Fil d'Ariane
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Ouverture du Conseil des droits de l’homme : face aux menaces pesant sur les droits de l’homme, le Secrétaire général de l’ONU met en avant le Pacte pour l’avenir et le Pacte numérique mondial
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« Le consensus mondial sur les droits de l'homme s'effrite sous le poids des autoritaires, des hommes forts et des oligarques », met en garde le Haut-Commissaire aux droits de l’homme
Le Conseil des droits de l’homme a ouvert ce matin les travaux de sa cinquante-huitième session, qui se tient à Genève jusqu’au 4 avril prochain sous la présidence de M. Jürg Lauber, Représentant permanent de la Suisse auprès des Nations Unies à Genève.
M. Lauber a notamment fait observer que le Conseil se réunit à un moment de défis mondiaux profonds, parmi lesquels les conflits, les inégalités, l’érosion des libertés fondamentales et un recul alarmant des droits de l’homme dans de nombreuses régions du monde.
Le Conseil a ensuite successivement entendu des déclarations du Président de la 79ème session de l'Assemblée générale des Nations Unies, M. Philémon Yang ; du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, M. António Guterres ; du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, M. Volker Türk ; ainsi que du Chef du Département fédéral des affaires étrangères de la Suisse, M. Ignazio Cassis.
Dans sa déclaration, le Secrétaire général des Nations Unies a notamment souligné que ce jour marque le troisième anniversaire de l’invasion de l’Ukraine par la Fédération de Russie et a appelé la communauté internationale à ne ménager aucun effort pour mettre un terme à ce conflit et parvenir à une paix juste et durable, conformément au droit international, à la Charte des Nations Unies et aux résolutions de l’Assemblée générale.
Rappelant par ailleurs que dans le Territoire palestinien occupé, les violations des droits humains ont connu une hausse vertigineuse depuis les horribles attaques perpétrées par le Hamas le 7 octobre et les niveaux intolérables de mort et de destruction à Gaza, M. Guterres s’est dit gravement préoccupé par la montée des violences et des autres violations commises en Cisjordanie occupée par les colons israéliens, ainsi que par les appels à l’annexion. « Nous assistons à un cessez-le-feu précaire [et] nous devons éviter à tout prix la reprise des hostilités », a-t-il déclaré. Il en outre évoqué les situations au Soudan, en République démocratique du Congo, au Myanmar et en Haïti.
M. Guterres a regretté que les droits humains, « oxygène de l’humanité », soient un à un asphyxiés par les autocrates, par le patriarcat, par les guerres et la violence, par les faiseurs de guerre, par la crise climatique, par un système financier mondial « en faillite morale », par des technologies incontrôlables comme l’intelligence artificielle, par une intolérance croissante à l’égard de groupes entiers, et par les discours de ceux qui, prêchant la division et la colère, considèrent les droits humains non pas comme un bienfait pour l’humanité, mais comme un obstacle au pouvoir, au profit et au contrôle qu’ils convoitent.
Dans ce contexte, le Secrétaire général a rappelé l’importance du Pacte pour l’avenir récemment adopté, qui – a-t-il souligné – nous rappelle que les droits de l’homme sont, en fait, une source de solutions. Il a également souligné l’importance du Pacte numérique mondial, destiné à ce que les droits humains ne soient pas sacrifiés sur l’autel de la technologie.
Attirant par ailleurs l’attention sur l’importance de réaliser les droits humains grâce à l’action climatique, M. Guterres a souligné que « notre guerre contre la nature est aussi une guerre contre les droits humains ». « Nous devons nous opposer aux campagnes mensongères menées par de nombreux acteurs de l’industrie des combustibles fossiles et à ceux qui la font vivre et s’en rendent complices », a-t-il déclaré.
