Fil d'Ariane
Le CEDAW examine un rapport présenté à titre exceptionnel par la République démocratique du Congo concernant les violences sexuelles liées au conflit dans l’est du pays
Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW, selon l’acronyme en anglais) a examiné aujourd’hui un rapport présenté à titre exceptionnel par la République démocratique du Congo – suite à une demande formulée en décembre 2023 par le Comité – et portant sur les réponses politiques, sécuritaires, humanitaires et judiciaires des autorités congolaises aux violences sexuelles liées au conflit dans l’est du pays.
Présentant ce document, Mme Chantal Chambu Mwavita, Ministre des droits humains de la République démocratique du Congo, a déclaré que l’examen de ce rapport intervenait alors même que les civils des provinces du Sud-Kivu, du Nord-Kivu et de l’Ituri subissent des violences aveugles, des actes perpétrés par les Forces de défense rwandaises et le groupe armé M23. La Ministre a ajouté que le Rwanda « porte une responsabilité directe dans ces crimes en raison de son appui […] avéré aux milices M23 ».
La ville de Goma et ses alentours ont été pris par « l’armée rwandaise et ses supplétifs du M23 », a poursuivi la Ministre, avant d’ajouter que la ville de Bukavu et d’autres localités du Sud-Kivu étaient aussi menacées. « Si la communauté internationale n’adopte pas de mesures urgentes, nous risquons une extension du cycle de violence avec des conséquences dramatiques pour les femmes et filles, comme c’est déjà le cas pour les mères, sœurs et enfants du Nord-Kivu et du Sud-Kivu », a mis en garde Mme Chambu Mwavita.
Des rapports des Nations Unies et d’organisations non gouvernementales nationales et internationales, ainsi que les témoignages des survivantes des violences sexuelles liées au conflit, révèlent qu’au cours de la guerre menée par le M23 et les Forces de défense rwandaises, des milliers de femmes et de filles ont été victimes de viols, de mutilations et d’autres violences inhumaines, a poursuivi la cheffe de délégation. Ces atrocités, a-t-elle souligné, se commettent dans les camps pour personnes déplacées, ainsi que dans les lieux où les femmes et les filles devraient être en sécurité, comme leurs propres maisons et leurs écoles, et même en prison.
Tous les ministères sont à pied d’œuvre pour la prise en charge des femmes victimes, avec l’aide du Fonds national des réparations des victimes des violences sexuelles liées aux conflits et des victimes des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité (FONAREV), a souligné Mme Chambu Mwavita. Cependant, les efforts du Gouvernement pour protéger les victimes de violences sexuelles sont sapés par l’intensification des attaques du M23 et de l’armée rwandaise, a-t-elle indiqué.
La Ministre a demandé au Comité d’assurer un soutien immédiat aux survivantes des violences sexuelles se trouvant dans les zones occupées par l’armée rwandaise et le M23, de même que leur accès à des soins médicaux et à une assistance adaptée ; de « condamner fermement l’occupation d’une partie du territoire de [la République démocratique du Congo] par l’armée rwandaise et son allié le M23 », et de les appeler à cesser immédiatement leur offensive et à libérer le territoire occupé ; de militer activement pour l’adoption de sanctions exemplaires contre le Rwanda, pour son agression militaire et pour ses violations des normes internationales sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes ; et de soutenir la création d’un tribunal pénal international pour la République démocratique du Congo.
Complétant cette présentation, Mme Gisèle Kapinga Ntumba, Commissaire nationale en charge des droits des femmes et des enfants à la Commission nationale des droits de l’homme de la République démocratique du Congo, a relevé que l’invasion de Goma par les rebelles du M23 et l’armée rwandaise avait entraîné des violations systématiques et généralisées des droits de l’homme et du droit international humanitaire avec comme cibles premières les femmes et les enfants. Les violences sexuelles ont atteint leur pic et les structures sanitaires de prises en charge sont débordées face à l’afflux des victimes, a-t-elle mis en garde.
La délégation congolaise était également composée, entre autres, de M. Paul Empole Losoko Efambe, Représentant permanent de la République démocratique du Congo auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de nombreux représentants du Ministère des droits humains, du Ministère des affaires étrangères, du Ministère du genre, de la Présidence de la République, de l’Assemblée nationale, du pouvoir judiciaire civil et de la Haute Cour militaire, de même que du FONAREV, de la Commission interinstitutionnelle d'aide aux victimes et d'appui aux réformes, et de la police nationale.
