Fil d'Ariane
Examen de Monaco au CERD : la situation des non-ressortissants au regard de la priorité accordée aux nationaux monégasques est au cœur du dialogue
Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD, selon l’acronyme anglais) a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport présenté par la Principauté de Monaco au titre de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Au cours du dialogue noué entre les experts membres du Comité et la délégation monégasque conduite par Mme Carole Lanteri, Représentante permanente de Monaco auprès des Nations Unies à Genève, une experte du Comité a constaté que le pays ne disposait pas d’une législation spécifique en matière de discrimination raciale conforme à la Convention, et que la loi punissait la provocation à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes en raison de plusieurs motifs, mais parmi lesquels ne figurent pas « la couleur de peau et l’ascendance » mentionnées à l’article premier de la Convention.
Relevant par ailleurs que, selon la Constitution de Monaco, « l'étranger jouit dans la Principauté de tous les droits publics et privés qui ne sont pas formellement réservés aux nationaux », l’experte a demandé ce qui était fait pour que la préférence nationale ne soit pas une source d’injustice et de discrimination pour les non-ressortissants, particulièrement dans les services sociaux de base, et pour que l’application du principe de la priorité d’emploi pour les Monégasques ne conduise pas à des cas de discrimination à l’embauche.
De même, l’assistance sociale et la gratuité de l’instruction sont des droits exclusivement reconnus aux nationaux, a ajouté l’experte, soulignant que cette disposition est contraire à la Déclaration universelle des droits de l’homme et à l’article 5 de de la Convention. L’experte a voulu savoir si l’État monégasque entendait retirer ses réserves formulées à l’égard des articles 2.1 et 4 de la Convention.
Un autre expert a pour sa part rappelé que la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) avait recommandé aux autorités monégasques d’abroger les dispositions prévoyant que doivent siéger au sein des organes des syndicats et de leurs fédérations une majorité de ressortissants monégasques et français.
Cet expert a par ailleurs fait état d’allégations de contrôles au faciès lors de rassemblements dans le cadre de grands événements à Monaco et de plusieurs cas de personnes d'ascendance africaine ou d’origine asiatique qui auraient essuyé des propos désobligeants ou insultants à connotation raciste, parfois combinés à un refus d’accès ou à un autre traitement discriminatoire dans des lieux ouverts au public. L’expert a demandé ce qui était fait pour prévenir et interdire expressément le profilage racial par les policiers.
Ce même expert a d’autre part voulu savoir si Monaco adopterait un cadre législatif relatif à la protection des réfugiés et des demandeurs d’asile qui intègre les principes de non-refoulement et de non-discrimination et prévoie une procédure de détermination du statut de réfugié.
Présentant le rapport de son pays, Mme Lanteri a fait savoir que le droit monégasque interdit et réprime toute forme de discrimination raciale au travers de plusieurs mesures essentielles dans divers domaines et tend ainsi à couvrir les motifs de discrimination visés à l’article premier de la Convention. En se fondant sur la définition fournie par la Convention, aucune distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée sur la race, l’ascendance ou l’origine ethnique n’est permise en droit interne, a indiqué la Représentante permanente.
Par ailleurs, la loi n°1299 (2005) sur la liberté d’expression publique réprime pénalement les faits de provocation à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes en raison de leur origine, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, réelle ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. De plus, en vertu de la loi n°1478 (2019), le motif raciste est devenu une nouvelle circonstance aggravante, lorsque des violences auront été commises en raison de l’origine, de l’appartenance ou de la non-appartenance, réelle ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race déterminée de la victime.
Mme Lanteri a aussi précisé que le Haut-Commissariat à la protection des droits et à la médiation, créé en 2013, pouvait être saisi à titre gratuit par des personnes physiques ou morales estimant avoir été victimes de discriminations injustifiées. Il peut lui-même saisir le Procureur général en présence de faits susceptibles de revêtir une qualification pénale, afin que des poursuites soient enclenchées.
La délégation monégasque était également composée, entre autres, de plusieurs représentants du Département des relations extérieures et de la coopération, du Département des affaires sociales et de la santé, de la Direction de la sûreté publique et de la Direction des services judiciaires.
Au cours du dialogue, la délégation a souligné que la police monégasque était dotée d’un code de déontologie qui l’oblige à accorder la même attention et le même respect à toutes les personnes et qu’aucune plainte pour des faits à connotation raciste susceptibles d’avoir été commis par un agent des forces de l’ordre n’avait été portée à l’attention de l’Inspection générale des services de police.
