Fil d'Ariane
LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE DES RAPPORTS SUR LES ENFANTS DANS LES CONFLITS ARMÉS ET LA SITUATION AU LIBÉRIA
Le Conseil des droits de l'homme a entendu, ce matin, Mme Radhika Coomaraswamy, Représentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants dans les conflits armés, de même que Mme Charlotte Abaka, experte indépendante sur la situation des droits de l'homme au Libéria qui ont présenté leurs rapports. Ces deux présentations ont été suivies de dialogues interactifs auxquels ont participé plusieurs pays et organisations non-gouvernementales.
Mme Coomaraswamy a rappelé qu'aucun groupe d'enfants n'est plus vulnérable que celui des enfants impliqués dans la guerre. Elle a annoncé qu'elle lancerait un cadre stratégique d'action dès le mois prochain qui portera notamment sur la place des enfants dans le droit pénal international et la réinsertion des enfants soldats. Mme Coomaraswamy s'est félicitée de la résolution 1612 adoptée par le Conseil de sécurité, qui prévoit la création d'un groupe de travail spécial sur les enfants dans les conflits armés, avec l'adoption d'un plan de travail annuel. Elle a par ailleurs informé le Conseil qu'elle avait contribué aux rapports du Secrétaire général sur la situation en République démocratique du Congo et au Soudan, pour leur partie consacrée aux enfants dans les conflits armés. La Représentante spéciale a enfin observé que le récent conflit au Liban a fait davantage de victimes parmi les enfants que parmi les soldats, ce qui montre que nous sommes entrés dans une période dangereuse où les principes les plus fondamentaux du droit international humanitaire sont remis en cause.
Les représentants des pays suivants sont intervenus au cours du débat qui a suivi: Finlande (au nom de l'Union européenne), Sri Lanka, Suisse, Canada, Azerbaïdjan, Australie, Fédération de Russie et Soudan. Les représentants des organisations non gouvernementales suivantes sont également intervenus: Alliance mondiale des unions chrétiennes de jeunes filles (au nom également de l'Alliance mondiale des unions chrétiennes des jeunes hommes et United Nations Watch); International Educational Development; et Nord-Sud XXI. Sri Lanka a exercé le droit de réponse.
Mme Abaka a relevé, au titre des faits nouveaux positifs intervenus au Libéria, la création de la Commission vérité et réconciliation et la mise en place de tribunaux régionaux. Elle a encore mentionné la mise en application d'une nouvelle loi criminalisant le viol, notant toutefois qu'à ce jour, la situation des femmes s'agissant des violences sexuelles demeurait préoccupante. Elle a également attiré l'attention sur la situation des anciens combattants qui n'ont pas encore été réhabilités et continuent de ce fait de représenter une menace pour la sécurité. Elle s'est finalement félicitée de l'élection d'une femme à la tête du Gouvernement et a instamment invité les Nations Unies à renouveler le mandat de coopération technique au Libéria afin d'assurer que les résultats obtenus puissent se poursuivre. Le Libéria est intervenu à la suite de cette présentation en tant que pays concerné.
Les représentants des pays suivants se sont aussi exprimés: Algérie, Finlande (au nom de l'Union européenne), Pérou, Ghana, Royaume-Uni et États-Unis.
Cet après-midi, à 15 heures, le Conseil se penchera sur la question du suivi des décisions qu'il a prises lors de sa première session et de ses deux sessions extraordinaires consacrées, respectivement, à la situation dans les territoires palestiniens et au Liban.
Examen du rapport sur les enfants dans les conflits armés
La Représentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants dans les conflits armés, Mme RADHIKA COOMARASWAMY, a exprimé sa satisfaction de faire rapport devant un nouvel organe au mandat renforcé appelé à devenir un véritable pilier du système de défense des droits de l'homme des Nations Unies. Mme Coomaraswamy a rappelé qu'aucun groupe d'enfants n'est plus vulnérable que celui des enfants impliqués dans la guerre. La Représentante spéciale a annoncé qu'elle lancerait un cadre stratégique d'action dès le mois prochain, visant notamment à la sensibilisation du grand public, au suivi des violations, à la recherche dans des domaines aussi importants que la place des enfants dans le droit pénal international et la réinsertion des enfants soldats.