Dans son allocution, M. Yang a notamment souligné que « les violations du droit international humanitaire (…), de plus en plus fréquentes et souvent commises avec un mépris éhonté, ont des conséquences dévastatrices » et a fait observer que « plus de 300 millions de personnes ont aujourd'hui besoin d'une aide humanitaire ». Il a jugé intolérables les souffrances humaines et la destruction des infrastructures à Gaza, en Ukraine, au Soudan, au Myanmar, en Haïti et en République démocratique du Congo.
M. Yang a estimé que le Conseil, en créant une mission d'enquête indépendante chargée d'enquêter et de documenter les violations des droits de l'homme dans l'est de la République démocratique du Congo, avait « démontré sa capacité à agir rapidement » pour faire face aux violations et faire respecter l'obligation de rendre des comptes.
Pour sa part, M. Türk s’est inquiété de ce que « le consensus mondial sur les droits de l'homme s'effrite sous le poids des autoritaires, des hommes forts et des oligarques (…) » et que « les autocrates contrôlent aujourd'hui environ un tiers de l'économie mondiale ». Il a regretté que des efforts concertés soient déployés pour saper l'égalité des sexes et les droits des migrants, des réfugiés, des personnes handicapées et des minorités.
Le Haut-Commissaire a mis en avant « le pouvoir de la clarté factuelle, juridique et morale », dans un contexte où, « lorsque les signaux d'alarme se déclenchent, ils doivent déclencher une réponse immédiate » : c'est pourquoi, a-t-il estimé, le travail du Conseil et des autres mécanismes des droits de l'homme est si important. En 2024, a-t-il notamment fait valoir, le Haut-Commissariat a contribué à la libération de quelque 3145 personnes détenues arbitrairement et participé à quelque 11 000 missions de surveillance des droits de l'homme. Le Haut-Commissariat a aussi contribué à des approches du développement durable, de la fiscalité et des dépenses publiques fondées sur les droits de l'homme, du Cambodge à la Jordanie en passant par la Serbie, a-t-il ajouté. M. Türk a demandé aux États de consentir un effort supplémentaire pour que le Haut-Commissariat, leurs propres institutions nationales des droits de l'homme ainsi que les organisations non gouvernementales de défense des droits de l'homme puissent continuer à accomplir leur travail essentiel.
Enfin, le Chef du Département fédéral des affaires étrangères de la Suisse a observé que « notre planète est en souffrance » et que nous vivons une époque d'incertitude géopolitique où l'espace démocratique se réduit, les crises humanitaires se multiplient et la majorité de la population mondiale vit sous des régimes autoritaires – ce qui pose des défis immenses. Il a souligné que « les droits de l'homme sont un socle essentiel pour stabiliser nos sociétés », et a insisté sur l'importance des droits individuels, du respect de la sphère privée, des élections libres et transparentes, du droit au travail, de la liberté d'expression ainsi que du droit à un environnement durable. M. Cassis a affirmé que le Conseil devait agir avec unité et détermination, car, a-t-il rappelé, « les droits de l'homme ne sont pas un luxe mais une nécessité ».
En début de séance, M. Lauber a invité le Conseil à observer une minute de silence à la mémoire de toutes les victimes de violations des droits de l'homme à travers le monde.
Le Conseil poursuivait ses travaux ce matin en entamant son débat de haut niveau.
Aperçu des déclarations
M. JÜRG LAUBER, Président du Conseil des droits de l’homme, a déclaré que le Conseil se réunit à un moment de défis mondiaux profonds, parmi lesquels les conflits, les inégalités, l’érosion des libertés fondamentales et un recul alarmant des droits de l’homme dans de nombreuses régions du monde. Les principes mêmes sur lesquels les Nations Unies ont été fondées il y a 80 ans sont mis à l’épreuve, s’est-il inquiété.