Au cours du dialogue noué aujourd’hui entre les membres du Comité et la délégation congolaise, la République démocratique du Congo a été félicitée d’avoir créé le FONAREV, ainsi que pour ses efforts en matière de justice visant à mettre fin à l'impunité des auteurs de violences sexuelles liées aux conflits. Cependant, a relevé une experte, le nombre des condamnations n'est pas proportionnel au nombre de cas de violences sexuelles commises à l'encontre des femmes et des filles. Il a été recommandé que le pays organise la collecte de preuves médico-légales et la fourniture de services complets aux victimes, et qu’il élimine les stéréotypes qui perpétuent une culture du silence face aux violences, afin d’améliorer la capacité des femmes à dénoncer les faits et à demander justice.
Une experte membre du Comité a recommandé de mettre un terme à l’exploitation illicite des minerais dans l’est du pays, exploitation qui, a-t-elle ajouté, explique les conflits et leurs effets sur les droits des femmes et des filles.
D’autres préoccupations des membres du Comité ont porté sur l’existence de réseaux de prostitution, ainsi que sur le recrutement forcé d’hommes, de femmes et d’enfants – en particulier dans les zones minières où la coercition et la prostitution seraient monnaie courante – et sur l’utilisation, par les groupes armés, du mariage d'enfants comme arme de guerre et comme couverture pour la traite des êtres humains.
Répondant aux observations et questions des experts, la délégation a notamment indiqué que, l’exploitation illicite de minerais étant la cause majeure de la crise, le Gouvernement avait pris des mesures pour y remédier, en particulier par la certification officielle de l’origine des minerais. Mais la traçabilité est rendue difficile du fait que certaines mines se trouvent dans les zones contrôlées par des groupes rebelles et l’armée rwandaise qui les soutient, a souligné la délégation.
Les autorités congolaises ont donné la priorité aux personnes déplacées, a d’autre part fait savoir la délégation, avant de préciser que des mesures provisoires d’urgence avaient été adoptées à leur intention, y compris la prise en charge médicale par le biais de cliniques mobiles dans trois camps près de Goma. Tous les efforts consentis à Goma depuis quelques mois ont été réduits à néant avec l’occupation récente de la ville, a toutefois déploré la délégation. Ainsi, depuis le début de l’agression en cours, le M23 a rasé tous les camps pour personnes déplacées qui étaient ouverts aux abords de Goma, a-t-elle indiqué. Quelque onze millions de personnes en République démocratique du Congo sont directement victimes des conflits, a en outre précisé la délégation.
Suite à des dénonciations parvenues aux autorités, une commission a été chargée d’enquêter sur des allégations de violences sexuelles commises par des membres des forces gouvernementales, a d’autre part indiqué la délégation, avant de préciser qu’une trentaine d’éléments [desdites forces] ont été interpellés à Goma et mis à la disposition de la justice militaire.
À la demande de la cheffe de délégation congolaise, le Comité a observé, en début de dialogue, une minute de silence en hommage aux nombreuses victimes de violence liées aux conflits en République démocratique du Congo.
Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur ce rapport de la République démocratique du Congo et les rendra publiques à l’issue de sa session, le 21 février.
Demain matin, à partir de 10 heures, le Comité examinera le rapport du Népal.
Examen du rapport
Le Comité est saisi d’un rapport soumis par la République démocratique du Congo et présenté à titre exceptionnel (CEDAW/C/COD/EP/1), qui fait suite à la lettre adressée en décembre 2023 par la Présidente du Comité au Représentant permanent du pays auprès des Nations Unies à Genève concernant les violences sexuelles liées au conflit à l’est de la République démocratique du Congo. Dans ce rapport – établi sur la base d’une liste de points à traiter qui avait été soumise par le Comité en janvier 2024 – le Gouvernement présente des informations portant successivement sur les réponses politiques, sécuritaires, humanitaires et judiciaires et sur la lutte contre l’impunité.
