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Premier examen de la Côte d’Ivoire au Comité contre la torture : des experts évoquent les conditions de détention dans les prisons ivoiriennes et des allégations d’acte de torture et mauvais traitement commis par les forces de police et de sécurité

Compte rendu de séance

 

Le Comité contre la torture a examiné, hier matin et cet après-midi, le rapport initial présenté par la Côte d’Ivoire au titre de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradant.

Au cours du dialogue noué entre les experts membres du Comité et une délégation conduite par M. Zirignon Constant Delbe, Directeur des droits de l'homme au Ministère de la justice et des droits de l'homme de la Côte d’Ivoire, un expert a fait observer que, compte tenu du contexte du pays, qui a enduré plusieurs crises caractérisées par des violations graves et systématiques, y compris des actes de torture et mauvais traitement, le retard de vingt-huit ans dans la remise du rapport était regrettable.

L’expert a aussi estimé que la définition de la torture prévue dans la loi ivoirienne n’était pas totalement conforme aux dispositions de l’article premier de la Convention. Il a fait remarquer que, dans le droit pénal ivoirien, les actes de torture sont considérés des délits pour les personnes privées et comme des crimes avec circonstances aggravantes pour les agents publics. Or, les mêmes peines devraient être prescrites pour tous les auteurs, a-t-il relevé. Il s’est aussi inquiété que les dispositions du droit pénal ne prévoient aucune disposition spécifique concernant l’imprescriptibilité des actes de torture.

L’expert a ensuite mentionné des sources qui confirment de nombreuses allégations d’actes de torture et mauvais traitements commis par des forces de police et de sécurité, allégations qui ne font pas l’objet d’enquêtes et demeurent impunies, y compris les crimes commis lors des crises ivoiriennes successives, a-t-il regretté. Des préoccupations ont été exprimées s’agissant de l’utilisation de lieux officieux de détention au secret, y compris des locaux de la Direction de la surveillance du territoire, dans lesquelles des actes de torture auraient été commis.

Un autre expert a mentionné de « graves problèmes de surpopulation carcérale », ayant notamment un impact important sur l’accès à la santé. Il a constaté que les mesures prises contre cette surpopulation, comme la mise en œuvre de peines alternatives à la privation de liberté, n’ont pas porté leurs fruits. Il a relevé les conditions très difficiles de vie dans les prisons, avec des détenus qui dorment par terre ou encore l’absence de ventilation ou de place suffisante pour dormir.

S’agissant des violences commises en 2010 et 2011, cet expert a rappelé que les autorités avaient promis de prendre des mesures pour lutter contre l’impunité et que les victimes obtiendraient réparation, avec notamment la création du Commission nationale de réconciliation. Il a regretté que les autorités semblaient avoir abandonné l’idée de poursuivre les auteurs d’actes de torture.

Présentant le rapport de son pays, M. Delbe a déclaré qu’après avoir accusé un grand retard pour la présentation de ce rapport initial, son pays se réjouissait de remédier à cette situation et de jeter les bases d’une coopération plus soutenue avec les différents organes des traités par la soumission régulière de ses rapports.

Présentant ensuite les développements les plus récents et importants intervenus après le dépôt du rapport, M. Delbe a souligné que le Code pénal avait été modifié pour assortir la torture d’une peine criminelle de dix à vingt ans d’emprisonnement et d’une amende de 500 000 à cinq millions de francs CFA. La peine est désormais l’emprisonnement à vie, notamment lorsque l’auteur de ce crime est un agent public, a-t-il précisé.

M. Delbe a souligné qu’une autre modification du Code pénal empêchait que la garde à vue d’un mineur n’excède quarante-huit heures, avec une prolongation de vingt-quatre heures, sauf en matière criminelle sur autorisation du Procureur de la République.

En dépit des efforts consentis, a souligné M. Delbe, la Côte d’Ivoire reste confrontée à de nombreux défis qu’elle entend relever en vue du plein exercice des droits de l’homme par toutes les personnes relevant de sa juridiction, en particulier l’amélioration de la régulation des institutions judiciaires et le renforcement des infrastructures pénitentiaires et l’amélioration des conditions de vie des détenus. C’est pourquoi, a dit M. Delbe, le Gouvernement ivoirien appelle tout le système de promotion et de protection des droits de l’homme des Nations Unies, ainsi que les partenaires multilatéraux et bilatéraux, à appuyer ses efforts pour relever ces défis.

