Fil d'Ariane
LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE DES RAPPORTS SUR LES DISPARITIONS FORCÉES, LES MINORITÉS ET LES AUTOCHTONES
Le Conseil des droits de l'homme a examiné, ce matin, les rapports du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, par l'experte indépendante sur les questions relatives aux minorités du Rapporteur spécial sur les droits de l'homme et libertés fondamentales des populations autochtones. Un débat interactif a suivi la présentation des rapports de ces procédures spéciales, auquel ont participé les représentants de plus de 40 pays et organisations non gouvernementales.
Présentant le rapport du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, M. Stephen J.Toope, Président-Rapporteur, a informé le Conseil qu'au cours de la dernière année écoulée, le Groupe de travail a notamment éclairci 1309 cas de disparitions forcées et lancé une étude comparative sur le traitement pénal des disparitions à travers le monde. Il a par ailleurs indiqué que le Groupe de travail est gravement préoccupé que les gouvernements de plusieurs pays n'ont jamais répondu aux demandes d'information du Groupe de travail ou à ses rappels; d'autres gouvernements ont pour leur part fourni des réponses de pure forme qui ne contenaient pas d'informations pertinentes. M. Toope a souligné qu'aujourd'hui, la disparition forcée est un problème mondial qui ne se limite à aucune région spécifique. Le Président du Groupe de travail a enfin rendu compte de la visite que le Groupe a effectuée en Colombie. La Colombie est intervenue en tant que pays concerné.
Mme Gay Mcdougall, experte indépendante sur les questions relatives aux minorités a présenté son rapport initial dans lequel elle insiste notamment sur le fait que les États ont tout à gagner à reconnaître la contribution des groupes minoritaires et que le respect de leurs droits est, pour les États, un garant de richesse culturelle, de paix et de prospérité. Elle a aussi constaté que la législation concernant les questions relatives aux minorités n'étaient guère appliquée. En outre, les effets de la réalisation des droits des minorités sur la réduction de la pauvreté et la promotion de la stabilité politique et sociale ne sont pas suffisamment compris et reconnus. Dans toutes les régions du monde, a souligné l'experte, les minorités sont toujours exposées à de graves menaces, à la discrimination et au racisme, et sont souvent empêchées de prendre pleinement part à la vie économique, politique et sociale du pays. Mme McDougall a aussi rendu compte de la mission qu'elle a effectuée en Hongrie.
Le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme et des libertés fondamentales des populations autochtones, M. Rodolfo Stavenhagen, a relevé un fossé entre les progrès inscrits dans la législation de nombreux pays, qui reconnaît les peuples autochtones et leurs droits, et les réalités quotidiennes qui expriment les nombreuses difficultés à mettre en œuvre comme il convient ces mesures législatives. Les gouvernements devraient élaborer à cet égard une politique coordonnée et systématique, avec la participation des peuples autochtones, qui fasse intervenir, de manière transversale, les différents ministères concernés par les questions autochtones. M. Stavenhagen a encore évoqué sa visite en Afrique du Sud et en Nouvelle Zélande. Ces deux pays ont pris la parole en tant que pays concernés.
Les représentants des pays suivants sont intervenus dans le cadre du dialogue interactif qui a suivi la présentation de ces rapports: Colombie, Afrique du Sud, Nouvelle Zélande, Équateur, Argentine, Algérie, Maroc, Finlande (au nom de l'Union européenne), Suisse, Philippines, Sri Lanka, Chili, France, Costa Rica, Danemark, Guatemala, Malaisie, Canada, Arménie, Norvège, États-Unis, Japon, Pérou, Autriche, Mexique, Nicaragua, Indonésie, Iran, République populaire démocratique de Corée.
Les représentants des organisations non gouvernementales ci-après ont également pris la parole : Amnesty International; Interfaith International; Minority Rights Group International; Foundation for Aboriginal and Islander Research Action; Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples – MRAP; et International Workgroup for Indigenous Affairs.
Le Japon, les Philippines et la République populaire démocratique de Corée ont exercé le droit de réponse.
Le Conseil poursuivra ses travaux cet après-midi, à 15 heures, pour examiner les rapports sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, les personnes déplacées, et la situation des droits de l'homme au Bélarus.
Présentation des rapports sur les disparitions forcées, les autochtones et les minorités
M. STEPHEN J.TOOPE, Président-Rapporteur du Groupe de travail sur les disparitions forcées, a souligné que le Groupe de travail est aujourd'hui plus actif que jamais, en grande partie en raison du personnel supplémentaire qui lui a été affecté. Au cours de la dernière année écoulée, le Groupe de travail a notamment éclairci 1309 cas, comblé l'énorme retard de cas en provenance de Sri Lanka, mené des visites dans deux pays, préparé un commentaire général et lancé une étude comparative sur le traitement pénal des disparitions à travers le monde, a rappelé M. Toope. Bien que le Groupe ait clarifié plus de 7000 cas au cours des cinq dernières années, le nombre total de cas encore à l'examen qui n'ont pas été clarifiés ou dont le Groupe a cessé l'examen s'établit à plus de 40 000 et concerne 79 États, a-t-il précisé. Le Groupe de travail est gravement préoccupé que, sur ces États, les Gouvernements du Burundi, de la Guinée, d'Israël, du Mozambique, de la Namibie et des Seychelles, pas plus que l'Autorité palestinienne, n'ont jamais répondu aux demandes d'information du Groupe de travail ou à ses rappels, a indiqué M. Toope. D'autres gouvernements ont fourni des réponses de pure forme qui ne contenaient pas d'informations pertinentes, a-t-il ajouté. Aussi, le Groupe de travail exhorte-t-il ces gouvernements à s'acquitter de leurs obligations. Cette année, pour la première fois, le Groupe de travail a inclus dans son rapport chacun des pays qui ont des cas en suspens, a par ailleurs fait observer le Président-Rapporteur.
M. Toope a d'autre part souligné qu'aujourd'hui, la disparition forcée est un problème mondial qui ne se limite à aucune région spécifique. Si, par le passé, les disparitions forcées pouvaient être considérées comme étant l'apanage des dictatures militaires, essentiellement en Amérique latine, elles se produisent aujourd'hui aussi dans des situations plus complexes de conflit interne, comme cela est le cas en Colombie, au Népal, en Fédération de Russie, en Iraq et au Soudan. Dans d'autres pays, comme l'Algérie et les Philippines, la répression politique des opposants s'est traduite par des centaines de cas de disparitions, a poursuivi M. Toope. Dans certains cas, des changements politiques radicaux, comme en Iran, créent les conditions qui aboutissent à des centaines de cas de disparitions, a-t-il ajouté. En outre, du fait que tous les cas de disparitions ne sont probablement pas rapportés, en particulier - mais pas uniquement - en Afrique, le Groupe de travail s'attend à ce qu'un grand nombre de rapports de disparitions liés à des conflits actuels puissent être soumis dans les années à venir.
