Aller au contenu principal

Examen du Rwanda au Comité des droits économiques, sociaux et culturels : les progrès en matière d'égalité des sexes sont salués, mais il est relevé que des informations sont état de la persistance d’inégalités structurelles dans le pays

Compte rendu de séance

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné, hier matin et ce matin, le rapport présenté par le Rwanda au titre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Au cours du dialogue noué entre les experts membres du Comité et la délégation rwandaise venue soutenir ce rapport, un expert a constaté que le Rwanda avait fait des progrès en matière d'égalité des sexes, en particulier dans la représentation politique des femmes. Il s’est enquis des mesures prises au Rwanda pour augmenter encore la part des femmes dans l'administration locale et le secteur privé, ainsi que pour réduire l'écart de rémunération de 13% entre hommes et femmes. 

Le même expert a fait état d’informations selon lesquelles des inégalités structurelles persistantes au Rwanda toucheraient en particulier les Batwa, les femmes et les filles, les personnes vivant dans des zones urbaines et rurales défavorisées, les personnes handicapées, les personnes vivant dans la pauvreté et les personnes LGBTI. 

Prenant note des efforts destinés à protéger les droits économiques, sociaux et culturels dans les activités commerciales, l’expert a par ailleurs demandé ce qui était fait pour instaurer un cadre juridique et réglementaire en matière de diligence raisonnable et de responsabilité juridique des entreprises, qu'elles opèrent dans l'État partie ou qu'elles soient domiciliées dans sa juridiction mais opèrent à l'étranger. 

Des experts ont insisté sur le fait que le Pacte contient des obligations extraterritoriales pour les États, y compris dans le cadre des conflits. Un expert s’est enquis des initiatives prises pour qu’aucun groupe armé associé à des violations des droits économiques, sociaux et culturels ne bénéficie de l’impunité. Il a été demandé quel contrôle était exercé par le Gouvernement du Rwanda sur le commerce illicite et les recettes tirées de l’extraction de minéraux en République démocratique du Congo.

Une experte a relevé que le taux de chômage restait élevé chez les femmes, les jeunes et les personnes handicapées, outre des difficultés d'accès à l'emploi pour les migrants, les réfugiés et les demandeurs d'asile ; et que des préoccupations subsistent concernant la faible application des mesures de lutte contre la discrimination au travail. De nombreux travailleurs du secteur informel n'ont pas de contrat de travail et ne bénéficient donc pas de la protection des droits du travail, des droits syndicaux ou de l'accès à la sécurité sociale, a fait remarquer l’experte. 

Une autre experte a relevé que l’insécurité alimentaire touchait près de 20% de la population au Rwanda ; et que, malgré les progrès réalisés, quelque 44% des ménages n’avaient pas accès aux services de base en matière d'eau.

Présentant le rapport de son pays, M. Emmanuel Ugirashebuja, Ministre de la justice et Procureur général du Rwanda, a notamment assuré que le cadre juridique national soutenait fermement la protection des droits économiques, sociaux et culturels. À cet égard, les principales dispositions constitutionnelles incluent, entre autres, le droit à l'éducation ; le droit à la santé ; le droit à un environnement propre ; le droit au libre choix de l’emploi ; le droit de créer des syndicats ; ou encore le droit de propriété privée, y compris pour ce qui est de la terre. 

De plus, a ajouté le Ministre, le Rwanda a promulgué plusieurs lois qui contribuent à la réalisation progressive des droits économiques, sociaux et culturels – des lois portant sur des domaines essentiels tels que la non-discrimination, les droits fonciers, les droits relatifs au travail, le service public, l’expropriation, la protection environnementale, ou encore la gestion de la qualité de l’air et des ressources en eau.

Au cours de la période couverte par le rapport, a fait valoir le chef de délégation, le Rwanda a achevé son ambitieuse stratégie Vision 2020 et a adopté sa stratégie suivante, Vision 2050. La Vision 2020 s’est soldée par d’importants progrès socioéconomiques, a-t-il souligné : le taux de pauvreté est tombé de 60,4% à 38,2%, le PIB par habitant est passé de 268 à 1040 dollars.  La mortalité des enfants de moins de 5 ans est passée de 196 à 45 décès pour 1000 naissances vivantes, a d’autre part indiqué le chef de délégation. 

