Fil d'Ariane
Examen du Bénin au Comité des droits des travailleurs migrants : les experts saluent l’action du Gouvernement pour défendre ces droits et se penchent sur le régime des étrangers et sur la situation dans le secteur informel du travail
Le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport initial présenté par le Bénin au titre de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles.
Au cours du dialogue noué entre les experts membres du Comité et la délégation béninoise venue soutenir ce rapport, une experte a salué l’action du Gouvernement béninois pour défendre les droits de tous les travailleurs migrants au Bénin. En l’état, la législation béninoise accorde aux ressortissants étrangers les mêmes droits qu’aux Béninois, a-t-il été constaté. La législation béninoise devrait être davantage alignée sur les dispositions de la Convention, a toutefois estimé un expert, avant de s’enquérir de ce qui était fait pour remédier aux lacunes dans l’application de la Convention dues, en particulier, au manque de statistiques sur les migrants.
Le Bénin a par ailleurs été félicité pour avoir reconnu la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications (plaintes individuelles) en vertu de l’article 77 de la Convention. A également été saluée la volonté manifestée par le Gouvernement béninois de remédier aux effets des changements climatiques.
Une experte a notamment voulu savoir quelles dispositions de la loi de 1986 sur le régime des étrangers au Bénin, entre autres lois, étaient pertinentes dans le contexte de l’application de la Convention, et où en était l’élaboration de la politique migratoire du Bénin. Cette experte a notamment souhaité savoir à quelles conditions un étranger pouvait bénéficier du statut de « résident privilégié ». La personne dont la demande de permis de séjour au Bénin a été refusée par les autorités – qui disposent d’un pouvoir discrétionnaire en la matière, a-t-il été relevé – peut-elle faire appel de cette décision, a-t-elle en outre demandé ?
Relevant que de nombreux migrants et migrantes travaillaient dans le secteur informel, où ils sont vulnérables aux violations de leurs droits liés au travail, une experte a demandé ce qui était fait pour supprimer toute discrimination, menace et violence à l’encontre des travailleurs migrants au Bénin. Un expert a pour sa part prié la délégation de dire ce qu’il était prévu de faire pour résorber le secteur informel du travail – dont le rapport souligne qu’il « constitue un important frein à l’application de la Convention ». La Convention est peu connue des migrants – et en particulier de ceux travaillant dans le secteur informel, a souligné ce même expert.
La délégation a d’autre part été priée de décrire le dispositif d’assistance au retour et à la réinsertion des travailleurs béninois de retour au pays.
Il a par ailleurs été demandé si le Bénin entendait ratifier les conventions de l’OIT sur la sécurité et la santé des travailleurs, sur les travailleurs migrants, sur les travailleuses et travailleurs domestiques et sur l’élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail.
Présentant le rapport de son pays, M. Aïmabou Guy Yvon Detchenou, Garde des Sceaux, Ministre de la justice et de la législation du Bénin, a notamment précisé que la Constitution du 11 décembre 1990, modifiée en 2019, dispose que « les étrangers bénéficient sur le territoire de la République du Bénin des mêmes droits et libertés que les citoyens béninois et ce, dans les conditions déterminées par la loi ». Le Ministre a aussi rappelé que le Bénin est partie aux conventions majeures de l’OIT qui encadrent les conditions de vie des travailleurs migrants.
Le Bénin, a d’autre part indiqué le Ministre, a célébré la Journée mondiale du réfugié dans un contexte d’afflux massifs de demandeurs d’asile fuyant la persécution et la mort, en raison des menaces et attaques terroristes qui traversent la sous-région. Le nombre de personnes forcées de fuir les pays limitrophes est sans cesse croissant, a-t-il fait remarquer : au Bénin, la population de réfugiés et de demandeurs d’asile est passée de 5041 en mai 2023 à 14 243 en 2024 ; à ce nombre s’ajoutent des milliers de demandeurs d’asile et des personnes déplacées internes non encore enregistrés.
