Fil d'Ariane
Le Conseil des droits de l’homme est alerté sur le système d'oppression sexiste des Taliban en Afghanistan, ainsi que sur la difficulté d'envisager une amélioration de la situation au Soudan sans un cessez-le-feu immédiat
Le Conseil des droits de l’homme a tenu, en fin de matinée et cet après-midi, un dialogue renforcé autour de la situation des droits de l’homme en Afghanistan, en présence notamment de M. Richard Bennett, Rapporteur spécial sur cette question, avant de dialoguer avec la Mission internationale indépendante d’établissement des faits pour le Soudan, dont les activités ont fait l’objet d’une mise à jour présentée par le Président de la Mission, M. Mohamed Chande Othman.
Dans ses remarques d’introduction au dialogue renforcé sur l’Afghanistan, Mme Nada Al-Nashif, Haute-Commissaire adjointe des Nations Unies aux droits de l'homme, a fait observer que si les autorités afghanes de facto continuent de prétendre que les droits des femmes seront protégés dans le cadre de la charia, au cours de l'année écoulée, des restrictions de plus en plus intrusives ont été appliquées à la vie des femmes et des jeunes filles. L'Afghanistan reste ainsi le seul pays au monde où les filles sont privées d’instruction au-delà du primaire, tandis que les Taliban interdisent aux femmes de travailler pour des organisations internationales, y compris pour les Nations Unies, ainsi qu'à l'extérieur du foyer dans de nombreux secteurs, a mis en garde Mme Al-Nashif.
M. Bennett a pour sa part souligné que le rapport qu’il présentait ce jour concluait que le système institutionnalisé d'oppression sexiste des Taliban, établi et appliqué par le biais de violations des droits fondamentaux des femmes et des filles, était généralisé et systématique, et semblait constituer une attaque contre l'ensemble de la population civile, équivalant à des crimes contre l'humanité. Depuis juin 2023, les autorités de facto ont ainsi publié au moins 52 décrets qui intensifient les restrictions imposées aux femmes et aux jeunes filles afghanes et qui sont appliqués parfois violemment, a fait observer le Rapporteur spécial. Il a recommandé que la communauté internationale évite de normaliser ou de légitimer les autorités afghanes de facto jusqu'à ce qu'il y ait des améliorations démontrées par rapport aux critères des droits de l'homme, en particulier pour les femmes et les filles.
M. Nasir Ahmad Andisha, Représentant permanent de l’Afghanistan auprès des Nations Unies à Genève, a insisté pour que l'apartheid sexiste en Afghanistan soit reconnu comme un crime contre l'humanité. Il a demandé aux États d’éviter de normaliser ou de légitimer les Taliban, en particulier lors de la prochaine conférence de Doha qui se tiendra le 30 juin sous l'égide des Nations Unies.
Le dialogue renforcé a ensuite compté avec les contributions de Leila, jeune Afghane, de Mme Benafsha Yaqoobi, militante des droits des femmes et des personnes handicapées, de Mme Shafiqa Khpalwak, écrivaine et militante des droits de l'homme, et de Lina Tori Jan, militante pour la paix et la sécurité en Afghanistan.
De nombreuses délégations* ont pris part au dialogue renforcé. L’attention du Conseil a été attirée sur les effets dévastateurs des politiques menées par les Taliban au détriment des femmes, en particulier en matière d’accès à l’éducation, à la santé et au travail. D’aucuns ont estimé que la coopération de la communauté internationale avec les autorités afghanes de facto était importante pour éviter l’effondrement du pays et pour y faire avancer les droits humains.
Concernant le Soudan, M. Othman a souligné que, selon les informations recueillies jusqu'à présent, le conflit meurtrier qui a éclaté le 15 avril 2023, principalement entre les Forces armées soudanaises (FAS) et les Forces de soutien rapide (FSR), se poursuivait sans relâche à grande échelle. Ce conflit implique de multiples acteurs à l'intérieur et à l'extérieur du Soudan et s'est propagé de Khartoum et du Darfour à la majeure partie du pays, a indiqué le Président de la Mission, avant de se dire profondément préoccupé par la poursuite des combats, qui ont comme conséquences tragiques d'énormes souffrances pour la population civile. Il a indiqué que la Mission qu’il préside appelait à respecter la résolution 2736 du Conseil de sécurité, qui exige notamment que les FSR mettent fin au siège d'El Fasher.