Par ailleurs, de 2018 à 2024, le Rwanda a mis en œuvre sa première Stratégie nationale de transformation (NST1), qui a jeté les bases du développement durable. Le Rwanda a maintenu une croissance économique soutenue, avec une augmentation moyenne du PIB de 7%. Dans le même temps, l’espérance de vie est passé de 66,6 ans à 69,9 ans et plus d’1,3 million d'emplois décents et productifs ont été créés.

La délégation rwandaise était également composée, entre autres, de M. James Ngango, Représentant permanent du Rwanda auprès des Nations Unies à Genève, et d’autres membres de la Mission permanente du pays à Genève, ainsi que de plusieurs représentants de l’Institut national des statistiques et des secteurs de la justice et de l’éducation.

Durant le dialogue, la délégation a notamment précisé que son Gouvernement avait pris des engagements s’agissant de la traçabilité et de la diligence raisonnable en matière d’extraction de minerais dans la région des Grands Lacs, et a assuré que le Rwanda souhaitait que l’extraction se fasse dans la légalité.  Un projet de règlement sur les entreprises et les droits de l’homme a été rédigé, qui sera bientôt soumis à consultations et devrait être adopté en juillet prochain, a fait savoir la délégation.

Le Rwanda ne peut être tenu pour responsables des violations des droits de l’homme commises, au-delà de ses frontières, dans des régions sur lesquelles il n’exerce pas de contrôle, a d’autre part affirmé la délégation.

La délégation a en outre insisté sur l’importance que son pays accorde à l’investissement dans le système scolaire, y compris l’alimentation scolaire.  Elle a par ailleurs indiqué que le Gouvernement rwandais avait commencé depuis plusieurs années à enregistrer les terres des Batwas, soulignant qu’il s’agit là d’une démarche qui permet d’aider ces derniers à faire valoir leurs droits. D’autre part, pour atteindre l’objectif d’égalité et d’équité que poursuit le Gouvernement, un quota de 30% de femmes au minimum s’applique dans la quasi-totalité des organisations gouvernementales et paraétatiques, a-t-il été souligné.

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Rwanda et les rendra publiques à l’issue de sa session, le 28 février prochain.

 

Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l’examen du rapport des Philippines.

 

Examen du rapport

Le Comité est saisi du cinquième rapport périodique du Rwanda (E/C.12/RWA/5) ainsi que des réponses du pays à une liste de points à traiter qui lui avait été soumise par le Comité.

Présentation du rapport

Présentant le rapport de son pays, M. EMMANUEL UGIRASHEBUJA, Ministre de la justice et Procureur général du Rwanda, chef de la délégation, a fait remarquer que depuis l’examen de son précédent rapport, il y a plus de dix ans, le Rwanda avait connu des changements importants dans son paysage politique, juridique et institutionnel. En particulier, le pays a organisé un référendum constitutionnel en 2015 et adopté des amendements constitutionnels en 2023, a-t-il précisé, assurant que ce nouveau cadre de gouvernance contribue à créer les conditions d'une mise en œuvre efficace des droits économiques, sociaux et culturels. 

Au niveau institutionnel, le Rwanda a créé le Laboratoire de médecine légale du Rwanda (RFL) en 2016, élevé au rang d’Institut de médecine légale (RFI) en 2023 ; le RFI a amélioré ses services médico-légaux et consultatifs, renforçant ainsi l’obligation redditionnelle dans des secteurs essentiels pour les droits économiques, sociaux et culturels, a fait savoir le Ministre de la justice. Le Rwanda a aussi renforcé son système judiciaire, a-t-il ajouté: en 2018, la Cour d'appel a été créée, renforçant la capacité du pays à offrir des recours juridiques efficaces ; et en 2024, la création d'un tribunal d'appel chargé d'examiner les questions relatives aux demandes de statut de réfugié et d'asile a renforcé l'engagement du Rwanda à défendre les droits des personnes en situation de vulnérabilité, conformément aux principes du Pacte, a indiqué M. Ugirashebuja. 