Face à cette montée en effectifs et conformément à sa tradition d’hospitalité et de solidarité, le Bénin a pris trois nouveaux engagements au profit des réfugiés pour la période 2024-2027 : renforcer les capacités d’hébergement de 2000 familles d’accueil, à l’horizon 2027 ; garantir la prise en charge assurancielle non discriminatoire de 3000 réfugiés dans les formations sanitaires ; et assurer l’accès à l’éducation à 5000 enfants réfugiés.
M. Detchenou a mentionné certains des défis auxquels son pays est confronté, citant notamment la lutte contre la migration irrégulière et ses conséquences, telles que la traite et le trafic d’êtres humains ; l’accès des migrants, réfugiés et apatrides aux services essentiels, y compris à la santé, l’éducation et l’emploi ; et le renforcement de la collecte de données fiables pour constituer les statistiques et guider les politiques publiques en matière de migration, s’agissant en particulier de l’enregistrement des travailleurs migrants transfrontaliers.
La délégation béninoise était également composée, entre autres, de M. Angelo Dan, Représentant permanent adjoint et Chargé d’affaires par intérim du Bénin auprès de l’Office des Nations Unies à Genève, ainsi que de plusieurs représentants des Ministères béninois des affaires étrangères, du travail et de la fonction publique, de la justice et de la législation, et de l’intérieur et de la sécurité publique.
Au cours du dialogue, la délégation a précisé que la politique migratoire du Bénin était en cours d’élaboration. Elle se base sur une enquête sur les migrations menée en juin 2024 et ayant permis de recueillir des données, mais il manque toujours des statistiques ventilées à l’appui de la politique à mener, s’agissant notamment des permis de travail et de la nationalité des étrangers entrant et sortant du pays, a indiqué la délégation. La réforme de la loi 86/012 (1986) sur le régime des étrangers et de ses décrets d’application est sous toit, a d’autre part indiqué la délégation.
Le dialogue a mis en évidence des lacunes dans le domaine des statistiques – statistiques sans lesquelles le Comité ne peut se faire une idée précise des progrès réalisés par le pays, a insisté une experte au terme de la discussion.
Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Bénin et les rendra publiques à l’issue de sa session, le 13 décembre prochain.
Le Comité entamera l’examen du rapport de l’Égypte cet après-midi à 15 heures.
Examen du rapport du Bénin
Le Comité est saisi du rapport initial du Bénin (CMW/C/BEN/1), ainsi que des réponses du pays à une liste de points à traiter qui avait été soumise par le Comité.
Présentation du rapport
Présentant le rapport de son pays, M. AÏMABOU GUY YVON DETCHENOU, Garde des Sceaux, Ministre de la justice et de la législation du Bénin, a notamment indiqué que le Bénin participait activement aux initiatives régionales et garantissait la libre circulation des personnes tout en veillant au respect des droits humains ; ainsi le Bénin n’exige pas de visa d’entrée pour les ressortissants des pays africains, a souligné le chef de la délégation béninoise.
S’agissant du cadre législatif et institutionnel, M. Detchenou a notamment fait observer que la Constitution du 11 décembre 1990, telle que modifiée en 2019, dispose que « les étrangers bénéficient sur le territoire de la République du Bénin des mêmes droits et libertés que les citoyens béninois et ce, dans les conditions déterminées par la loi ».
Le Ministre a d’autre part rappelé que le Bénin est partie aux conventions majeures de l’Organisation internationale du Travail (OIT) qui encadrent les conditions de vie des travailleurs migrants, d’autres conventions de la même Organisation étant en instance de ratification. La loi portant Code du travail en République du Bénin s’appuie sur les dispositions de la Constitution pour mettre en pratique les droits et devoirs des travailleurs migrants et des travailleurs en général : il s’agit de leur accès aux services d’éducation et de formation professionnelle, de l’affiliation à la caisse nationale de sécurité sociale, de la protection contre le licenciement abusif, le travail forcé et les traitements cruels inhumains et dégradants, et de la promotion de leur droit de militer dans une organisation syndicale pour défendre leurs droits, a précisé le Ministre.
