Aller au contenu principal

LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME TERMINE SON DÉBAT CONSACRÉ AUX PROCÉDURES SPÉCIALES

Compte rendu de séance

Le Conseil des droits de l'homme a conclu, cet après-midi, son débat sur l'examen du système des mandats des procédures de ses procédures spéciales - rapporteurs spéciaux et autres experts - en entendant des représentants d'États non membres et d'organisations non gouvernementales.

Plusieurs délégations ont exprimé leurs réserves voire leur opposition quant à l'opportunité de maintenir des mandats par pays, arguant notamment que le Conseil disposera désormais de la procédure d'examen périodique universel pour assurer la surveillance des situations spécifiques. D'autres délégations ont au contraire mis l'accent sur l'impérieuse nécessité de maintenir des procédures spéciales par pays dans le cas de violations systématiques et massives des droits de l'homme. Un grand nombre de délégations ont abordé la question controversée des modalités de désignation des titulaires de mandat de procédures spéciales, qui divise partisans d'une élection par le Conseil et partisans de leur désignation par le Président du Conseil ou par la Haut-Commissaire aux droits de l'homme. D'autres évoquent une solution alternative qui combinerait ces deux méthodes.

Le Conseil a par ailleurs été appelé à assurer un suivi effectif des recommandations émanant des titulaires de mandat, suivi qui pourrait s'inscrire dans le cadre de l'examen périodique universel. La nécessité de préserver l'indépendance des experts chargés de mandat du Conseil a été maintes fois soulignée.

Les représentants des pays suivants ont pris la parole: Soudan, République populaire démocratique de Corée, Thaïlande, Zimbabwe, Népal, Palestine, Danemark, Costa Rica, Autriche, Nouvelle Zélande, Arménie et Venezuela. Les organisations non gouvernementales ci-après ont également fait des déclarations: United Nations Watch; Human Rights Watch; Pax Romana; Organisation mondiale contre la torture; Amnesty International; Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP), (au nom également de Centre Europe tiers-monde (CETIM), Ligue internationale pour les droits et la libération des peuples, et la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté); Reporters sans frontières - international (RSF); Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH); et le Service international pour les droits de l'homme.

Concluant le débat, le facilitateur pour la question des procédures spéciales, M. Tomáš Husák, a notamment rappelé que les modalités de nomination ou d'élection des titulaires de mandats doivent encore faire l'objet de discussions. Un autre point controversé concerne les mandats par pays, a relevé le facilitateur; la nécessité d'en discuter n'a pas été remise en cause au sein du Groupe de travail, a-t-il souligné. La préparation d'un code de conduite à l'usage des procédures spéciales est un point qui doit aussi encore être débattu, a-t-il dit.


Demain matin, à 10 heures, le Conseil portera son attention sur la question d'un mécanisme de plainte. Cette question a également fait l'objet des travaux menés dans le cadre de son Groupe de travail chargé d'examiner la question de l'amélioration et de la rationalisation «de tous les mandats, mécanismes, fonctions et attributions de la Commission des droits de l'homme de façon à maintenir le régime des procédures spéciales, ainsi qu'un mécanisme de conseil et de plainte».


Suite du débat sur les procédures spéciales

M. IDRISS MOHAMMED ALI (Soudan) a indiqué que, pour son pays, le document présenté ce matin par le facilitateur pour la question des procédures spéciales, M. Tomáš Husák, ne reflète pas complètement les prises de positions exprimées par les États Membres. Le Soudan estime que la désignation des titulaires de mandats doit se faire par le biais d'une élection respectant notamment le critère de répartition géographique. Les mandats par pays ont été trop politisés, a rappelé le représentant soudanais, estimant que l'examen périodique universel est alors sans doute l'outil le plus approprié pour examiner les cas de pays particuliers.

M. CHOE MYONG NAM (République populaire démocratique de Corée) a affirmé que le système des mandats a été un facteur de l'échec de la Commission des droits de l'homme. Le représentant s'est en outre opposé aux visites surprises de rapporteurs spéciaux, estimant qu'une telle démarche n'était pas souhaitable et préconisant au contraire une action fondée sur le dialogue. Les procédures visant certains pays ne pourraient que politiser de nouveau les débats et l'action menés par le Conseil et réintroduire le système des deux poids, deux mesures, a déclaré le représentant de la République populaire démocratique de Corée.

M. PITCHAYAPHANT CHARNBHUMIDOL (Thaïlande) a plaidé en faveur de l'instauration d'un système de procédures spéciales indépendant et impartial qui puisse véritablement aboutir à des changements sur le terrain. La position de la Thaïlande est souple quant au processus de nomination, pour autant que l'indépendance du mandat soit respectée, a-t-il indiqué. Il a jugé bonne l'idée d'établir à cette fin une liste de personnes qualifiées. Il a en outre insisté sur la nécessité d'un dialogue constant et constructif entre les titulaires de mandats. Enfin, il a souligné que la coopération entre les titulaires de mandats et les gouvernements devait être à double sens.