Mme Coomaraswamy s'est félicitée que le Conseil de sécurité se soit saisi de manière concrète de ce problème et que sa résolution 1612 crée un Groupe de travail spécial sur les enfants dans les conflits armés, avec l'adoption d'un plan de travail annuel. En juin et en août 2006, la Représentante spéciale a participé à la préparation des rapports du Secrétaire général sur la situation en République démocratique du Congo et au Soudan, s'agissant des parties consacrées aux enfants impliqués dans le conflit armé dans chacun de ces pays. La Représentante spéciale a aussi fait état des activités du Haut Commissariat aux réfugiés et du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) en faveur des enfants impliqués dans les conflits armés.
Mme Coomaraswamy a estimé le Conseil des droits de l'homme doit conserver ce problème à son ordre du jour. Elle s'est dite encouragée par la pratique de nombreux Rapporteurs spéciaux d'intégrer à leurs rapports un chapitre consacré à ce problème. La Représentante spéciale a enfin observé que le récent conflit au Liban a fait davantage de victimes parmi les enfants que parmi les soldats, ce qui montre que nous sommes entrés dans une période dangereuse où les principes les plus fondamentaux du droit international humanitaire sont remis en cause.
Le rapport sur les enfants et les conflits armés (E/CN.4/2006/66), a été préparé par Mme Karin Sham-Poo, de l'UNICEF, dans l'attente de la nomination du successeur de M. Olara Otunnu, Représentant spécial jusqu'en juillet 2005 (Mme Coomaraswamy a été nommée en février 2006). Le rapport fait le point sur les efforts actuellement entrepris pour appeler l'attention sur les violations graves dont les enfants sont victimes dans les conflits armés afin de faire pression sur les parties à des conflits qui violent les droits de l'enfant. Le Secrétaire général a lancé la campagne en faveur de la «phase de mise en œuvre», destinée à faire appliquer sur le terrain les normes et les critères internationaux relatifs à la protection des enfants. C'est aux États membres qu'il incombe au premier chef de faire appliquer les normes internationales en matière de droits de l'homme, mais les efforts concertés de tous les organismes compétents des Nations Unies sont essentiels pour garantir la protection de ces droits. Le rapport met l'accent sur les éléments de la coopération actuelle entre les composantes clefs du système de défense des droits de l'homme des Nations Unies, ainsi que sur les questions nécessitant une coopération accrue à la lumière des efforts entrepris dans le cadre de la réforme en cours.
Le système des Nations Unies pour la défense des droits de l'homme joue un rôle essentiel et a la responsabilité de garantir la protection des droits des enfants touchés par les conflits armés sur le terrain. Les efforts de collaboration déployés au cours des dernières années sont à l'origine de l'intérêt dont bénéficie actuellement la question de la protection des enfants touchés par les conflits. L'entreprise de réforme du système de défense des droits de l'homme au sein des Nations Unies engagée actuellement vise à faire mieux respecter les normes et les critères internationaux relatifs aux droits de l'homme au niveau des pays. Le plan d'action présenté par le Haut-Commissaire contient des propositions concrètes dans ce sens. Le rapport appelle les principaux organismes de défense des droits de l'homme à s'engager de nouveau à faire en sorte que la phase de mise en œuvre des normes et des critères internationaux relatifs à la protection des enfants touchés par les conflits armés devienne réalité.
Le rapport recommande que le Haut-Commissariat continue d'accorder une place prioritaire à la protection des droits des enfants touchés par la guerre dans les mandats et les plans et programmes de travail des missions à part entière et des composantes droits de l'homme intégrées d'opérations de maintien de la paix, en mettant notamment à la disposition de ces dernières des spécialistes de la protection de l'enfance, dans le cadre de la coordination et de la coopération avec les autres acteurs chargés de cette question au sein de structures de ce type. Le Haut-Commissariat souhaitera peut-être garantir à l'avenir le recours à des spécialistes de la protection de l'enfance ayant les compétences nécessaires dans le cadre de ses commissions d'enquête ou de ses missions d'établissement des faits chargées de faire la lumière sur des violations graves et généralisées des droits de l'homme.