Il n’est pas envisagé de lever les réserves apportées par Monaco à la Convention, dans le contexte de la priorité donnée aux nationaux, a d’autre part indiqué la délégation. L’intention n’est pas discriminatoire, mais s’explique par la volonté de tenir compte du fait que les Monégasques sont minoritaires dans leur pays, a-t-elle expliqué. La priorité à l’emploi est appliquée de manière souple, a assuré la délégation.
Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport de Monaco et les rendra publiques à l’issue de sa session, le 13 décembre prochain.
Lundi 2 décembre, à 15 heures, le Comité entamera l’examen du rapport de l’Arménie.
Examen du rapport de Monaco
Le Comité est saisi du rapport valant septième à neuvième rapports périodiques de Monaco (CERD/C/MCO/7-9).
Présentation du rapport
Présentant le rapport de son pays, MME CAROLE LANTERI, Représentante permanente de Monaco auprès des Nations Unies à Genève, a d’abord insisté sur le fait que par sa démographie, son identité et son histoire, la Principauté de Monaco était une terre de tolérance : quelque 140 nationalités coexistent en effet de façon pacifique sur un territoire de deux kilomètres carrés, les Monégasques représentant seulement un quart de la population totale de Monaco.
Dans ce contexte, a-t-elle poursuivi, le droit monégasque interdit et réprime toute forme de discrimination raciale au travers de plusieurs mesures essentielles dans divers domaines et tend ainsi à couvrir les motifs de discrimination visés à l’article premier de la Convention. En se fondant sur la définition fournie par la Convention, aucune distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée sur la race, l’ascendance ou l’origine ethnique n’est permise en droit interne, a indiqué la Représentante permanente. La distinction dans l’octroi de certains droits ou avantages est fondée sur le critère de la nationalité ou celui de la résidence sur le territoire monégasque et exclut donc toute distinction fondée sur la race ou l’ethnie, conformément à l’article premier de la Convention, a-t-elle précisé.
Mme Lanteri a par ailleurs rappelé, concernant la place de la Convention dans l’ordre juridique interne, que la hiérarchie des normes à Monaco plaçait les traités internationaux au-dessus du droit domestique.
Au niveau législatif, a ensuite souligné la cheffe de délégation, la loi n°975 portant statut des fonctionnaires de l’État, modifiée en 2022, dispose qu’«aucune distinction ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leur genre, de leurs opinions politiques, philosophiques, religieuses ou syndicales, de leur orientation sexuelle, de leur état de santé, de leur handicap, de leur apparence physique ou de leur appartenance ethnique».
Par ailleurs, la loi n°1299 (2005) sur la liberté d’expression publique réprime pénalement les faits de provocation à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes en raison de leur origine, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, réelle ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. De plus, en vertu de la loi n°1478 (2019), le motif raciste est devenu une nouvelle circonstance aggravante, lorsque des violences auront été commises en raison de l’origine, de l’appartenance ou de la non-appartenance, réelle ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race déterminée de la victime. Enfin, le motif raciste constitue également une circonstance aggravante de l’infraction de harcèlement en milieu scolaire, infraction créée en 2021, a fait savoir Mme Lanteri.
Monaco se félicite de la rareté des plaintes, poursuites et jugements concernant les actes de discrimination raciale, a ajouté la Représentante permanente. Cela ne doit en aucune manière être interprété comme découlant d’une information insuffisante des victimes sur leurs droits, d’une peur de réprobation, de l’inaccessibilité des procédures, voire d’un manque de confiance à l’égard des autorités de police et de justice, a-t-elle affirmé. L’accès à la justice est en effet libre et facile, et les citoyens, les résidents et les non-résidents ont un rapport de confiance avec les forces de police, a-t-elle assuré. En outre, l’assistance judiciaire prévue par la loi monégasque permet aux personnes physiques dont les ressources sont insuffisantes de faire valoir leurs droits en justice, en toutes matières, en obtenant par exemple gratuitement les services d’un avocat, a-t-elle expliqué.
Mme Lanteri a précisé que le Haut-Commissariat à la protection des droits et à la médiation, créé en 2013, pouvait être saisi à titre gratuit par des personnes physiques ou morales estimant avoir été victimes de discriminations injustifiées. Il peut lui-même saisir le Procureur général en présence de faits susceptibles de revêtir une qualification pénale, afin que des poursuites soient enclenchées.