L’histoire a montré que lorsque les droits de l’homme sont fragilisés, les crises s’intensifient, les conflits s’aggravent et les sociétés se fracturent, a souligné M. Lauber. « Aujourd’hui, nous voyons cela se dérouler en temps réel : des attaques croissantes contre l’espace civique, des tentatives de réduire au silence les voix indépendantes et le rétrécissement des protections des droits de l’homme durement acquises ». « Ces tendances exigent une réponse urgente de notre part », a-t-il déclaré. « Face à ces difficultés, nous devons nous rappeler pourquoi nous sommes ici », a-t-il affirmé. « Notre responsabilité n’est pas seulement de débattre ou d’adopter des résolutions ; il s’agit d’avoir des impacts tangibles et positifs sur la vie des gens. Au cours des six prochaines semaines, les victimes et les survivants de violations et d’abus des droits de l’homme doivent rester au centre de nos discussions et de nos actions. Leurs voix doivent guider notre travail et leur dignité doit être notre priorité », a-t-il insisté.
M. Lauber a rappelé que ce Conseil a été créé pour être un forum de dialogue, de coopération, de responsabilité et d’action et a appelé à relever ce défi avec une détermination renouvelée. « Réaffirmons que les droits de l’homme ne sont pas optionnels ; ils sont universels, indivisibles, interdépendants et essentiels pour la paix, la sécurité et le développement », a-t-il plaidé.
Le Président du Conseil a exhorté tous les participants à engager des discussions significatives et respectueuses, à écouter ceux qui sont les plus affectés et à veiller à ce que les paroles se traduisent en actions.
En concluant sa déclaration, il a invité le Conseil à observer une minute de silence en mémoire de toutes les victimes de violations des droits de l’homme à travers le monde.
M. PHILÉMON YANG, Président de la soixante-dix-neuvième session de l’Assemblée générale des Nations Unies, a souligné que la défense des droits de l'homme était fondamentale pour parvenir à une paix et une sécurité durables, et qu’elle constituait une base solide pour la réalisation du Programme de développement durable à l'horizon 2030. Or, a-t-il regretté, « des conflits armés et du changement climatique à l'aggravation des inégalités et de la pauvreté, nous assistons à un déclin marqué des droits de l'homme ».
Dans le même temps, « les violations du droit international humanitaire (…), de plus en plus fréquentes et souvent commises avec un mépris éhonté, ont des conséquences dévastatrices : plus de 300 millions de personnes ont aujourd'hui besoin d'une aide humanitaire », a-t-il poursuivi. M. Yang a jugé intolérables les souffrances humaines et la destruction des infrastructures à Gaza, en Ukraine, au Soudan, au Myanmar, en Haïti et en République démocratique du Congo. Il a estimé que le Conseil, en créant une mission d'enquête indépendante chargée d'enquêter et de documenter les violations des droits de l'homme dans l'est de la République démocratique du Congo, avait « démontré sa capacité à agir rapidement » pour faire face aux violations et faire respecter l'obligation de rendre des comptes.
Le Président a ensuite relevé que le cessez-le-feu à Gaza et l'accord récent sur la libération des otages offraient « une lueur d'espoir », mais a souligné que seule une mise en œuvre complète pouvait garantir un cessez-le-feu durable et assurer l'acheminement ininterrompu de l'aide humanitaire. Une paix juste et durable au Moyen-Orient dépend d'une solution à deux États – une solution qui permettrait à Israël et à l’État de Palestine de coexister dans la paix et la sécurité, conformément au droit international et aux résolutions des Nations Unies, a rappelé M. Yang.
M. Yang a indiqué que la protection des droits de l'homme et de la dignité était la pierre angulaire de sa présidence. Il a fait savoir qu’il continuerait à mobiliser les défenseurs des droits de l'homme pour éliminer le travail des enfants sous toutes ses formes, y compris le recrutement d’enfants dans les conflits armés ; et qu’il continuerait à lutter contre les injustices persistantes du racisme et du colonialisme, dans le respect de la décision des États Membres en décembre dernier de déclarer une deuxième Décennie internationale des personnes d'ascendance africaine.