Les juridictions de droit commun peuvent être saisies par les travailleurs migrants et les membres de leur famille au même titre que [par] les nationaux, a poursuivi M. Detchenou. La Cour constitutionnelle accueille favorablement les requêtes émanant des étrangers au Bénin, qu’ils soient travailleurs migrants ou non, personnes physiques ou personnes morales, a-t-il ajouté.
Concernant l’harmonisation [de la législation interne] avec les instruments internationaux, le Bénin a entrepris des réformes importantes pour harmoniser son cadre juridique avec les normes internationales, a indiqué M. Detchenou. Cela inclut des mesures pour garantir les droits des travailleurs migrants et des dispositions favorisant l’accueil et la protection des demandeurs d’asile, des apatrides et des réfugiés, en collaboration avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). Le Bénin a aussi adopté une stratégie nationale visant à prévenir l’apatridie et à offrir un accès accru à la nationalité béninoise, conformément aux engagements pris dans le cadre de la campagne mondiale #IBelong.
Le Bénin a célébré la Journée mondiale du réfugié dans un contexte d’afflux massifs de demandeurs d’asile fuyant la persécution et la mort, en raison des menaces et attaques terroristes qui traversent la sous-région, a d’autre part indiqué le Ministre. Ces demandeurs d’asile et réfugiés sont installés majoritairement dans les départements de l’Atacora et de l’Alibori, a-t-il précisé. Le Ministère de l’intérieur, avec l’appui du HCR, a enregistré les données biométriques de 9392 nouveaux demandeurs d’asile installés dans l’Atacora qui ont collectivement obtenu, en décembre 2023, le statut de réfugié et bénéficient, chacun, des droits y afférents en application de la Loi n°2022-31 du 20 décembre 2023 portant statut des réfugiés et apatrides.
Le nombre de personnes forcées de fuir les pays limitrophes est sans cesse croissant, a fait remarquer M. Detchenou. Au Bénin, la population de réfugiés et de demandeurs d’asile est passée de 5041 en mai 2023 à 14 243 en 2024 ; à ce nombre s’ajoutent des milliers de demandeurs d’asile et des personnes déplacées internes non encore enregistrés.
Face à cette montée en effectifs et conformément à sa tradition d’hospitalité et de solidarité, le Bénin a pris, à l’occasion du deuxième Forum mondial sur les réfugiés qui s’est tenu à Genève en décembre 2023, trois nouveaux engagements au profit des réfugiés pour la période 2024-2027 : renforcer les capacités d’hébergement de 2000 familles d’accueil, à l’horizon 2027 ; garantir la prise en charge assurancielle non discriminatoire de 3000 réfugiés dans les formations sanitaires ; et assurer l’accès à l’éducation à 5000 enfants réfugiés qui seront dotés de kits scolaires au primaire et au secondaire, et qui bénéficieront gratuitement des cantines scolaires au primaire.
M. Detchenou a mentionné certains des défis auxquels son pays est confronté, citant notamment la lutte contre la migration irrégulière et ses conséquences, telles que la traite et le trafic d’êtres humains ; l’accès des migrants, réfugiés et apatrides aux services essentiels, y compris à la santé, l’éducation et l’emploi ; et le renforcement de la collecte de données fiables pour constituer les statistiques et guider les politiques publiques en matière de migration, s’agissant en particulier de l’enregistrement des travailleurs migrants transfrontaliers.
Questions et observations des membres du Comité
Le Comité avait chargé un groupe de travail composé de trois de ses membres d’examiner plus en détail le rapport du Bénin : Mme Myriam Poussi, Mme Sabrina Gahar et M. Edgar Corzo Sosa.
MME POUSSI a d’abord félicité le Bénin d’avoir reconnu la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications (plaintes individuelles) en vertu de l’article 77 de la Convention.