M. Toope a fait observer que le Groupe de travail a relevé avec préoccupation que très peu d'États en dehors de l'Amérique latine ont mis en place un délit pénal spécifique de disparition forcée ou involontaire. Dans son rapport de cette année, le Groupe de travail a mis en relief quatre principaux sujets de préoccupation ayant trait, respectivement, à la disparition d'enfants; au harcèlement et aux menaces dont sont victimes les défenseurs de droits de l'homme, les proches des personnes disparues, les témoins et les avocats; au fait que les activités antiterroristes soient utilisées par un nombre croissant d'États comme une excuse pour ne pas respecter les obligations découlant de la Déclaration sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées; ainsi qu'au fait que dans certaines situations d'après conflit, les mécanismes de vérité et de réconciliation sont utilisés comme moyen d'assurer la transition des sociétés affectées de la guerre vers la paix et que de telles circonstances peuvent donner lieu à l'adoption de lois d'amnistie et à l'application d'autres mesures pouvant aboutir au même résultat, à savoir l'impunité.
S'agissant de la visite que le Groupe a effectuée en Colombie, M. Toope a notamment indiqué que le rapport concernant cette mission (additif 1 au rapport du Groupe de travail) souligne le fossé existant entre le cadre juridique très complet relatif aux disparitions et le manque de résultats concrets, découlant parfois d'un manque perceptible de volonté politique de mettre un terme à la pratique des disparitions et de traduire les responsables en justice.
Le rapport du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires (E/CN.4/2006/56 et Add.1) rappelle que depuis sa création, le Groupe a transmis plus de 50 000 dossiers individuels aux gouvernements de plus de 90 pays. Dans le présent rapport, le Groupe de travail manifeste une grave préoccupation au sujet des situations de disparition dans le monde entier. Il constate avec une profonde inquiétude qu'un très grand nombre de disparitions lui a été signalé durant l'année écoulée. Pendant la période examinée, le Groupe de travail a communiqué aux gouvernements de 22 pays 535 cas nouveaux de disparitions déclarées. Dans le même intervalle, il a éclairci 1 309 cas dans 17 pays, soit une augmentation marquée par rapport aux années précédentes. Ce résultat est dû en grande partie au renforcement des moyens donnés au Secrétariat de traiter l'arriéré de dossiers en attente, notamment en provenance de Sri Lanka.
Le Groupe de travail est toujours particulièrement préoccupé par les renseignements qui signalent des disparitions d'enfants et, dans quelques cas, de personnes physiquement et mentalement diminuées. Il rappelle que les États ont l'obligation de protéger tous les groupes en situation de vulnérabilité. Il continuera de suivre la question de près et traitera en urgence de tous les cas de cette nature. La protection de tous les défenseurs des droits de l'homme, des familles à la recherche de leurs proches disparus, des témoins et des avocats est, de même, un souci constant du Groupe de travail. Le Groupe de travail exprime de nouveau fortement sa crainte profonde que les activités antiterroristes soient utilisées par un nombre d'États grandissant comme un prétexte pour ne pas respecter les obligations qui résultent de la Déclaration sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. Des indications crédibles font état de la répression de groupes d'opposition dans de nombreux États au nom de la «guerre contre la terreur». D'autre part, la pratique du «transfert extraordinaire» est utilisée pour transporter des personnes soupçonnées de terrorisme vers d'autres États où elles sont soumises à des interrogatoires agressifs. Le Groupe de travail continue de recevoir des informations concernant l'existence de centres secrets de détention où des personnes soupçonnées de terrorisme sont détenues en total isolement du monde extérieur. Dans ces trois situations, des personnes disparaissent. Or, il est solidement établi que la disparition est souvent un premier stade avant la torture et même l'exécution extrajudiciaire.
Le Groupe de travail relève que, dans certaines situations d'après conflit, les mécanismes de manifestation de la vérité et de réconciliation figurent parmi les moyens appliqués pour faire passer les sociétés touchées de la guerre à la paix et du conflit au gouvernement de l'après conflit. Il redoute que ces situations conduisent parfois à l'adoption de lois d'amnistie et à l'application d'autres mesures qui donnent toutes le même résultat: l'impunité. Pour parer à ce risque, le Groupe de travail, désireux de contribuer au développement progressif du droit international dans ce domaine délicat, a adopté, à sa soixante-dix septième session, un commentaire général de l'article 18 de la Déclaration.
L'additif 1 au rapport rend compte de la mission que le Groupe de travail a effectuée en Colombie du 5 au 13 juillet 2005. Il donne un aperçu du cadre constitutionnel et juridique relatif aux disparitions forcées mis en place depuis la dernière mission du Groupe de travail en 1988. Il met en évidence le décalage qui existe entre un système juridique très perfectionné et les très mauvais résultats obtenus en pratique par les mécanismes juridiques. En conséquence, les membres du Groupe de travail formulent des recommandations qui visent à mettre fin au phénomène des disparitions dans le pays, à protéger les familles de victimes et les organisations non gouvernementales qui tentent de localiser les personnes disparues et de savoir ce qu'il est advenu d'elles, à en finir avec le silence, dû à la peur et à l'impunité, qui entoure les disparitions et à veiller à ce que les mécanismes juridiques existants concernant les disparitions en Colombie soient plus efficaces.
MME GAY MCDOUGALL, experte indépendante sur les questions relatives aux minorités, a indiqué que quatre aspects ont formé le cadre légal et conceptuel de son travail: la protection de l'existence des minorités, dans leur intégrité physique, afin de prévenir les génocides; la protection et la promotion de leurs droits, afin de favoriser la préservation de leur identité culturelle et prévenir l'assimilation forcée; l'assurance de la non-discrimination et de l'égalité et la lutte contre la discrimination structurelle et endémique; la participation des minorités à la vie publique, et particulièrement aux prises de décision les concernant.
Mme McDougall a expliqué que dans le cadre de sa mission, elle avait choisi de porter son attention sur deux priorités thématiques liées entre elles. Soit, en premier lieu, le renforcement de l'attention accordée aux minorités dans le cadre des programmes de réduction de la pauvreté et des objectifs du Millénaire pour le développement. La deuxième priorité énoncée par Mme McDougall porte sur une meilleure compréhension des problématiques relatives aux minorités dans le cadre des projets de promotion de l'inclusion sociale et en faveur de la stabilité des sociétés. Relativement à ce dernier point, elle a insisté sur le fait que le respect des droits des minorités constituait une garantie de paix, de richesse culturelle et de prospérité pour les États qui s'y attachaient.