M. CHITSAKA CHIPAZIWA (Zimbabwe) a fait part de la préférence de son pays pour l'élection des titulaires de mandats par le Conseil des droits de l'homme. Naguère, a-t-il ajouté, la majorité des membres de la Commission des droits de l'homme se sentait aliénée par la procédure de nomination. Or, celle-ci doit être pleinement démocratique; c'est le seul moyen «de contrecarrer le narcissisme de certains membres et experts qui n'hésitent pas à convoquer de fausses organisations non gouvernementales pour embarrasser des États», a déclaré le représentant.

M. BHARAT RAJ PAUDYAL (Népal) a dit que la compétence et l'indépendance des titulaires de mandats sont des éléments essentiels à prendre en compte dans le contexte de leur nomination, tout comme leur représentativité du point de vue géographique. Les mandataires doivent être élus par le Conseil dans le cadre d'une procédure transparente, a-t-il ajouté. Il convient d'éviter de politiser leur travail et il faudra aussi en rationaliser le nombre, a estimé le représentant népalais. Il a en outre fait part de sa préférence pour le travail réalisé sur la base de mandats thématiques - et non par des procédures par pays - afin d'éviter toute politisation. La transparence est fondamentale, a-t-il ajouté. Enfin, il a mis l'accent sur l'importance que revêt la vérification des informations - lesquelles doivent être basées sur des preuves - afin de rectifier certaines les anomalies.

MME NADINE HASSASSIAN (Palestine) a souligné que, pour ce qui est de sa durée, le mandat sur les territoires palestiniens occupés doit se poursuivre jusqu'à la fin de l'occupation. Or, l'occupation d'une partie du territoire palestinien se poursuit et de nombreuses violations des droits de l'homme continuent d'être commises par la puissance occupante, a-t-elle déclaré.

M. MICHAEL BRAAD (Danemark) a fait observer que si l'accent a souvent été mis sur les défaillances de l'ancienne Commission des droits de l'homme, elle n'en a pas moins à son actif de grandes réalisations qu'il convient de préserver autant que possible, en particulier pour ce qui est des procédures spéciales. Il faut sauvegarder et renforcer l'indépendance et l'impartialité de ces procédures, tout comme leur compétence et leur faculté d'intervenir à tout moment. L'examen périodique universel complètera utilement leur action, a fait valoir le représentant. Les États devront respecter le mandat des procédures spéciales et les aider à accomplir leur mission, a-t-il ajouté. Il faudra en outre dégager les ressources financières nécessaires à leur activité, a conclu le représentant danois.

M. LUIS VARELA QUIRÓS (Costa Rica) a souligné que les travaux du Groupe de travail sur la révision des mandats des procédures spéciales devait déboucher sur des propositions concrètes. Le but est à portée de main, a-t-il estimé. Il a souligné que l'objectif reste de rationaliser les procédures spéciales tout en évitant leur politisation. Il a ensuite mis l'accent sur l'importance de respecter un équilibre du point de vue de la représentativité géographique et culturelle des experts. Leur nombre doit être rationalisé, a-t-il poursuivi. Par ailleurs, leur mandat devrait être de trois ans, renouvelables une seule fois. En outre, les titulaires de mandats devront s'appuyer sur un code de conduite. La transparence et l'objectivité sont à cet égard des principes essentiels.

M. BERT THEUERMANN (Autriche) a souligné que son pays n'était pas favorable à l'idée d'une élection des titulaires de mandats qui, selon lui, ouvrirait la porte à une politisation du processus de nomination. Il a par ailleurs souligné la nécessité de trouver des mesures susceptibles d'assurer une meilleure coopération entre les titulaires de mandats et les gouvernements.

MME AMY LAURENSON (Nouvelle-Zélande) a estimé que la participation des détenteurs de mandats de mandats aux travaux du Groupe de travail devait être encouragée. Les méthodes de travail des procédures spéciales doivent être préservées des influences politiques et la coopération favorisée à tous égards, a-t-elle ajouté. Le processus de nomination des titulaires doit quant à lui être transparent et tenir compte des préoccupations légitimes des États, a poursuivi la représentante néo-zélandaise. Les critères de choix doivent aussi prendre en compte la répartition géographique équitable et la parité entre les sexes. Un manuel de comportement à l'usage des titulaires de mandats serait trop contraignant, a par ailleurs estimé la représentante.

