Fil d'Ariane
LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LE RAPPORT DE LA SLOVÉNIE
Le Comité des droits de l'homme a examiné, hier après-midi et ce matin, le troisième rapport périodique présenté par la Slovénie sur les mesures qu'elle a prises pour donner effet aux dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Présentant ce rapport, Mme Tina Brecelj, Ministre adjointe de la justice de la Slovénie, a indiqué que les dernières élections législatives en Slovénie avaient permis d'améliorer la représentation des femmes au Parlement, qui dépasse aujourd'hui les 35 %, tandis que la composition du Gouvernement reflète une stricte parité. Elle a aussi indiqué que la Slovénie faisait face, depuis l'an dernier, à un afflux massif de migrants en transit vers le nord de l'Europe: depuis octobre, près d'un demi-million de personnes ont traversé le pays. La Slovénie s'efforce, en coopération avec ses partenaires européens et les pays de la région, de trouver des solutions à cette situation migratoire extraordinaire et le pays continuera d'accorder la protection internationale à tous ceux qui y ont droit, a assuré la Ministre adjointe. Mme Brecelj a également informé le Comité des mesures prises par la Slovénie en faveur de la communauté rom, du renforcement du statut de l'Avocat du principe d'égalité et du rétablissement des droits des ressortissants de l'ancienne Yougoslavie dont les permis de résidence avaient été annulés au moment de l'indépendance du pays.
L'importante délégation de la Slovénie était également composée de Mme Alenka Markov, Ministre plénipotentiaire auprès du Ministère des affaires étrangères, ainsi que de représentants des Ministères de l'intérieur; de l'éducation, de la science et du sport; du travail; de la famille, des affaires sociales et de l'égalité des chances; de l'environnement et de la planification territoriale; et de la culture. Des représentants du Bureau pour les minorités nationales étaient également présents.
La délégation a répondu aux questions des membres du Comité s'agissant, notamment, de la place du Pacte dans la législation slovène, de la gestion de l'afflux actuel de migrants, du rôle du Médiateur pour les droits de l'homme, des difficultés d'intégration de la communauté rom et des «personnes effacées» des registres de résidence après la proclamation de l'indépendance, en 1992.
Une experte a fait part des préoccupations du Comité concernant la gestion de l'afflux de migrants par la Slovénie depuis que celle-ci a fermé sa frontière avec la Croatie aux migrants qui ne disposent pas de documents de voyage valides. Elle s'est inquiétée du recours à l'armée pour contrôler les frontières et des difficultés qu'ont les migrants de déposer des demandes d'asile. Les problèmes de discrimination à l'égard des Roms en Slovénie ont fait l'objet de nombreuses questions, les experts se félicitant toutefois des mesures prises en faveur des Roms en matière d'éducation, de santé, d'emploi. Si les membres du Comité se sont félicités des mesures prises en faveur de la parité des sexes au niveau politique, qui ont démontré leur efficacité, ils se sont inquiétés en revanche de la situation beaucoup moins favorable des femmes dans le domaine économique. Enfin, un expert a suggéré à la Slovénie d'adopter une loi de portée générale contre la traite des personnes.
Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport de la Slovénie, qu'il rendra publiques à l'issue de la session le jeudi 31 mars prochain.
Le Comité entame cet après-midi, à 15 heures, l'examen du rapport du Costa Rica (CCPR/C/CRI/6), qui se poursuivra demain matin.
Présentation du rapport de la Slovénie
Le Comité est saisi du troisième rapport périodique de la Slovénie (CCPR/C/SVN/3), ainsi que de ses réponses (CCPR/C/SVN/Q/3/Add.1 – en anglais et en espagnol) à une liste de questions posées par le Comité (CCPR/C/SVN/Q/3). Le Comité est également saisi du rapport de base de la Slovénie (HRI/CORE/SVN/2014), qui contient des renseignements généraux à l'intention des organes chargés de la mise en œuvre des instruments internationaux dans le domaine des droits de l'homme.