Présentation du rapport
Présentant le rapport de son pays, MME CHANTAL CHAMBU MWAVITA, Ministre des droits humains de la République démocratique du Congo, a déclaré que l’examen de ce rapport intervenait alors même que les civils des provinces du Sud-Kivu, du Nord-Kivu et de l’Ituri subissent des violences aveugles, des actes perpétrés par les Forces de défense rwandaises et le groupe armé M23. La Ministre a ajouté que le Rwanda – qui, a-t-elle rappelé, est également partie à la Convention – « porte une responsabilité directe dans ces crimes en raison de son appui […] avéré aux milices M23 ».
Des rapports des Nations Unies et d’organisations non gouvernementales (ONG) nationales et internationales, ainsi que les témoignages des survivantes des violences sexuelles liées au conflit, révèlent qu’au cours de la guerre actuelle menée par le M23 et les Forces de défense rwandaises, des milliers de femmes et de filles ont été victimes de viols, de mutilations et d’autres violences inhumaines, a poursuivi la cheffe de délégation. Ces atrocités, a-t-elle souligné, se commettent dans les camps pour personnes déplacées, ainsi que dans les lieux où les femmes et les filles devraient être en sécurité, comme leurs propres maisons et leurs écoles, et même en prison.
La ville de Goma et ses alentours ont été pris par « l’armée rwandaise et ses supplétifs du M23 », a poursuivi la Ministre, avant d’ajouter que la ville de Bukavu et d’autres localités du Sud-Kivu sont aussi menacées. « Si la communauté internationale n’adopte pas de mesures urgentes, nous risquons une extension du cycle de violence avec des conséquences dramatiques pour les femmes et filles, comme c’est déjà le cas pour les mères, sœurs et enfants du Nord-Kivu et du Sud-Kivu », a mis en garde Mme Chambu Mwavita.
Le présent rapport, élaboré à la demande expresse du Comité, porte sur les mesures prises par l’État pour prévenir les violences sexuelles dans les zones de conflit, prendre en charge les victimes de cette violence et poursuivre et sanctionner les auteurs, a rappelé la Ministre. Elle a assuré le Comité de la volonté de son Gouvernement de prévenir et de sanctionner les violences sexuelles liées au conflit.
S’agissant de la prévention des violences sexuelles, la Ministre a indiqué que depuis la soumission du rapport, au moins 940 éléments de la police – dont certains spécialisés dans la lutte contre les violences sexuelles – ont été déployés dans les zones de retrait de la Mission de l’ONU pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) afin de protéger la population civile. Des formations ont été dispensées aux forces de l’ordre et aux magistrats en matière de prévention des violences sexuelles, a-t-elle ajouté.
En novembre 2024, a en outre indiqué Mme Chambu Mwavita, le Gouvernement a adopté le Plan d’action national de troisième génération pour l’application de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité, intégrant des mesures destinées à prévenir les violences, à protéger les femmes en situation de conflit armé, et à lutter contre l’impunité des auteurs de violences sexuelles.
En 2024, a poursuivi la Ministre, plus de 1030 cas de violences sexuelles ont été documentés et instruits par la police dans le Sud-Kivu et les efforts pour juger les responsables de ces crimes ont été intensifiés. Sur tout le territoire national, 227 cas de violences sexuelles impliquant plus de 600 victimes ont été documentés par le Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’homme [MONUSCO/Haut-Commissariat aux droits de l’homme]. De juin à septembre 2024, 131 cas répertoriés impliquant 418 victimes étaient le fait essentiellement des groupes armés, dont le M23, dans les provinces du Nord-Kivu, d’Ituri et du Tanganyika. Sur 1476 dossiers soumis aux tribunaux militaires de garnison et aux cours militaires, 502 ont été traités, concernant en majorité les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri. Plus de 70 condamnations ont été prononcées, et les juridictions militaires ont statué sur les réparations à octroyer aux victimes ou à leurs ayants-droits, a précisé la Ministre, avant de faire état d’autres actions qui concourent à la lutte contre l’impunité, indiquant notamment que le Ministère des Droits Humains s’attache à finaliser les textes juridiques nécessaires à la mise sur pied de la justice transitionnelle en RDC.
