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Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes auditionne la société civile en vue de l’examen des rapports de la République démocratique du Congo, du Népal, du Bélarus et du Luxembourg

Compte rendu de séance

 

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a auditionné cet après-midi des organisations de la société civile au sujet de l’application de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes en République démocratique du Congo, au Népal, au Bélarus et au Luxembourg – soit les quatre pays dont les rapports seront examinés cette semaine.

Pour ce qui concerne la République démocratique du Congo – dont le Comité examinera demain un rapport exceptionnel préparé à sa demande par le Gouvernement de la République démocratique du Congo concernant les violences sexuelles liées au conflit à l’est du pays –, il a été relevé que plus de 3,3 millions de personnes déplacées vivaient dans des conditions d’extrême précarité dans les provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et de l’Ituri et que la violence basée sur le genre était endémique.  Des milices armées, et même certains membres des forces de sécurité, continuent d’abuser des femmes en toute impunité, a-t-il été ajouté. Les conséquences du retrait de MONUSCO ont par ailleurs été jugées très préoccupantes.

S’agissant du Népal, il a notamment été relevé que si le Népal progresse effectivement vers l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes sur le plan normatif, il n’en demeure pas moins que la discrimination systémique à l'égard des femmes dans des domaines critiques persiste, rendant les femmes des groupes marginalisés vulnérables à des discriminations multiples, notamment pour ce qui est des femmes handicapées, des femmes célibataires, des femmes issues de minorités religieuses, des femmes LBTIQ et des femmes madhesi.  A par ailleurs été déploré l’accès très limité des femmes et filles dalits à la justice.  Il a été recommandé que le Népal renforce la loi contre la traite des êtres humains, avance vers la dépénalisation de l’avortement et garantisse la représentation des femmes autochtones.

En ce qui concerne le Bélarus, il a été regretté qu’en l'absence d'une législation antidiscriminatoire complète, les autorités aient restreint le droit des femmes à la vie privée et leurs choix en matière de procréation, leur droit à l'éducation, ainsi que les droits des femmes LBTQ+. Depuis le début de la crise politique en 2020 au Bélarus, les femmes sont persécutées pour leur activisme, a-t-il en outre été déploré. Par ailleurs, les autorités bélarussiennes exploitent les femmes et les jeunes filles incarcérées en les faisant travailler de force dans des conditions inhumaines, a alerté une organisation. 

Concernant enfin le Luxembourg, a été dénoncée « la persistance d’un système social de domination généralisée qui maintient les femmes dans une position de subordination par rapport aux hommes ». Le Gouvernement luxembourgeois ne reconnaît toujours par l’existence de cette subordination systémique et privilégie une approche « neutre » qui n’est pas sensible au genre, a-t-il été regretté.

Outre les organisations de la société civile, plusieurs membres du Comité ont pris la parole durant la séance.

Demain matin, à partir de 10 heures, le Comité examinera un rapport présenté à titre exceptionnel par la République démocratique du Congo traitant de la réponse des autorités congolaises aux violences sexuelles liées au conflit à l’est du pays.

Audition de la société civile

S’agissant de la République démocratique du Congo

(Note des éditeurs : le Comité est saisi, à la présente session, d’un rapport exceptionnel préparé à la demande du Comité par le Gouvernement de la République démocratique du Congo concernant les violences sexuelles liées au conflit à l’est du pays. Ce rapport sera examiné demain à partir de 10 heures.)

Cet après-midi, parmi les représentants de la société civile qui se sont exprimés, il a d’abord été relevé que plus de 3,3 millions de personnes déplacées vivaient dans des conditions d’extrême précarité dans les provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et de l’Ituri, souvent dans des camps de fortune surpeuplés et dépourvus d’infrastructures adéquates pour des prises en charge appropriées, exposant les femmes à un risque accru de violences sexuelles.

Il a été fait état d’une augmentation de la violence envers les femmes et les filles, y compris les femmes et les filles LGBTI, tant dans les camps de personnes déplacées que pour les très nombreuses personnes déplacées qui vivent en dehors de ces espaces. La violence basée sur le genre, en particulier, est endémique ; des milices armées et même certains membres des forces de sécurité continuent d’abuser des femmes en toute impunité, a-t-on insisté. La République démocratique du Congo connaît l'un des taux de mortalité maternelle les plus élevés au monde et les femmes déplacées accouchent dans des conditions dangereuses, se sont inquiétées des intervenantes. 