Pour faire mieux connaître la Convention, a poursuivi Mme Lanteri, l’Institut monégasque de formation aux professions judiciaires, créé en 2021, assure la formation continue des magistrats, y compris en matière de dignité humaine et de défense des droits fondamentaux de toute personne, sans discrimination fondée sur la race, la couleur ou l’origine nationale ou ethnique.
Dans tous les domaines de la vie quotidienne, la non-discrimination est une valeur cardinale des services du Gouvernement Princier, a assuré Mme Lanteri. Ainsi, a-t-elle souligné, le code monégasque de déontologie médicale impose-t-il aux professionnels médicaux de respecter l’accessibilité des soins pour tous, quelles que soient leurs origine, appartenance ou non-appartenance à une ethnie, une nation ou une religion déterminée. Dans le domaine de l’éducation également, aucune distinction n’est faite entre les élèves et l’accès gratuit à l’école est assuré sans aucune discrimination sur la base de tels motifs, et il en va de même pour les nombreuses prestations sociales ou financières de la Principauté, a indiqué Mme Lanteri.
Questions et observations des membres du Comité
MME RÉGINE ESSENEME, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport de Monaco, a d’abord relevé que les renseignements fournis par l’État partie n’incluent pas d’informations sur la composition de sa population, ventilées par origine ethnique, tandis que ceux concernant les indicateurs socioéconomiques relatifs à l’éducation et à l’emploi paraissent insuffisants et n’incluent pas non plus la variable ethnique. L’experte a rappelé que le Comité est intéressé par des indicateurs socioéconomiques lui permettant d’évaluer le niveau de vie des différents groupes de population – notamment les nationaux et les non-ressortissants, mais aussi les groupes ethniques – sur les plans de l’éducation, de l’emploi, du logement et de la santé, entre autres, afin de relever des progrès dans la jouissance des droits humains sans discrimination.
Mme Esseneme a ensuite voulu savoir dans combien de cas les dispositions de la Convention avaient été invoquées et directement appliquées par les tribunaux ou par d’autres instances de règlement de litiges à Monaco; si Monaco entendait retirer ses réserves formulées à l’égard des articles 2.1 et 4 de la Convention (concernant les libertés d'opinion et d'expression, de réunion et d'association pacifiques); et en quoi consistaient les « discriminations injustifiées » mentionnées dans le rapport.
Constatant d’autre part que Monaco ne dispose pas d’une législation spécifique en matière de discrimination raciale conforme à l’article premier de la Convention, l’experte a voulu savoir sur quel fondement juridique étaient traités par la justice les cas de discrimination raciale. De 2008 à 2017, a-t-elle fait observer, seuls quinze faits allégués de racisme ont donné lieu à l’ouverture de procédures par la police et, depuis trois ans, quatre faits ont été enregistrés. Mme Esseneme a demandé des précisions sur les faits signalés, à savoir la nature des faits, les auteurs et les victimes ainsi que les suites judiciaires et les réparations accordées.
Mme Esseneme a félicité Monaco de la modification de la loi n°975 portant statut des fonctionnaires – mentionnée par Mme Lanteri – mais a voulu savoir si un fonctionnaire victime de discrimination fondée sur un motif autre que ceux prévus par cette loi pouvait invoquer le même texte pour obtenir réparation. Elle a aussi demandé s’il existait une législation avec des dispositions analogues, reflétant le principe de non-discrimination, applicable dans le secteur privé de l’emploi.
Mme Esseneme a par ailleurs relevé que, selon le [paragraphe 46 du] rapport, des recours civils « seraient ouverts », en vertu de l’article 1229 du Code civil, permettant la réparation qui « découlerait » d’une discrimination. L’experte a voulu savoir si ces recours étaient effectifs.
L’experte a aussi constaté que la loi n°1299 (2005), sur la liberté d’expression publique, punissait des peines prévues par le Code pénal la provocation à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes en raison de plusieurs motifs, parmi lesquels ne figurent pas « la couleur de peau et l’ascendance » mentionnées à l’article premier de la Convention. Mme Esseneme a demandé combien d’affaires relatives aux discours et crimes de haine ont été traitées par les juridictions administratives, civiles et pénales.