De plus, a-t-il poursuivi, le cadre juridique du Rwanda soutient fermement la protection des droits économiques, sociaux et culturels. À cet égard, les principales dispositions constitutionnelles incluent, entre autres, la protection contre la discrimination ; le droit à l'éducation ; le droit à la santé ; le droit à un environnement propre ; le droit au libre choix de l’emploi ; le droit de créer des syndicats ; le droit de négociation collective ; le droit de grève ; ou encore le droit de propriété privée, y compris pour ce qui est de la terre. De plus, a ajouté le Ministre, le Rwanda a promulgué plusieurs lois alignées sur les dispositions du Pacte et qui contribuent à la réalisation progressive des droits économiques, sociaux et culturels : ces lois portent sur des domaines essentiels tels que la non-discrimination, les droits fonciers, les droits relatifs au travail, le service public, l’expropriation, la protection environnementale, ou encore la gestion de la qualité de l’air et des ressources en eau.

Au cours de la période couverte par le présent rapport, a fait valoir le chef de délégation, le Rwanda a achevé son ambitieuse stratégie Vision 2020 et a adopté sa stratégie suivante, Vision 2050.  La stratégie Vision 2020 s’est soldée par d’importants progrès socioéconomiques, a-t-il souligné, précisant que le taux de pauvreté était tombé de 60,4% à 38,2% et que le PIB par habitant était passé de 268 à 1040 dollars.  Les indicateurs de santé se sont également grandement améliorés, la mortalité des enfants de moins de 5 ans étant par exemple passée de 196 à 45 décès pour 1000 naissances vivantes.  Quant au taux d’alphabétisation, il a connu une hausse significative, passant de 35% en 2005 à 78,8% en 2022.

Par ailleurs, de 2018 à 2024, le Rwanda a mis en œuvre sa première Stratégie nationale de transformation (NST1), qui a jeté les bases du développement durable. Le Rwanda a maintenu une croissance économique soutenue, avec une augmentation moyenne du PIB de 7%. Dans le même temps, l’espérance de vie est passé de 66,6 ans à 69,9 ans et plus d’1,3 million d'emplois décents et productifs ont été créés, alors que l'inclusion financière est passée de 89% en 2017 à 96% en 2024 et que l'accès à l'électricité est passé de 34,4% à 78,9%.

Le Rwanda a également considérablement renforcé son système de santé, a ajouté le Ministre. Sept nouveaux hôpitaux ont été ajoutés aux 52 existants, tandis que 23 ont été réhabilités ou agrandis. Le programme de santé communautaire compte 58 567 agents de santé communautaires dans 14 837 villages. De même, la santé et la nutrition des enfants se sont améliorées, le retard de croissance chez les enfants de moins de cinq ans passant de 38% en 2014/2015 à 33% en 2019/2020, a fait savoir le Ministre. 

En ce qui concerne l'éducation, le Ministre a fait état de progrès considérables, avec en particulier la construction de plus de 27 000 salles de classe, le nombre d'enseignants étant passé de 68 000 à 118 000. 

M. Ugirashebuja a également mentionné la distribution de quelque 333 146 vaches à un nombre équivalent de ménages dans le cadre du programme Girinka ( « une vache par famille »). 

Questions et observations des membres du Comité

Le Comité avait chargé un groupe de travail composé de quatre de ses membres d’examiner plus avant le rapport du Rwanda : M. Peters Sunday Omologbe Emuze, Mme Preeti Saran, Mme Karla Vanessa Lemus de Vásquez et M. Aslan Abashidze.

Rapporteur de ce groupe de travail, M. EMUZE a d’abord voulu savoir comment les amendements constitutionnels de 2015 – qui, a-t-il relevé, donnent la priorité à la Constitution et aux lois organiques par rapport aux traités internationaux relatifs aux droits de l'homme – affectaient l'engagement du Rwanda envers les normes internationales relatives aux droits de l'homme. L’expert a demandé quelles formations étaient dispensées aux juges, agents des forces de l'ordre et fonctionnaires afin d’appliquer le Pacte de manière cohérente.  Il a en outre souhaité savoir si le Pacte avait déjà été invoqué devant les tribunaux rwandais.