L'Experte a finalement évoqué sa visite en Hongrie, au cours de laquelle elle s'est intéressée, en particulier, à la situation des Rom qui demeure un sujet de vive préoccupation, dans ce pays comme d'ailleurs dans d'autres pays en Europe. En dépit de la législation mise en place par la Hongrie pour assurer l'autonomie des groupes minoritaires, notamment en regard de leur culture et de leur langue, des solutions durables restent à trouver, a-t-elle dit, pour pallier les inégalités dont sont victimes les Rom dans les domaines de l'éducation, du logement, de la santé et du traitement par rapport la loi.
Le rapport sur les questions relatives aux minorités (E/CN.4/2006/74) souligne notamment que l'experte indépendante ne s'est pas lassée de faire ressortir tout ce que les États ont à gagner à reconnaître la contribution des groupes minoritaires et à la mettre en valeur énergiquement. Le respect des droits des minorités est source d'avantages pour l'État et pour la société, puisqu'il permet de sauvegarder la richesse de la diversité culturelle et de préserver le patrimoine commun, et contribue à la cohésion sociale. Il favorise aussi l'instauration de conditions propices à la stabilité politique et sociale et à la paix. L'experte a constaté que les instruments concernant les questions relatives aux minorités ne sont guère appliqués. C'est ainsi en particulier que les effets de la réalisation des droits des minorités sur la réduction de la pauvreté et la promotion de la stabilité politique et sociale ne sont pas suffisamment compris et reconnus.
Dans toutes les régions du monde, les minorités sont toujours exposées à de graves menaces, à la discrimination et au racisme, et sont souvent empêchées de prendre pleinement part à la vie économique, politique et sociale du pays. Les communautés minoritaires sont aujourd'hui confrontées à de nouvelles difficultés, découlant notamment de la législation, de la politique et des pratiques antiterroristes qui risquent de faire écueil injustement à la réalisation des droits des minorités, sinon de violer ces droits.
Le rapport relève que, dans la lutte pour le respect des droits des minorités, les mesures de lutte contre la discrimination sont certes essentielles, mais ne suffisent pas. La réalisation des droits des minorités ne se ramène pas à des mesures de lutte contre la discrimination tendant à venir à bout des problèmes de ceux qui s'efforcent de faire valoir et de préserver leur différence identitaire. Il n'y a pas de véritable égalité sans la possibilité de participer pleinement et effectivement à tous les aspects de la vie de la société, tout en préservant l'identité du groupe, ce qui peut nécessiter des mesures positives de la part des gouvernements. Tous les États devraient s'efforcer d'atteindre à l'égalité dans la diversité, en droit et en fait.
M. RODOLFO STAVENHAGEN, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme et des libertés fondamentales des populations autochtones, a notamment observé que les pays d'Amérique latine accordent une importance particulière aux droits des peuples autochtones, alors que d'autres textes juridiques existent aussi en Afrique et en Asie. Tous ces textes sont toutefois encore loin d'avoir changé la situation effective des droits des peuples autochtones. Dans de nombreux pays, les normes et principes internationaux ne sont pas appliqués au plan interne car souvent méconnus par les juristes chargés de les appliquer. Le problème principal est cependant le fossé qui existe entre la loi et la pratique administrative. On le voit clairement dans les structures de l'administration publique, où sévit encore la rigidité et le manque de participation de la population.
Le secteur judiciaire, les juridictions supérieures en particulier, s'est parfois engagé dans la problématique de l'application effective des droits des peuples autochtones, avec parfois des résultats favorables. Au niveau régional, les systèmes interaméricain et interafricain des droits de l'homme commencent de jouer un rôle important, a aussi remarqué M. Stavenhagen.
Le rapport sur la situation des droits de l'homme et des libertés fondamentales des populations autochtones (E/CN.4/2006/78) est axé sur l'écart entre les progrès inscrits dans la législation de nombreux pays, qui reconnaît les peuples autochtones et leurs droits, et les réalités quotidiennes qui expriment les nombreuses difficultés à mettre en œuvre comme il convient ces mesures législatives. Le rapport contient en outre des renseignements sur les communications dénonçant des violations des droits de l'homme et les réponses des gouvernements. Le Rapporteur spécial estime que les gouvernements devraient élaborer une politique coordonnée et systématique, avec la participation des peuples autochtones, qui fasse intervenir, de manière transversale, les différents ministères concernés par les questions autochtones. En collaboration avec les institutions représentatives des peuples autochtones, ils devraient établir des mécanismes de consultation et de participation autochtones pour toute mesure d'ordre général ou particulier qui touchent ces peuples, une attention particulière étant portée à la législation, aux ressources naturelles et aux projets de développement.
Parallèlement aux nouvelles législations, les Gouvernements devraient créer des dispositifs d'observation et d'évaluation des mécanismes établis et des pratiques suivies et d'application des normes énoncées avec la participation des peuples autochtones. Quant aux parlements, ils devraient mettre en place, là où elles n'existent pas encore, des commissions sur les affaires autochtones et sur les droits de l'homme; celles qui existent déjà devraient être chargées de veiller, en consultation avec les peuples autochtones, à ce que les projets de loi répondent effectivement à leurs besoins et demandes. De même, les parlements devraient suivre de près l'utilisation qui est faite des budgets alloués à la protection et à la promotion des droits des peuples et communautés autochtones. En cas de contradiction entre des lois, estime le Rapporteur spécial, il faudrait donner la priorité et la primauté à celles qui protègent les droits des peuples autochtones, et les conflits découlant de ces contradictions devraient être résolus de bonne foi et d'un commun accord. M. Stavenhagen recommande encore que les postes de «médiateur» chargé des droits des autochtones et leur fournir les ressources budgétaires et institutionnelles nécessaires soient renforcés.
Le rapport est complété de plusieurs additifs. Le premier (E/CN.4/2006/78/add.1, à paraître en français) est consacré à une analyse de la situation dans plusieurs pays et à d'autres activités du Rapporteur spécial. Le deuxième (E(CN.4/2006/78/Add.2) est consacré à la mission du Rapporteur spécial en Afrique du Sud à l'été 2005, et formule des recommandations visant à aider les parties intéressées à combler les lacunes existantes et à trouver des solutions durables qui contribuent à améliorer la situation des droits fondamentaux des peuples autochtones du pays. Le Rapporteur spécial recommande notamment que les communautés autochtones soient reconnues en tant que telles dans la Constitution et que les institutions juridiques qui maintiennent la classification stigmatisante de «métis» soient supprimées. Le troisième additif (E/CN.4/2006/78/Add.3, à paraître en français) porte sur la mission effectuée par le Rapporteur spécial en Nouvelle Zélande en 2005 et s'achève par des recommandations visant à consolider les acquis réalisés à ce jour de façon à réduire les inégalités et protéger les droits des Maoris. L'additif E/CN.4/2006/78/Add.4 (à paraître en français) est un rapport intermédiaire sur les meilleures pratiques pour la mise en œuvre d'appliquer les recommandations du Rapporteur spécial.