Dialogue interactif
MME KIRSTI POHJANKUKKA (Finlande, au nom de l'Union européenne) s'est félicitée du rapport de Mme Coomaraswamy et a rappelé que l'Union européenne est très attachée au respect des droits de l'enfant dans le contexte des conflits armés. Elle a relevé que, selon le rapport de Mme Coomaraswamy, les atrocités à l'encontre des enfants et l'impunité des responsables de ces atrocités se poursuivent.
MME HIRANTHI WIJEMANNE (Sri Lanka), a rappelé que son pays, directement concerné par le phénomène, a été l'un des premiers à attirer l'attention de la communauté internationale sur la question des enfants soldats et à demander son intervention pour faire cesser l'impunité des acteurs non-étatiques qui continuent d'exploiter les enfants dans le cadre des conflits. Elle a signalé que Sri Lanka se prépare à recevoir la visite du Conseiller spécial Allen Rock, et a exprimé le souhait que cette visite contribuerait à mettre un terme au recrutement d'enfants pratiqué par le LTTE. Celui-ci, a-t-elle dénoncé, continue à enrôler des enfants malgré les dispositions prévues par le Plan d'Action.
M. JEAN DANIEL VIGNY (Suisse) a félicité la Représentante spéciale pour sa récente nomination et son engagement résolu en faveur des enfants impliqués dans les conflits armés. Le représentant a demandé à Mme Coomaraswamy quels pays, après le Soudan, la République démocratique du Congo et l'Ouganda, elle comptait visiter et sur quelles situations porteraient ses prochains rapports. Il a également voulu savoir si elle avait déjà pu dégager des bonnes pratiques concernant les acteurs non étatiques et si les programmes de démobilisation améliorent l'assistance médicale et émotionnelle dont ont besoins ces enfants.
MME SARAH FILOTAS (Canada) s'est notamment félicitée de la visite de la Représentante spéciale du Secrétaire général sur les enfants et les conflits armés en Ouganda. Elle s'est enquise des meilleurs moyens qui permettraient de promouvoir la mise en œuvre des dispositions de la résolution concernant ce mandat, de manière à ce que les enfants ne soient plus victimes de guerre. Elle a par ailleurs déploré que le VIH/sida ne soit pas mentionné dans la résolution relative au mandat de la Représentante spéciale, alors que les enfants impliqués dans les conflits armés y sont particulièrement exposés.
M. SEYMUR MARDALIYEV (Azerbaïdjan) a souligné la nécessité que les rapports n'abordent pas uniquement les situations post-facto, mais puissent établir une analyse à titre préventif. Il a engagé la Représentante spéciale à inclure dans son prochain rapport un chapitre sur les situations prolongées de conflits et leur incidence sur les enfants. A-t-elle l'intention de se pencher sur la situation des enfants dans les conflits armés dans d'autres régions également, a-t-il demandé?
MME HELEN HORSINGTON (Australie) a dit que son pays est reconnu pour la protection juridique qu'il accorde à ses enfants. L'Australie vient de ratifier le Protocole facultatif à la Convention sur les droits de l'enfant sur la participation des enfants dans les conflits armés. L'Australie appuie la recommandation de Mme Coomaraswamy appelant la communauté internationale à mettre toute son énergie à l'application de tous les instruments juridiques protégeant les enfants.
MME GALINA KHVAN (Fédération de Russie) a estimé que la Représentante spéciale du Secrétaire général fait une précieuse contribution aux efforts de la communauté internationale pour aborder la question des enfants dans les conflits armés. Elle s'est enquise de la manière dont il faudrait utiliser les mécanismes de surveillance s'agissant des six catégories de violations des droits de l'enfant dans les conflits armés qui ont été retenues.