L’expert a ensuite fait état de préoccupations relatives à la transparence et à l'indépendance du processus de sélection des membres de l’institution nationale de droits de l’homme rwandaise. Il a prié la délégation de dire si des mesures avaient été prises pour que les défenseurs des droits de l’homme puissent poursuivre leur travail sans restrictions injustifiées des libertés d'expression, de réunion pacifique et d'association. M. Emuze a cité des préoccupations parvenues au Comité relatives à des disparitions forcées ainsi qu’à des restrictions à la liberté d’expression au Rwanda.

L’expert a pris note des efforts destinés à protéger les droits économiques, sociaux et culturels dans les activités commerciales (lois de 2018 sur l'environnement et sur les mines, ou encore loi de 2021 sur les activités minières et d'exploitation de carrières). Il a demandé quand l’État finaliserait son plan d'action national pour les entreprises et les droits de l'homme, et s’est enquis des mesures prises pour instaurer un cadre juridique et réglementaire complet en matière de diligence raisonnable et de responsabilité juridique des entreprises, qu'elles opèrent dans l'État partie ou qu'elles soient domiciliées dans sa juridiction mais opèrent à l'étranger.

M. Emuze a fait état d’informations selon lesquelles des inégalités structurelles persistantes au Rwanda toucheraient en particulier les Batwas, les femmes et les filles, les personnes vivant dans des zones urbaines et rurales défavorisées, les personnes handicapées, les personnes vivant dans la pauvreté et les personnes LGBTI. Il a souhaité savoir à quels types d'obstacles les Batwas se heurtent pour obtenir des titres de propriété, et s’est enquis des mesures en place pour leur garantir une indemnisation adéquate en cas d'expropriation.

M. Emuze a par ailleurs constaté que le Rwanda avait fait des progrès en matière d'égalité des sexes, en particulier dans la représentation politique des femmes. Il a prié la délégation de dire quelles mesures étaient prises pour augmenter encore la représentation des femmes dans l'administration locale et le secteur privé, ainsi que pour réduire l'écart de rémunération – qui est de 13% – entre les hommes et les femmes. 

MME SARAN a pour sa part relevé que le taux de chômage restait élevé chez les femmes, les jeunes et les personnes handicapées, et qu’il demeurait des difficultés d'accès à l'emploi pour les migrants, les réfugiés et les demandeurs d'asile.  Des préoccupations subsistent également concernant la faible application des mesures de lutte contre la discrimination sur le lieu de travail, a-t-elle souligné. Le Comité est informé que les personnes LGBT+ sont victimes de stigmatisation et de discrimination sur leur lieu de travail, a-t-elle indiqué.

Mme Saran a fait remarquer que de nombreux travailleurs du secteur informel n'ont pas de contrat de travail et ne bénéficient donc pas de la protection des droits du travail, des droits syndicaux ou de l'accès à la sécurité sociale. Elle a voulu savoir comment l’État faisait respecter le principe d'égalité de rémunération pour un travail égal et la loi de 2018 prévoyant la fixation d'un salaire minimum. 

Par ailleurs, a dit l’experte, de nombreux travailleurs de certains secteurs à haut risque, tels que la construction, l'industrie manufacturière et l'exploitation minière, seraient exposés à des accidents du travail fréquents en raison de conditions de travail dangereuses, y compris l’exposition à des substances dangereuses et des horaires de travail excessifs. Elle a souhaité savoir si le Rwanda entendait ratifier la Convention n°189 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) sur les travailleuses et travailleurs domestiques.

Mme Saran s’est d’autre part enquise des mesures prises au Rwanda pour lever les obstacles juridiques à l'exercice du droit de former des syndicats et du droit de grève.

MME LEMUS DE VÁSQUEZ a regretté que le congé paternité au Rwanda soit d’une durée limitée, et a d’autre part voulu savoir si les femmes handicapées qui donnent naissance à un enfant bénéficient de prestations adaptées à la gravité de leur handicap.

Dans quelle mesure les capacités humaines et financières ont-elles été renforcées pour permettre aux inspecteurs du travail d'atteindre tous les lieux de travail et tous les secteurs, ainsi que pour aider et réhabiliter les victimes du travail des enfants, a demandé l’experte ? 