La délégation ivoirienne était aussi composée de M. Lambert Allou Yao, Représentant permanent adjoint de la Côte d’Ivoire auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que d’autres représentants des Ministères des affaires étrangères et de la justice.

Pendant le dialogue avec le Comité, la délégation a présenté, notamment, les mesures prises pour remédier à la surpopulation carcérale et améliorer la situation des personnes privées de liberté. Elle a par ailleurs assuré que des enquêtes étaient ouvertes dès qu’il y a une allégation de torture ou de mauvais traitements et, s’agissant de la définition de la torture, que la législation incriminait tout acte de torture commis par un agent de l’état.

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport de la Côte d’Ivoire et les rendra publiques à l’issue de sa session, le 26 juillet prochain.

 

Le Comité achèvera demain matin à 10 heures l’examen du rapport de la Türkiye entamé ce matin.

 

Examen du rapport de la Côte d’Ivoire

Le Comité est saisi du rapport initial de la Côte d’Ivoire (CAT/C/CIV/1), établi sur la base d’une liste de points à traiter qui avait été soumise par le Comité.

Présentation

M. ZIRIGNON CONSTANT DELBE, Directeur des droits de l'homme au Ministère de la justice et des droits de l'homme de la Côte d’Ivoire, chef de la délégation ivoirienne, a déclaré qu’après avoir accusé un grand retard pour la présentation de ce rapport initial, son pays se réjouissait de remédier à cette situation et de jeter les bases d’une coopération plus soutenue avec les différents organes des traités par la soumission régulière de ses rapports.

Présentant ensuite les développements les plus récents et importants intervenus après le dépôt du rapport, M. Delbe a souligné que le Code pénal avait été modifié pour assortir la torture d’une peine criminelle de dix à vingt ans d’emprisonnement et d’une amende de 500 000 à cinq millions de francs CFA. La peine est désormais l’emprisonnement à vie, notamment lorsque l’auteur de ce crime est un agent public, a-t-il précisé.

M. Delbe a souligné qu’une autre modification du Code pénal empêchait que la garde à vue d’un mineur n’excède quarante-huit heures, avec une prolongation de vingt-quatre heures, sauf en matière criminelle sur autorisation du Procureur de la République.

Par ailleurs, M. Delbe a mentionné la loi de 2024 relative à l’extradition qui prévoit que « l’extradition n’est pas accordée lorsque la personne réclamée a été ou serait soumise, dans l’État requérant, à des tortures et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ou lorsqu’il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être victime d’une disparition forcée ou de tout autre acte prohibé par le droit international ». La Côte d’Ivoire s’est également dotée de la loi de 2023 portant statut de réfugié qui prévoit explicitement le principe de non-refoulement, a relevé le chef de délégation.

En outre, le 10 juillet 2024, le Gouvernement a adopté un décret portant création de la section antiterroriste du Tribunal de première instance d’Abidjan, a poursuivi M. Delbe. Cette section comprend une formation d’enquête et de poursuite, une formation d’instruction et une chambre de jugement, renforcées et réaménagées pour prévenir et lutter contre le terrorisme et les infractions connexes sur l’ensemble du territoire, a-t-il précisé.

M. Delbe a ensuite indiqué que son pays avait ratifié le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, sur l’abolition de la peine de mort, et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

En dépit des efforts consentis, a souligné M. Delbe, la Côte d’Ivoire reste confrontée à de nombreux défis qu’elle entend relever en vue du plein exercice des droits de l’homme par toutes les personnes relevant de sa juridiction. Il s’agit notamment du renforcement de la coopération avec les systèmes international et régional de protection des droits de l’homme pour la soumission des rapports dus aux organes des traités ; de l’amélioration de la régulation des institutions judiciaires ; du renforcement des capacités opérationnelles du système judiciaire ; du renforcement des infrastructures pénitentiaires et l’amélioration des conditions de vie des détenus ; ou encore de l’application plus systématique des mesures alternatives à la détention.

C’est pourquoi, a dit M. Delbe, le Gouvernement ivoirien appelle tout le système de promotion et de protection des droits de l’homme des Nations Unies, ainsi que les partenaires multilatéraux et bilatéraux, à appuyer ses efforts pour relever ces défis.

Questions et observations des membres du Comité

M. ABDERRAZAK ROUWANE, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport de la Côte d’Ivoire, a regretté que la délégation ne représente pas l’ensemble des services les plus pertinents de l’État s’agissant de la lutte contre la torture, notamment les services pénitentiaires et le Ministère de l’intérieur.

