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LA CONFÉRENCE DU DÉSARMEMENT POURSUIT SON DÉBAT SUR UN TRAITÉ RELATIF AUX MATIÈRES FISSILES

Compte rendu de séance

La Conférence du désarmement a poursuivi, ce matin, son débat ciblé structuré, entamé hier matin, sur un traité d'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement, en entendant les déclarations de onze pays: Inde, Algérie, Belgique, Australie, Nouvelle-Zélande, Afrique du Sud, Royaume-Uni, Chine et Syrie.

Plusieurs délégations ont apporté leur soutien à la négociation d'un traité d'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire qui soit non-discriminatoire, ce qui, a-t-il été rappelé, signifie qu'il devrait comporter les mêmes obligations et responsabilités pour tous les États. Selon certains pays, la négociation d'un tel traité devrait se faire conformément au mandat Shannon qui, a-t-il été souligné, a clairement défini les paramètres de la négociation. Le retard dans les négociations ne fait que compliquer les choses, tant il est vrai que les stocks de matières fissiles n'ont fait qu'augmenter depuis le mandat Shannon, a souligné une délégation.

Pour certains, un tel traité devrait concerner non seulement la production future mais aussi les stocks actuels, conformément au mandat Shannon, alors que pour d'autres, il devrait interdire uniquement la production future de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire.

En fin de séance, des intervenants ont commencé l'examen, qui s'est poursuivi en séance informelle, de la question de la définition des termes «matières fissiles» dans le contexte d'un traité d'interdiction de la production de matières fissiles destinées à la fabrication d'armes nucléaires ou autres dispositifs explosifs nucléaires.

La Conférence a par ailleurs décidé d'adresser une invitation à un représentant de l'Agence internationale de l'énergie atomique afin qu'il s'adresse à la Conférence. Il est envisagé que le représentant de l'AIEA s'adressera à la Conférence le lundi 22 mai.


À sa prochaine séance plénière officielle, cet après-midi, à 15 heures, la Conférence poursuivra cette discussion en portant son attention plus particulièrement sur la question de la portée d'un traité d'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire.

Déclarations

M. JAYANT PRASAD (Inde) a rappelé que son pays a été parmi les premiers pays à proposer un traité d'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement. L'Assemblée générale, dans sa résolution 48/75L (16 décembre 1993), co-parrainée par l'Inde, a exprimé sa conviction unanime qu'un traité d'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire qui soit non-discriminatoire, multilatéral et effectivement vérifiable contribuerait de manière significative à la non-prolifération sous tous ses aspects et a recommandé la négociation d'un tel traité au sein de l'instance internationale la plus appropriée. Le mandat Shannon a clairement délimité les paramètres de la négociation d'un tel traité, a souligné M. Prasad.

De l'avis de l'Inde, un tel traité devrait être non discriminatoire, c'est-à-dire qu'il devrait comporter les mêmes obligations et responsabilités pour tous les États. En outre, un tel traité devrait comporter un mécanisme de vérification afin de s'assurer que tous les États parties respectent leurs obligations en vertu de ce traité. La vérification a un double objectif de détection et de dissuasion, a souligné M. Prasad. Le traité doit interdire la production future de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire, a-t-il précisé.

M. HAMZA KHELIF (Algérie) a jugé centrale la question de l'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire afin de prévenir la prolifération nucléaire - tant horizontale que verticale - et de parvenir à l'élimination des armes nucléaires. Ces armes pourraient tomber entre les mains de groupes terroristes, ce qui constitue, pour l'ensemble de la communauté internationale, un sujet de grave préoccupation, a-t-il souligné.

L'Algérie est favorable au principe de la primauté du droit international sur le droit national, a souligné M. Khelif. Un traité d'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire viserait à empêcher tous les États de produire de telles matières à cette fin et à mettre fin à la discrimination qui existe entre États dotés de l'arme nucléaire et États qui ne le sont pas, en matière de production de matières fissiles. Un tel traité devrait concerner non seulement la production future mais aussi les stocks actuels, conformément au mandat Shannon, a déclaré M. Khelif. Il a en outre mis l'accent sur la nécessité d'être en mesure de vérifier toute production de matières fissiles et de détecter toute nouvelle production, ce qui, de l'avis de l'Algérie, exige un régime plus ambitieux que celui associé aux garanties du Traité de non-prolifération nucléaire et de l'Agence internationale de l'énergie atomique.