MME TINA BRECELJ, Ministre adjointe de la justice de la Slovénie, chef de la délégation, a exprimé les regrets de son pays pour le retard apporté dans la présentation de son rapport, qui couvre la période 2005-2014. Mme Brecelj a ensuite fait le point sur un certain nombre d'événements récents, notamment la tenue d'élections législatives qui ont permis d'améliorer la représentation des femmes au Parlement, qui dépasse aujourd'hui les 35 %. La composition du Gouvernement reflète, quant à elle, une stricte parité.
Le chef de la délégation a rappelé que la Slovénie faisait face, depuis l'an dernier, à un afflux massif de migrants, la grande majorité d'entre eux étant en transit vers le nord de l'Europe. Depuis la mi-octobre, près d'un demi-million de personnes ont traversé le pays, la Slovénie s'efforçant, en coopération avec ses partenaires européens et les pays de la région, de trouver des solutions à cette situation migratoire extraordinaire. Elle entend persévérer en ce sens avec le soutien de bénévoles, d'organisations non gouvernementales et d'acteurs internationaux. La Slovénie continuera d'accorder la protection internationale à tous ceux qui y ont droit.
En décembre 2014, la Slovénie a ratifié la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique. Parmi les mesures introduites par le nouveau code pénal amendé, entré en vigueur en octobre dernier, Mme Brecelj a attiré l'attention du Comité sur la pénalisation du mariage forcé. Par ailleurs, le droit des étrangers dans le domaine du travail a été amendé en septembre dernier afin de créer un permis de résidence et de travail unique. La Cour constitutionnelle a adopté des décisions importantes, notamment en matière de conservation des données par les sociétés de télécommunication et fournisseurs d'accès.
La Ministre adjointe indiqué que le Gouvernement slovène avait entériné, l'an dernier, son quatrième rapport sur la situation de la communauté rom en Slovénie. Si celui-ci fait état de progrès non négligeables, les autorités demeurent conscientes de l'insuffisante inclusion sociale des membres de la communauté roM. Une résolution a par ailleurs été adoptée l'automne dernier sur le Programme national d'égalité des chances pour hommes et femmes, qui couvre la période 2015-2020. En outre, en décembre dernier, le groupe gouvernemental sur la lutte contre la traite d'êtres humains a adopté des lignes directrices en matière d'identification, d'assistance et de protection. Par ailleurs, les professionnels concernés bénéficient de formations dans ce domaine.
En outre, la Slovénie prévoit d'améliorer le statut et les fondations juridiques du Médiateur pour les droits de l'homme afin de lui permettre d'obtenir le statut A attestant du respect des Principes de Paris sur les institutions nationales des droits de l'homme. Cette réforme pourrait être actée dès cette année.
Sur le plan juridique, la Constitution stipule que les lois et règlements doivent respecter les principes généralement acceptés du droit international et des traités par lesquels la Slovénie est liée. Les accords internationaux auxquels elle est partie sont d'application directe. Ainsi, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques peut être invoqué par les parties devant les tribunaux. Les magistrats suivent des formations à ce sujet.
La Slovénie jouit d'une bonne représentation féminine dans les affaires publiques, en particulier dans le secteur judiciaire, où elle est supérieure à la moyenne. Toutefois, le nombre de femmes dans les postes à responsabilité demeure relativement bas, une situation à laquelle les autorités sont en train de remédier. Elles envisagent aussi de préparer la base juridique qui permettra d'appliquer des quotas dans les secteurs où les femmes sont sous-représentées.
Au lendemain de sa création, l'État slovène a été confronté à des violations massives des droits de l'homme auxquelles il a n'a réagi que lentement, a reconnu la Ministre adjointe. Cela a été le cas face aux annulations de permis de résidence en 1992. On s'est efforcé par la suite à remédier à cette question, notamment par le versement d'indemnisations.
Mme Brecelj a également reconnu que son pays avait enregistré une recrudescence, sur Internet essentiellement, des discours de haine visant les musulmans. Des actes hostiles contre des lieux fréquentés par la communauté musulmane ont fait l'objet de plaintes. Les plus hautes autorités de l'État ont fermement pris position contre ce type d'actes et ont appelé à la tolérance et au respect.
Le chef de la délégation slovène a assuré que la communauté rom jouissait des mêmes droits que les autres catégories de citoyens. Les Roms bénéficient même d'un statut spécial dans les régions où ils vivent depuis toujours, afin de garantir leur représentation dans les conseils municipaux.