Tous les ministères sont à pied d’œuvre pour la prise en charge des femmes victimes, avec l’aide du FONAREV, a souligné Mme Chambu Mwavita, rappelant que ce Fonds a été renforcé pour assurer la prise en charge psychologique, socioéconomique et médicale des survivantes, notamment grâce à des cliniques mobiles. Le Gouvernement a aussi pourvu, près de Goma, à l’hébergement de nombreuses femmes victimes de violences sexuelles dans les zones occupées par l’armée rwandaise et le M23.
Cependant, les efforts du Gouvernement pour protéger les victimes de violences sexuelles sont sapés par l’intensification des attaques du M23 et de l’armée rwandaise, qui bombardent même les camps de personnes déplacées hébergeant des victimes de violences sexuelles, a indiqué la Ministre. Elle a relevé que l’offensive en cours depuis deux semaines avait notamment entraîné l’évasion de plus de 3000 prisonniers de la prison centrale de Goma, y compris de nombreuses personnes condamnées pour violences sexuelles sur des femmes, ainsi que le viol et le meurtre de 163 femmes détenues dans la prison de Goma.
La Ministre a demandé au Comité d’assurer un soutien immédiat aux survivantes des violences sexuelles se trouvant dans les zones occupées par l’armée rwandaise et le M23, de même que leur accès à des soins médicaux et à une assistance adaptée ; de « condamner fermement l’occupation d’une partie du territoire de [la République démocratique du Congo] par l’armée rwandaise et son allié le M23 », et de les appeler à cesser immédiatement leur offensive et à libérer le territoire occupé ; de militer activement pour l’adoption de sanctions exemplaires contre le Rwanda, pour son agression militaire et pour ses violations des normes internationales sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes ; et de soutenir la création d’un tribunal pénal international pour la République démocratique du Congo.
Complétant cette présentation, MME GISÈLE KAPINGA NTUMBA, Commissaire nationale en charge des droits des femmes et des enfants à la Commission nationale des droits de l’homme de la République démocratique du Congo (CNDH-RDC), a d’abord salué les décisions politiques et opérationnelles prises par le Gouvernement pour protéger la population civile face aux risques de violences sexuelles commises par les parties au conflit en cours dans l’est du pays. Cependant, a-t-elle ajouté, la Commission reste inquiète au sujet de la mise en œuvre des décisions prises et de leur caractère dissuasif, notamment à l’égard des groupes armés et de l’armée rwandaise, lesquels s’estiment non concernés par ces décisions. La Commission s’inquiète aussi de la persistance et de l’intensification du conflit, qui sont à la base du déplacement massif de la population et qui ne permettent pas au Gouvernement d’assurer de manière adéquate la prévention des violences sexuelles et d’autres violations des droits humains, surtout dans les régions contrôlées par les groupes armés et l’armée rwandaise.
Mme Kapinga Ntumba a indiqué que l’un des défis majeurs pour le Gouvernement résidait dans la sécurisation et l’assistance humanitaire aux populations civiles dans les zones assiégées par les groupes armés et dans les camps pour personnes déplacées. L’invasion de Goma par les rebelles du M23 et l’armée rwandaise a entraîné des violations systématiques et généralisées des droits de l’homme et du droit international humanitaire avec comme cibles premières les femmes et les enfants, a-t-elle souligné. Au moins sept cents personnes sont mortes à Goma depuis l’invasion, et environ cinq cent mille personnes se sont déplacées – en majorité des femmes et des enfants – et ne bénéficient pas d’assistance humanitaire, a-t-elle précisé. De nombreuses personnes déplacées qui vivaient dans des camps ont dû s’enfuir à nouveau à cause des bombardements visant leurs camps, a-t-elle poursuivi, avant d’ajouter que « les violences sexuelles ont atteint leur pic et [que] les structures sanitaires de prises en charge sont débordées face à l’afflux des victimes ».
Dans le même temps, a fait observer Mme Kapinga Ntumba, l’accès à la justice pour les victimes de violences sexuelles et autres violations connexes des droits de l’homme paraît assez délicat, tous les tribunaux ayant été saccagés et la ville [de Goma] n’étant pas sous le contrôle du Gouvernement congolais.