Déclarations de pays concernés
M. CARLOS FRANCO (Colombie) a commenté le rapport du Groupe de travail sur les disparitions forcées en rappelant que c'est l'État colombien qui avait invité le Groupe à se rendre dans le pays. Il a en outre fait valoir que les mesures adoptées par la Colombie afin de lutter contre la grave violation des droits de l'homme que constituent les disparitions forcées ont permis de faire passer le nombre de plaintes pour disparition forcée de 927 en 2004 à 210 en 2005 et à 25 en 2006. En outre, le rapport du Groupe de travail ne tient pas compte des exigences en matière de démobilisation ou de paix et de la nécessité, dans ce contexte, d'établir un équilibre entre justice et paix. Le représentant a qualifié d'infondées les accusations graves concernant la Colombie qui émaillent le rapport du Groupe de travail. On dirait que le rapport doute de toute information officielle et tient pour vraies les opinions contraires au Gouvernement, sans qu'il soit besoin de les démontrer. À compter du mois prochain, a notamment indiqué le représentant colombien, le Registre unique des personnes disparues sera mis à disposition du public. En outre, le bureau du Procureur général a récemment indiqué qu'en application de la loi de justice et de paix, il avait recueilli des informations afin de procéder aux exhumations d'au moins 2500 personnes illégalement enterrées.
MME GLAUDINE MTSHALI (Afrique du Sud) a déclaré que son pays avait apprécié la visite que M. Stavenhagen tout en déplorant qu'il n'ait pas eu le temps de consulter toutes les parties intéressées par la situation des populations autochtones. La représentante a rappelé que depuis la fin de l'apartheid, l'Afrique du Sud n'a ménagé aucun effort pour enraciner la démocratie et rétablir les droits d'une population noire victime de plus de trois siècles de marginalisation. Le Gouvernement a ainsi pris de nombreuses mesures pour promouvoir les droits des peuples autochtones, dans le domaine juridique, linguistique et social. Les spoliations de terres sont redressées par une campagne de restitution des terres autochtones dans le cadre de la politique foncière générale. La définition des «peuples autochtones» que donnent les Conventions de l'Organisation internationale du travail ne peut s'appliquer strictement à l'Afrique du Sud, a fait remarquer la représentante de l'Afrique du Sud: en effet, si elle l'était, tous les Noirs d'Afrique du Sud devraient être considérés comme autochtones.
M. DON MACKAY (Nouvelle Zélande) s'est exprimé sur le rapport relatif aux droits de l'homme et libertés fondamentales des populations autochtones et sur la visite du Rapporteur spécial dans son pays. Il a informé le Conseil que le rapport avait donné lieu à une discussion très nourrie, en Nouvelle Zélande, et que le Gouvernement avait répondu à divers points soulevés. Les injustices de l'histoire doivent être prises en compte mais, de manière générale, les politiques doivent se fonder sur les besoins, a souligné le représentant. Se référant à la suggestion du Rapporteur spécial d'introduire de nouveaux amendements constitutionnels, il a indiqué que cette question donnait lieu à des débats divergents et que cette décision relevait, en fin de compte, d'un processus démocratique auquel était associée la population maorie tout comme la population non maorie.
M. GALO LARENAS SERRANO (Équateur) s'est félicité de l'esprit constructif qui caractérise a le rapport rédigé par M. Rodolfo Stavenhagen suite à sa visite dans le pays. Il a souligné que ce rapport affirme clairement que l'Équateur a adopté des normes constitutionnelles reconnaissant les droits des peuples autochtones. Le représentant a toutefois souligné qu'il existe également des normes juridiques secondaires en la matière qui sont importantes. Il a en outre fait valoir les budgets relativement importants consacrés à l'institution chargée des questions autochtones en Équateur.
Débat interactif
M. SERGIO CERDA (Argentine) a informé le Conseil que son pays recevra l'année prochaine la visite du Groupe de travail sur les disparitions forcées, suite à l'invitation permanente lancée par l'Argentine. L'Argentine a pris note de la position du Groupe de travail s'agissant de la ratification de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et compte que la Convention sera approuvée en 2007. Le représentant a par ailleurs demandé des précisions sur le fonctionnement du futur fonds volontaire relatif aux droits des minorités évoqué par Mme McDougall.
M. IDRISS JAZAÏRY (Algérie) a relevé que le rapport de M. Toope laisse entendre que des centaines de disparitions ont lieu chaque année en Algérie. Cette phrase doit être mise au passé dans le texte, la situation concernée étant celle des années 1990. D'autre part, le représentant a précisé que les disparitions ne sont pas «essentiellement» le fait de l'État, mais bien des terroristes. Le Gouvernement se déclare par ailleurs disponible à la recherche d'une solution au problème des disparitions, c'est pourquoi il collabore avec le Groupe de travail. Le recours à la notion d'impunité ne doit pas être tendancieux, a dit le représentant: la loi algérienne reconnaît en effet la nécessité de poursuivre les coupables de tels actes, quels qu'ils soient. Le représentant algérien a a par ailleurs félicité l'experte indépendante sur les droits des minorités pour la qualité de son travail.
M. MOHAMMED LOULICHKI (Maroc) a remercié le Groupe de travail sur les disparitions forcées pour ses efforts soutenus visant à élucider tous les cas de disparitions forcées à travers le monde. Le Maroc partage le sentiment de satisfaction exprimé par le Président du Groupe de travail concernant l'adoption de la Convention internationale contre les disparitions forcées durant la première session du Conseil des droits de l'homme et espère une entrée en vigueur dans les meilleurs délais de cet instrument qui s'ajoutera à l'arsenal de protection juridique des droits de l'homme. Le représentant marocain a plaidé en faveur d'une coopération accrue entre le Groupe de travail et d'autres organes ayant une activité connexe. Il a mis l'accent sur l'importance de mettre le Groupe de travail à l'abri de toute pression. Le Groupe de travail doit veiller à la pertinence des informations fournies par certaines sources dont l'objet est parfois de perpétuer le plus grand nombre de cas; la charge de la preuve devrait alors être inversée et requise de la part de la source concernée.