Enfin, la Ministre adjointe a donné des exemples des campagnes d'information visant à faire connaître les grands instruments internationaux des droits de l'homme, notamment le Pacte et les recommandations du Comité. Elle a souligné qu'outre l'État, ses ministères et ses organes, la rédaction du rapport slovène avait aussi compté avec les contributions de la société civile. Le rapport a été examiné par la Commission interministérielle sur les droits de l'homme, dans laquelle siègent des représentants des ministères, des organisations non gouvernementales et des universitaires.
Examen du rapport
Questions et observations des membres du Comité
Une experte a salué le rapport complet présenté par la Slovénie. Elle a toutefois fait part de ses préoccupations s'agissant de la gestion de l'afflux de migrants. Ce mois-ci, le pays a en effet fermé sa frontière avec la Croatie aux migrants ne disposant pas de documents de voyage valides.
S'agissant de l'application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, l'experte a souhaité avoir des exemples d'affaires dans lesquelles ses dispositions ont été invoquées par les juridictions slovènes. Quelles mesures ont été prises pour faire mieux connaître le Pacte aux juges, aux procureurs et aux avocats? Les magistrats ont-ils une bonne connaissance du Pacte, et quelles formations sont assurées? Par ailleurs, quelles mesures ont été prises pour aligner pleinement sur les Principes de Paris le statut du Médiateur pour les droits de l'homme ? Une décision a-t-elle été prise s'agissant de la création d'une institution nationale de droits de l'homme en bonne et due forme, a aussi demandé l'experte. De quelles ressources le Médiateur dispose-t-il dans le contexte actuel de restrictions budgétaires ?
L'experte a enfin abordé la question de la discrimination à l'égard des Roms, se félicitant du bilan objectif présenté dans le rapport. La question de l'inclusion de cette population est complexe, a-t-elle reconnu, se félicitant des mesures prises en matière d'éducation, de santé, d'emploi et de lutte contre la discrimination. Où en est l'État partie dans l'élaboration d'un nouveau plan d'action national à l'horizon 2020, a demandé l'experte ?
Un expert s'est enquis de l'absence, dans le rapport, de statistiques sur la torture et les mauvais traitements: cette absence s'explique-t-elle par le fait qu'aucun cas ne s'est produit ? Ou s'agit-il plutôt d'un manque de données ? Un autre expert a demandé à la délégation de préciser le nombre d'affaires concernant des discours de haine ou d'intolérance tenus par de hauts responsables ou dans les médias. Il a noté par ailleurs une meilleure représentation féminine grâce à l'introduction d'un système de quotas, particulièrement visible aux niveaux gouvernemental, parlementaire et municipal, ainsi que de façon spectaculaire dans le secteur judiciaire où les femmes sont majoritaires. Face à ce résultat remarquable, l'expert s'est demandé s'il ne faudrait pas bientôt introduire des quotas en faveur des hommes. En revanche, dans le domaine économique, la situation est très loin d'être aussi favorable pour les femmes, a-t-il observé, souhaitant savoir quelles mesures le Gouvernement entendait prendre.
Une experte s'est intéressée à l'effacement du registre des résidents permanents d'un certain nombre de personnes originaires d'autres Républiques de l'Ex-Yougoslavie qui, du jour au lendemain, ont été considérées comme étrangères, voire apatrides, et résidant illégalement en Slovénie. Est-il exact qu'il soit impossible pour une partie d'entre elles d'obtenir un permis de résidence ou la nationalité slovène, a demandé l'experte, s'interrogeant sur les raisons pour lesquelles la moitié des personnes intéressées n'étaient pas parvenues à se faire régulariser. La Slovénie semble estimer que le versement d'indemnisations suffit à rendre justice aux personnes alors que l'on est en droit de penser, en vertu des dispositions du Pacte, que seul le rétablissement du statut antérieur des intéressés peut pleinement rétablir leurs droits.
La même experte a soulevé la question de la violence domestique, demandant si le programme d'action national 2009-2014 avait pleinement porté ses fruits. Elle a demandé à la délégation de fournir des informations sur la situation des femmes roms et des personnes âgées.