La Commissaire a fait savoir que la Commission dont elle est membre recommande à l’État congolais d’user de toutes ses compétences pour restaurer la paix à l’est en privilégiant la voie diplomatique et le règlement pacifique du conflit. La CNDH-RDC recommande par ailleurs à la Cour pénale internationale (CPI) d’engager des poursuites pénales contre les responsables du M23 et de l’armée rwandaise pour les actes constitutifs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité perpétrés à Goma et dans ses environs. Enfin, au Conseil de sécurité, la CNDH-RDC recommande de prendre des sanctions ciblées à l’encontre du Rwanda et de tout faire pour pacifier l’est de la République démocratique du Congo.
Questions et observations des membres du Comité
Une experte a d’abord présenté les condoléances du Comité au peuple de la République démocratique du Congo et aux familles de tous les civils qui ont perdu la vie durant le « déplorable conflit armé en cours mené par le M23 et d'autres groupes armés » dans l'est du pays. Le Comité, a ajouté l’experte, condamne les avancées continues du M23 en République démocratique du Congo, qui ont un impact considérable sur les femmes et les filles.
L’experte a dit espérer que le présent dialogue permettrait aux instances concernées aux Nations Unies de formuler des recommandations pour améliorer la protection à laquelle les femmes et les filles congolaises ont droit. Elle a souligné qu’une réponse politique immédiate était nécessaire pour garantir une paix et une sécurité durables dans l’est de la République démocratique du Congo et pour protéger les femmes et les filles.
L’experte a d’autre part recommandé de mettre un terme à l’exploitation illicite des minerais dans l’est du pays, qui explique les conflits et leurs effets sur les droits des femmes et des filles. Elle a demandé quelles stratégies – financières, techniques, administratives et logistiques – l'État avait élaborées pour garantir des capacités financières et administratives, notamment, afin d'accélérer la mise en œuvre des plans d'action visant la prévention et la lutte contre les violences sexuelles liées au conflit.
L’experte a ensuite voulu savoir quelles formes revêtait la violence sexuelle envers les femmes et les filles dans ce conflit.
Une autre experte a demandé si les organisations de femmes victimes de violences sexuelles liées au conflit avaient participé à l’élaboration du nouveau programme « Femmes, paix et sécurité » adopté par la République démocratique du Congo en 2024, conformément à la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité. L’experte a insisté sur l’importance de mettre un terme à l’impunité des auteurs de ces violences. Elle a félicité le pays d’avoir créé le Fonds national pour la réparation des victimes des violences (FONAREV) et a demandé si ce dispositif disposait de moyens suffisants et combien de femmes en avaient bénéficié.
La même experte a par ailleurs voulu savoir dans quelle mesure l’action de l’État pourrait combler le vide laissé par le retrait de la Mission de l’ONU pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO).
Au chapitre de la participation des femmes, une experte a regretté que 14% des députés au Parlement soient des femmes – soit deux fois moins que la moyenne mondiale, a-t-elle fait remarquer. L’experte a fait état de violences exercées contre des femmes candidates à des postes électifs. Elle s’est enquise des mesures prises pour éliminer la violence contre les femmes engagées en politique et a voulu savoir quand la parité 50/50 prévue par la loi nationale serait atteinte en République démocratique du Congo.
Une experte a salué le fait qu’un tribunal congolais ait récemment condamné une personne pour crime de grossesse forcée. Elle a demandé si les enfants ainsi nés pouvaient bénéficier de mesures de réparation.
La même experte a insisté sur la nécessité de juguler la vente, dans le pays, d’armes de petit calibre, dont la prolifération aboutit à la mort de nombreuses femmes. Elle a en outre voulu savoir comment les autorités assuraient l’approvisionnement des populations civiles en denrées alimentaires, dans un contexte où la famine est utilisée comme arme de guerre.
La même experte a d’autre part regretté que le processus de paix de Nairobi se fasse en l’absence de femmes.
Une experte a félicité l'État partie pour les efforts qu'il a déployés en matière de justice afin de mettre fin à l'impunité des auteurs de violences sexuelles liées aux conflits, notamment par le biais de poursuites judiciaires, de renvois devant la CPI, de la mise en place d'audiences foraines et de poursuites judiciaires qui ont abouti à la condamnation d'un certain nombre d'entre eux. Cependant, a-t-elle fait remarquer, le nombre des condamnations n'est pas proportionnel au nombre de cas de violences sexuelles liées au conflit commises à l'encontre des femmes et des filles.