M. HAMATO MUKHTAR MUSA (Soudan) a dit que son pays rejette catégoriquement les accusations contenues dans le rapport concernant l'utilisation d'enfants dans les forces armées soudanaises, une pratique interdite par le droit soudanais. D'autres parties ont commis de tels crimes contre les enfants, qui ont de ce fait besoin d'une aide sanitaire en particulier, a ajouté le représentant.
M SERGIO CERDA (Argentine) a rappelé que son pays avait ratifié le Protocole facultatif relatif à la Convention relative aux droits de l'enfant et recommandé que la Représentante spéciale coordonne son travail avec celui d'autres titulaires de procédures spéciales, estimant, notamment, qu'il y aurait lieu d'incorporer des aspects sur la situation des femmes dans les conflits armés. La question essentielle dans ce domaine, a-t-il souligné, consiste à trouver les responsables des recrutements et à lutter contre l'impunité.
MME YURIKO FUKUSHIMA (Alliance mondiale des unions chrétiennes de jeunes filles au nom également de l'Alliance mondiale des unions chrétiennes des jeunes hommes et United Nations Watch ) a appelé le Conseil à prendre des mesures globales à long terme pour garantir le bien-être des jeunes filles avant, pendant et après les conflits armés. Les filles sont particulièrement vulnérables face à la violence sexuelle qui, en période de conflit armé, accélère la propagation du VIH/sida, a par ailleurs souligné la représentante.
MME KAREN PARKER (International Educational Development) a relevé que les graves problèmes que posent les conflits armés pour les enfants est devenu un dossier dont la communauté internationale a tendance à se détourner. La situation est préoccupante à Sri Lanka par exemple, où plusieurs milliers d'enfants sont pris dans des zones à risque. Les autorités de Sri Lanka bloquent la seule route d'accès humanitaire, tandis que les Tigres de libération ont recruté près de mille enfants soldats (âgés de moins de 18 ans).
M. BASSAN KANTOR, of Nord-Sud XXI, relevant que des enfants auraient été utilisés comme boucliers humains pendant le récent conflit ayant affecté le Liban, a dit que son organisation avait des preuves que les enfants n'ont pas servis de boucliers humains mais ont été victimes de massacres délibérés de la part de l'armée israélienne. Plus d'un million de bombes à fragmentations ont été utilisés pendant cette guerre, a-t-il dit, et les engins non explosés continuent à causer des dommages à la population et notamment aux enfants. Il a espéré que ces éléments seront pris en considération au cours de la discussion sur la mission au Liban prévue le 4 octobre.
MME COOMARASWAMY, Représentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants dans les conflits armés, a notamment souligné que la situation à Sri Lanka demeure source de préoccupation. Elle a en outre rappelé, s'agissant de la visite qu'elle a effectuée en Ouganda, que le Gouvernement s'est engagé, en principe, à démobiliser les enfants-soldats qui auraient pu passer entre les mailles du filet et être engagés dans les forces armées.
La Représentante spéciale a indiqué qu'à l'heure actuelle, des visites sont envisagées au Liban, au mois de novembre prochain, en République démocratique du Congo, au mois de décembre prochain, et au Soudan, en février 2007. Des visites sont également envisagées au Myanmar et au Népal, a-t-elle ajouté. Elle a par ailleurs souligné qu'une étude avait été engagée sur les bonnes pratiques en matière de lutte contre l'implication des enfants dans les conflits armés. Il faut porter toute l'attention nécessaire à la réinsertion des enfants qui ont été impliqués dans des conflits armés, a-t-elle ajouté. Une fois démobilisés, les enfants se retrouvent souvent dans des camps de réfugiés où ils sont recrutés par d'autres groupes armés, a-t-elle déploré.
Mme Coomaraswamy a rappelé que les six catégories de violations des droits des enfants qui ont été retenues dans le contexte des conflits armés sont: le recrutement et l'utilisation d'enfants-soldats; l'enlèvement d'enfants; le massacre d'enfants; le déni des droits de l'homme des enfants; et la violence sexuelle à l'encontre des enfants.
S'agissant du Soudan, a déclaré Mme Coomaraswamy, le cadre juridique a certes été fixé et les forces de sécurité du Soudan, elles, ne recrutent pas d'enfants; toutefois, les enfants sont souvent recrutés par des acteurs non étatiques dont certains sont étroitement associés aux acteurs étatiques, a-t-elle souligné.