Tout en se félicitant des mesures prises en faveur des victimes de la traite des êtres humains, un autre expert a demandé s'il ne serait pas utile d'adopter une loi de portée générale, comme l'a recommandé le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes. Il a aussi abordé la question de l'hébergement des victimes, souhaitant savoir s'il était conditionné à une collaboration avec la justice pénale. L'expert a demandé des éclaircissements sur la différence de traitement juridique entre les victimes de nationalité slovène et étrangère. Il a enfin demandé des statistiques sur le nombre de poursuites et de condamnations pour des faits liés à la traite des êtres humains.
Un membre du Comité a voulu savoir si le harcèlement en ligne était un délit poursuivi d'office par le parquet ou uniquement sur plainte.
Une experte a demandé que soient précisés les critères permettant de bénéficier de l'aide juridictionnelle en Slovénie. Elle s'est dite surprise, par ailleurs, par l'absence de statistiques sur la population carcérale dans le rapport, alors que celles-ci sont disponibles sur Internet. Il semble que le nombre de personnes détenues ait augmenté d'un quart entre 2000 et 2014. La surpopulation carcérale atteindrait les 50 %, l'experte notant un personnel pénitentiaire en sous-effectifs.
Un autre membre du Comité a relevé que les demandeurs d'asile ne pouvaient pas bénéficier de l'aide juridictionnelle. Il a demandé quels efforts étaient réalisés par l'État pour réduire les retards dans le traitement des affaires judiciaires. Le rapport, peu précis à cet égard, ne donne pas non plus d'informations sur les violations de l'intégrité sexuelle par une personne détentrice d'autorité. Le Comité souhaite avoir une idée plus claire de la situation en matière de violences contre les mineurs. Si un effort juridique est accompli pour interdire les mariages précoces et forcés, le même expert a demandé quelles actions l'État envisageait de prendre pour que cette pratique disparaisse dans la réalité.
Un autre expert a abordé la question de l'afflux de migrants en Europe, souhaitant connaître la position de la Slovénie sur le projet d'accord européen avec la Turquie. Il a cité le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l'homme des migrants, M. François Crépeau, qui a dit hier sa préoccupation devant la menace d'une expulsion massive de migrants par les Européens. L'armée slovène étant déployée à la frontière, l'expert a demandé quel rôle lui était dévolu, étant entendu que d'ordinaire la police est appelée à gérer ce type de situation. Cela signifie-t-il que la police n'est pas capable de faire face ? L'expert a cité des propos du Médiateur pour les droits de l'homme, selon lequel les prérogatives accordées à l'armée sont trop vagues. Cela pose la question des voies de recours disponibles en cas d'abus, a noté l'expert. Le Médiateur a également émis des doutes sur la pertinence d'ériger une clôture de barbelés, une initiative qualifiée de potentiellement disproportionnée. Enfin, des demandeurs d'asile se sont heurtés à un refus d'entrée sur le territoire slovène, ce qui semble aller à l'encontre du principe de non-refoulement, a observé le même expert: quels sont les critères d'admission sur le territoire slovène ?
Un autre expert a constaté que le projet d'accord entre l'Union européenne et la Turquie sur la gestion des migrants était probablement contraire aux dispositions du Pacte. Il a demandé la position de la Slovénie à ce sujet.
Rappelant que l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe avait appelé à abolir la pénalisation de la diffamation, un autre expert a estimé que cette question mériterait une plus grande attention de la part de l'État partie. L'expert a demandé par ailleurs à la délégation de préciser les conditions d'acquisition de la nationalité slovène, s'agissant notamment des enfants apatrides.
Une experte a souhaité savoir si des mesures avaient été prises, ou sont prévues, pour éliminer la différence de statut en droit interne entre Roms «autochtones» et Roms «non autochtones»; et pour assurer une représentation des Roms au sein des conseils municipaux des localités où ils vivent. De nombreux élèves roms abandonnent l'école prématurément: on estime que 70 % des femmes roms n'ont pas achevé l'école primaire, a dit l'experte. Elle a souligné la nécessité de mieux intégrer cette communauté dans les processus décisionnels. Elle s'est enfin inquiétée de la non-reconnaissance constitutionnelle des minorités serbe, croate et allemande qui, de par leur présence historique, sont pourtant plus importantes que certaines autres qui sont reconnues.