L’experte a recommandé que le pays organise la collecte de preuves médico-légales et la fourniture de services complets aux victimes, et qu’il élimine les stéréotypes qui perpétuent une culture du silence face aux violences, afin d’améliorer la capacité des femmes à dénoncer les faits et à demander justice.
Une experte a demandé ce qu’il en était de la coordination entre les personnes – en particulier les coordonnateurs actifs dans les camps pour personnes déplacées à l’intérieur du pays – qui sont chargées de prévenir les violences sexuelles liées au conflit et de porter les dossiers devant la justice. L’experte a fait état d’un retard considérable dans le traitement judiciaire des cas de violence sexuelle, surtout dans les régions rurales. Elle a demandé si toutes les personnes concernées, y compris le personnel judiciaire, étaient formées à la détection des cas de violences sexuelles.
Un expert a relevé que malgré les efforts du Gouvernement, les refuges et services axés sur les victimes de la traite des êtres humains en République démocratique du Congo étaient inadéquats, en particulier dans les zones rurales et les zones de conflit. L’expert a en outre fait état de l’existence de réseaux de prostitution, ainsi que du recrutement forcé d’hommes, de femmes et d’enfants, en particulier dans les zones minières où la coercition et la prostitution seraient monnaie courante.
Une experte a relevé que des groupes armés utilisent le mariage d'enfants comme arme de guerre et comme couverture pour la traite des êtres humains. Seule une infime partie des cas est dénoncée en raison des difficultés d'accès aux institutions de protection, de la peur des représailles et de la stigmatisation des survivantes de violences sexuelles, a fait remarquer l’experte.
Une autre experte a relevé que le nombre de personnes déplacées dans l’est de la République démocratique du Congo avait doublé entre juillet 2009 et ce jour (de deux à quatre millions). Des milliers de familles sont ainsi parties en quête de sécurité, leurs enfants abandonnant l'école, a-t-elle souligné. Compte tenu des grossesses précoces résultant de la violence sexuelle et sexiste – et notamment des viols, des grossesses forcées et de la prostitution enfantine –, l’experte a demandé quels mécanismes garantissaient que ces femmes et filles et leurs enfants exercent leur droit à l'éducation.
Les experts du Comité se sont aussi enquis de la mesure dans laquelle les victimes de violences sexuelles avaient accès, en temps opportun, à des services de santé de qualité et abordables.
Réponses de la délégation
La délégation a d’abord confirmé que l’exploitation illicite de minerais était la cause majeure de la crise. Le Gouvernement a pris des mesures pour y remédier, en particulier la certification officielle de l’origine des minerais, y compris la participation au processus de Kimberley pour les diamants, a indiqué la délégation. Mais la traçabilité est rendue difficile du fait que certaines mines se trouvent dans les zones contrôlées par des groupes rebelles et l’armée rwandaise qui les soutient, a-t-elle déclaré.
Les ressources minières étant la propriété de l’État ainsi que des communautés où elles sont exploitées, les communautés reçoivent les fruits de cette exploitation ; dans ce contexte, une partie des revenus de l’exploitation minière est orientée vers des activités d’autonomisation des femmes, a-t-il par la suite été précisé.
Pour résoudre le conflit, il importe de résoudre le problème de la lutte contre l’impunité, a poursuivi la délégation. La situation de la République démocratique du Congo est devenue transnationale, et d’autres États étant concernés, certains criminels y trouvent refuge : la République démocratique du Congo plaide donc pour la création d’un tribunal pénal international qui permette de poursuivre ces personnes, a expliqué la délégation.
La violence sexuelle est largement utilisée comme arme de guerre, a par ailleurs souligné la délégation. Dans les zones de conflit, a-t-elle précisé, femmes et filles sont victimes de viols, d’esclavage sexuel, ainsi que de grossesses forcées et de maladies sexuellement transmissibles, de mutilations sexuelles, de violences sexuelles publiques, et d’exploitation sexuelle. Les survivantes sont en outre victimes de stigmatisation sociale, a ajouté la délégation. Des violences sexuelles ont également été commises par le M23 contre des hommes et des garçons, a-t-elle indiqué.
Les victimes participent activement et effectivement au processus de réparation, qui est centré sur elles, a ajouté la délégation.