M. Yang a indiqué que ses autres priorités à la présidence de l’Assemblée générale seraient la lutte contre l’utilisation des enfants dans les conflits armés ; la défense des droits personnes âgées ; la prévention du crime ; et l’égalité entre les sexes et l’autonomisation des femmes. Il a en outre insisté sur l’importance qu’il accorde à la préservation de la dignité humaine « pour tous et partout », y compris pendant les conflits armés ; de même que sur le rôle essentiel de la jeunesse dans le développement inclusif et durable, et sur l’importance, dans ce contexte, de la numérisation, en particulier en Afrique.
Le Président de l’Assemblée générale a par ailleurs estimé que le Pacte pour l'avenir adopté en septembre dernier par les États Membres traçait « une voie décisive vers un monde plus juste, plus équitable et plus durable ». Le défi consiste maintenant à le mettre en œuvre, une tâche qui nécessitera une mobilisation mondiale totale, au sein de laquelle les organisations à Genève joueront un rôle essentiel, a-t-il souligné. M. Yang a demandé aux États Membres de veiller à ce que le Conseil des droits de l'homme reste une plate-forme de dialogue sincère et de coopération pour promouvoir et protéger les droits de l'homme « pour tous, partout ».
M. António Guterres, Secrétaire général des Nations Unies, a d’emblée souligné que le Conseil entame cette session sous le poids d’un sinistre jalon — le troisième anniversaire de l’invasion de l’Ukraine par la Fédération de Russie, en violation de la Charte des Nations Unies. Plus de 12 600 civils ont été tués et bien d’autres blessés ; des communautés entières ont été anéanties et des hôpitaux et écoles ne sont plus que décombres, a-t-il rappelé. Il a appelé la communauté internationale à ne ménager aucun effort pour mettre un terme à ce conflit et parvenir à une paix juste et durable, conformément à la Charte des Nations Unies, au droit international et aux résolutions de l’Assemblée générale.
Les conflits comme la guerre en Ukraine prélèvent un lourd tribut sur les gens, sur les principes fondamentaux tels que l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’état de droit, et sur les activités vitales de ce Conseil, a prévenu le Secrétaire général. Sans le respect des droits humains, la paix durable n’est qu’une chimère, a-t-il déclaré.
Rappelant qu’il y a cinq ans, les Nations Unies avaient lancé l’Appel à l’action en faveur des droits de l’homme, M. Guterres a indiqué qu’il continuerait à soutenir cet important travail.
« Les droits humains sont l’oxygène de l’humanité », a poursuivi le Secrétaire général. Mais un à un, ils sont asphyxiés, par les autocrates, qui écrasent l’opposition parce qu’ils craignent ce que ferait un peuple ayant pleinement les moyens d’agir; par le patriarcat, qui empêche les filles d’aller à l’école et les femmes de jouir de leurs droits fondamentaux; par les guerres et la violence, qui privent les populations de leurs droits à l’alimentation, à l’eau, et à l’éducation; par les faiseurs de guerre, qui se rient du droit international, du droit international humanitaire et de la Charte des Nations Unies; par la crise climatique; par un système financier mondial en faillite morale, qui fait trop souvent obstacle à une plus grande égalité et au développement durable; par des technologies incontrôlables comme l’intelligence artificielle, pleines de grandes promesses mais qui recèlent aussi la capacité de violer les droits humains en un seul clic; par une intolérance croissante à l’égard de groupes entiers, qu’il s’agisse des peuples autochtones, des migrants et réfugiés, de la communauté LGBTQI+, ou encore des personnes handicapées; et par les discours de ceux qui, prêchant la division et la colère, considèrent les droits humains non pas comme un bienfait pour l’humanité, mais comme un obstacle au pouvoir, au profit et au contrôle qu’ils convoitent.
Cette situation constitue une menace directe pour tous les mécanismes et systèmes établis de haute lutte au cours des 80 dernières années pour protéger et faire progresser les droits humains, a fait observer M. Guterres, avant de souligner que le Pacte pour l’avenir récemment adopté nous rappelle que les droits de l’homme sont, en fait, une source de solutions.