Un autre membre du Comité a souhaité que soient précisés les droits successoraux des couples de personnes lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels. Enfin, une experte a demandé si les fonctionnaires étaient formés au principe du non-refoulement.
Réponses de la délégation
La délégation a souligné que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques faisait partie intégrante des formations que reçoivent les magistrats et les fonctionnaires concernés, ainsi que les avocats. Le Pacte est largement invoqué dans la pratique; en cas de vide juridique dans la législation interne, le tribunal peut invoquer le Pacte ou tout autre instrument international ratifié par la Slovénie.
Le bureau du Médiateur est une institution en constante évolution. Un nouveau projet de loi va en préciser les compétences. Si le Médiateur n'a pas indiqué manquer de ressources financières, il a demandé de disposer d'une unité spécialisée dans la prévention. La délégation a précisé que le Médiateur présente un rapport d'activité annuel au Parlement et peut lui faire une demande de budget supplémentaire, s'il l'estime nécessaire.
Les quotas dans le système judiciaire n'ont effectivement plus lieu d'être, a reconnu la délégation, soulignant qu'il faudrait même introduire des quotas à la Cour suprême pour assurer une meilleure représentation masculine. S'agissant de la représentation des femmes dans les postes à responsabilité, la délégation a attiré l'attention sur le fait que le pays ne comptait guère de très grandes sociétés, ce qui ne rend pas pertinente la tenue de statistiques dans le secteur privé.
Face à l'afflux de migrants, la Slovénie s'est retrouvée confrontée à une situation à laquelle elle n'était pas préparée, l'Union européenne n'étant pas en mesure de fournir des solutions immédiates. Quant à la fermeture de la frontière, la Slovénie s'est dite consciente des difficultés auxquelles sont confrontés les migrants à la frontière gréco-macédonienne. Elle participe à la réflexion en cours au niveau européen pour trouver une solution au problème des migrants, éventuellement avec la Turquie. Les obstacles érigés à la frontière ont pour but d'orienter les migrants vers des points d'entrée sûrs, et éviter qu'ils ne se retrouvent dans des zones dangereuses. Ces barrières seront supprimées dès que possible. Entretemps, le Médiateur a estimé que leur construction ne constituait pas une violation des droits de l'homme, a affirmé la délégation. Par ailleurs, les procédures de regroupement familial ont été rendues plus cohérentes. Un mineur non accompagné, dont les parents sont inconnus, peut obtenir automatiquement la nationalité slovène, a indiqué la délégation en réponse à une question d'un membre du Comité.
Quant au déploiement de l'armée, il s'explique par la volonté de fournir un soutien logistique non seulement à la police mais aussi aux migrants. Le recours à la force se fait uniquement dans des situations de légitime défense, a assuré la délégation, qui a précisé que l'armée n'était pas censée ouvrir le feu en l'absence d'attaque directe. En tout état de cause, c'est la police qui demeure en charge du maintien de l'ordre. Le déploiement de l'armée n'a été autorisé que de manière temporaire par le Parlement qui sera amené à se prononcer sur une éventuelle prolongation de la mesure.
S'agissant de la communauté rom, un programme d'action national est en cours d'élaboration par les différents ministères concernés et avec le Conseil de la communauté rom qui a, lui aussi, voix au chapitre et collabore avec toutes les instances. Les discours de haine à l'endroit des Roms sont en augmentation et semblent liés à la crise actuelle des migrants. Le Parlement a tenu une session extraordinaire pour débattre de ce problème et de son lien avec la crise des migrants. Toute expression de haine, de violence et d'intolérance a été unanimement condamnée à cette occasion, y compris la négation de la Shoah, a fait valoir la délégation.
En réponse à des questions relatives à l'éducation des jeunes Roms, la délégation a indiqué que des stratégies didactiques avaient été mises en place afin que ces enfants puissent surmonter les obstacles émotionnels et linguistiques auxquels ils sont confrontés. La délégation a reconnu que la communauté rom se méfiait encore des institutions éducatives: une action de longue haleine sera donc nécessaire pour faire chuter l'abandon scolaire chez les jeunes Roms. Enfin, des campagnes d'information et de sensibilisation sont réalisées contre les mariages forcés ou précoces.