En ce qui concerne le droit à l'alimentation, Mme Lemus de Vasquez a relevé que l’insécurité alimentaire touchait près de 20% de la population au Rwanda, en particulier dans les zones rurales et reculées.  Les taux élevés de malnutrition et de retard de croissance chez les enfants persistent, a-t-elle également observé. Elle a par ailleurs voulu savoir ce qu’il en était des mesures d’accompagnement pour les petits agriculteurs.

L’experte a par ailleurs voulu savoir quelle part du budget national était consacrée à la construction de logements sociaux ; si les loyers étaient contrôlés ; et ce qui était fait pour raccorder les habitations à l’eau et à l’assainissement – alors que, malgré les progrès réalisés, quelque 44% des ménages n'ont pas accès aux services de base en matière d'eau, a-t-elle relevé.

Mme Lemus De Vásquez a aussi voulu savoir de quel accompagnement bénéficiaient au Rwanda les victimes de violence sexiste.

M. ABASHIDZE a demandé si la totalité des enfants étaient scolarisés dans le primaire et quelle proportion d’entre eux étudiaient dans le secondaire. Il a par ailleurs demandé dans quelle mesure les infrastructures scolaires répondaient aux exigences minimales en matière d'éclairage, d'eau potable, d'assainissement et de nutrition ; si les enseignants étaient qualifiés pour enseigner leurs matières respectives ; et pourquoi le Gouvernement ne disposait pas de données relatives à la scolarisation des enfants batwas.

M. Abashidze a en outre voulu en savoir davantage sur le contenu de la politique d'unité nationale et de réconciliation « Nous sommes tous rwandais ».

D’autres experts ont attiré l’attention de la délégation sur le fait que le Pacte contient des obligations extraterritoriales pour les États, y compris dans le cadre des conflits. Dans ce contexte, un expert a demandé comment l’État rwandais garantissait l’accès sans entraves des organisations humanitaires aux populations civiles prises dans le conflit en République démocratique du Congo, et dans quel cadre s’inscrivaient les interactions du Gouvernement avec le M23. Il a aussi prié la délégation de dire quels mécanismes étaient en place pour lutter contre l’impunité des auteurs de violations des droits économiques, sociaux et culturels commises à l’étranger et dans le cadre de conflits armés.  Le même expert s’est enquis des initiatives prises pour qu’aucun groupe armé associé à des violations des droits économiques, sociaux et culturels ne bénéficie de l’impunité. Il a aussi été demandé quel contrôle était exercé par le Gouvernement du Rwanda sur le commerce illicite et les recettes tirées de l’extraction de minéraux en République démocratique du Congo.

Les exportations d’or du Rwanda vers les Émirats arabes unis ont fortement augmenté ces deux dernières années, a relevé un membre du Comité, qui a demandé si le Gouvernement rwandais entendait partager les gains tirés de ce commerce avec les régions dont ces ressources sont tirées. Ce même expert a en outre rappelé que le Conseil des droits de l’homme avait récemment demandé aux États de ne pas coopérer avec le M23 en République démocratique du Congo.

Il a par ailleurs été demandé quelle était la langue d’enseignement à l’école primaire et si les élèves étrangers devaient payer des frais de scolarité. 

Réponses de la délégation

La délégation a indiqué que les changements apportés à la Constitution en 2015 et en 2023 avaient introduit une nouvelle hiérarchie juridique au Rwanda. La Constitution reste la source de toutes les lois, des lois organiques – la loi électorale, par exemple – étant adoptées pour combler certaines lacunes dans la charte fondamentale, a-t-elle précisé. 

Les dispositions du Pacte ont été intégrées à la Constitution rwandaise ; les agents du pouvoir judiciaire de même que les avocats suivent des enseignements sur le contenu du Pacte, compte tenu des lacunes de connaissances en la matière qui ont été identifiées, a-t-il été précisé. 

La délégation a ensuite donné des explications concernant le fonctionnement de la Commission nationale des droits de l’homme et l’accréditation des organisations non gouvernementales (ONG). Il n’y a ni suppression ni oppression des ONG, a-t-elle assuré. Les autorités demandent systématiquement des renseignements fiables, y compris des preuves matérielles, dès lors que des allégations lui parviennent au sujet de la disparition forcée de défenseurs des droits de l’homme, a ajouté la délégation. 