Les autorités ont donné la priorité aux personnes déplacées, a-t-elle indiqué, avant de préciser que des mesures provisoires d’urgence ont été adoptées à leur intention, y compris la prise en charge médicale par le biais de cliniques mobiles dans trois camps près de Goma. Quelque 10 000 personnes en ont bénéficié, dont une majorité de femmes. Au Nord-Kivu, 5391 personnes présentaient des signes de violences sexuelles, dont 3886 femmes, a-t-il été précisé. Tous les efforts consentis à Goma depuis quelques mois ont été réduits à néant avec l’occupation récente de la ville, a déploré la délégation.
En réponse à une question d’une experte, la délégation a par ailleurs indiqué que l’État avait pris des mesures pour assurer la sécurité des femmes obligées de s’approvisionner en bois de cuisson et en eau dans le parc national des Virunga, dans l’est du pays. Mais les armes légères dont disposent les écogardes ne peuvent rivaliser avec les armements des rebelles, a-t-elle fait remarquer.
La loi n°22/065 (2022) – qui fixe les principes fondamentaux relatifs à la protection et à la réparation des victimes des violences sexuelles liées aux conflits et des victimes contre la paix et la sécurité de l’humanité – prévoit que 3% du financement du Fonds national pour la réparation des victimes des violences en RDC (FONAREV) sont versés aux organisations de femmes et de victimes de violences sexuelles pour la mise en œuvre de la résolution 1325 [du Conseil de sécurité de l’ONU], a-t-il été précisé. Le budget du FONAREV est alimenté en partie par les ressources tirées de l’exploitation minière, a indiqué la délégation.
Le FONAREV apporte des réparations judiciaires et administratives, individuelles et collectives, a par la suite complété la délégation. Ce Fonds gère aussi un programme en faveur des enfants victimes ou témoins de violences et des enfants nés de viols pendant le conflit dans l’est du pays, a-t-elle précisé. La délégation a assuré que le Gouvernement était conscient du fait que les enfants nés de viols s’interrogeraient nécessairement, à un certain moment, sur leurs origines ; elle a dit s’inspirer de l’expérience du Kosovo à cet égard.
La délégation a fourni d’autres explications concernant la méthode d’élaboration des deux premiers plans d’action congolais au titre de la résolution 1325 du Conseil de sécurité. Le « plan de troisième génération » de 2024 met l’accent, en particulier, sur le renforcement de la participation des femmes et sur la sensibilisation dans ce domaine ; sur la protection des femmes et des filles contre les violences sexuelles ; sur la traite des personnes ; ou encore sur la promotion d’une masculinité positive, a précisé la délégation.
S’agissant du retrait progressif de la MONUSCO depuis 2021, la délégation a fait savoir que, pour combler le vide sécuritaire, le Gouvernement avait créé un « fonds de consolidation de la paix » – destiné à appuyer des programmes de soutien aux programmes locaux de paix et de sécurité – et mis en place des dispositifs de police de proximité et des dispositifs de génération de revenus et de soutien aux femmes.
La délégation a aussi mis en avant la plus grande participation des femmes au sein des autorités, attirant notamment l’attention sur la nomination [l’été dernier] d’une femme Première Ministre pour la première fois dans l’histoire du pays. La délégation a par la suite insisté sur le fait qu’un tiers des ministres étaient des femmes, y compris la Ministre des affaires étrangères. Elle a en outre décrit des mécanismes mis en place pour faciliter les candidatures de femmes aux postes électifs, de même que pour assurer une plus grande participation des femmes aux instances dirigeantes des entreprises.
La délégation a également souligné que la Constitution de la République démocratique du Congo prévoyait des quotas et que les autorités menaient des campagnes de sensibilisation à l’importance de la participation des femmes. De plus, les violences contre les femmes candidates aux élections sont sanctionnées par la loi, a ajouté la délégation.
La délégation a enfin insisté sur les efforts du Gouvernement pour faire participer les femmes aux instances de décision du pouvoir judiciaire. Elle a aussi fait remarquer que face aux pesanteurs culturelles en République démocratique du Congo, les autorités prenaient des mesures pour donner confiance aux femmes.
La loi consacre un processus de « vetting » [ou processus de vérification par examen minutieux] s’agissant des personnes appelées à occuper des postes à responsabilité au niveau national, a-t-il été indiqué.