Compte tenu du contexte de la Côte d’Ivoire qui, a ensuite relevé M. Rouwane, a enduré plusieurs crises caractérisées par des violations graves et systématiques, y compris des actes de torture et mauvais traitement, le retard de 28 ans dans la remise du rapport est regrettable. L’expert a souhaité que l’examen de ce jour permette d’engager une interaction basée non seulement sur un dialogue franc et constructif, mais aussi sur le respect de la périodicité de la soumission des rapports et par conséquent des examens.

L’expert a par ailleurs relevé que, ces dernières années, plusieurs avancées au niveau constitutionnel, législatif et institutionnel visant la criminalisation de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants avaient été enregistrées, en particulier la loi du 26 juin 2019 portant le Code pénal dont certaines dispositions concernent la torture.

M. Rouwane a aussi relevé que si la prohibition de la torture a bien été introduite dans la Constitution de 2000, puis réaffirmée dans celle de 2016, il a fallu attendre jusqu’à 2019 pour adopter la loi érigeant la torture et les mauvais traitements en infraction autonome. Dans ce contexte, l’expert a estimé que la définition de la torture prévue dans la loi n’était pas totalement conforme aux dispositions de l’article premier de la Convention. 

L’expert a fait remarquer que, dans le droit pénal ivoirien, les actes de torture sont considérés des délits pour les personnes privées et comme des crimes avec circonstances aggravantes pour les agents publics. Or, les mêmes peines devraient être prescrites pour tous les auteurs, a relevé M. Rouwane. Il s’est aussi inquiété que les dispositions du droit pénal ne prévoient aucune disposition spécifique concernant l’imprescriptibilité des actes de torture.

L’expert a par ailleurs noté que le rapport reconnaît que la législation ivoirienne actuelle ne fait pas des actes de torture des infractions auxquelles s’applique la compétence universelle.

Le Comité, a ajouté M. Rouwane, est informé que des aveux obtenus sous la torture auraient été utilisées contre six personnes contraintes de signer un document, sans pouvoir le lire, après avoir été victimes d’actes de torture au moyen de câbles électriques, pistolets paralysants et machettes dans les locaux de la Direction de la surveillance du territoire (DST).

L’expert a aussi relevé que plusieurs rapports et sources, y compris l’institution nationale des droits de l’homme, indiquent que les garanties fondamentales ne sont pas toujours respectées, avec en particulier plusieurs cas de détention en garde-à-vue au-delà des délais légaux. Il a rappelé que le Comité des droits de l’homme avait soulevé sa préoccupation en 2015 concernant la durée excessive de la détention préventive, allant jusqu’à plusieurs années au-delà du délai légal, pour un nombre très élevé de personnes. Il s’est inquiété que les dispositions de la loi de 2015 portant répression du terrorisme dérogent aux garanties juridiques ordinaires, y compris concernant les délais de garde à vue.

S’agissant de l’application du principe de non-refoulement, l’expert a indiqué que même si l’on peut comprendre les préoccupations quant à l'arrivée d’un grand nombre de réfugiés qui pourrait entraver, selon le Gouvernement, les efforts de développement dans le nord et risquer l’infiltration d'éléments terroristes, le Comité souhaite exprimer ses préoccupations par rapport à des informations reçues qui indiquent une volonté de restreindre l’accueil des réfugiés.

M. Rouwane a ensuite mentionné différentes sources qui confirment de nombreuses allégations d’actes de torture et mauvais traitements commis par des forces de police et de sécurité, allégations qui ne font pas l’objet d’enquêtes et demeurent impunies, y compris les crimes commis lors des crises ivoiriennes successives. Cette situation serait due, en partie, à l’inexistence de mécanisme indépendant et efficace chargé de recevoir et d’enquêter sur les allégations de torture par les forces de police et de sécurité, a dit M. Rouwane.

M. Rouwane a ensuite fait part de préoccupations du Comité concernant l’absence d’indépendance du pouvoir judiciaire en Côte d’Ivoire du fait « d’immixtions du pouvoir exécutif dans le fonctionnement de la justice », comme exprimé par le Comité des droits de l’homme en 2015.