M. ALAIN VAN GUCHT (Belgique) a déclaré que son pays est fermement convaincu de ce que la sécurité internationale requiert un renforcement des efforts communs en matière de non-prolifération et de désarmement. La négociation d'un «cut-off» constitue logiquement l'étape suivante sur cette voie, et nombre de membres de la Conférence estiment que ce sujet est maintenant mûr pour la négociation. La Conférence devrait donc saisir cette occasion de contribuer à nouveau à un multilatéralisme répondant efficacement aux défis que nous devons relever ensemble, et dont le moindre n'est pas celui qui consiste à prévenir le risque d'une utilisation des matières fissiles par des groupes terroristes. La Belgique s'engagera dans de telles négociations sans poser de conditions préalables. En d'autres termes, il devrait s'agir, dans un esprit ouvert et constructif, tout autant d'éviter d'être trop prescriptif que de veiller à ne rien exclure a priori de nos travaux.

Selon l'approche de la Belgique, un traité interdisant la production de matières fissiles à des fins militaires concerne tout autant le désarmement que la non-prolifération, que celle-ci soit d'ailleurs horizontale ou verticale, a précisé M. Van Gucht. La problématique des stocks existants de matières fissiles, et d'abord ceux qui ont été déclarés excédentaires, devrait donc pouvoir être abordée en toute transparence si nous voulons aboutir à un instrument équilibré et efficace. Il semble souhaitable que les négociations s'engagent sur une base solide d'objectifs partagés et de définitions claires et agréées. Pour cela, les États concernés devront faire preuve de volonté politique. La Belgique estime qu'une vérification adéquate, qui semble techniquement réalisable et politiquement souhaitable, doit être garantie dans le résultat final. M. Van Gucht a pris note à cette égard de la déclaration de l'Inde à ce sujet. Dans cette perspective, il conviendra notamment d'établir de quelle manière le potentiel de vérification de l'Agence internationale de l'énergie atomique pourrait être utilisé. Il s'est félicité à cet égard de l'invitation adressée ce matin à un expert de l'AIEA d'intervenir devant la Conférence la semaine prochaine. Une possibilité s'est offerte de progresser sur une question à laquelle la Belgique, à l'instar notamment de ses partenaires de l'Union européenne, attache une importance prioritaire.

MME CAROLINE MILLAR (Australie) a souligné que les moratoires sur la production de matières fissiles déclarés par certains États dotés d'armes nucléaires ne sauraient remplacer un traité contraignant d'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire. Il est difficile de concevoir un désarmement nucléaire durable sans garantie que les États ne vont pas en revenir à la production de matières fissiles, a-t-elle souligné.

Mme Millar a rappelé qu'il existe déjà des garanties de l'Agence internationale de l'énergie atomique et que c'est donc surtout sur les États qui possèdent des armes atomiques et en particulier sur ceux d'entre eux qui n'ont pas déclaré de moratoire que pèseront les obligations découlant d'un traité d'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire. Les mesures de vérification devraient faire l'objet de négociations subséquentes largement techniques, a précisé Mme Millar.

M. DON MACKAY (Nouvelle-Zélande) a rappelé que son pays a toujours soutenu le lancement sans délai de négociations sur un traité d'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire. Le retard des négociations ne fait que compliquer les choses, tant il est vrai que les stocks de matières fissiles n'ont fait qu'augmenter depuis l'adoption du mandat Shannon.

La Nouvelle-Zélande est favorable à la négociation sans condition préalable d'un traité d'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire, a insisté M. Mackay. Il a précisé que la Nouvelle-Zélande est également favorable à ce qu'un tel traité qui puisse résoudre aussi le problème des stocks existants.