La délégation a insisté à plusieurs reprises sur le fait que les efforts du Gouvernement congolais étaient contrecarrés par le conflit qui dure depuis maintenant bientôt trente ans. Ainsi, depuis le début de l’agression en cours, le M23 a rasé tous les camps pour personnes déplacées qui étaient ouverts aux abords de Goma, a indiqué la délégation. Quelque onze millions de personnes en République démocratique du Congo sont directement victimes des conflits, a-t-elle précisé.
Des efforts diplomatiques étaient en cours pour ouvrir des couloirs humanitaires, mais ces efforts sont mis en cause par la perte de contrôle de l’État sur les zones concernées, a par ailleurs indiqué la délégation. Le Gouvernement de la RDC prépare des résolutions à soumettre au Conseil de sécurité et au Conseil des droits de l’homme demandant que les populations civiles aient accès à l’aide humanitaire, a-t-elle fait savoir.
La République démocratique du Congo demande que le Rwanda soit soumis aux sanctions internationales conformément aux résolutions du Conseil de sécurité, a d’autre part souligné la délégation. Elle a fait remarquer qu’avec la présence de forces rwandaises en République démocratique du Congo, on pouvait parler d’agression.
S’agissant de l’accès gratuit des victimes de violences sexuelles à la justice, la délégation a indiqué que cette question était traitée tant par la loi que par des dispositions pratiques. Les victimes sont accompagnées par le FONAREV et des sensibilisations sont menées à l’intention des fonctionnaires de justice, a-t-elle précisé. L’écart entre les violences perpétrées et le nombre de condamnations s’explique par la crainte de stigmatisation pesant sur les victimes, ainsi que par l’éloignement de la justice, par les craintes pour la sécurité des victimes et par le coût de la procédure. Le Fonds [FONAREV] a pris des mesures pour alléger le fardeau de la preuve, faciliter les dénonciations et baisser le coût de la démarche – autant de mesures qui ont eu un effet positif, a souligné la délégation.
Il a d’autre part été expliqué que la formation initiale des magistrats comprend un enseignement sur la manière de réprimer les violences sexuelles, y compris celles perpétrées dans les zones de conflit.
Depuis 2010, le pouvoir judiciaire applique une stratégie d’enquête sur les violences sexuelles qui – a indiqué la délégation – sera adaptée au contexte actuel. La police s’est en outre dotée d’une stratégie d’enquête comprenant des modalités pratiques de documentation en vue des procédures judiciaires, a ajouté la délégation.
Suite à des dénonciations parvenues aux autorités, une commission a été chargée d’enquêter sur des allégations de violences sexuelles commises par des membres des forces gouvernementales, a d’autre part indiqué la délégation, avant de préciser qu’une trentaine d’éléments [desdites forces] ont été interpellés à Goma et mis à la disposition de la justice militaire.
La délégation a ensuite souligné qu’une instance nationale avait été créée pour prévenir la traite des êtres humains, prendre en charge les victimes et poursuivre les bourreaux – le pays étant ainsi parvenu à stabiliser le problème en République démocratique du Congo, a-t-elle affirmé.
La loi congolaise dispose déjà de la protection des enfants contre le mariage forcé, a ajouté la délégation, précisant que la peine encourue pour cette pratique est de vingt ans d’emprisonnement. Mais aujourd’hui, les autorités ne peuvent assurer cette protection dans une partie du pays qu’elles ne contrôlent pas, a déploré la délégation.
Bien qu’elles soient illégales, les prétendues « maisons de tolérance » sont de plus en plus répandues, en particulier dans les zones minières, a déploré la délégation.
Le Ministère de l’emploi s’efforce de lutter contre l’exploitation des personnes, a-t-elle par ailleurs assuré.
Il n’y a plus d’enfants dans les forces armées congolaises, mais le M23 et d’autres milices recrutent des jeunes, a d’autre part affirmé la délégation.
Une école nouvellement construite par le Gouvernement dans un camp pour personnes déplacées a été détruite par le M23, a regretté la délégation.
Ce document produit par le Service de l’information des Nations Unies à Genève est destiné à l'information ; il ne constitue pas un document officiel.
Les versions anglaise et française de nos communiqués sont différentes car elles sont le produit de deux équipes de couverture distinctes qui travaillent indépendamment.
CEDAW25.002F