Droit de réponse
MME SARALA FERNANDO (Sri Lanka) a déploré que, dans sa déclaration, l'organisation non gouvernementale International Educational Development ait tenté de désinformer le Conseil en répandant des informations erronées.
Examen du rapport sur la situation des droits de l'homme au Libéria
MME CHARLOTTE ABAKA, experte indépendante sur la situation des droits de l'homme au Liberia, a salué la création d'une Commission vérité et réconciliation, en février 2006, en espérant que celle-ci sera bientôt opérationnelle. Elle a relevé par ailleurs que le Libéria avait mis en place un nouveau cadre juridique permettant d'appliquer les normes et règles internationales. Au titre de faits récents positifs, elle a encore mentionné la création de 16 tribunaux régionaux, notant toutefois que plusieurs de ces tribunaux n'étaient pas opérationnels faute de personnel et d'infrastructure. En ce qui concerne le problème de l'impunité, elle a rappelé que le Nigéria avait donné son accord au transfèrement de l'ancien président Charles Taylor au Libéria. Conformément à la décision du Conseil de sécurité, celui-ci a été immédiatement pris en charge par la Mission des Nations Unies au Libéria pour être jugé par le Tribunal spécial pour la Sierra Leone.
Mme Abaka a encore mentionné la mise en application d'une nouvelle loi criminalisant le viol, notant toutefois qu'à ce jour, la situation des femmes en regard des violences sexuelles, demeurait préoccupante. C'est le cas aussi, a-t-elle relevé, de la condition des enfants, et cela malgré la ratification par le Libéria des traités relatifs aux droits des enfants. Elle a aussi attiré l'attention sur la situation dramatique des enfants dans les orphelinats. La situation demeure aussi problématique en ce qui concerne le paiement des salaires, a-t-elle dit, indiquant à ce titre que le Libéria doit être encouragé à mettre en œuvre les principes des droits économiques, sociaux et culturels. Elle a encore évoqué la situation des anciens combattants qui, du fait qu'ils ne font pas l'objet de programmes de réhabilitation pour des raisons essentiellement financières, est susceptible de poser des problèmes au pays en matière de sécurité. Mme Abaka a par ailleurs salué l'élection inédite d'une femme à la tête du Gouvernement. Elle a instamment invité les Nations Unies à renouveler le mandat de coopération technique au Libéria afin d'assurer que ce qui a été obtenu se poursuive.
Le rapport sur la coopération technique et les services consultatifs au Libéria (E/CN.4/2006/114) contient des informations obtenues au cours d'une mission effectuée au Libéria du 25 septembre au 6 octobre 2005. Il indique que depuis la dernière visite de l'experte indépendante, en avril 2005, des progrès ont été faits dans plusieurs secteurs. L'amélioration de la sécurité et les progrès vers la création des organismes prévus dans l'Accord de paix globale ont été complétés par les efforts faits par le Gouvernement pour mettre en place un cadre juridique permettant d'appliquer les normes et règles internationales. À cet égard, le Gouvernement libérien, par une initiative sans précédent, a adhéré à plus d'une centaine d'instruments internationaux, y compris à un ensemble de traités relatifs aux droits de l'homme. Par ailleurs, la communauté humanitaire, sous la direction conjointe du Comité pour le rapatriement et la réinstallation des réfugiés libériens et de la section humanitaire de la MINUL ont aidé 221 828 personnes déplacées dans leur propre pays à retourner chez elles et à reprendre leur vie, ce chiffre qui représente 70 % des 315 000 personnes déplacées qui ont été enregistrées.