M. ARTAK APITONIAN (Arménie) a insisté sur l'importance capitale que revêt le principe d'indépendance des experts titulaires de mandats de procédures spéciales. Il convient d'assurer davantage de transparence dans l'élection et la nomination de ces experts, a-t-il estimé. Certains affirment que les mandats par pays procèdent de motifs politiques; mais c'est sans doute le meilleur moyen d'empêcher les violations les plus flagrantes des droits de l'homme, a fait valoir le représentant arménien. Les visites conjointes de rapporteurs spéciaux sont également une bonne manière de procéder, a-t-il ajouté. Le représentant a souligné que l'Arménie était attachée à ce que le Conseil parvienne à une solution fondée sur le consensus.

M. GABRIEL SALAZAR (Venezuela) a estimé qu'en ce qui concerne la question des procédures spéciales dans le contexte plus large de la révision des mandats, il serait utile que le Conseil dispose d'un document organisé par points de convergence et de divergence. De l'avis du Venezuela, a-t-il ajouté, un processus d'élection des titulaires de mandats, préalablement sélectionnés, peut contribuer à l'indépendance des procédures spéciales.

MME DONNA ADIRI (United Nations Watch) a estimé qu'une même personne ne devrait pouvoir détenir qu'un seul mandat relatif aux droits de l'homme au sein des Nations Unies. Par ailleurs, les mandats de rapporteurs spéciaux par pays devraient être conservés, car leur suppression limiterait fortement la capacité du Conseil à protéger et promouvoir effectivement les droits de l'homme dans le monde, a-t-elle également déclaré.

M. SEBASTIEN GILLIOZ (Human Rights Watch) a insisté sur la nécessité de préserver et de respecter l'indépendance des procédures spéciales. La pratique consistant à envoyer des rapporteurs spéciaux dans certains pays devait être maintenue, a-t-il estimé, car cette pratique a sauvé des vies, par exemple au Chili ou en ex-Yougoslavie. Le Conseil devrait disposer de rapporteurs spéciaux concernant plusieurs pays et non pas un seul. Les rapporteurs spéciaux devraient aussi être responsables de la clarification de leurs méthodes de travail et ils devraient se fonder sur des normes garantes de leur professionnalisme. Les problèmes rencontrés par les rapporteurs, comme la non-coopération de certains gouvernements, devraient également être exposés.

M. BUDI TJAHJONO (Pax Romana) a mis l'accent sur l'importance que revêtent les procédures spéciales du point de vue des victimes des violations des droits de l'homme, qu'il convient de protéger. Il a insisté sur la nécessité pour le Conseil d'assurer un suivi effectif des recommandations émanant des titulaires de mandats, notamment par le biais de l'examen périodique universel. Le représentant de Pax Romana a par ailleurs mis en garde contre une procédure de nomination des titulaires de mandat par élection qui soumettrait le processus en la matière à «la tyrannie de la majorité». Un processus hybride entre la consultation démocratique et la nomination semble plus approprié. Le représentant a par ailleurs apporté son soutien à l'idée de limiter les mandats à deux périodes successives. Enfin, les violations flagrantes et systématiques de droits de l'homme dans des pays donnés doivent continuer à faire l'objet de procédures spéciales, a-t-il déclaré.

MME ALEXANDRA KOSSIN (Organisation mondiale contre la torture) a déclaré que les discussions autour de la révision des mandats ont d'ores et déjà pris une tournure inquiétante, si l'on en juge par la suggestion d'une trentaine d'États membres de préparer un «code de conduite»; sur ces États, seuls trois ont lancé des invitations permanentes aux procédures spéciales. La représentante de l'OMCT s'est dite favorable à un processus de présélection des candidatures de titulaires des mandats qui tiendrait compte de critères tels que la compétence professionnelle et l'indépendance des candidats. L'examen périodique universel ne peut, à lui seul, remplacer les procédures spéciales, a-t-elle par ailleurs souligné. Dans ce contexte, il est essentiel que les mandats par pays soient maintenus et renforcés dans le sens d'une meilleure prévention et protection des droits de l'homme, a souligné la représentante.

MME PATRIZIA SCANNELLA (Amnesty International) a affirmé que l'élection des rapporteurs spéciaux, une pratique préconisée par plusieurs délégations, ne suffirait pas à fournir toutes les garanties de transparence réclamées par plusieurs intervenants et poserait de nombreux problèmes sur le plan pratique. Tous les États membres devraient envisager les conséquences de mesures de rationalisation des procédures spéciales qui pourraient avoir pour conséquence de les paralyser.

