressé au Comité alors qu'il n'avait pas épuisé toutes les voies de recours, a-t-elle ajouté. La délégation a par la suite reconnu que l'Afrique du Sud aurait pu mieux gérer cette question dans sa relation avec le Comité. Il a souligné que M. McCallum figure parmi d'autres plaignants qui ont renoncé à introduire un recours devant la justice.
La délégation a souligné le caractère contraignant du Pacte. La question d'un éventuel amendement de la Constitution afin que celui-ci ait directement force de droit pourrait être envisagée à la lumière des observations du Comité.
S'agissant du cas du Président soudanais Omar Al-Béchir, la délégation a rappelé qu'il s'était rendu en Afrique du Sud à l'occasion d'un sommet des chefs d'État africains.
Près de sept millions de personnes sont contaminés par le VIH/sida, en Afrique du Sud, la délégation précisant que 3,4 millions recevaient un traitement antirétroviral. Il y a eu une diminution de 90% dans la transmission au fœtus et la mortalité est passée de 53 ans à 61 ans entre 2006 et 2012. L'Afrique du Sud consacre un budget de 1,5 million de rands par an pour lutter contre le VIH/sida. Le Conseil de la recherche scientifique a effectué une étude qui a relevé un fort degré de stigmatisation envers les porteurs de maladies telles que le VIH/sida, la tuberculose ou certaines maladies sexuellement transmissibles. Des efforts importants sont consentis pour donner un accès à la justice, notamment en matière d'aide juridique.
Les décès survenus à la suite d'initiations traditionnelles ne sont pas dus à ces pratiques, a assuré la délégation qui a précisé que des mesures avaient été prises afin d'encadrer ces cérémonies. Le département des affaires traditionnelles a créé une ligne téléphonique à destination des personnes ne s'estimant pas en mesure d'alerter la police en cas d'abus. Des campagnes de sensibilisation sont menées avant la saison d'initiation. La circoncision masculine est l'une des nombreuses pratiques en la matière.
En réponse aux questions sur l'augmentation de la violence sexiste, la délégation a indiqué que les 55 centres d'assistance Thuthuzela chargés de recevoir les victimes avaient enregistré une augmentation de l'affluence, celle-ci s'expliquant par de meilleures conditions d'accueil. Elle a rappelé au passage que le Secrétaire général de l'ONU avait qualifié ces centres de «modèles des meilleures pratiques dans le monde». Par ailleurs, les postes de police ont été organisés de sorte à pouvoir recevoir les victimes dans de bonnes conditions, notamment en matière de respect de la confidentialité. En outre, une quarantaine de tribunaux spécialisés ont été mis en place afin de faire face à l'afflux de plaintes. Les personnes pauvres des zones rurales ont désormais un meilleur accès à ces services, a assuré la délégation.
S'agissant des personnes disparues lors des violences commises durant l'apartheid, 101 corps ont été retrouvés, 91 identifiés, 500 cas de disparitions demeurant non élucidés. Les éléments rendus publics lors des audiences de la Commission vérité et réconciliation ne peuvent être utilisés pour poursuivre un individu en justice, a expliqué la délégation.
Si la législation sur les langues officielles stipule que les projets de loi peuvent être présentés dans une des onze langues reconnues, la plupart du temps cela se fait en anglais ou en afrikaans, a reconnu la délégation. Quant à la communauté khoisane, la loi prévoit l'auto-identification des personnes intéressées. La délégation a rappelé que, n'ayant été codifiées que récemment, les trois langues parlées par cette population autochtone étaient principalement orales.
Conclusion
Au nom de la délégation sud-africaine, la Ministre à la Présidence chargée des femmes, MME SUSAN SHABANGU, a souligné que son pays célébrait cette année le vingtième anniversaire de sa constitution. Des programmes ont été mis en place afin de la faire mieux connaître car les droits de l'homme n'ont un sens que lorsque les populations concernées sont en mesure de les faire valoir. Mme Shabangu a rappelé que le pays mettra l'accent sur la lutte contre le racisme lors de la Journée des droits de l'homme du 21 mars prochain.
M. FABIÁN OMAR SALVIOLI, Président du Comité des droits de l'homme, a fait part de la grande satisfaction du Comité suite aux informations apportées par la délégation. Il a dit prendre note du fort engagement du pays dans la lutte contre le racisme, estimant que l'on n'en attendrait pas moins de la part d'un pays ayant été confronté à l'apartheid. Il a souligné l'importance de prendre des mesures contre la torture et les mauvais traitements en prison. En cette journée du 8 mars, il a fait part de sa préoccupation face à l'intention affichée par la délégation de ne pas abolir certaines pratiques spécifiques contraires à l'égalité des sexes. Il a enfin émis le souhait que l'Afrique du Sud n'attendrait plus de longues années désormais avant de se présenter de nouveau devant le Comité.
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