S’agissant des aspects législatifs, l’experte a prié la délégation de préciser quelles dispositions de la loi de 1986 sur le régime des étrangers au Bénin, de la loi de 2015 portant Code de l’enfant et du décret de 2006 sur l’hébergement des étrangers au Bénin étaient pertinentes dans le contexte de l’application de la Convention. Elle a en outre demandé quelles mesures ont été prises, depuis la ratification de la Convention, pour mettre la loi béninoise en conformité avec cet instrument. Deux lois régissent la question de la nationalité, dont l’une traitant toujours de l’acquisition de la nationalité dahoméenne, a-t-elle fait remarquer.
Mme Poussi a également voulu savoir où en était l’élaboration de la politique migratoire du Bénin et si ce processus se faisait avec la participation de l’institution nationale de droits de l’homme et de la société civile. Elle s’est en outre enquise des fonctions du portail en ligne – IDiaspora – ouvert au profit des Béninois de l’étranger.
Mme Poussi a salué la volonté manifestée par le Gouvernement béninois de remédier aux effets des changements climatiques. Elle a demandé dans quelle mesure les initiatives dans ce domaine profitaient aussi aux travailleurs migrants.
L’experte a d’autre part voulu savoir à quelles conditions un étranger pouvait bénéficier du statut de « résident privilégié ».
Mme Poussi a par la suite demandé si la décision du Bénin de renoncer à demander un visa d’entrée aux ressortissants africains avait entraîné des difficultés liées à un éventuel afflux de migrants. Elle s’est par ailleurs enquise du profil des victimes de la traite des êtres humains au Bénin et des types d’infractions auxquelles elles se heurtaient, dans la mesure où, selon les réponses apportées par l’État à la liste de points à traiter, « aucun cas de servitude domestique, de travail forcé ou d’exploitation sexuelle concernant des travailleurs migrants n’est enregistré par les services compétents ».
Mme Poussi a également voulu savoir si la personne dont la demande de permis de séjour au Bénin a été refusée par les autorités – qui disposent d’un pouvoir discrétionnaire en la matière, a-t-elle souligné – pouvait faire appel de cette décision, laquelle entraîne l’obligation de quitter le territoire dans les trois jours.
MME GAHAR a salué l’action du Gouvernement béninois pour défendre les droits de tous les travailleurs migrants au Bénin. Elle a fait remarquer que le pays se situait sur la route migratoire vers l’Europe et qu’il s’engageait à respecter le principe de libre circulation en vertu des traités régionaux.
L’experte a demandé si le Bénin allait ratifier les instruments régionaux de tels que la Convention de l'Union africaine sur la protection et l'assistance aux personnes déplacées en Afrique (Convention de Kampala). En l’état, la législation béninoise accorde aux ressortissants étrangers les mêmes droits qu’aux Béninois, a constaté l’experte ; elle a demandé quelle définition de l’étranger la loi donnait. L’experte a en outre demandé si la législation en vigueur permettait d’octroyer la nationalité béninoise aux enfants apatrides.
Mme Gahar a prié la délégation de décrire le dispositif d’assistance au retour et à la réinsertion des travailleurs béninois de retour au pays. Elle a par ailleurs demandé si les étrangers pouvaient créer des syndicats au Bénin et s’est interrogée sur le nombre de travailleurs immigrés installés au Bénin.
L’experte a d’autre part voulu savoir quelles juridictions étaient compétentes pour recevoir les plaintes de travailleurs migrants et de membres de leur famille.
Mme Gahar a par la suite relevé que de nombreux migrants et migrantes travaillaient dans le secteur informel, où ils sont vulnérables aux violations de leurs droits liés au travail. Elle a demandé ce qui était fait pour supprimer toute discrimination, menace et violence à l’encontre des travailleurs migrants au Bénin.
Pour sa part, M. CORZO SOSA a prié la délégation de dire ce qu’il était prévu de faire pour résorber le secteur informel du travail – dont le rapport souligne qu’il « constitue un important frein à l’application de la Convention », a-t-il relevé. La législation béninoise devrait être davantage alignée sur les dispositions de la Convention, a-t-il estimé. Il a demandé quel texte, entre la Convention et la Constitution, prévalait en cas de conflit de normes au Bénin.