Tout en saluant certains progrès réalisés, s’agissant notamment de la formation de nouveaux magistrats et de l’adoption de lois visant à protéger et indemniser les victimes de violences sexuelles – en particulier la loi FONAREV [qui fixe les principes fondamentaux relatifs à la protection et à la réparation des victimes de violences sexuelles liées aux conflits] –, une organisation s’est toutefois inquiétée du fait que la justice demeure un inaccessible pour la plupart des survivantes, en raison du manque d’infrastructures judiciaires et de l’impunité généralisée. Quant à la commission d’enquête chargée de faire la lumière sur les exactions commises par certaines forces armées, elle semble s’enliser dans le silence et le manque de transparence, donnant l’impression que ces crimes resteront impunis, a-t-il été affirmé.

Outre les efforts déployés par le Gouvernement, qui sont décrits dans son rapport, des mesures plus complètes et plus ciblées sont nécessaires pour répondre aux besoins et aux défis spécifiques des femmes, des filles, des personnes LGBTQIA+ et des personnes de genre différent, a-t-il été souligné. Ont notamment été préconisés l’adoption d’une stratégie nationale de migration sensible au genre qui s'appuie sur des consultations avec les personnes concernées, à savoir les populations déplacées ; ou encore la mise en place de mécanismes de prévention, d'atténuation et de réponse à la violence liée au sexe à l'intérieur et à l'extérieur des camps.

Enfin, les conséquences pour la sécurité en République démocratique du Congo du retrait de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) ont été jugées très préoccupantes, alors que la capacité des autorités nationales à assurer la relève reste limitée.

Ont fait des déclarations : Groupe d'action pour les droits de la femme (GADF), Centre pour la migration, le genre et la justice (CMGJ), SAVIE ASBL LGBT.

La Commission nationale des droits de l’homme de la République démocratique du Congo a fait part de sa préoccupation devant la détérioration de la situation sécuritaire dans l’est de la République démocratique du Congo, où elle a indiqué avoir mené des enquêtes. 

La Commission a salué les décisions politiques prises telles que l’adoption de la loi de 2022 fixant les principes de la protection des victimes des conflits et d’autres textes relatifs à la prise en charge des victimes de violences sexuelles. Des efforts restent néanmoins à fournir pour protéger concrètement les populations contre les effets du conflit, dans un contexte où les déplacements prennent de l’ampleur, a-t-elle souligné. De plus, dans les camps pour personnes réfugiées et déplacées, les « patrouilles mixtes » s’avèrent insuffisantes pour assurer la sécurité, a fait observer la Commission. Elle a recommandé d’augmenter l’aide humanitaire apportée aux personnes déplacées. La Commission a par ailleurs mis en garde contre la prolifération des « maisons de tolérance », malgré les efforts des autorités. 

La Commission a recommandé que le Gouvernement prenne toutes les mesures pour restaurer la paix et qu’il sécurise les camps et leurs alentours. 

Suite à ces interventions, des membres du Comité ont notamment voulu savoir si les mesures de justice transitionnelle tenaient compte des principes relatifs aux femmes, à la sécurité et à la paix, et si des plans d’urgence avaient été adoptés s’agissant de la sécurité des femmes. D’autres questions ont porté sur les mesures prises contre la traite des êtres humains dans l’est du pays. Il a aussi été demandé si les organisations non gouvernementales (ONG) pouvaient participer à l’évaluation du plan visant à poursuivre et éradiquer les groupes armés qui sévissent dans l’est du pays.

Répondant aux questions des membres du Comité, la Commission nationale des droits de l’homme de la République démocratique du Congo a précisé que les camps pour personnes déplacées à Goma avaient été bombardés, ce qui entraîne un nouvel exode de populations, sans qu’il n’y ait le moindre moyen de leur venir en aide. Dans le même temps, Goma est en train d’être pillée par les troupes rwandaises, a ajouté la Commission. 