Mettant en avant l’idée d’une réalisation des droits de l’homme par le paix et de la paix par les droits de l’homme, M. Guterres a souligné que les conflits entraînent des violations de droits de l’homme à grande échelle. Il a ainsi relevé que dans le Territoire palestinien occupé, les violations des droits humains ont connu une hausse vertigineuse depuis les horribles attaques perpétrées par le Hamas le 7 octobre et les niveaux intolérables de mort et de destruction à Gaza. Il s’est dit gravement préoccupé par la montée des violences et des autres violations commises en Cisjordanie occupée par les colons israéliens, ainsi que par les appels à l’annexion. « Nous assistons à un cessez-le-feu précaire [et] nous devons éviter à tout prix la reprise des hostilités », a-t-il déclaré. Il est temps d’instaurer un cessez-le-feu permanent, de libérer dignement tous les otages restants, de progresser de manière irréversible vers la solution fondée sur deux États, la fin de l’occupation et la création d’un État palestinien indépendant dont Gaza soit partie intégrante, a plaidé M. Guterres.
Au Soudan, a-t-il poursuivi, les bains de sang, les déplacements de population et la famine ravagent le pays. Les parties en conflit doivent prendre immédiatement des mesures pour protéger les civils, défendre les droits humains, cesser les hostilités et instaurer la paix, a-t-il notamment recommandé.
En République démocratique du Congo, le Secrétaire général a évoqué le « tourbillon mortel de violences et d’atroces violations des droits humains », amplifié par la récente offensive du M23, soutenue par les Forces rwandaises de défense. Il est temps de faire taire les armes et de laisser place à la diplomatie et au dialogue, a-t-il déclaré, insistant pour que la souveraineté et l’intégrité territoriale de la République démocratique du Congo soient respectées.
Au Sahel, M. Guterres a appelé à la reprise du dialogue régional afin de protéger les citoyens du terrorisme et des violations systémiques des droits humains et de créer les conditions du développement durable.
Le Secrétaire général a par ailleurs regretté l’aggravation considérable de la situation au Myanmar au cours des quatre années écoulées depuis que l’armée a pris le pouvoir et détenu arbitrairement des membres du Gouvernement démocratiquement élu. Il a appelé à resserrer la coopération pour mettre fin aux hostilités et ouvrir la voie à une transition démocratique inclusive et au retour à un régime civil, permettant le retour en toute sécurité des réfugiés rohingyas.
« En Haïti, nous assistons à des violations massives des droits humains », a poursuivi M. Guterres. Plus d’un million de personnes ont été déplacées et les enfants sont en proie à une augmentation effroyable des violences sexuelles et de l’enrôlement dans les gangs, a-t-il souligné. Dans ce contexte, il a indiqué que dans les prochains jours, il présenterait au Conseil de sécurité des Nations Unies des propositions pour assurer une plus grande stabilité et sécurité au peuple haïtien.
M. Guterres a ensuite rappelé que le Pacte pour l’avenir demande la mise en place de processus de paix et d’approches ancrés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, dans le droit international et dans la Charte des Nations Unies. Faisant observer que le Pacte pour l’avenir fait progresser les droits de l’homme par le biais du développement, il a rappelé que ce Pacte appelle à investir dans la lutte contre toutes les formes de discrimination et de violence à l’égard des femmes et des filles, et à garantir leur participation effective et leur leadership dans tous les domaines. Ce Pacte appelle en outre à soutenir les droits et l’avenir des jeunes par le biais d’un travail décent, à lever les obstacles à la participation de la jeunesse et à renforcer la formation. Le Pacte pour l’avenir reconnaît aussi que l’état de droit et les droits de l’homme vont de pair, a ajouté le Secrétaire général.