Le Comité n’a reçu aucun rapport alternatif de la société civile dans le cadre de l’examen du présent rapport, a d’autre part fait remarquer Mme Esseneme, avant de demander s’il existait des associations travaillant sur les questions de discrimination raciale à Monaco.
L’experte a par ailleurs demandé pour quels motifs le culte des Témoins de Jéhova avait été interdit à Monaco.
Mme Esseneme a d’autre part demandé si l’État monégasque pouvait envisager d’inverser la charge de la preuve en cas de discrimination raciale, qui, en l’état actuel, incombe à la victime.
Relevant que, selon la Constitution de Monaco, « l'étranger jouit dans la Principauté de tous les droits publics et privés qui ne sont pas formellement réservés aux nationaux », Mme Esseneme a demandé s’il existait une liste des droits dont ne peuvent jouir les non-ressortissants à Monaco. Elle a demandé ce qui était fait pour que la préférence nationale ne soit pas une source d’injustice et de discrimination pour les non-ressortissants, particulièrement dans les services sociaux de base, et pour que l’application du principe de la priorité d’emploi pour les Monégasques ne conduise pas à des cas de discrimination à l’embauche.
Mme Esseneme a par ailleurs relevé des cas de licenciements sans motif préalable et valable d’étrangers ensuite remplacés par des nationaux. Cette pratique est favorisée par le fait que l’employeur n’est pas tenu de justifier le remplacement d’un contrat par un autre ni de justifier le licenciement, le caractère discriminatoire ou arbitraire de ceci ne pouvant par conséquent être prouvé.
Toujours selon la Constitution, l’assistance sociale et la gratuité de l’instruction primaire et secondaire sont des droits exclusivement reconnus aux nationaux : cette disposition est contraire à la Déclaration universelle des droits de l’homme et à l’article 5 de de la Convention, a également fait remarquer l’experte. Étant donné que les nationaux ne représentent que 22,5% de la population, a-t-elle ajouté, la question se pose de savoir quelles dispositions sont prises pour que les non-ressortissants aient accès aux services sociaux de base sans discrimination.
Plusieurs autres questions de l’experte ont porté sur l’accès des non-ressortissants au regroupement familial, au logement et à l’enseignement gratuit, de même que sur l’intégration des migrants, refugiés et demandeurs d’asile dans la société monégasque. Elle a également demandé si Monaco avait ratifié la Convention n°111 de l’Organisation internationale du Travail, concernant la discrimination en matière d’emploi et de profession, ainsi que la Charte sociale européenne.
M. JIAN GUAN, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport de Monaco, a voulu savoir si Monaco entendait adopter un plan d’action national visant à lutter contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, et s’est enquis des activités menées par la Principauté pendant la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine.
L’expert a par ailleurs insisté sur le fait que l’adoption d’un cadre législatif dans le domaine de la discrimination, y compris pour ce qui concerne la discrimination raciale, permettrait à Monaco de prévenir ce type de discrimination et de mieux en protéger les victimes.
Il convient de saluer les efforts de l'État partie pour améliorer les compétences et les fonctions du Haut-Commissariat à la protection des droits, des libertés et à la médiation, a par ailleurs estimé M. Guan. Toutefois, a-t-il ajouté, le prestige et les fonctions que cette institution possède sont encore faibles par rapport aux « Principes de Paris », en particulier en ce qui concerne le statut d'indépendance totale qui devrait lui être conféré en vertu desdits Principes, y compris le pouvoir d'enquêter sur les affaires, la représentation en cas de procédures devant les tribunaux et la publication de statistiques sur le nombre de délits racistes, xénophobes signalés à la police.
M. Guan a demandé combien de cas de discrimination raciale et d’infractions connexes ont été dénoncés auprès d’instances judiciaires ou de toute autre institution nationale, y compris le Haut-Commissariat susmentionné ; il s’est en outre enquis des résultats des enquêtes menées, des sanctions imposées, ainsi que des réparations accordées aux victimes. L’expert a aussi voulu savoir quels recours administratifs et judiciaires étaient disponibles pour dénoncer les cas de discrimination raciale, et quelles mesures étaient prises pour sensibiliser la population de Monaco aux droits qui lui sont reconnus par la Convention et aux recours dont elle dispose.