Le rapport note toutefois qu'en dépit des progrès mentionnés, il reste de nombreux problèmes à régler, en particulier dans le domaine du respect de l'état de droit. L'accès à la justice a continué d'être entravé par la mauvaise administration des tribunaux, la subornation et la corruption, notamment aux niveaux supérieurs. Quoique les tribunaux de circonscription aient repris officiellement leurs activités, de nombreux tribunaux sis hors de Monrovia étaient encore à peine capables de fonctionner faute de personnel essentiel, notamment de procureurs et d'avocats. Le nombre élevé de viols et d'agressions sexuelles commis contre des femmes et des enfants est préoccupant, mais n'attire que fort peu l'attention des responsables de l'application des lois.
Le rapport recommande qu'au moment où le Libéria achève la dernière partie d'un programme chargé de transition, étalé sur deux ans, des mesures supplémentaires soient prises pour mettre en place des mécanismes efficaces et fonctionnels de lutte contre la corruption. L'experte indépendante recommande, en outre, que le gouvernement de Mme Ellen Johnson Sirleaf et la communauté internationale se mettent d'accord sur un programme d'assistance internationale apte à revigorer le système judiciaire. Il faudrait, dit le rapport, envisager des mesures intérimaires d'urgence pendant l'élaboration d'un programme complet d'assistance. Les mesures intérimaires envisagées devraient comprendre la mise à disposition de juristes internationaux pendant la période de remise en ordre de marche progressive du personnel local. Il faudrait attacher une attention prioritaire à la mise en place d'une commission efficace de réforme législative et à une révision exhaustive des Codes civil et pénal. En outre, l'application du Programme d'aide à la gouvernance et à la gestion économique adopté par le Gouvernement national de transition et ses partenaires internationaux, devrait commencer sans délai. La mise en œuvre effective par le Gouvernement libérien de la Convention des Nations Unies contre la corruption à laquelle il a adhéré récemment est cruciale à cause de son influence directe sur l'efficacité de toutes les activités gouvernementales touchant les droits de l'homme. Il faut, enfin, impérativement renforcer le mandat de la MINUL afin non seulement de suivre et de décrire, mais aussi de faciliter l'application de tous les instruments relatifs aux droits de l'homme auxquels l'État est partie.
Déclaration du pays concerné
M. MCKINLEY THOMAS (Libéria) a félicité Mme Abaka pour son rapport très complet sur la situation des droits de l'homme au Libéria. Dans un contexte d'après-guerre, a-t-il fait valoir, des efforts ont été consentis par le Gouvernement et des progrès sont intervenus dans un certain nombre de domaines. Le Gouvernement a notamment déployé des efforts afin de ratifier d'ici janvier 2007 tous les instruments internationaux que le pays a signés. Le Libéria a besoin d'une assistance technique aux fins de la préparation des rapports que le pays devra présenter aux différents organes de traités, a indiqué le représentant. Il a par ailleurs fait valoir qu'une unité des droits de l'homme a été créée au sein du Ministère de la justice. En outre, le Ministère de la justice a organisé en juin dernier un atelier national consacré au renforcement de l'état de droit. Par ailleurs, une nouvelle législation a été adoptée qui prévoit une définition plus spécifique et plus étendue du viol. Le représentant du Libéria a par ailleurs évoqué le problème des droits de l'homme affectant les travailleurs des plantations de caoutchouc en indiquant que le rapport du Groupe d'experts sur les plantations de caoutchouc (Rubber Plantation Task Force), mis sur pied par la Présidente, a été utile pour remédier à ce problème. Des mesures ont également été prises pour remédier au problème des orphelinats qui ne respectaient pas les normes applicables à ces établissements. En mars 2006, le Ministère de la santé et du bien-être social a annoncé que sur 108 orphelinats, 69 seraient fermés. Le Libéria tient à remercier Mme Abaka pour avoir recommandé le renouvellement du mandat de coopération technique et de services consultatifs en faveur du Libéria.
Dialogue interactif
M. IDRISS JAZAÏRY (Algérie, au nom du Groupe africain) a salué le professionnalisme de Mme Abaka, qui a brillamment illustré la manière dont devrait être assumé un mandat de Rapporteur spécial. Le Groupe africain est soulagé de l'évolution positive de la situation au Libéria, lequel semble désormais sorti de sa mauvaise passe, si l'on en juge par les mesures institutionnelles prometteuses qui y ont été adoptées. Le Groupe africain appelle les États membres des Nations Unies et les institutions régionales et internationales concernées à dispenser une aide technique et financière au Gouvernement du Liberia afin qu'il soit en mesure d'atteindre les objectifs en matière de droits de l'homme mentionnés dans le rapport de Mme Abaka.