MME KIRSTI POHJANKUKKA (Finlande au nom de l'Union européenne) a interpellé sur divers points l'experte chargée du rapport sur les minorités, l'interrogeant, notamment, sur le lien entre le droit des minorités et la prévention des conflits. Se référant aux quatre grandes problématiques identifiées, elle a souhaité savoir quelles meilleures pratiques pouvaient être dégagées en relation avec ces préoccupations spécifiques. Elle a regretté par ailleurs que le rapport n'évoque pas les tendances relevées dans les réponses reçues aux questionnaires envoyés.
En ce qui concerne le rapport sur les populations autochtones, la représentante a demandé comment l'on pouvait envisager une meilleure participation des populations autochtones aux débats du Conseil et aux mécanismes des droits de l'homme de manière générale. Évoquant le cas de la Colombie, elle a préconisé qu'une étude soit menée sur l'impact des activités des sociétés transnationales sur les populations autochtones en Colombie.
M. JEAN-DANIEL VIGNY (Suisse) a demandé à Mme McDougall quelle relation elle voyait entre les conflits et les droits humains et quelle priorité elle entendait donner aux États déchirés par les violences communautaires dans ses travaux. Il lui a aussi demandé comment elle estimait que les politiques d'aide multilatérale et bilatérale devaient être adaptées aux besoins de ces pays. D'autre part, le représentant suisse a demandé pourquoi les mesures positives ne figuraient pas parmi les quatre domaines d'action en faveur des droits des minorités. Ces minorités et les peuples autochtones doivent-ils pouvoir continuer de disposer d'un forum permanent auprès du Conseil, a demandé le représentant, faisant valoir qu'une telle structure est en effet favorable au dialogue.
MME JUNEVER MAHILUM WEST (Philippines) a commenté le rapport du Groupe de travail sur les disparitions forcées en réitérant l'engagement du Gouvernement philippin en faveur des activités de ce Groupe. La plupart des cas de disparitions relatifs aux Philippines figurant dans le rapport remontent aux années 1970 et 1980, alors que le pays se trouvait sous la loi martiale de l'ancien Président Marcos. En 1986, une plainte a été déposée à Hawaï contre l'ancien Président pour les violations de droits de l'homme commises sous son régime; le Président Marcos se trouvait alors en exil à Hawaï. En 1995, un jugement a été rendu accordant à un groupe de 9539 victimes philippines une somme totale de 1,9 milliard de dollars. Un procès est en cours aux Philippines concernant la mise en œuvre de ce jugement dans le pays. Le Groupe de travail pourrait prendre cette information en compte.
M. W. FERNANDO (Sri Lanka) a salué l'étroite collaboration avec le Groupe de travail sur les disparitions forcées, qui a permis d'élucider un grand nombre de disparitions. Des mécanismes internes sont maintenant en place pour gérer les dénonciations de disparitions. Un juge de la Cour suprême a été désigné pour enquêter sur ces allégations dans tout le pays. Une directive présidentielle sur la question a fait l'objet d'une grande publicité dans les médias et est diffusée dans tous les commissariats, a dit le représentant.
M. JUAN MARTABIT (Chili) a commenté le rapport présenté par M. Rodolfo Stavenhagen, qui se réfère au cas de certains dirigeants mapuche accusés d'association terroriste illicite et qui ont été absous par les tribunaux, en soulignant que ces dirigeants avaient été accusés en vertu de la loi antiterroriste adoptée en 1984. Récemment, a précisé le représentant, le Gouvernement chilien s'est engagé à ne pas appliquer cette loi pour des faits futurs qui pourraient être jugés, et qu'il serait dorénavant fait appel aux dispositions du droit commun. En outre, le Parlement chilien est en train de débattre d'un projet de loi modifiant la législation antiterroriste et prévoyant de ne plus accorder un caractère terroriste aux attentats contre la propriété. Le représentant a par ailleurs souligné que le Gouvernement chilien était engagé en faveur de la ratification rapide de la Convention n°169 de l'Organisation internationale du travail et en faveur de la reconnaissance constitutionnelle des peuples autochtones.
En ce qui concerne les disparitions forcées, le Chili continue, trente ans après les faits, de rechercher les endroits où peuvent se trouver les personnes portées disparues, a souligné le représentant.
M. JEAN-MAURICE RIPERT (France) a exprimé l'appréciation de son pays pour le rapport du Groupe de travail sur les disparitions forcées, et espéré que la Convention sur les disparitions forcées sera adoptée par consensus ces prochains jours à New York. La nécessité de cet instrument est particulièrement pressante, ainsi qu'en témoigne les très nombreuses victimes dont fait état le rapport. À l'issue des conflits internes, il convient de mettre en place des mesures de réconciliation nationale qui soient conformes aux engagements pris en matière de lutte contre les disparitions forcées et leur efficacité pour apaiser définitivement les tensions ayant mené au conflit. Comment les Nations Unies peuvent-elles inscrire cette problématique dans les stratégies de sortie de crise, a demandé le représentant? Il a aussi fait observer que le problème de la disparition d'enfants revient pour la deuxième année dans le rapport du Groupe de travail, et a demandé des précisions à ce propos. D'autre part, comment s'adresser aux familles qui sont aussi des victimes des disparitions, a demandé le représentant français?
M. LUIS VARELA QUIRÓS (Costa Rica), rappelant qu'il avait lui-même participé aux travaux du Groupe de travail sur les disparitions forcées, a salué la qualité de son rapport qui, a-t-il dit, constitue un document important pour la mémoire de l'humanité. Constatant, avec le Président-Rapporteur, que le phénomène des disparitions n'est, et de manière croissante, plus seulement le fait d'agents de l'État, mais aussi d'acteurs non étatiques, il a demandé comment le mandat du Groupe de travail pouvait être adapté pour tenir compte de ce phénomène. Se référant aux 40 000 affaires non élucidées et aux 500 affaires nouvelles répertoriées par le rapport, il a demandé si l'adoption future de la Convention sur les disparitions forcées par l'Assemblée générale pouvait avoir une incidence positive sur cette problématique.
MME MARIE LOUISE OVERVAD (Danemark) a relevé que le Rapporteur spécial sur les droits de l'homme des populations autochtones attire l'attention sur le fossé à combler entre aspect normatif et application pratique s'agissant des questions de droits de l'homme des populations autochtones. Il a par ailleurs rappelé que le programme d'action de la deuxième Décennie des populations autochtones insiste lui aussi sur la nécessité de se concentrer sur la mise en œuvre. Aussi, comment , M. Stavenhagen préconise-t-il d'agir concrètement en la matière ?