Le problème majeur est l’application des mesures et politiques publiques, surtout dans les zones qui ne sont pas contrôlées par le Gouvernement, a insisté la Commission.

Parmi les priorités que devrait, selon elle, viser le dialogue que le Comité aura demain avec la délégation de l’État partie, la Commission a cité la nécessité d’exhorter le Gouvernement à négocier et à suivre la voie diplomatique. La Commission a en outre demandé que la communauté internationale condamne les acteurs qui sont en conflit dans la République démocratique du Congo.

S’agissant du Népal

Il a été relevé que si le Népal progresse effectivement vers l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes sur le plan normatif, il n’en demeure pas moins que la discrimination systémique à l'égard des femmes dans des domaines critiques persiste, aggravant les problèmes d'intersectionnalité et rendant les femmes des groupes marginalisés vulnérables à des discriminations multiples, notamment pour ce qui est des femmes handicapées, des femmes célibataires, des femmes issues de minorités religieuses, des femmes LBTIQ et des femmes madhesi.

A par ailleurs été déploré l’accès très limité des femmes et filles dalits à la justice, la plupart d’entre elles ne signalant pas les crimes qu’elles subissent par crainte de représailles et par manque de confiance dans le système judiciaire. En outre, si le Népal impose une représentation obligatoire des femmes en politique, la participation des femmes dalits aux postes de direction est très minime, a-t-il été souligné. Quant aux femmes dalits élues, elles sont victimes de discrimination et de harcèlement, a-t-il été ajouté.

Il a été recommandé que le Népal renforce la loi contre la traite des êtres humains, avance vers la dépénalisation de l’avortement, et garantisse la représentation des femmes autochtones aux trois niveaux du gouvernement. 

Il a par ailleurs été regretté que la loi de 2014 sur la prévention du harcèlement sexuel au travail ne concerne pas le secteur informel, dans lequel la plupart des femmes travaillent. Il a été recommandé que le Népal ratifie la Convention n°190 de l’Organisation internationale du Travail concernant l’élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail. 

Une intervenante a recommandé que le Gouvernement népalais modifie la loi de 2018 sur la maternité sans risques et les droits en matière de santé reproductive afin de décriminaliser totalement l'avortement dans tous les cas.

D’autres préoccupations ont été exprimées s’agissant de la situation des travailleuses du sexe, des difficultés rencontrées par les femmes intersexes au Népal ou encore de lacunes dans le système de santé maternelle et infantile.

Ont fait des déclarations : Forum for Women, Law, and Development; Feminist Dalit Organization (FEDO); Nepal Indigenous Women Federation (NIWF); Sex Workers and Allies South Asia and Team (SWASA); Campaign for Change, Mitini Nepal, et Intersex Asia; Visible Impact.

Suite à ces interventions, des membres du Comité ont demandé si le pays appliquait des quotas de femmes aux élections municipales et régionales, et ce qu’il en était du financement du plan national pour l’égalité entre les sexes. Des questions ont aussi porté sur la pratique de la dot des filles, sur la persistance de pratiques culturelles néfastes au Népal, de même que sur la reconnaissance juridique des personnes LGBTIQ et des femmes dalits.

S’agissant du Bélarus

Il a d’abord été affirmé que si le principe d'égalité est inscrit dans la Constitution du Bélarus, cela reste « insuffisant pour assurer une protection efficace contre la discrimination ». En effet, outre l'absence d'une législation antidiscriminatoire complète, les autorités ont, ces dernières années, restreint le droit des femmes à la vie privée, leurs choix en matière de procréation et leur droit à l'éducation, ainsi que les droits des femmes LBTQ+. Ces mesures, combinées aux déclarations et pratiques officielles, ne font que renforcer les stéréotypes de genre qui subsistent dans la société, a regretté une intervenante.

De plus, depuis le début de la crise politique en 2020 au Bélarus, les femmes sont persécutées pour leur activisme : on compte au moins 159 femmes prisonnières politiques dans le pays, a-t-il été affirmé. Depuis 2020, a-t-il été précisé, plus de 1100 femmes ont ainsi été condamnées pour « crimes extrémistes » et plus de 5000 pour « infractions administratives extrémistes ». Des femmes détenues ont été menacées de viol collectif et soumises à des fouilles à nu et à des examens des cavités inutiles et dégradants, et n'ont pas eu accès à des soins de santé spécifiques à leurs besoins. 