MME MIIA RAINNE (Finlande, au nom de l'Union européenne), se référant à la récente création de la Commission vérité et réconciliation, a demandé à la Représentante spéciale comment elle évaluait les capacités de cette commission et l'assistance que les Nations Unies pouvaient lui fournir. Elle a aussi demandé comment la Représentante spéciale évaluait la situation des prisons libériennes. Évoquant la création d'une commission ethnique, elle a demandé quels étaient, selon la Représentante spéciale, les risques liés aux discriminations ethniques. Elle a encore souhaité connaître la situation des réfugiés revenant au pays.
M. MANUEL RODRIGUEZ CUADROS (Pérou) a constaté avec satisfaction que des progrès ont été réalisés au Libéria dans quatre domaines importants: la consolidation d'un système démocratique fondé sur l'état de droit; l'administration de la justice (même si des problèmes subsistent); la lutte contre l'impunité, avec le rapatriement et le procès de l'ex-Président Taylor et la création de la Commission des droits de l'homme et de la Commission vérité et réconciliation nationale; et les mesures prises pour examiner la situation des droits de l'homme dans les exploitations de caoutchouc.
MME LORETTA ASIEDU (Ghana) a remercié l'experte indépendante, Mme Abaka, et s'est félicitée de l'évolution positive au Liberia. Cependant, ce pays est toujours confronté à certains problèmes qui rendent nécessaire un appui sans faille de la communauté internationale. Le Gouvernement du Ghana a toujours soutenu le Libéria, ce qu'il continuera de faire dans la limite de ses possibilités, a assuré sa représentante.
M. BOB LAST (Royaume-Uni) a demandé quelles mesures, autres que la nouvelle législation, sont prises ou devraient être prises pour assurer une meilleure protection des femmes et des filles, notamment quant aux risques de violences sexuelles.
M. PATRICK SMELLER (États-Unis) a relevé les progrès que constituent au Libéria la création de la Commission vérité et réconciliation ainsi que la réussite des élections présidentielles et parlementaires. Il s'est enquis des recommandations de l'experte indépendante, Mme Abaka, quant à la façon de remédier aux lacunes subsistant dans l'administration de la justice. Il a également demandé à Mme Abaka dans quels domaines elle considérait qu'il y avait eu le plus de progrès au Libéria.
MME CHARLOTTE ABAKA a conclu le débat interactif en faisant valoir que la Commission vérité et réconciliation doit adopter une perspective «droits de l'homme» dans la prise en compte des cas de victimes qui sont passées par des tortures mentales, une situation qui nécessite la présence et l'appui de psychologues (aussi pour les bourreaux). Le recrutement de tels spécialistes pourrait être assumé par la communauté internationale, compte tenu de la faiblesse des moyens du Liberia, a estimé Mme Akaba, relevant le caractère essentiel également de l'adoption d'une perspective sexospécifique. Par ailleurs, les conditions carcérales sont encore difficiles, même si l'on enregistre des progrès; et faute de places, certains coupables doivent être relâchés, a observé Mme Akaba. Le nombre de viols est en augmentation. Cependant, grâce à la nouvelle loi sur le viol et aux campagnes de sensibilisation, les victimes osent désormais porter plainte. La police dispose maintenant d'une unité spéciale chargée de traiter les plaintes de violence contre les femmes et les enfants. Cette unité bénéficie de l'aide de l'UNICEF. Un effort doit être consenti pour la formation des juges, a ajouté Mme Akaba, suggérant que des pays donateurs mettent des bourses d'études à la disposition d'aspirants magistrats. Le Liberia ne doit pas être abandonné par la communauté internationale, a conclu l'experte indépendante, et doit rester à l'ordre du jour des institutions internationales. Il faut soutenir la paix durement acquise, ceci afin que la paix règne dans toute la région.
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