La délégation a assuré que le droit de manifester de manière pacifique était protégé par la Constitution et conformément aux instruments internationaux ratifiés par le pays. 

La délégation a mentionné plusieurs initiatives du Gouvernement en faveur de la création « d’emplois propres » axés sur la protection de l’environnement, notamment le plantage d’arbres.

La délégation a aussi fait état d’investissements dans le système de prestations sociales, afin de veiller à ce que les personnes les plus démunies y soient intégrées, et a mentionné d’autres politiques publiques visant à combler les écarts de richesse. 

La délégation a insisté sur l’importance que son pays accorde à l’investissement dans le système scolaire, y compris l’alimentation scolaire, de même que sur sa volonté de prendre des mesures propres à assurer la sécurité de la population.

La délégation a par la suite fait état de l’augmentation du nombre des enseignants, qui est passé de 68 000 en 2013 à 100 000 en 2023-2024. Un système centralisé permet au Ministère de l’éducation de détecter s’il manque du personnel dans telle ou telle école, a-t-elle indiqué. Le taux de déscolarisation continue de baisser à tous les niveaux, a fait valoir la délégation. Quelque 4 millions d’élèves en 2023-2024 ont bénéficié du programme d’alimentation à l’école mis en place par les autorités, une initiative qui a contribué à réduire le problème de la déscolarisation, a-t-elle précisé.

La délégation a en outre mentionné l’ouverture récente de plusieurs milliers de salles de classe adaptées aux besoins des enfants handicapés.

Le kinyarwanda est une langue officielle que tous parlent au Rwanda – pays dont les habitants partagent la même culture et où l’on ne peut pas vraiment parler de « diversité culturelle », a par ailleurs expliqué la délégation.  Les différences ethniques viennent des colons, qui ont divisé de manière arbitraire Tutsis, Hutus et Batwas pour mieux régner, a-t-elle ajouté. Sous les colons, a poursuivi la délégation, l’éducation se faisait principalement en français, qui est toujours une langue officielle, de même que l’anglais, depuis les années 1970. Le kinyarwanda est largement utilisé dans le système de justice ; l’anglais est utilisé dans l’enseignement pour faciliter l’insertion des jeunes au niveau régional, a précisé la délégation. Le swahili est langue officielle non seulement au Rwanda mais aussi dans la région est-africaine, a-t-elle ajouté.

Sensible aux expériences des personnes exilées, le Rwanda abrite notamment une université accueillant de nombreuses étudiantes afghanes ayant fui devant l’avancée des Taliban, a souligné la délégation. Les étudiants africains peuvent obtenir des bourses pour leurs études supérieures au Rwanda, a-t-elle en outre indiqué. 

Le Rwanda entend par ailleurs mener une politique de tolérance zéro face à la corruption, les pouvoirs publics étant très mobilisés en ce sens, a indiqué la délégation. Transparency International a récemment fait état de progrès importants réalisés dans ce domaine par le Rwanda, a-t-elle fait valoir.

Par ailleurs, le Rwanda tient à ne laisser personne de côté, a poursuivi la délégation. Le Gouvernement a commencé depuis plusieurs années à enregistrer les terres des Batwas, une démarche qui permet d’aider ces derniers à faire valoir leurs droits. L’expropriation est régie par des lois qui ressemblent beaucoup à celles d’autres pays : elle donne droit à des indemnités aux personnes expropriées pour de justes motifs, a souligné la délégation. Le Gouvernement veille à ce que toutes les personnes au Rwanda bénéficient de l’accès aux services de base, en particulier l’électricité.

Par ailleurs, les femmes représentent déjà 63% des membres de la chambre basse du Parlement et plus de 50% des membres du Sénat, a-t-il été précisé. Le Gouvernement a désigné une commission chargée de contrôler les progrès en matière d’égalité des sexes au Rwanda, a fait savoir la délégation. Pour atteindre l’objectif d’égalité et d’équité que poursuit le Gouvernement, un quota de 30% de femmes au minimum s’applique dans la quasi-totalité des organisations gouvernementales et para-étatiques, a-elle ajouté.