Si, depuis 2004, une loi réprime la discrimination, les autorités sont conscientes qu'elle est insuffisante, puisqu'elle prévoit que l'Avocat du principe d'égalité est, à lui seul, chargé de la faire respecter. Il est envisagé de lui adjoindre une entité de quatre personnes qui serait chargée de procéder à des inspections. L'Avocat sera aussi doté d'un budget supplémentaire pour la recherche et la sensibilisation. Il est clair que l'on est face à un problème de sous-signalement mais la Gouvernement a bon espoir d'y remédier une fois ce projet de texte adopté, qui devrait donner plus de visibilité à l'Avocat.
La torture étant un délit récemment inscrit dans la législation, les autorités ne disposent de statistiques que depuis 2010. Tout indique que la torture est un phénomène inexistant en Slovénie. La délégation a notamment souligné que les forces de l'ordre, dans leur ensemble, n'utilisaient leurs armes qu'une ou deux fois par an, voire pas du tout certains années. La police bénéficie de formations systématiques sur la violation de la dignité humaine; les personnels de santé sont formés à déceler les cas de mauvais traitements. D'autres formations portent sur la pornographie infantile et sur la psychologie infantile. Certaines sont assurées en langues rom et albanaise à destination des communautés concernées.
La délégation a confirmé que la prison de Ljubljana était en situation de surpopulation carcérale. Pour y remédier, il est envisagé de construire un nouveau centre de détention dans la capitale, la question de son financement restant à régler. Quant au nombre de mineurs détenus, il est en moyenne de cinq par an, a précisé la délégation en réponse à une question d'un membre du Comité.
En réponse aux questions des membres du Comité s'agissant de la question des «personnes effacées» des registres de résidence, la délégation a rappelé que les citoyens disposaient d'une double nationalité à l'époque de l'ancienne Yougoslavie: yougoslave et celle de leur République d'origine. Cela explique que les non-Slovènes aient dû clarifier leur statut au moment de l'indépendance. En raison des lacunes constatées, des amendements ont été apportés à la loi sur la citoyenneté, afin de permettre aux personnes concernées de revendiquer la nationalité slovène dans un délai de trois ans, y compris les personnes ayant quitté le territoire. On a constaté un nombre moins important que prévu de personnes souhaitant bénéficier de ces nouvelles dispositions. Il y a en effet des gens qui ont quitté la Slovénie et qui n'ont pas l'intention d'y revenir.
Les «personnes effacées» ayant acquis finalement la nationalité slovène ou qui ont obtenu un permis de résidence ont le droit de réclamer des indemnisations, en principe par la voie judiciaire. Le montant total des indemnisations déjà versées à ce titre approche les 22 millions d'euros, selon les derniers chiffres disponibles.
La délégation a précisé que les autorités slovènes estimaient avoir fait tout leur possible pour remédier à la situation des personnes «effacées». Mais il est clairement apparu que toutes les personnes qui auraient pu se prévaloir des mesures permettant d'acquérir la nationalité slovène ou d'obtenir un titre de séjour ne l'avaient pas fait ou trop tard. Ces personnes doivent maintenant agir en justice, notamment pour demander une indemnisation.
La lutte contre la violence domestique, qui consiste notamment en campagnes de sensibilisation du public, a porté ses fruits, a fait valoir la délégation. On a ainsi constaté davantage de signalements, ce qui est l'un des principaux acquis des mesures prises. En revanche, il reste à mettre en place un système de collecte de données. Il est prévu d'élargir par ailleurs la définition des membres de la famille afin de prendre en compte toutes les violences domestiques. Il s'agit aussi de permettre aux personnes vulnérables, et pas uniquement aux enfants, d'être assistées pour déposer plainte. La délégation a reconnu que les mesures disponibles étaient insuffisantes jusqu'à présent; elles ne permettaient pas, notamment, d'appliquer des mesures d'éloignement des auteurs de violences.