Les migrants handicapés rencontrent des obstacles dans l’accès aux documents qui leur permettraient de séjourner au Bénin, a par ailleurs relevé M. Corzo Sosa, citant une préoccupation exprimée récemment par le Comité des droits des personnes handicapées.
L’expert a d’autre part voulu savoir s’il existait au Bénin des réseaux de trafiquants d’êtres humains.
M. Corzo Sosa a ensuite demandé ce qui était fait pour remédier aux lacunes dans l’application de la Convention dues, en particulier, au manque de statistiques sur les migrants. La Convention est peu connue des migrants – et en particulier de ceux travaillant dans le secteur informel, a-t-il souligné.
L’expert a par ailleurs souhaité savoir ce qu’il en était de la répression de la traite et du trafic illicites de personnes entre le Bénin et les pays voisins.
Un autre expert membre du Comité a relevé que les personnes originaires de Chine, d’Inde et du Liban représenteraient 57% des immigrants au Bénin, soit davantage que les ressortissants de pays voisins d’Afrique de l’Ouest. Cet expert a demandé ce qui attirait ces travailleurs au Bénin et s’ils pouvaient y faire valoir leurs droits.
Il a par ailleurs été demandé si le Bénin entendait ratifier les conventions de l’OIT sur la sécurité et la santé des travailleurs, sur les travailleurs migrants, sur les travailleuses et travailleurs domestiques et sur l’élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail.
Une experte a salué le fait que les citoyens pouvaient saisir directement la Cour constitutionnelle béninoise, relevant qu’il s’agissant là d’une exception dans l’espace francophone. Cette experte a ensuite constaté que la jurisprudence béninoise montrait que les forces de l’ordre ont presque toujours gain de cause dans les allégations de violation des droits des migrants [les visant] ; elle a voulu savoir ce qu’il se passe lorsque les tribunaux reconnaissent que la police est en faute.
L’experte a par ailleurs demandé si le Bénin pouvait envisager de régulariser les travailleurs migrants en situation irrégulière, plutôt que de les reconduire à la frontière. Elle a voulu savoir pourquoi les étrangers de passage au Bénin ont obligation de se déclarer à la police, même s’ils ont rempli par ailleurs les conditions d’entrée dans le pays.
Cette même experte a voulu savoir combien de travailleurs migrants étaient en prison au Bénin et s’ils bénéficiaient d’un soutien particulier. Elle s’est en outre interrogée sur le degré de participation des migrants et travailleurs migrants à la vie politique béninoise, de même que sur la capacité des travailleurs béninois expatriés de voter au Bénin.
Des experts ont demandé si l’institution nationale de droits de l’homme béninoise disposait du statut A ou B d’accréditation auprès de l’Alliance mondiale des institutions nationales de droits de l’homme, et se sont enquis de son mandat en matière de protection des droits des migrants et de leurs familles.
Une experte a insisté sur l’importance de l’inspection du travail pour faire respecter les droits des travailleurs migrants, notamment par le biais de visites de contrôle inopinées. Elle a demandé si le service béninois d’inspection du travail était doté de moyens suffisants à cet égard.
Réponses de la délégation
La délégation a d’abord indiqué que, désuète sur plusieurs points, la loi de 1986 sur le régime des étrangers, qui régit leur entrée et leur séjour au Bénin, était actuellement en révision, y compris pour ce qui concerne son règlement d’application relatif à l’hébergement des étrangers. Actuellement, a précisé la délégation, les étrangers hébergés dans un cadre familial au Bénin auprès de parents doivent faire une déclaration au poste de police ou auprès d’un élu local. Tout changement de lieu d’hébergement doit également être déclaré, a-t-elle ajouté.