Les autorités ont ouvert un centre pour les victimes de violences fondées sur le genre – institution dotée de capacités d’enquête et chargée également d’accompagner les victimes devant la justice, a d’autre part indiqué la délégation. Le Gouvernement a nommé trois experts chargés, en particulier, de sensibiliser les régions du pays à la nécessité de mettre fin à la violence sexiste. De nombreuses victimes de cette violence renoncent à déposer plainte par peur d’être stigmatisée : c’est pourquoi les agents chargés d’enquêter sur ces faits reçoivent des formations spécialisées, a ajouté la délégation. 

Aucune discrimination n’est tolérée au Rwanda envers les personnes appartenant à des groupes vulnérables, a par ailleurs assuré la délégation. Elle a demandé à ce propos que l’on tienne compte du contexte bien particulier de son pays. 

La délégation a ensuite indiqué que la population du Rwanda est composée pour deux tiers de jeunes âgés de moins de 35 ans. Le Gouvernement a pris des mesures pour faire baisser le chômage parmi ces jeunes, améliorer leur employabilité et les aider à créer de petites entreprises, a-t-elle fait valoir. 

Malgré tous les efforts du Gouvernement, il demeure des cas de discrimination fondée sur le genre dans le monde du travail, en particulier la discrimination à l’embauche dans le secteur privé, a poursuivi la délégation. Toute personne qui s’estime victime de discrimination peut s’adresser au Ministère de la justice pour obtenir réparation, a-t-elle souligné. 

La délégation a indiqué que le Gouvernement tiendrait compte de remarques faites par une experte du Comité relativement aux conditions de création de syndicats au Rwanda.

De nombreux travailleurs sont encore actif dans le secteur informel, a reconnu la délégation, avant d’expliquer le Gouvernement mise sur la création de coopératives pour contribuer au passage au secteur formel.

Le travail domestique des enfants est interdit, a ajouté la délégation.

Conformément à la demande du Parlement, les autorités sont en bonne voie de déterminer ce qui sera un salaire minimal adapté au Rwanda, a fait savoir la délégation.

S’agissant de la répression du travail des enfants, il a été indiqué qu’en 2023-2024, 112 entreprises avaient fait l'objet de sanctions après des contrôles de l’inspection du travail. Des enquêtes ont été menées sur 26 cas : 18 de ces affaires ont été renvoyées devant les tribunaux et cinq entreprises ont été condamnées, a précisé la délégation, avant de souligner que les inspecteurs ont accès à l’ensemble du territoire national.

Le Rwanda, qui n’a pas encore adopté de dispositions relatives aux congés pour les mères d'enfants handicapés, est ouvert à l'apprentissage des meilleures pratiques internationales dans ce domaine, a d’autre part affirmé la délégation. Elle a indiqué que l’inspection du travail n’avait jamais trouvé d’homme qui refuse de prendre son congé pour paternité, un congé dont la durée est passée de 4 à 7 jours. 

Le Gouvernement aide les agriculteurs à accéder à des services de transformation pour le café, le maïs et les haricots et à générer ainsi des revenus plus stables, a par ailleurs fait valoir la délégation. Le Gouvernement encourage aussi la création de coopératives d’exploitants agricoles – des structures qui, de par les économies d’échelle qu’elles induisent, permettent aux agriculteurs d’accéder à des matériels agricoles qu’ils ne pourraient s’offrir seuls, a-t-elle ajouté.  Entre autres subventions, le Gouvernement a alloué l’équivalent de quelque 50 millions de dollars à l’achat d’engrais pour les prochaines récoltes en 2025, en particulier pour la récolte de haricots. Vu les répercussions imprévisibles des changements climatiques sur la production des agriculteurs, le Rwanda a élaboré lui-même des semences résistantes à la sécheresse, a fait remarquer la délégation.

Le Gouvernement subventionne aussi l’eau à hauteur de 40%, afin qu’elle soit accessible sur l’ensemble du territoire, a fait valoir la délégation. Quelque 82% des foyers ont déjà accès à l’eau potable au Rwanda, et ce taux atteint 95% à Kigali même, a-t-elle précisé.

Les loyers ne sont pas contrôlés par la loi du Rwanda, a-t-il par ailleurs été indiqué. La réglementation interdit le paiement des loyers en devises étrangères, a également précisé la délégation.