M. Guan a indiqué que le Comité était saisi d’allégations de contrôles au faciès lors de rassemblements dans le cadre de grands événements (rallye automobile, par exemple) et de plusieurs cas de personnes d'ascendance africaine ou d’origine asiatique qui auraient essuyé des propos désobligeants ou insultants à connotation raciste, parfois combinés à un refus d’accès ou à un autre traitement discriminatoire dans des lieux ouverts au public, sans que les victimes ne portent plainte. L’expert a demandé ce qui était fait pour prévenir et interdire expressément le profilage racial par les policiers.
M. Guan a par ailleurs remarqué qu’une nouvelle loi avait été adoptée en décembre 2021 pour repousser à vingt ans d’union – contre dix auparavant – le délai de transmission de la nationalité par voie de mariage. Il s’est interrogé sur le sens à donner aux mots « moralité » et « situation » figurant à l’article 5 de la loi relative à la nationalité, qui stipule que la naturalisation est accordée par ordonnance souveraine « après enquête sur la moralité et la situation du postulant ».
Selon certaines informations, a poursuivi l’expert, si la présence de migrants en situation irrégulière à Monaco semble marginale, ce serait parce qu’un nombre important d’étrangers vivraient dans les pays voisins et travailleraient à Monaco sans y être déclarés. Actuellement, aucun texte adopté au niveau national n’encadre le traitement des demandes d’asile et toutes les demandes, fort peu nombreuses, sont traitées par les services du Ministre d’État, a relevé M. Guan. Il a demandé si Monaco entendait adopter un cadre législatif relatif à la protection des réfugiés et des demandeurs d’asile qui intègre les principes de non-refoulement et de non-discrimination et prévoie une procédure de détermination du statut de réfugié.
Enfin, M. Guan a rappelé que la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) avait recommandé aux autorités monégasques d’abroger les dispositions prévoyant que doivent siéger au sein des organes des syndicats et de leurs fédérations une majorité de ressortissants monégasques et français.
D’autres questions ou préoccupations des membres du Comité ont porté sur les modalités de l’assistance juridique offerte aux justiciables, ainsi que sur la lutte contre la traite des êtres humains à Monaco. Sur ce dernier point, M. Guan a recommandé que l’État partie incrimine la traite dans le Code pénal et non par le seul biais d’une Ordonnance souveraine.
Réponses de la délégation
La délégation a indiqué que les traités internationaux occupaient la deuxième place dans l’ ordre juridique monégasque : après sa ratification, le traité sera introduit dans l’ordre juridique interne par une Ordonnance souveraine et pourra ensuite être invoqué devant les tribunaux, a-t-elle expliqué.
La délégation a dit ne pas avoir connaissance d’affaire dans laquelle la Convention aurait été invoquée.
Elle a décrit les formations qui sont dispensées aux magistrats concernant l’application de la Convention.
Il n’est pas envisagé de lever les réserves apportées par Monaco à la Convention, dans le contexte de la priorité donnée aux nationaux, a d’autre part indiqué la délégation. L’intention n’est pas discriminatoire, mais s’explique par la volonté de tenir compte du fait que les Monégasques sont minoritaires dans leur pays, a-t-elle expliqué.
La délégation a par la suite précisé qu’à Monaco, la priorité à l’emploi était appliquée de manière souple et ne signifiait pas « droit à l’emploi », même pour une personne monégasque. Constante, la jurisprudence exige à cet égard un emploi vacant et un candidat monégasque disposant des compétences requises. La jurisprudence condamne, de même, les licenciements abusifs, a ajouté la délégation.
Monaco n’est pas membre de l’Organisation internationale du Travail, a par ailleurs rappelé la délégation.
Une Ordonnance souveraine viendra bientôt doter Monaco d’une définition de la discrimination directe et indirecte conforme aux vœux du Comité, a ajouté la délégation.
S’agissant des droits des non-ressortissants, la délégation a indiqué que le Tribunal suprême avait, par plusieurs décisions, confirmé que les étrangers bénéficient des droits essentiels dans la Principauté, y compris le droit d’ester en justice ; d’autres instances ont réaffirmé pour leur part l’obligation de respecter les principes d’égalité et de non-discrimination dans les relations de travail.