MME GLAUDINE MTSHALI (Afrique du Sud) a souligné que les matières fissiles sont essentielles à la fabrication d'armes nucléaires et que la maîtrise de ces matières aura des conséquences directes sur la maîtrise de la prolifération. Une interdiction de la production des matières fissiles pour les armes nucléaires serait une étape importante sur la voie du désarmement nucléaire, renforcerait les objectifs du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires et compléterait également le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires. Ainsi, si l'on est attaché au désarmement nucléaire et à la non-prolifération nucléaire, on ne peut se permettre d'attendre plus longtemps pour entamer des négociations sur un traité sur les matières fissiles.

Mme Mtshali a estimé que les problèmes qui ont entravé les efforts pour parvenir à un accord dans ce domaine peuvent tous être surmontés quand il y a une volonté politique. Elle a indiqué que l'Afrique du Sud a soumis en 2002 un document de travail contenant des réflexions sur la portée et les éléments de base d'un traité sur les matières fissiles (CD/1671). L'Afrique du Sud estime que la négociation d'un tel traité est l'«ingrédient manquant» dans le désarmement nucléaire et dans le contexte de la non-prolifération nucléaire. Elle croit également que la Conférence a une occasion et le devoir de se saisir de la question. Il faut donc mettre de côté nos différences et rompre avec le passé pour avancer dans les négociations. Nous avons besoin de plus d'action et de moins de paroles, a conclu la représentante sud-africaine.

M. ANDREW BARLOW (Royaume-Uni) a souligné qu'il n'est pas possible de continuer avec une situation où huit États - parties ou non au Traité de non-prolifération nucléaire - restent en mesure de produire des matières fissiles à des fins d'armement nucléaire. Sur ces huit États, quatre seulement ont déclaré des moratoires sur la production de matières fissiles, et encore pourraient-ils changer d'avis du jour au lendemain s'ils le souhaitaient. Un traité cut-off changerait cette situation en fixant un plafond aux quantités de matières fissiles disponibles pour la production d'armes nucléaires. Il est impossible d'envisager un désarmement nucléaire sans fixer ce plafond. Bien entendu, de nombreuses autres étapes seront nécessaires pour parvenir au désarmement nucléaire; et ces étapes devraient impliquer d'abaisser le plafond, éventuellement pour le ramener à zéro, a souligné M. Barlow.

Le représentant britannique a par ailleurs souligné que trois questions essentielles devront inévitablement être couvertes par toute négociation sur un traité d'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement, à savoir: la portée d'un tel traité; la question de la vérification; et ce que l'on pourrait appeler les dispositions normatives pour un traité de ce type (durée du traité, possibilité de l'amender, par exemple). En avril 1995, a rappelé M. Barlow, le Royaume-Uni a annoncé qu'il avait cessé la production de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire. En juillet 1998, le pays a ensuite annoncé la taille de ses stocks de matières fissiles à des fins de défense et a annoncé que certains de ces stocks n'étaient plus nécessaires et seraient donc placés sous garanties.

M. CHENG JINGYE (Chine) a souligné qu'un traité d'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire - avec le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires qui, lui, vise à restreindre l'amélioration qualitative des armes nucléaires - accélèrerait grandement le processus de désarmement nucléaire et de non-prolifération.

La Chine estime que la négociation, au sein de la Conférence, d'un traité d'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire devrait être basée sur le mandat contenu dans le rapport Shannon. En même temps, la Chine estime que les futures négociations d'un tel traité ne devraient pas inclure la question des stocks, a précisé M. Cheng. Il a rappelé que son pays est favorable à ce que la Conférence parvienne à un programme de travail équilibré et complet permettant d'engager dès que possible un travail de fond sur un traité d'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire, sur la prévention de la course aux armements dans l'espace extra-atmosphérique, sur le désarmement nucléaire et sur les garanties de sécurité à l'égard des États non dotés d'armes nucléaires.

M. ALABBAS HAYDER (Syrie) a indiqué que son pays soutenait ce qui a été dit au cours des débats par le Pakistan et l'Algérie. Il a précisé que la Syrie est favorable à la création d'un comité spécial au sein de la Conférence pour négocier un traité d'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire, dès que la Conférence aura adopté un programme de travail prenant en compte les préoccupations de tous. Tout traité d'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire doit inclure les stocks ainsi qu'un mécanisme de vérification, a-t-il ajouté.

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