En 2022, le Gouvernement a adopté la Stratégie nationale pour une sortie durable de la pauvreté, a souligné la délégation. Le Gouvernement met l'accent sur le soutien direct et sur l'emploi : ainsi, plus de 102 000 personnes vulnérables, dont des personnes âgées et des personnes handicapées, reçoivent des transferts mensuels en espèces, tandis que plus de 80 000 ménages bénéficient de programmes d'emplois flexibles, a-t-elle précisé. En mai 2024, une allocation de vieillesse a été introduite pour les personnes démunies âgées de 65 ans et plus, a ajouté la délégation.

La délégation a d’autre part indiqué que le Gouvernement venait de décider d’étendre le champ des prestations de santé assurées au niveau communautaire, telles que la greffe de reins, la prise en charge des malades atteints de cancer ou encore le suivi des personnes handicapées.

Le Gouvernement collabore avec les autorités locales pour faire respecter les droits des travailleurs du secteur minier, a ajouté la délégation.

Le Rwanda a récemment ouvert une raffinerie d’or ouverte aux commerçants de tous les pays ; cela explique l’augmentation des exportations d’or vers plusieurs pays, a dit la délégation.

Le Gouvernement a pris des engagements s’agissant de la traçabilité et de la diligence raisonnable en matière d’extraction de minerais dans la région des Grands Lacs, a d’autre part affirmé la délégation, assurant que le Gouvernement n’entend pas que le Rwanda soit un pays de transit pour des chargements de minerais ou autres, et souhaite que l’extraction se fasse dans la légalité. Un projet de règlement sur les entreprises et les droits de l’homme a été rédigé, qui sera bientôt soumis à consultations et devrait être adopté en juillet prochain, a fait savoir la délégation.

Le Rwanda ne juge pas nécessaire d’adhérer dans un avenir proche au Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI), a indiqué la délégation. Confronté à ses propres difficultés, le Rwanda ne peut assumer celles rencontrées par la République démocratique du Congo, a-t-elle par ailleurs affirmé. 

S’agissant de la question de l’application extraterritoriale de la Convention, la Cour internationale de justice, dans un arrêt sur les conséquences juridiques de la construction d’un mur en Palestine, avait statué que l’on ne peut imposer à un État partie de protéger les droits économiques, sociaux et culturels de populations ne vivant pas sur son territoire, a ajouté la délégation. Le Rwanda ne peut être tenu pour responsables des violations des droits de l’homme commises, au-delà de ses frontières, dans des régions sur lesquelles il n’exerce pas de contrôle, a-t-elle affirmé.

Le Rwanda continue d’accueillir des réfugiés en provenance de la République démocratique du Congo confrontée à des problèmes internes ; et plus de 300 mercenaires européens recrutés par la République démocratique du Congo ont pu transiter par le Rwanda pour regagner leurs pays, a également déclaré la délégation.

M. Emuze ayant jugé « important de savoir ce que faisaient les troupes rwandaises en République démocratique du Congo », la délégation a assuré que le Rwanda n’était pas présent dans ce pays. De l’autre côté de la frontière, a-t-elle expliqué, la population anciennement rwandaise qui vit dans l’est de la République démocratique du Congo a été privée de sa nationalité et y est victime de discriminations car elle s’exprime en kinyarwanda, comme les Rwandais ; ces Congolais qui parlent kinyarwanda semblent avoir décidé de prendre les armes pour faire valoir leurs droits, a déclaré la délégation.

Remarques de conclusion

M. EMUZE a remercié la délégation pour sa participation au présent dialogue avec le Comité. 

M. UGIRASHEBUJA a exprimé sa reconnaissance au Comité pour un dialogue constructif – dont le Rwanda tirera des leçons très précieuses, a-t-il assuré. Il a mis en avant la Vision à long terme que son pays applique pour garantir le bien-être et la sécurité de tous les Rwandais, et a assuré que son Gouvernement veillait à ce que le progrès économique profite aux personnes les plus vulnérables.

______

Ce document produit par le Service de l’information des Nations Unies à Genève est destiné à l'information ; il ne constitue pas un document officiel. 

Les versions anglaise et française de nos communiqués sont différentes car elles sont le produit de deux équipes de couverture distinctes qui travaillent indépendamment. 

 

CESCR25.005F