M. CARLOS RAMIRO MARTINEZ ALVARADO (Guatemala) a indiqué que son pays accueille cette semaine, dès demain, le Groupe de travail sur les disparitions forcées dans le cadre de l'invitation permanente qu'il a lancée aux organes des droits de l'homme. La visite du Groupe de travail et la collaboration du Gouvernement avec cette institution est le témoignage de la volonté du Guatemala participer à la résolution des cas de disparitions forcées. Le représentant a aussi relevé l'importance de l'étude du Rapporteur spécial sur les populations autochtones concernant les meilleures pratiques, pratiques qui pourront s'appliquer à bien d'autres problèmes que ceux traités par M. Stavenhagen.
M. IDHAM MUSA MOKTAR (Malaisie) a remercié le Rapporteur spécial sur les droits de l'homme des populations autochtones pour son rapport. Comme l'a souligné M. Stavenhagen, c'est une loi de 1954 qui assure la protection des populations autochtones en Malaisie. S'il y a un manque de clarté fondamental en ce qui concerne la définition de peuple autochtone au niveau international, la loi malaisienne de 1954 s'applique à trois groupes autochtones, divisés en 18 sous-groupes: les Negrito, les Senoi et les Melayu Asli. Le Gouvernement de Malaisie n'a jamais cessé de poursuivre une politique de reconnaissance des droits des groupes autochtones dans le pays.
MME NADIA STUEWER (Canada) a notamment demandé au Président du Groupe de travail sur les disparitions forcées quelle était la meilleure manière pour le Groupe de travail de favoriser l'entrée en vigueur de la nouvelle Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. Comment, a-t-elle encore demandé, la communauté internationale peut-elle agir au niveau national pour récolter des données concernant ce problème. Concernant le rapport sur les populations autochtones, la représentante canadienne s'est félicitée que les populations autochtones étaient officiellement reconnues dans sept des huit pays visités par le Rapporteur spécial. Rappelant que la définition du terme «autochtone» avait donné lieu a bien des débats. Elle a demandé comment le Rapporteur comptait améliorer l'accès formel aux communautés et l'acceptation de son travail dans les régions où une terminologie différente est employée ou lorsque cette distinction est tout simplement niée.
MME HASMIK SIMONYAN (Arménie) a déclaré que son pays attachait une très grande importance à la protection des minorités et qu'il se félicitait de l'approche adoptée par l'experte indépendante sur ce thème. L'Arménie engage l'experte à collaborer étroitement avec les institutions des droits de l'homme des Nations Unies et estime que le travail d'autres instances, comme le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale ou celles chargées de la prévention des génocides, pourra informer utilement les travaux de Mme McDougall.
M. VEBJORN HEINES (Norvège) a commenté le rapport présenté par le Rapporteur spécial sur les droits de l'homme des populations autochtones, M. Stavenhagen, en se félicitant de l'accent mis sur la nécessité de combler l'écart entre les lois existantes concernant ces populations et leur mise en œuvre pratique. Le représentant norvégien a souhaité que le prochain rapport de M. Stavenhagen traite de la situation des populations autochtones dans d'autres régions du monde que l'Amérique latine, notamment en Europe. À cet égard, le représentant norvégien a invité le Rapporteur spécial à se rendre en Norvège. Comment la Déclaration sur les droits des peuples autochtones peut-elle contribuer à combler l'écart qui existe entre les lois et leur application pratique, a notamment demandé le représentant norvégien ?
MME PAULA BARTON (États-Unis) a salué la qualité des trois rapports présentés ce matin. S'agissant du rapport sur les disparitions forcées, elle a reconnu que la communauté internationale n'a pas toujours souscrit à la position des États-Unis dans le cadre de la guerre contre le terrorisme. Elle a toutefois souhaité précisé que les transferts de prisonniers opérés par le Gouvernement des États-Unis n'ont qu'une seule fonction qui est de déplacer vers des lieux où elles pourront être interrogées des personnes soupçonnées de terrorisme. Ces transferts ne sont pas des actes illégaux et, ce faisant, les États-Unis ne violent pas leurs obligations en matière de lutte contre la torture. S'agissant des détentions au secret, elle a rappelé que quatorze agents d'al-Qaïda viennent ainsi d'être transférés de lieux secrets vers Guantanamo, où ils seront dûment interrogés. Le Comité international de la Croix-rouge aura accès à ces détenus, a-t-elle précisé. Plus aucun détenu ne se trouve aux mains de la CIA, a précisé la représentante.
M. ICHIRO FUJISAKI (Japon) a regretté que le Groupe de travail sur les disparitions forcées n'ait pas reçu d'informations suffisantes aux questions posées à la République populaire démocratique de Corée. Indiquant que son pays était favorable à l'adoption d'une nouvelle Convention réglant le problème des enlèvements, il a relevé que les victimes de ces situations, en République populaire démocratique de Corée, n'étaient pas seulement des Japonais, mais aussi des ressortissants d'autres pays.
M. ALEJANDRO NEYRA (Pérou) a partagé la préoccupation exprimée par le Rapporteur spécial sur les droits de l'homme des populations autochtones, M. Stavenhagen, au sujet de l'écart entre les lois et normes existantes dans ce domaine et leur mise en œuvre. Le Pérou souhaite que la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones serve à améliorer concrètement la situation des peuples autochtones. Le Pérou, en ce qui le concerne, compte des normes juridiques et constitutionnelles visant différents domaines de protection, ainsi que des institutions visant à appliquer ces normes, ce qui ne l'empêche pas de rester confronter à divers problèmes. Le représentant péruvien s'est félicité de la possibilité d'élaborer un code de conduite pour les sociétés transnationales opérant dans les zones où vivent des populations autochtones et a souhaité savoir si M. Stavenhagen avait envisagé de travailler en coopération avec le Représentant spécial du Secrétaire général sur les droits de l'homme et les sociétés transnationales.
M. BERT THEUERMANN (Autriche) a demandé à Mme McDougall quelle démarche devait être entreprise s'agissant des questions portant sur les minorités pour donner effet aux aspects concernant les femmes. Il a aussi souhaité savoir quelle forme prenait sa coopération avec les instances existantes chargées de ces questions. Le représentant a aussi demandé quels sont les obstacles à la fourniture des services consultatifs et techniques aux minorités.
MME SOCORRO ROVIROSA PRIEGO (Mexique) a exprimé son appréciation de ce que le dialogue interactif mis en œuvre dans le cadre du Conseil permettait, de manière effective, d'établir des liens entre les droits de l'homme et les droits des groupes spécifiques, comme les minorités ou les populations autochtones. Elle a informé le Conseil que les recommandations qui avaient suivi la visite du Rapporteur spécial au Mexique, en 2003, avaient été très profitables et avaient donné lieu à un programme qui était en ce moment en cours de réalisation. Elle a, à cet égard, insisté sur l'importance pour les États de disposer d'outils pour donner suite aux recommandations contenues dans les rapports et souhaité que les meilleures pratiques soient systématiquement diffusées afin d'aider les pays dans cette démarche de suivi.