L’expert a en outre relevé que la Côte d’Ivoire a ratifié le Protocole facultatif à la Convention en 2023, en vertu duquel un mécanisme national de prévention devrait être créé dans un délai d’un an ; mais, a-t-il rappelé, à ce jour, ce mécanisme n’a pas été désigné, alors que le délai du 31 mars 2024 a été dépassé. M. Rouwane a demandé si le Conseil national des droits de l’homme effectuait des visites dans tous les lieux de privation de liberté, y compris les chambres de sureté et les lieux tenus par les services de la DST.

Enfin, M. Rouwane a regretté le manque de données statistiques s’agissant des réparations et compensations pour les victimes de torture et de mauvais traitement.

M. TODD BUCHWALD, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport de la Côte d’Ivoire, a déclaré qu’il y avait beaucoup de raisons d’être optimiste s’agissant de la situation en Côte d’Ivoire, citant notamment les nouvelles lois pour lutter contre la torture et l’adoption d’une nouvelle Constitution. Il a demandé à la délégation quels défis demeuraient en Côte d’Ivoire pour la mise en œuvre de la Convention.

L’expert a mentionné de « graves problèmes de surpopulation carcérale », ayant notamment un impact important sur l’accès à la santé. Il a constaté que les mesures prises contre cette surpopulation, comme la mise en œuvre de peines alternatives à la privation de liberté, n’ont pas porté leurs fruits. Il a relevé les conditions très difficiles de vie dans les prisons avec des détenus qui dorment par terre, l’absence de ventilation ou de place suffisante pour dormir. L’expert a demandé quel était l’impact du recours à la détention provisoire sur la surpopulation carcérale et quelle proportion de personnes en détention provisoire n’est pas condamnée finalement.

M. Buchwald a aussi souhaité connaître les conséquences de la surpopulation carcérale sur la propagation des maladies infectieuses. Il a mentionné le fait que les détenus ne bénéficient pas d’un examen de santé automatiquement à leur entrée dans un centre détention. Il a déploré que, dans certaines prisons, détenus mineurs et majeurs soient mélangés. L’expert a souhaité savoir ce qui était fait pour réduire le grand nombre de mineurs en détention provisoire.

M. Buchwald a par ailleurs déploré qu’aucune enquête approfondie et impartiale n’ait été menée sur les 1286 personnes décédées en prison entre 2017 et 2021.

L’expert s’est enquis des recours des détenus contre l’emploi excessif de la force par les autorités pénitentiaires. Il a aussi demandé comment étaient octroyés les droits de visite aux organisations non gouvernementales dans les prisons. Certaines organisations, a signalé l’expert, indiquent subir des restrictions lors de ces visites.

L’expert s’est inquiété de l’utilisation de lieux officieux de détention au secret, y compris des locaux de la DST, dans lesquelles des actes de torture auraient été commis. Il a demandé combien de visites avait effectuées le Procureur au sein des locaux de la DST ces dernières années.

S’agissant des violences commises en 2010 et 2011, M. Buchwald a rappelé que les autorités avaient promis de prendre des mesures pour lutter contre l’impunité et que les victimes obtiendraient réparation, avec notamment la création du Commission nationale de réconciliation. Il a demandé si cet engagement était sincère, et estimé que les autorités semblaient avoir abandonné l’idée de poursuivre les auteurs d’actes de torture.

L’expert a demandé quelles garanties permettaient d’éviter que les lois contre le terrorisme ne soient utilisées contre les défenseurs des droits de l’homme, étant donné, a ajouté M. Buchwald, que ces législations sont très vagues.

Réponses de la délégation

La délégation a assuré que son pays regrettait le retard dans la remise du rapport initial en vue de cet examen. Elle s’est aussi dit désolée de l’absence de représentation de certains services au sein de la délégation. Elle a néanmoins assuré que le travail présenté durant cet examen était le fruit d’une coopération entre toutes les entités qui travaillent en Côte d’Ivoire dans la lutte contre la torture.

S’agissant de la définition de la torture, la délégation a estimé que celle donnée par la législation ivoirienne était de portée plus large que celle de la Convention, dont l’entrée en vigueur remonte à plusieurs décennies. La législation ivoirienne ne banalise en aucun cas les actes de torture commis par les acteurs étatiques et les actes de ces acteurs tombent sous le coup de la loi, a insisté la délégation. Elle a expliqué que la Côte d’Ivoire s’est basée sur la définition de la torture telle qu’énoncée par la Cour pénale internationale.

La délégation a indiqué que la personne qui donne l’ordre de commettre un acte de torture est tenue comme responsable de l’acte donné ainsi que son complice.