Attirant l’attention sur l’importance de réaliser les droits humains grâce à l’action climatique, M. Guterres a rappelé que l’année dernière avait été la plus chaude jamais enregistrée, couronnant ainsi la décennie la plus chaude jamais connue. Dans ce contexte, il a souligné que « notre guerre contre la nature est aussi une guerre contre les droits humains ». « Nous devons prendre un autre chemin », a-t-il déclaré, saluant les nombreux États Membres qui reconnaissent légalement le droit à un environnement sain et appelant tous les pays à faire de même. Les gouvernements doivent tenir leur promesse d’élaborer cette année de nouveaux plans d’action nationaux pour le climat couvrant l’ensemble de l’économie – et ce, bien avant la COP30 qui se tiendra au Brésil, a-t-il insisté. « Nous devons nous opposer aux campagnes mensongères menées par de nombreux acteurs de l’industrie des combustibles fossiles et à ceux qui la font vivre et s’en rendent complices », a ajouté le Secrétaire général.
Insistant enfin sur la nécessité de réaliser les droits humains grâce à une gouvernance renforcée et améliorée des technologies, M. Guterres a fait savoir qu’à l’heure où des technologies en rapide mutation s’immiscent dans tous les aspects de notre vie, il s’inquiète des risques qu’elles représentent pour les droits humains. Dans le meilleur des cas, les réseaux sociaux sont un lieu de rencontre où l’on peut échanger des idées et débattre avec respect ; mais ils peuvent aussi devenir le théâtre de confrontations enflammées et d’une ignorance flagrante, a-t-il souligné – « un lieu où les poisons que sont la mésinformation, la désinformation, le racisme, la misogynie et les discours de haine sont non seulement tolérés, mais, bien souvent, encouragés ». La violence verbale en ligne peut facilement se transformer en violence physique dans le monde réel, a-t-il insisté. Il a en outre regretté que les reculs récents en matière de vérification des faits et de modération de contenu sur les réseaux sociaux rouvrent grand la porte à plus de haine, plus de menaces et plus de violence. M. Guterres a prévenu que ces reculs entraîneront une diminution de la liberté d'expression, et non une amplification – car les gens craignent de plus en plus de s'exprimer sur ces plates-formes.
Parallèlement, la grande promesse de l’intelligence artificielle s’accompagne d’un risque insondable qui met en péril l’autonomie, l’identité et le contrôle humains — jusqu’aux droits humains, a d’autre part fait observer le Secrétaire général.
Face à ces menaces, le Pacte numérique mondial rassemble le monde entier pour veiller à ce que les droits humains ne soient pas sacrifiés sur l’autel de la technologie, a souligné M. Guterres. Les Principes mondiaux pour l’intégrité de l’information, lancés l’année dernière, viendront étayer et orienter les efforts de l’ONU en vue de créer un écosystème de l’information plus humain, a-t-il indiqué. Les décisions du Pacte – d’établir un Groupe scientifique international indépendant et un Dialogue mondial régulier garantissant la participation de tous les pays dans l’élaboration de l’avenir de l’IA – constituent des avancées importantes, qu’il faut concrétiser, a-t-il déclaré.
« Nous pouvons mettre fin à l’asphyxie des droits de l’homme en donnant vie au Pacte pour l’avenir et aux travaux de ce Conseil. Attelons-nous à cette tâche, ensemble. Nous n’avons pas un instant à perdre », a conclu M. Guterres.
M. VOLKER TÜRK, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, a relevé que la session du Conseil s’ouvrait alors que « l'édifice des droits de l'homme que nous avons construit avec tant de soin au fil des décennies n'a jamais été autant mis à l'épreuve ». Ainsi, a-t-il relevé, « nous marquons aujourd’hui le troisième anniversaire de l'invasion à grande échelle de l'Ukraine par la Fédération de Russie », alors que « le nombre de victimes civiles ne cesse d'augmenter, que la destruction gratuite des zones urbaines se poursuit et que l'on spécule sur la trajectoire de la guerre ». À cet égard, a souligné le Haut-Commissaire, « toute paix durable doit être ancrée dans les droits, les besoins et les aspirations du peuple ukrainien », ainsi que dans l’obligation de rendre des comptes, de même que dans les principes de la Charte des Nations Unies et du droit international, car « les décisions prises aujourd'hui, [selon] qu'elles favorisent la justice ou l'impunité, façonneront la suite des événements ».