La réforme de la loi 86/012 (1986) sur le régime des étrangers et de ses décrets d’application, d’inspiration marxiste-léniniste et ne reflétant plus la pratique, est sous toit et tient compte des évolutions dans l’identification des personnes, du tourisme ou encore de la nécessité d’attirer les investissements, a par la suite précisé la délégation. Elle a insisté sur le fait que, depuis 1990, le Bénin était totalement ouvert au monde et que les ressortissants des pays africains n’avaient plus besoin de visa pour entrer dans le pays.
Les étrangers viennent au Bénin pour travailler, faire du tourisme ou encore visiter leur famille, a indiqué la délégation. Les autorités doivent encore réaliser des progrès dans le contrôle des flux migratoires, a-t-elle ajouté.
Le Bénin mène une politique active de suppression de visa avec d’autres pays du continent, même sans réciprocité, a-t-il été précisé. Le Bénin souhaite que d’autres pays africains lui emboîtent le pas s’agissant de la facilitation des déplacements sur le continent africain, a indiqué la délégation. Le Bénin a signé mais pas encore ratifié la ZLECAf (zone de libre-échange continentale africaine), a-t-elle ajouté.
L’exemption de visa pour les Africains est favorable au tourisme, au commerce et au déplacement des étudiants, a insisté la délégation.
La loi de 2015 portant Code de l’enfant contient des mesures de protection à leur intention ; les dispositions contradictoires avec d’autres textes de loi qu’elle contient ont entraîné sa révision, a ensuite expliqué la délégation.
Quant au Code de la nationalité de 1965, il a été abrogé par la loi sur la nationalité adoptée en 2022, a poursuivi la délégation. Toute personne n’ayant pas la nationalité béninoise est considérée comme étrangère, a-t-elle précisé.
La politique migratoire du Bénin est toujours en cours d’élaboration, a d’autre part indiqué la délégation. Elle se base sur une enquête sur les migrations menée en juin 2024 et ayant permis de recueillir des données, mais il manque toujours des statistiques ventilées à l’appui de la politique à mener, s’agissant notamment des permis de travail et de la nationalité des étrangers entrant et sortant du pays, a indiqué la délégation. Le Gouvernement béninois a créé un fichier national des personnes résidentes, a-t-elle ajouté.
L’octroi d’une carte de séjour au Bénin exige qu’une personne se porte garante du migrant [souhaitant l’obtenir], a ensuite expliqué la délégation. Le statut de résident ordinaire est accordé aux personnes résidant au Bénin pour trois ans au plus, a-t-elle précisé. Le statut de résident privilégié est octroyé aux personnes résidant au Bénin et qui, entre autres critères, y ont investi.
Les étrangers en situation irrégulière ne sont pas immédiatement soumis à une reconduite aux frontières, laquelle est une mesure de dernier recours, a-t-il été précisé.
L’expulsion est suspendue quand la personne concernée peut faire des réclamations justifiées, a-t-il été indiqué.
Les Asiatiques enregistrés comme travailleurs migrants au Bénin semblent très nombreux par rapport aux Africains, mais cela s’explique par le fait que de nombreux ressortissants africains peuvent venir au Bénin sans visa et sans nécessairement accomplir les démarches d’obtention du permis de séjour, ce qui fausse les statistiques, a d’autre part souligné la délégation. De plus, les migrants des trois pays mentionnés par un membre du Comité [ndlr : à savoir Chine, Inde et Liban, voir plus haut] créent des entreprises et font généralement appel à la main-d’œuvre de leur pays, a-t-elle fait observer.
La délégation a ensuite indiqué que la plate-forme IDiaspora était destinée à encourager l’immatriculation consulaire des Béninois de l’étranger. L’inscription donne droit à une attestation consulaire permettant notamment l’octroi sans complication de documents administratifs. Le formulaire qui doit être rempli contient une rubrique concernant l’activité professionnelle des requérants.
Les services consulaires du Ministère des affaires étrangères gèrent cette plate-forme et mènent une activité de sensibilisation en direction des compatriotes basés dans les pays couverts par les ambassades [béninoises à l’étranger] ; plus de mille Béninois sont déjà inscrits. Les services visent aussi les travailleurs [béninois] en situation irrégulière [à l’étranger], a-t-il été précisé.