S’agissant des peines applicables aux actes la torture, la délégation a indiqué que la Côte d’ivoire avait réformé sa législation pénale de telle sorte qu’aujourd’hui la torture est réprimée par une peine criminelle. Les peines sont appropriées car elles tiennent compte de la gravité des actes de torture, a ajouté la délégation. La délégation a également indiqué que la « tentative de torture » est punie dans le Code pénal.

La délégation a souligné que l’interdiction de la torture est inscrite dans la Constitution. Aucune disposition légale ne peut justifier un acte de torture. Cette interdiction est donc absolue, y compris durant un état d’exception, a insisté la délégation.

La délégation a estimé que la prescription ne faisait pas nécessairement obstacle à la réparation des victimes. La disponibilité des actions en réparation devant la justice civile constitue une réponse appropriée et permet de remédier au fait que la législation ne prévoit pas explicitement l’imprescriptibilité du crime de torture, sauf si cet acte est commis dans le cadre d’un crime contre l’humanité, a dit la délégation.

S’agissant de l’application du principe de non-refoulement, la délégation a indiqué que la législation avait évolué dans ce domaine en 2024 : elle prévoit dorénavant que tout individu ne peut être expulsé s’il y a un risque qu’il subisse la torture ou des mauvais traitements dans son pays de destination ; l’application de ce principe de non-refoulement vaut aussi si un individu risque une condamnation à la peine de mort.

Il a aussi été précisé que les dispositions concernant le principe de non-refoulement étaient applicables à l’ensemble des personnes étrangères, quel que soit leur statut. En l’état, tous les aspects du principe de non-refoulement sont pris en compte, a affirmé la délégation.

S’agissant de l’irrecevabilité des preuves obtenues sous la torture, la délégation a indiqué que les juges ont la charge d’apprécier si les aveux sont obtenus sous la torture et, le cas échéant, de les écarter des débats.

La délégation a affirmé que l’absence de statistiques sur les affaires de torture devant la justice n’équivalait pas à une absence de répression de ces actes. Progressivement, les autorités vont permettre à toutes les juridictions de faire remonter les informations afin de rendre disponibles des statistiques fiables dans ce domaine, a-t-elle précisé.

La délégation a ensuite indiqué que le respect des délais de garde à vue est effectif en Côte d’Ivoire. Toute dérive doit être signalée afin que davantage de mesures de contrôle soient prises, a-t-elle relevé. Dans tous les cas, le Procureur de la République doit être informé dès le début de la garde à vue d’un individu ; et, pour toute demande de prolongation, il doit donner son accord par écrit.

La délégation a également indiqué que le droit à un avocat était effectif en Côte d’Ivoire.

Elle a aussi précisé que les juges d’instruction doivent tenir à jour, tous les mois, la liste des personnes en détention provisoire depuis plus de six mois.

La délégation a aussi relevé que les organisations non gouvernementales ne sont pas restreintes ou menacées dans leur droit de visite des prisons . La seule condition est que l’organisation ait obtenu une autorisation préalable.

Le Conseil national des droits de l’homme, qui visite régulièrement les lieux de détention, réalise des rapports qui sont transmis aux responsables judiciaires. Ce Conseil n’a jamais fait l’objet de menaces, a affirmé la délégation. L’objectif des visites est de prévenir tout acte de torture ou de mauvais traitement dans les centres de détention, a-t-elle précisé. En outre, la délégation a rappelé que cette institution nationale des droits de l’homme était conforme aux Principes de Paris.

La délégation a aussi relevé que pour lutter contre la surpopulation carcérale, de nouvelles prisons ont été ouvertes ces dernières années, à la suite des recommandations du Conseil national des droits de l’homme. Elle a aussi affirmé que des alternatives à la détention étaient appliquées, telles que le sursis, la remise de peine ou la liberté conditionnelle. De plus, les grâces présidentielles ont permis la libération de plus de 11 000 détenus entre 2019 et 2023.

La délégation a aussi présenté une série de mesures prises pour améliorer la situation des personnes privées de liberté et le système pénitentiaire ivoirien. Elle a notamment mentionné le plan de réhabilitation de tous les bâtiments en mauvais état et un arrêté définissant la ration alimentaire quotidienne des détenus. Un plan d’amélioration des conditions de détention est par ailleurs mis en œuvre depuis 2015 et est en cours d’actualisation pour mieux l’adapter aux conditions de vie des détenus.