S’agissant d’Israël et des Territoires palestiniens occupés, « où les souffrances ont été insupportables », le Haut-Commissaire a réitéré son appel à la réalisation d'une enquête indépendante sur les graves violations du droit international commises par Israël au cours de ses attaques à travers Gaza, ainsi que par le Hamas et d'autres groupes armés palestiniens. Toute solution durable doit être basée sur l’obligation redditionnelle, sur la justice, sur le droit à l’autodétermination, ainsi que sur les droits de l’homme et la dignité tant des Israéliens que des Palestiniens, a souligné le Haut-Commissaire. « Toute suggestion visant à forcer des personnes à quitter leur terre est totalement inacceptable », a-t-il ajouté.
Au-delà de l'Ukraine et de Gaza, des conflits et des crises déchirent des communautés et des sociétés, du Soudan à la République démocratique du Congo, en passant par Haïti, le Myanmar et l'Afghanistan, a par ailleurs souligné M. Türk.
D’autre part, a poursuivi le Haut-Commissaire, les tensions sociales s'intensifient à mesure que les inégalités et les injustices engendrent du ressentiment, souvent dirigé contre les réfugiés, les migrants et les plus vulnérables. Paradoxalement, un pour cent des plus riches contrôlent plus de richesses que la majorité de l'humanité, a-t-il fait observer.
Quant à la crise climatique, elle est une catastrophe pour les droits de l'homme, car elle détruit vies et moyens de subsistance, a ajouté M. Türk. Ses répercussions en cascade sur la sécurité alimentaire, les migrations, la santé, l'énergie et l'eau menacent les droits de l'homme aujourd'hui et pour les générations à venir, en particulier pour les femmes et les filles, a-t-il insisté.
Dans le même temps, a ensuite souligné le Haut-Commissaire, les technologies numériques sont utilisées à mauvais escient pour « supprimer, limiter et violer nos droits par la surveillance, la haine en ligne, la désinformation préjudiciable, le harcèlement et la discrimination », l'intelligence artificielle venant aggraver ces menaces. La fragmentation des plates-formes de médias sociaux en canaux auto-sélectionnés qui s’adressent à leur public contribue à l’isolement des individus, à l’atomisation des sociétés et à la perte d’un espace public partagé, a-t-il observé, avant de déplorer que dans certains milieux, les droits de l'homme soient bafoués, vilipendés et déformés.
C'est dans ce contexte, a souligné M. Türk, que le Haut-Commissariat aux droits de l’homme et l'écosystème des droits de l'homme, y compris le Conseil, travaillent à la sauvegarde et à la promotion des droits de chacun, partout dans le monde. Ainsi, en 2024, le Haut-Commissariat a-t-il contribué à la libération de quelque 3145 personnes détenues arbitrairement et participé à quelque 11 000 missions de surveillance des droits de l'homme. Le Haut-Commissariat a aussi contribué à des approches du développement durable, de la fiscalité et des dépenses publiques fondées sur les droits de l'homme, du Cambodge à la Jordanie en passant par la Serbie.
M. Türk a demandé aux États de consentir un effort supplémentaire pour que le Haut-Commissariat, leurs propres institutions nationales des droits de l'homme ainsi que les organisations non gouvernementales de défense des droits de l'homme puissent continuer à accomplir ce travail essentiel.
Le Haut-Commissaire s’est inquiété de ce que « le consensus mondial sur les droits de l'homme s'effrite sous le poids des autoritaires, des hommes forts et des oligarques (…) » et que « les autocrates contrôlent aujourd'hui environ un tiers de l'économie mondiale ». Il a regretté que « des efforts concertés soient déployés pour saper l'égalité des sexes et les droits des migrants, des réfugiés, des personnes handicapées et des minorités ».