M. GIANFRANCO FATTORINI (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP), au nom également de Centre Europe tiers-monde (CETIM), Ligue internationale pour les droits et la libération des peuples, et la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté) a recommandé que les mandats des procédures spéciales soient clairement définis et que ces procédures couvrent de manière équilibrée tous les droits, une attention plus grande devant à cet égard être accordée aux droits économiques et au droit au développement, en particulier. Il convient en outre de mieux assurer le suivi des recommandations émanant des procédures spéciales. Par ailleurs, la participation des ONG doit être renforcée. Le MRAP est favorable à l'élection des titulaires de mandats par le Conseil. En revanche, le Mouvement s'inquiète de ce que l'introduction d'un nouveau code de conduite ne serve à museler les titulaires de mandats.

M. GEORGE GORDON-LENNOX (Reporters sans frontières - international - RSF) a rappelé estimé que «le mieux est l'ennemi du bien» et qu'appliqué à la question de la nomination des titulaires de mandats, cet adage rappelle que si le système actuel n'est pas parfait, il a néanmoins fait ses preuves. La nomination des titulaires de mandats par un vote du Conseil risquerait de politiser encore les fonctions de ces personnes, a mis en garde le représentant de RSF. Les journalistes «muselés» et pris en otage ne peuvent attendre longtemps que le Conseil s'exprime aussi, les titulaires de mandats doivent pouvoir s'exprimer quand ils le jugent nécessaire devant la presse. Le représentant de RSF a demandé à la Haut-Commissaire aux droits de l'homme d'accorder la plus haute priorité à la question de la liberté d'expression et d'information.

MME SIMIA AHMADI (Fédération internationale des droits de l'homme - FIDH) a plaidé en faveur de l'intervention de rapporteurs spéciaux par pays et même du renforcement de leur action. La publicité donnée aux violations de l'homme et la réactivité de la communauté internationale doivent augmenter en fonction des problèmes constatés sur le terrain, a-t-elle déclaré. Une fois que l'alerte est donnée, les victimes devraient pouvoir compter sur une intervention rapide visant à assurer leur protection. Il convient en outre de veiller à l'indépendance et à l'intégrité du travail des rapporteurs spéciaux. La FIDH est favorable aux mandats par pays comme aux mandats thématiques. L'absence de coopération de la part des gouvernements ne devrait pas être tolérée, a poursuivi la représentante. Les pays qui refusent d'accepter la visite d'une procédure spéciale devraient être sanctionnés, par une suspension et une non-réélection au Conseil s'ils en sont membres.

M. CHRIS SIDOTI (Service international pour les droits de l'homme) a dénoncé une tentative de reconstruction de l'histoire de la part de certains États qui ne souhaitent pas voir reconduites les procédures par pays. Il faut, au contraire, plus de mandats par pays, a-t-il déclaré. Les intérêts des gouvernements ne doivent pas primer sur l'intérêt des peuples, a-t-il souligné. Il a mis en garde le Conseil contre l'idée d'élire les titulaires de mandats, affirmant que cette démarche mènerait inévitablement à une politisation des procédures spéciales. En ce qui concerne la coopération entre les procédures spéciales et les États, ce sont incontestablement surtout ces derniers qui doivent être davantage incités à coopérer effectivement.

M. TOMÁŠ HUSÁK, facilitateur sur la question des mandats des procédures spéciales et Vice-Président du Conseil, s'est félicité de la qualité du débat qui s'est noué tout au long de cette journée. En ce qui concerne la question du statut du document qu'il a présenté ce matin, il a souligné qu'il ne s'agissait là que d'un document exposant l'état des discussions au sein du Groupe de travail chargé de la révision des mandats. Les modalités de nomination ou d'élection des titulaires de mandats doivent encore faire l'objet de discussions, a souligné M. Husák; des divergences d'opinions subsistent en effet quant aux garanties d'impartialité de ces deux procédures de désignation. Un autre point controversé concerne les mandats par pays, a relevé le facilitateur; la nécessité d'en discuter n'a pas été remise en cause au sein du Groupe de travail, a-t-il souligné.

La préparation d'un code de conduite est un point qui doit aussi encore être débattu, comme l'indique le document présenté ce matin, a d'autre part rappelé M. Husák. Quant aux remarques concernant la possibilité d'une censure des procédures spéciales, il a souligné qu'il est prévu non seulement de préparer une série de critères déontologiques, mais même de statuer sur la capacité du Conseil à imposer des normes en la matière, a-t-il indiqué. Les invitations adressées par les États aux procédures spéciales sont envisagées comme un moyen essentiel de protéger les droits de l'homme et de mesurer le degré de coopération des pays. M. Husák a par ailleurs rappelé que la coopération des États est nommément citée comme étant un élément essentiel.



Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel


HRC06082F