MME ALICIA MARTIN (Nicaragua) a souligné, comme le reconnaît le rapport du Rapporteur spécial sur les droits de l'homme des populations autochtones, que de nombreux pays d'Amérique latine ont amendé leur législation pour prendre en compte les droits des peuples autochtones. En ce qui le concerne, le Nicaragua reconnaît dans sa loi la pluriethnicité de la population du pays ainsi que l'entité collective que représentent les peuples autochtones. En 2001, la Cour interaméricaine des droits de l'homme a statué en faveur des communautés autochtones du Nicaragua, demandant au Gouvernement de donner effet aux titres de propriété de ces communautés et de mener à bien des projets de développement en leur faveur.
M. JONNY SINAGA (Indonésie) a dit que son pays avait donné des garanties importantes, dans sa Constitution, aux droits des populations autochtones. Un nouveau texte de loi va renforcer encore cette protection. Une liste de définitions des «autochtones» pourrait-elle être distribuée aux États par le Rapporteur spécial, a demandé le représentant, celle proposée par l'Organisation internationale du travail n'étant pas toujours applicable, comme le représentant de l'Afrique du Sud l'a relevé plus tôt dans la matinée.
M. MAHMOUD KHARI JVEYABAD (Iran) a estimé que les travaux du Groupe de travail sur les disparitions forcées demandent une certaine précision qui a semblé faire défaut lors de la présentation de ce matin. Des références peu claires ont été faites qui devront être rectifiées. Le représentant iranien a par ailleurs souligné que son pays considère que le rôle des agents non étatiques et terrorises et l'instabilité de la situation des pays voisins constituent des éléments qui méritent d'être étudiés de près.
M. CHOE MYONG NAM (République populaire démocratique de Corée) s'est insurgé contre les affirmations du Japon et a dénoncé ces affirmations sur les disparitions forcées comme des manipulations politiques auxquelles il a instamment prié le Groupe de travail de demander au Japon de mettre fin.
MME TANIA BALDWIN (Amnesty International) a salué la contribution du Groupe de travail sur les disparitions forcées dans le contexte de la situation des droits de l'homme à Sri Lanka dans les années 1990. Elle a souhaité savoir quelle pourrait être aujourd'hui la contribution du Groupe de travail dans ce pays. Faisant état d'informations émanant du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, elle a souhaité savoir si le Groupe de travail avait reçu des informations concernant des cas actuels de disparitions forcées à Sri Lanka.
M. MOHAMED ASHAN (Interfaith International) a relevé le cas de l'autorité provinciale au Pakistan, organisée sur le modèle de la fédération, avec pour objectif de promouvoir la diversité dans l'unité. Or, au Pakistan, le centre administratif abuse de sa position dominante, ce qui met en péril la structure fédérative de l'État. L'autonomie provinciale serait particulièrement bénéfique au pays, a estimé le représentant.
MME S. BOKULIC (Minority Rights Group International), se référant au mandat de l'experte indépendante sur les droits des minorités, a relevé qu'aucun autre mandat n'approchait de manière aussi complète la problématique des droits des minorités et que ce mandat était à cet égard crucial. Il l'est d'autant plus, a-t-elle affirmé, lorsque l'on considère le travail effectué par l'expert dans les pays qui ne disposent pas de mécanismes locaux suffisants pour assurer le respect des droits de leurs minorités. Compte-tenu de l'importance du mandat de l'expert sur les droits des minorités, elle a demandé au Conseil que celui-ci reconnaisse ce mandat comme un mandat permanent.
M. LES MALEZER (Foundation for Aboriginal and Islanders Research Action) a plaidé en faveur de la poursuite du dialogue entre les partis politiques et les peuples autochtones à travers le monde. Il a lancé un appel à tous les pays afin qu'ils coopèrent avec le Rapporteur spécial sur les droits de l'homme des peuples autochtones. Il a demandé au Botswana de répondre de manière positive aux demandes qui lui ont été adressées par le Rapporteur spécial en vue de l'examen de la situation des Bushmen et de leur réinstallation forcée au centre du Kalahari. Il a par ailleurs appuyé les recommandations adressées par le Rapporteur à la Nouvelle-Zélande visant à ce que ce pays accorde une reconnaissance constitutionnelle au Traité de Waitangi et à ce que le tribunal Waitangi se voit accorder des pouvoirs juridiquement contraignants.
M. GIANFRANCO FATTORINI (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples - MRAP - au nom également de huit autres organisations) a rappelé que le Groupe de travail sur les disparitions forcées avait reçu des communications sur la Chine et le Tibet lors de sa dernière session. Cette session a aussi coïncidé avec l'anniversaire de la disparition du jeune lama enlevé à l'âge de six ans. La Chine devrait autoriser un expert indépendant à enquêter sur cette affaire, a estimé le représentant.
MME RHODA DALANG (International Workgroup for Indigenous Affairs, au nom également de International Indian Treaty Council) a dénoncé les quatre-vingt seize assassinats d'autochtones commis aux Philippines depuis l'accession au pouvoir de la nouvelle présidente de la République. Ces assassinats s'inscrivent dans une vague de plus de 400 meurtres politiques. Il a rappelé qu'Amnesty International a d'ailleurs conclu à l'existence du caractère systématique des crimes politiques aux Philippines. Le Rapporteur spécial a-t-il tenu compte de cette situation et le gouvernement lui a-t-il, le cas échéant, donné des précisions à ce sujet, a demandé la représentante?
Réponses et conclusions des experts
Le Président-Rapporteur du Groupe de travail sur les disparitions forcées, M. STEPHEN TOOPE, a reconnu que les efforts déployés par la Colombie en matière de lutte contre les disparitions forcées sont remarquables; mais le cadre mis en place n'a pas été efficace, a-t-il ajouté. Reconnaissant la nécessité de maintenir un équilibre entre justice et paix, il a attiré l'attention de la Colombie sur l'Observation générale relative à l'article 18 de la Déclaration sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, qui traite précisément de cet équilibre délicat.
M. Toope a reconnu qu'une coquille s'est glissée dans sa déclaration écrite au sujet de l'Algérie où les disparitions remontent en effet aux années 1990; il convenait donc d'employer le passé et non pas le présent pour faire référence aux disparitions dans ce pays.
Pour ce qui est de Sri Lanka, où plus de 6000 cas ont pu être élucidés avec l'aide du Gouvernement, de nouveaux cas ont effectivement été portés à l'attention du Groupe de travail, pour la première fois depuis plusieurs années, a indiqué M. Toope. Ainsi, 11 actions urgentes concernant 17 personnes ont-elles été transmises le mois dernier, a-t-il précisé.