Un mécanisme de prise en charge des victimes de la traite des êtres humains a été créé avec l'aide d'organisations non gouvernementales. Un manuel rédigé l'an dernier sera remis à tous les acteurs concernés. Quant à l'adoption d'une loi de portée générale contre la traite, telle que suggérée par un expert, une réflexion est en cours à ce sujet en s'inspirant de ce qui se fait ailleurs dans l'Union européenne. Il existe différents types de foyers – hébergement d'urgence ou de longue durée – qui sont généralement gérés par des associations, même s'ils sont créés par les autorités. Après un délai de deux fois trois mois, les étrangers peuvent demander un permis de séjour provisoire. Les victimes de traite peuvent obtenir un titre de séjour temporaire d'un an, prorogeable, à condition qu'elles collaborent aux enquêtes de justice.
Le délit de harcèlement des mineurs est poursuivi ex officio, a répondu la délégation à la question d'un expert. L'abolition des châtiments corporels sera intégrée à la loi sur la prévention de la violence domestique: cette manière de procéder permettra d'éviter d'en passer par un référendum, a expliqué la délégation en référence au rejet par le peuple du projet de code de la famille en 2012.
La délégation a assuré qu'une bonne collaboration existait avec la société civile en matière de défense des droits de l'homme, dans le cadre de campagnes d'information sur la Convention relative aux droits de l'enfant et sur la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Un projet de loi générale sur la prévention des discriminations est en cours d'élaboration, a précisé la délégation en réponse à une demande d'un membre du Comité. S'agissant des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transsexuelles, il est prévu de mener des campagnes de sensibilisation face à la réticence de l'opinion publique quant à l'octroi de droits en faveur des conjoints de même sexe.
La délégation a précisé encore que le Médiateur pour les droits de l'homme avait considéré que les retards dans les procédures judiciaires ne constituaient pas un problème de portée systémique en Slovénie.
Un groupe de travail interministériel sur le bilinguisme a élaboré un plan d'action en concertation avec les représentants des minorités italienne et hongroise. Les intérêts de la communauté germanophone sont aussi pris en compte: ils ont fait l'objet d'un accord bilatéral avec l'Autriche. Les organisations des minorités nationales se sont dites très satisfaites de l'évolution de la situation en Slovénie. Tout citoyen a le droit de revendiquer son appartenance à sa communauté ethnolinguistique. Un Conseil consultatif auprès des autorités slovènes favorise la concertation entre les parties concernées.
Conclusions
MME TINA BRECELJ, Ministre adjointe de la justice de la Slovénie, s'est félicitée du caractère constructif du dialogue, espérant avoir fourni les réponses nécessaires. La délégation est d'accord avec le Comité sur les progrès mais aussi sur le constat des lacunes observées. Le rôle du Médiateur pour les droits de l'homme sera renforcé l'an prochain, le Gouvernement ayant d'ores et déjà déposé un projet de loi en ce sens. Des initiatives de grande ampleur seront lancées contre la violence domestique, comme par exemple des mesures de réinsertion et de relogement des victimes. L'interdiction des châtiments corporels sera actée, a assuré la délégation.
Le Gouvernement est conscient par ailleurs que l'intégration de la communauté rom est encore insuffisante. Des mesures sont prises pour y remédier en concertation avec les personnes intéressées, surtout en matière d'éducation.
La Slovénie s'est engagée à régler le problème des radiations de permis de séjour – qui constituent de fait une violation des droits de l'homme – par des indemnisations ou par d'autres mesures. Mme Brecelj a souligné aussi les difficultés liées à la pression migratoire, rappelant que son pays ne pouvait régler ce problème à lui seule. Mais les mesures prises à la frontière ne visent en aucun cas à fermer la Slovénie aux personnes en quête d'une assistance internationale. La Ministre adjointe a enfin souligné l'importance de l'activité des organisations non gouvernementales slovènes: elles ont bénéficié de subventions pour un montant de 290 millions d'euros en 2015.
M. FABIÁN OMAR SALVIOLI, Président du Comité des droits de l'homme, a attiré l'attention de la Slovénie sur l'importance de disposer d'une institution nationale de droits de l'homme pleinement indépendante. M. Salvioli a recommandé à la Slovénie d'examiner la question de la diffamation à la lumière de l'Observation générale n° 34 du Comité (2011) concernant la liberté d'opinion et d'expression. Face au problème de la migration, la lutte contre les discours de haine est essentielle, a souligné le Président. Il a enfin indiqué que la question du traitement des minorités ferait l'objet de recommandations du Comité.
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CT16008F