Au cours des siècles précédents, a rappelé M. Türk, le recours sans retenue à la force par les puissants, les attaques aveugles contre les civils, les transferts de population et le travail des enfants étaient monnaie courante. « Cela peut se reproduire », a-t-il mis en garde, estimant cependant que « nous sommes loin d'être impuissants à l'empêcher », grâce notamment au corpus du droit international et des institutions qui œuvrent à sa mise en œuvre, notamment le Conseil, les tribunaux et les systèmes judiciaires, la société civile, les journalistes indépendants et les défenseurs des droits de l'homme.
Le Haut-Commissaire a mis en avant « le pouvoir de la clarté factuelle, juridique et morale », dans un contexte où, « lorsque les signaux d'alarme se déclenchent, ils doivent déclencher une réponse immédiate ». C'est pourquoi le travail du Conseil, et des autres mécanismes des droits de l'homme, est si important, a insisté M. Türk.
M. Ignazio Cassis, Chef du Département fédéral des affaires étrangères de la Suisse, s’est réjoui que l'Assemblée générale des Nations Unies ait élu la Suisse au Conseil des droits de l'homme pour les 3 prochaines années et que l’Ambassadeur suisse Jürg Lauber ait été désigné Président du Conseil pour cette année. C’est la première fois qu'un diplomate suisse assume cette fonction, a-t-il souligné.
M. Cassis a ensuite observé que « notre planète est en souffrance » et que nous vivons une époque d'incertitude géopolitique où l'espace démocratique se réduit, les crises humanitaires se multiplient et la majorité de la population mondiale vit sous des régimes autoritaires – ce qui pose des défis immenses. L'année 2024, marquée par des « supers élections », a vu plus de 4 milliards de citoyens de 76 pays se rendre aux urnes, avec pour verdict un « malaise profond » où les électeurs expriment une méfiance généralisée envers leurs dirigeants, les jeunes se radicalisent et les partis populistes gagnent du terrain, a poursuivi M. Cassis. Selon lui, cette situation s'explique par le fait que la globalisation, tout en réduisant la pauvreté, a laissé des zones de désindustrialisation. Il a par ailleurs relevé que la révolution numérique bouleverse le marché du travail, que les revendications identitaires se multiplient, que les réseaux sociaux attisent les divisions et que la crise climatique amplifie un sentiment de chaos.
Face à ces turbulences démocratiques et à la crise de repères qui en découle, « les droits de l'homme sont un socle essentiel pour stabiliser nos sociétés », a souligné M. Cassis, insistant sur l'importance des droits individuels, du respect de la sphère privée, des élections libres et transparentes, du droit au travail, de la liberté d'expression ainsi que du droit à un environnement durable.
Dix-neuf ans après la création du Conseil des droits de l'homme, en 2006, les défis internationaux demeurent nombreux, a relevé M. Cassis, évoquant notamment la guerre en Ukraine – dont ce jour marque le troisième anniversaire – ainsi que les tensions persistantes dans les Balkans et dans le Caucase, les conflits au Moyen-Orient, l'instabilité en Afrique du Nord et les guerres en Afrique subsaharienne.
M. Cassis a indiqué que son optimisme avait cédé la place à un réalisme accru et a insisté sur la nécessité de concentrer les efforts sur la protection des droits fondamentaux – notamment les libertés d'expression, de religion et d'association, les droits à la vie, à l'égalité devant la loi, à l'éducation et à la propriété, ainsi que l'interdiction absolue de la torture et de l'esclavage. M. Cassis a conclu en affirmant que ce Conseil devait agir avec unité et détermination, et a rappelé que la présidence suisse du Conseil avait pour mission de garantir le bon déroulement des travaux, car « les droits de l'homme ne sont pas un luxe mais une nécessité ». M. Cassis a réitéré l'engagement de la Suisse à œuvrer avec détermination sur la scène internationale pour renforcer le dialogue, la coopération et le multilatéralisme.
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