S'agissant du Chili, M. Toope a rappelé le caractère humanitaire du mandat du Groupe de travail dont la vocation n'est pas de critiquer des États mais de trouver des personnes disparues et d'éclaircir leur sort.
S'agissant des États-Unis, le Président-Rapporteur du Groupe de travail s'est dit étonné par l'assertion selon laquelle la pratique du transfert d'une personne vers un autre pays (rendition) ne serait pas illégale alors que cette pratique échappe à tout cadre juridique. Si on ne sait pas où une personne a été transférée, il s'agit d'un cas de disparition aux yeux du Groupe de travail, même si cela est provisoire, a souligné M. Toope.
M. Toope a indiqué que les affaires concernant la République populaire démocratique de Corée sont considérées comme n'ayant pas été élucidées car les familles concernées n'ont pas accepté les explications fournies par le pays.
En ce qui concerne les questions relatives à la lutte contre le terrorisme, M. Toope a souligné que la reconnaissance publique de la détention est cruciale pour le Groupe de travail
MME GAY MCDOUGALL, experte indépendante sur les questions relatives aux minorités, a souligné que sa démarche consistait à mettre l'accent sur l'alerte précoce. La pauvreté, a-t-elle relevé, s'inscrit dans la liste des problèmes structurels qu'il s'agit d'identifier de prime abord.
En ce qui concerne son action dans les pays en crise, notamment l'Iraq, elle a relevé qu'en ce moment où l'on tentait, dans ce pays, de reconstruire un ordre juridique et constitutionnel, il y avait une préoccupation immense pour savoir la place qu'il fallait accorder dans la législation aux droits des minorités. Elle a indiqué à cet égard qu'elle avait été contactée par le conseil des minorités récemment constitué en Iraq et sollicitée pour fournir des avis consultatifs.
Répondant à la préoccupation de plusieurs pays quant à la question de la participation des minorités aux débats du Conseil des droits de l'homme, l'experte a insisté sur la nécessité d'une présence des minorités dans la salle du Conseil et recommandé qu'un forum des minorités soit constitué pour ce faire.
Mentionnant les aspects de son travail qu'elle considérait les plus importants, Mme McDougall a mentionné, notamment, la constitution d'un cadre conceptuel pour le travail sur les droits des minorités et l'identification de bonnes pratiques en matière d'exercice des prérogatives de la police. À la question de savoir comment elle pensait définir et diffuser les meilleures pratiques, elle a affirmé que la chose la plus utile à cet égard, était la visite dans les pays qui permettait de comprendre les meilleures pratiques dans leur contexte. À cet égard, elle a exhorté les gouvernements à donner leur accord à une visite de sa part dans leur pays.
L'experte a finalement remercié les pays ayant répondu à son questionnaire et invité ceux ne l'ayant pas fait à le faire rapidement.
M. RODOLFO STAVENHAGEN, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme et des libertés fondamentales des populations autochtones, a répondu aux questions et commentaires des membres du Conseil faisant valoir notamment que la question des définitions est, comme il a été dit, très importante. Elles peuvent varier en fonction des circonstances et des pays et il convient à ce titre de surveiller les travaux et projets juridiques à l'étude en Afrique et en Asie, car ils contiennent des éléments de réponse très intéressants. Ce problème se résoudra progressivement avec l'aide des peuples autochtones eux-mêmes, a estimé M. Stavenhagen.
Un autre problème est celui du fait que si les citoyens d'un même ont tous théoriquement les mêmes droits de par la loi, et donc le même accès théorique aux services de l'État, on constate dans les faits que toutes les couches de la population ne jouissent pas des mêmes services aux mêmes moments. Le Rapporteur spécial préconise à cet égard la systématisation de la production de statistiques ventilées concernant la fourniture de ces services, seul moyen de déterminer où doit se situer l'action réparatrice nécessaire. Il s'agit d'une démarche qui est adoptée par les États mais avec des résultats encore inégaux. Quant au droit des peuples à revenir librement sur leurs terres d'origine, il revient tout simplement à prendre en compte le droit des peuples autochtones à être consultés.
M. Stavenhagen a commenté des observations faites par plusieurs délégations quant à l'effet de l'adoption par le Conseil de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones, estimant que ce texte est fondamental pour la protection de ces droits au plan international et régional. Il permettra aussi de renforcer les travaux des instances des Nations Unies et aura une incidence sur les politiques nationales d'interprétation, et donc d'application locale, des instruments internationaux. Enfin, le Rapporteur spécial a précisé qu'il espérait fortement collaborer avec l'instance de contrôle de la conduite des sociétés transnationales.
Droit de réponse
Le représentant du Japon a répondu à la déclaration de la République populaire démocratique de Corée en soulignant que la question des enlèvements ne relève pas d'un jeu politique mais bien d'une violation très grave des droits de l'homme. La République populaire démocratique de Corée n'a fourni aucune explication au sujet de ces enlèvements. Aussi, le Japon prie-t-il instamment la République populaire démocratique de Corée de fournir les informations nécessaires et de permettre aux personnes encore vivantes de rentrer au Japon ou dans leur pays d'origine.
MME JUNEVER MAHILUM WEST (Philippines) a répondu à l'intervention d'une organisation non gouvernementale en soulignant que les autorités philippines avaient ouvert une enquête et rendront compte des conclusions de cette enquête dès que possible. Quant au deuxième point soulevé par le représentant de l'organisation non gouvernementale, elle serait traitée dans le cadre des débats relatifs à cette question.
M. CHOE MYONG NAM (République populaire et démocratique de Corée) a déclaré que le représentant du Japon avait fait des allégations sans fondements, le problème des enlèvements ayant été entièrement réglé, Le Gouvernement du Japon vise en fait à cacher les crimes contre l'humanité qu'il a commis antérieurement contre le peuple coréen. Le Gouvernement du Japon doit se départir de son attitude hostile et s'attacher à réparer ses erreurs, a fait valoir le représentant.
M. ICHIRO FUJISAKI (Japon) a déclaré ne pouvoir accepter l'affirmation selon laquelle la question des enlèvements était résolue, aucune réponse satisfaisante n'ayant été apportée. Le Japon reconnaît pleinement les erreurs qu'il a commises dans le passé. Cependant ces erreurs ne peuvent justifier des crimes commis dans le présent.
M. CHOE MYONG NAM (République populaire démocratique de Corée) a confirmé que l'affaire des enlèvements avait été entièrement résolue. Les Japonais doivent maintenant régler l'héritage de leurs crimes passés plutôt que d'accuser leurs voisins, a-t-il estimé.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel
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