Par ailleurs, la délégation a précisé que la durée maximale de mise à l’isolement était de 15 jours comme le prévoient les Règles Nelson Mandela. Elle a indiqué que le règlement était le même dans tous les établissements pénitentiaires et souligné que la législation interdisait le placement de mineurs à l’isolement.

La délégation a ensuite indiqué que dans l’ensemble des centres de détention les femmes et les hommes étaient détenus séparés. Le principe de séparation des mineurs et des majeurs est lui aussi respecté, sauf dans certaines prisons, a reconnu la délégation. Elle a indiqué que les personnes handicapées étaient détenues dans les mêmes prisons que les personnes valides.

La délégation a aussi indiqué que des mesures étaient prises pour que les établissements pénitentiaires soient placés sous le contrôle unique des autorités pénitentiaires.

La délégation a aussi précisé que l’application de la législation relative aux interrogatoires faisait l’objet d’un contrôle effectif de la part du Procureur de la République, du Ministère de l’intérieur et du Ministère de la défense. Des sanctions sont prises en cas d’abus, a-t-elle assuré.

La délégation a indiqué que des enquêtes étaient ouvertes dès qu’il y a une allégation de torture ou de mauvais traitements. La délégation a contesté l’affirmation selon laquelle il n’existerait pas de mécanisme indépendant pour connaître des plaintes pour torture, de même que l’affirmation d’un expert selon lequel le Comité des droits de l’homme aurait fait des recommandations en ce sens.

S’agissant de la définition de la torture, la délégation a précisé que la législation incriminait tout acte de torture commis par un agent de l’état. Elle a aussi indiqué que tout détenu avait la possibilité de demander la consultation d’un médecin.

Le processus de création du mécanisme national de prévention est en cours, a poursuivi la délégation. Toutes les parties prenantes, notamment le Conseil national des droits de l’homme et les organisations non gouvernementales, participent à ce processus. Le projet de loi prévoit expressément la possibilité pour le MNP de réaliser des visites inopinées dans tous les centres de détention. Dans ce projet, les lieux de détention sont définis de manière exhaustive. Ainsi, aucun lieu de privation de liberté ne devrait échapper à la vigilance de ce MNP.

S’agissant des visites au sein de la DST, la délégation a relevé que le Procureur de la République a le droit, soit par lui-même, soit par ses adjoints ou ses substituts, de visiter l’ensemble des locaux de la DST. Les organisations non gouvernementales, en revanche, ne sont pas autorisées de réaliser des visites dans ces locaux.

Chaque année, plus de 360 personnes en service dans les établissements pénitentiaires bénéficient d’un renforcement des capacités dans le domaine des droits fondamentaux des détenus en lien avec la prohibition de la torture, a-t-il été précisé.

La délégation a aussi indiqué que la Côte d’Ivoire s’était dotée d’une loi de protection des témoins, des victimes, des dénonciateurs ou d’autres personnes concernées. Cette loi peut être invoquée pour assurer la sécurité d’un détenu qui porterait plainte contre un agent pénitentiaire, par exemple.

S’agissant de l’amnistie et des poursuites des crimes commis lors de la période électorale, la délégation a indiqué que l’ordonnance d’amnistie exclut explicitement les militaires et les groupes armés. De plus, en vertu du Code pénal, les crimes contre l’humanité, le crime de génocide, les crimes de guerre, et les crimes d’agression ne peuvent faire l’objet d’une amnistie. Par ailleurs, la Côte d’Ivoire a adhéré au Statut de Rome, ce qui fait qu’en cas de manquement de l’État, la Cour pénale internationale peut se saisir d’affaires concernant les crimes qu’elle couvre, a précisé la délégation.

Le mécanisme de protection des défenseurs des droits de l’homme est complètement opérationnel, a également relevé la délégation. Le problème est qu’il est méconnu des défenseurs eux-mêmes qui ne recourent pas à ses services, a reconnu la délégation. Des initiatives sont prises pour davantage le faire connaître, a relevé la délégation.

Elle a aussi indiqué que la Côte d’Ivoire ne souhaitait pas prendre à la légère la question de reconnaître la compétence du Comité de recevoir des communications individuelles et que les autorités étaient ouvertes à étudier la question.

La délégation a enfin présenté les grandes lignes de la stratégie de lutte contre les violences faites aux femmes, notamment s’agissant de la prise en charge des victimes.

 

 

 

 

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