Par ailleurs, les femmes migrantes et demandeuses d'asile sont confrontées à des risques particulièrement graves. La crise à la frontière entre le Bélarus et l'Union européenne a coûté la vie à au moins 120 personnes, et les femmes sont de plus en plus vulnérables à la traite des êtres humains et à l'exploitation sexuelle, a-t-il été souligné. 

La crise politique et la répression contre les ONG ont aggravé la situation en ce qui concerne les femmes et filles victimes de violences domestiques, a-t-il été ajouté. Toutes les ONG de défense des droits des femmes qui avaient préparé, pour le Comité, le rapport alternatif de 2016 sur la violence domestique ont été fermées, a regretté une organisation. Le Gouvernement prend systématiquement pour cible les femmes défenseurs des droits humains, les soumettant à des menaces, à des violences cautionnées par l'État et à des persécutions politiques, a dénoncé une intervenante.

Les autorités bélarussiennes exploitent les femmes et les jeunes filles incarcérées en les faisant travailler de force dans des conditions inhumaines, a alerté une organisation ; certaines prisonnières, y compris des mineures âgées de 14 ans, sont soumises à un travail exténuant dans des ateliers textiles.

D’autres préoccupations ont été exprimées s’agissant de limitations aux libertés syndicales au Bélarus, ou encore de la privation du droit des femmes et des filles à une alimentation adéquate.

 

Ont fait des déclarations : Comité Helsinki du Bélarus, Human Constanta, Congrès bélarussien des syndicats démocratiques, Coalition contre la violence domestique et sexiste, Our House.

Suite à ces interventions, une experte membre du Comité a fait part de sa préoccupation devant le rétrécissement de l’espace accordé à la société civile dans le pays. Elle a demandé ce qu’il en était de la création d’une institution nationale de droits de l’homme indépendante au Bélarus. D’autres questions ont porté sur le système de protection sociale accessible aux femmes et aux filles, sur le système de santé bélarussien et sur la protection des femmes victimes de violences domestiques. Un expert a voulu savoir quel était le statut juridique des ONG dans le contexte des élections prévues en 2025. 

Les organisations non gouvernementales apporteront ultérieurement, par écrit, des réponses aux questions des experts. 

S’agissant du Luxembourg

La Commission consultative des droits de l'homme du Grand-Duché de Luxembourg a attiré l’attention du Comité sur la persistance dans le pays d’un système social de domination généralisée qui maintient les femmes dans une position de subordination par rapport aux hommes. La Commission a regretté que le Gouvernement luxembourgeois ne reconnaisse toujours par l’existence de cette subordination systémique et qu’il privilégie une approche « neutre » qui n’est pas sensible au genre. Ainsi, lors de l’évaluation des incidences des nouvelles lois, la grande majorité de ces nouvelles lois est qualifiée par le législateur comme « neutre en matière d’égalité des femmes et des hommes », sans fournir la moindre explication ou analyse, a déploré la Commission consultative des droits de l’homme.

La Commission a par ailleurs estimé que les efforts en matière d’égalité de la part du Gouvernement manquaient d’une approche intersectionnelle ; elle a déploré le fait que le Gouvernement n’aborde que rarement les formes multiples et croisées de discrimination. Par exemple, le handicap est absent du Plan d’action national pour l’égalité entre les femmes et les hommes, tandis que la dimension de genre est négligée dans le Plan d’action national sur le handicap.

De plus, la Commission a regretté que les politiques actuelles dans les domaines qui intéressent le présent débat favorisent des mesures non-contraignantes et souvent orientées vers un public déjà sensibilisé, ce qui se traduit par des résultats limités. La Commission a insisté pour que toutes les actions menées dans la lutte contre les discriminations à l’égard des femmes soient effectuées en étroite collaboration avec la société civile.

Suite à cette intervention, des interrogations des membres du Comité ont porté sur l’accès à l’avortement au Luxembourg, ainsi que sur la situation des travailleuses immigrées dans ce pays. 

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CEDAW.25.002F

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