En matière de prestation sociales, lorsque des personnes qui résident depuis moins de cinq ans à Monaco ont besoin de soutien, elles sont dirigées vers des structures associatives telles que la Croix-Rouge, a d’autre part indiqué la délégation. Une aide médicale d’urgence peut être accordée aux personnes vivant à Monaco depuis moins de cinq ans, a-t-elle poursuivi. En cas de nécessité, les services d’urgence de l’hôpital restent ouverts sans restriction, a précisé la délégation.
Quant à l’éducation, elle est obligatoire et gratuite dans les établissements publics pour tous les enfants vivant à Monaco, ressortissants ou non, a assuré la délégation. Elle a précisé que l’on comptait quelque 5600 élèves à Monaco, dont 4350 fréquentent l’école publique. Deux élèves sur dix sont monégasques et trois enfants sur dix ont des parents ne résidant pas à Monaco. L’école est ainsi ouverte et inclusive, a affirmé la délégation.
De plus, a poursuivi la délégation, le Gouvernement princier applique depuis peu, avec la Croix-Rouge, des dispositifs particuliers au profit de la couverture maladie, de l’aide sociale et de l’éducation des migrants venant d’Ukraine et de leurs enfants. Une structure d’accueil a été ouverte pour l’accueil de migrants mineurs isolés, a indiqué la délégation.
La notion du regroupement familial en tant que telle n’est pas consacrée dans la loi monégasque ; mais, en pratique, le lien familial est pris en compte dans l’examen des demandes de permis de séjour et une personne résidant à Monaco peut y faire venir sa famille, a-t-il été précisé.
La délégation a indiqué que le régime de collecte des statistiques permettait de ventiler les données en fonction du sexe et de la nationalité, mais pas du genre, de l’orientation sexuelle ni de l’origine ethnique des individus. Étant donné la taille réduite de la population monégasque, les statistiques sont inopérantes et ce sont avant tout les services d’emploi et de santé qui peuvent identifier les difficultés rencontrées par des personnes ou de petits groupes de personnes, a fait remarquer la délégation. Ces services sont formés pour faire remonter au Gouvernement l’ensemble des situations critiques qui nécessitent une intervention, a-t-elle expliqué.
Dans la fonction publique, les fonctionnaires ne peuvent faire l’objet de discrimination en fonction de leur origine ethnique. La loi prévoit que le dossier individuel de chaque fonctionnaire ne peut contenir aucune information sur son origine ethnique ou raciale, entre autres, a souligné la délégation.
Dans le secteur privé, le principe de salaire égal pour un travail égal s’applique à tous, a poursuivi la délégation.
Le principe de non-discrimination dans l’exercice de la profession de sage-femme a été introduit récemment, les patients devant être traités sans discrimination, a ajouté la délégation.
Dans le domaine du sport, le Code pénal sanctionne le fait de porter lors d’une manifestation publique des insignes rappelant une idéologie raciste, a également souligné la délégation.
La loi réprime pénalement les discours de haine raciale ainsi que la diffamation ou l’injure à l’encontre d’une personne en fonction de son origine ou de sa religion, a poursuivi la délégation. Les éditeurs et directeurs de publication peuvent être mis en cause, a-t-elle précisé, ajoutant que le motif raciste constitue désormais une circonstance aggravante de l’injure et de la diffamation publiques et non publiques.
En 2015, les Témoins de Jéhova à Monaco se sont constitués en association dont ils ont demandé la reconnaissance aux autorités. Les autorités ont, dans un premier temps, refusé cette reconnaissance, redoutant le caractère sectaire de ce mouvement. Après décision du tribunal suprême, l’association a toutefois été reconnue en 2022, a fait savoir la délégation.
Toute personne qui s’estime victime de discrimination directe ou indirecte peut saisir la justice. Une plainte pour injure avec circonstance aggravante de racisme est parvenue au parquet en 2024 ; cette plainte a été classée, a indiqué la délégation. Deux plaintes ont été reçues en 2022 pour infraction à caractère raciste : une a été classée et une est toujours sous instruction, a par la suite ajouté la délégation.
La délégation a d’autre part fourni des explications au sujet du mandat et du fonctionnement du Haut-Commissariat à la protection des droits, des libertés et à la médiation , précisant notamment que cette instance ne recevait aucune instruction de la part du Gouvernement. La délégation a par ailleurs souligné que, depuis 2024, toute référence à des « discriminations injustifiées » avait été supprimée de l’Ordonnance souveraine relative au mandat de Haut-Commissaire à la protection des droits, des libertés et à la médiation. Le Haut-Commissaire peut requérir des informations nécessaires à l’accomplissement de sa mission et être saisi de toute question relevant de la protection des droits des administrés. Il peut également mener des travaux d’étude et de recherche en lien avec la lutte contre les discriminations et les droits de l’enfant.