Le Ministère des affaires étrangères a entre autres priorités le développement du numérique, afin de faciliter l’accès de la diaspora à l’ensemble des services consulaires, a par la suite indiqué la délégation.
Les Béninois de l’étranger peuvent voter au Bénin et la loi ne prévoit pas le vote des étrangers au Bénin, a-t-elle par ailleurs souligné.
Le Bénin a négocié avec le Koweït, entre autres pays, un accord bilatéral visant la promotion de la migration légale, a ajouté la délégation. Le Bénin, pour qui la migration est une co-opportunité pour le développement, est en discussion avancée avec plusieurs autres pays autour d’accords bilatéraux destinés à favoriser une protection optimale de ses compatriotes à l’étranger, a-t-elle fait savoir.
Les transferts de fonds par les expatriés représentaient, en 2012, entre 3% et 4% du PIB béninois, a indiqué la délégation. Le Gouvernement mène une politique de développement des services financiers mobiles et participe aux négociations internationales au sujet de la baisse des tarifs des transferts d’argent, a-t-elle ajouté.
Les travailleurs migrants ont les mêmes droits que les Béninois, et la même capacité de défendre leurs droits, y compris devant la caisse nationale de sécurité sociale, a fait valoir la délégation.
Les associations de la société civile peuvent dénoncer les atteintes aux droits des travailleurs migrants ; et ces derniers ont le droit de créer des associations ou des syndicats, a d’autre part indiqué la délégation.
Les autorités traduisent les textes juridiques afin que les populations migrantes qui ne parlent pas le français – langue officielle au Bénin – puissent connaître leurs droits.
Les travailleurs migrants bénéficient de la même protection juridique que les nationaux, a insisté la délégation. L’aide juridique contient un volet d’« aide à l’accès au droit », pour une meilleure connaissance des lois et règlements par les travailleurs migrants et autres étrangers. Le Bénin travaille, de même, à une meilleure compréhension de la loi par les personnes handicapées, a indiqué la délégation.
Le Bénin ratifie les instruments internationaux qui lui sont utiles, a poursuivi la délégation. La ratification de plusieurs instruments est actuellement à l’étude, compte tenu en particulier de la nécessité de procéder à une harmonisation du droit interne, y compris de la Constitution, a-t-elle indiqué.
La délégation a d’autre part mentionné la création d’une instance dotée de moyens forts pour la prise en charge des victimes de violence basée sur le genre, ainsi que l’ouverture d’une chambre pénale spécialisée dans la répression du viol et autres crimes sexuels. La Loi 2011/26 portant prévention et répression des violences faites aux femmes s’applique à toutes les personnes vivant au Bénin, a-t-il été précisé.
Le rapport est rédigé par les ministère concernés en concertation avec la société civile, la validation du document se faisant en commun, a par ailleurs indiqué la délégation.
Le Bénin a approuvé il y a quelques jours avec l’Organisation internationale pour les migrations un projet de renforcement de la résilience du nord du Bénin face aux effets des changements climatiques, a en outre fait savoir la délégation.
Pour appliquer effectivement la Convention, le Bénin doit faire des efforts supplémentaires dans l’organisation des services, la production des informations et le contrôle des situations, a résumé la délégation.
Remarques de conclusion
MME POUSSI a salué l’engagement du Bénin à rendre effectifs les droits des travailleurs migrants et de leurs familles au titre de la Convention ainsi que des autres instruments internationaux pertinents. Le dialogue a mis en évidence des lacunes dans le domaine des statistiques, sans lesquelles le Comité ne peut se faire une idée précise des progrès réalisés par le pays, a insisté l’experte.
M. DETCHENOU a assuré le Comité de l’engagement de son Gouvernement à poursuivre ses efforts de création d’un cadre migratoire fondé sur la dignité humaine et la solidarité.
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