Avec la refonte en cours, le Haut-Commissaire pourra certainement rejoindre l’Alliance mondiale des institutions nationales de droits de l’homme dans l’année qui vient, a estimé la délégation.
Le Haut-Commissaire saisi d’un fait de discrimination raciale est autorisé à saisir le procureur de la République, a-t-il par ailleurs été souligné.
Concernant l’accès à la justice, la délégation a précisé que les victimes d’incitation à la haine peuvent citer les responsables devant les tribunaux compétents. En cas de diffamation ou injure envers une personne pour un motif raciste, le parquet peut déclencher une action d’office. Les associations peuvent aussi dénoncer à la justice des atteintes à l’honneur d’un groupe de population. Une Association pour les victimes d’infractions pénales informe les personnes concernées de leurs droits et les accompagne pendant la procédure, a ajouté la délégation.
La délégation a aussi précisé que des recours civils étaient ouverts pour des faits de discrimination qui entraîneraient des préjudices, et qu’il n’était pas prévu de renverser la charge de la preuve dans le cas d’une infraction raciste.
L’assistance judiciaire couvre également la phase d’application de la décision de justice, a-t-il d’autre part été précisé.
Répondant aux questions sur le profilage racial, la délégation a indiqué qu’il était interdit d’utiliser des données obtenues de manière automatique contenant des renseignements relatifs à l’appartenance raciale. De plus, la police est dotée d’un code de déontologie qui l’oblige à accorder la même attention et le même respect à toutes les personnes. L’Inspection générale des services de police veille au respect de la déontologie policière ; aucune plainte pour des faits à connotation raciste susceptibles d’avoir été commis par un agent des forces de l’ordre n’a été portée à son attention, a fait savoir la délégation.
Policiers et officiers de police suivent une formation à l’éthique policière sur deux ans, a-t-il été précisé. Cette formation porte aussi sur les droits de l’homme, ainsi que sur la manière, pour les policiers, de gérer leurs rapports avec les usagers.
Le tissu associatif est très dense à Monaco et il est entendu par les autorités, a assuré la délégation. A récemment été créée une association consacrée aux droits des LGBTIQ+, a-t-elle souligné. La question de la discrimination raciale n’apparaît pas dans les rapports de la société civile, a fait observer la délégation.
La délégation a d’autre part fait état d’une réflexion en cours, depuis plusieurs mois, au sujet de la liberté syndicale à Monaco, visant en particulier une plus grande ouverture des fonctions de direction des syndicats aux personnes étrangères vivant à Monaco.
Les conditions d’acquisition de la nationalité monégasque par le mariage ont été modifiées de manière à unifier les critères applicables aux deux sexes ; la loi monégasque admet la double nationalité en cas d’acquisition par mariage, a précisé la délégation. La nationalité peut aussi être octroyée après une requête en naturalisation impliquant une « enquête sur la moralité et la situation du postulant », la double nationalité n’étant pas admise dans ce cas de figure, a-t-elle indiqué, avant de préciser que l’enquête a alors pour but de vérifier que l’intéressé n’a pas été condamné ni fait l’objet de poursuites judiciaires à Monaco ou à l’étranger.
La délégation a assuré entendre la recommandation de M. Guan (ndlr : voir plus haut) relative à la lutte contre la traite des êtres humains . Elle a toutefois précisé que le Code pénal et les Ordonnances souveraines se situaient au même niveau dans la hiérarchie des lois à Monaco. Le pays n’est pas confronté au problème de la traite, mais plutôt à des situations de défaut de permis de travail, a d’autre part indiqué la délégation.
Monaco n’applique pas de plan spécifique en lien avec la Déclaration et le Programme d’action de Durban, mais applique un programme de sensibilisation aux droits de l’homme et à la lutte contre le racisme, la xénophobie et l’antisémitisme, a par ailleurs fait savoir la délégation.
La délégation a répondu à d’ autres questions des experts portant sur les enseignements aux droits de l’homme, la lutte contre le harcèlement à l’école, la répression de la violence à l’égard des femmes ou encore la prévention de l’apatridie à Monaco.
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