Pour M. Othman, il est difficile d'envisager une amélioration de la situation des droits de l'homme et de la situation humanitaire au Soudan sans un cessez-le-feu immédiat. Les combats n'ont jamais cessé et se poursuivent aujourd’hui avec la même intensité, a-t-il déploré. Les commandants des parties belligérantes doivent donner des instructions aux forces sous leur contrôle pour qu'elles respectent le droit international humanitaire, conformément à leurs obligations internationales et comme le rappelle la Déclaration de Djeddah, a plaidé M. Othman.
S’exprimant à titre de pays concerné par la voix de son Procureur général, M. Yassir Bashir Elbukhari Suliman, le Soudan a condamné le fait que, depuis leur rébellion en avril 2023, les Forces de soutien rapide rebelles aient attaqué et occupé des biens civils et des maisons de citoyens, ce qui a entraîné le déplacement forcé de plus de 15 millions de personnes à l'intérieur et à l'extérieur du pays. Le Procureur général a exprimé la volonté du Gouvernement de recevoir un soutien technique et logistique s’agissant, notamment, des enquêtes criminelles et de l'application de la loi.
Plusieurs délégations** ont ensuite engagé le dialogue avec la Mission.
Demain matin, à partir de 10 heures, le Conseil achèvera son dialogue avec la Mission internationale indépendante d’établissements des faits pour le Soudan. Il examinera ensuite un rapport de la Commission d’enquête sur le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël.
Dialogue renforcé autour de la situation des droits de l’homme en Afghanistan
Le Conseil est saisi du rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en Afghanistan (A/HRC/56/25), intitulé « Le phénomène du système institutionnalisé de discrimination, de ségrégation, de non-respect de la dignité humaine et d’exclusion visant les femmes et les filles ».
Remarques d’introduction
MME NADA AL-NASHIF, Haute-Commissaire adjointe des Nations Unies aux droits de l'homme, a souligné que ce dialogue serait axé sur le système institutionnalisé de discrimination, de ségrégation, de non-respect de la dignité humaine et d'exclusion des femmes et des jeunes filles en Afghanistan, y compris les effets des politiques des Taliban sur la jouissance des libertés et des droits fondamentaux par les femmes et les jeunes filles. Cette attaque contre les femmes continue d'affecter et de limiter tous leurs droits, y compris le droit à l'éducation, au travail et à l'accès à des voies de recours efficaces en cas d'injustice, de violence et de discrimination, a déploré Mme Al-Nashif.
Bien que les autorités de facto continuent de prétendre que les droits des femmes seront protégés dans le cadre de la charia, au cours de l'année écoulée, des restrictions de plus en plus intrusives ont été appliquées à la vie des femmes et des jeunes filles, a relevé la Haute-Commissaire adjointe. L'Afghanistan reste ainsi le seul pays au monde où les filles sont privées d’instruction au-delà du primaire, tandis que les Taliban interdisent aux femmes de travailler pour des organisations internationales, y compris pour les Nations Unies, ainsi qu'à l'extérieur du foyer dans de nombreux secteurs.
Le Haut-Commissariat reste profondément préoccupé par cet environnement discriminatoire et restrictif, et par ses conséquences sur la santé mentale des femmes et des jeunes filles, comme en témoigne l'augmentation choquante du nombre de suicides au cours de l'année écoulée, a souligné Mme Al-Nashif. Elle a espéré que le présent dialogue aboutirait à un accord sur la nécessité d'une action concertée de la part du Conseil et de la communauté internationale dans son ensemble.
M. RICHARD BENNETT, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en Afghanistan, a précisé que le rapport présenté ce jour s'appuyait sur les conclusions de son rapport conjoint avec le Groupe de travail sur la discrimination à l'égard des femmes et des filles, concernant les politiques discriminatoires et misogynes des Taliban. Après des recherches, des consultations et des analyses approfondies, le rapport conclut que le système institutionnalisé d'oppression sexiste des Taliban, établi et appliqué par le biais de violations des droits fondamentaux des femmes et des filles, est généralisé et systématique, et semble constituer une attaque contre l'ensemble de la population civile, équivalant à des crimes contre l'humanité, a résumé M. Bennett.
Le système de discrimination, de ségrégation, de non-respect de la dignité humaine et d'exclusion mis en place par les Taliban est omniprésent, méthodique et imposé par des décrets, des politiques et des mesures d'application, a poursuivi le Rapporteur spécial. Ce système sanctionne de graves privations de droits fondamentaux, chacune interagissant systématiquement avec les autres, créant ainsi une architecture d'oppression. Depuis juin 2023, les autorités de facto ont ainsi publié au moins 52 décrets qui intensifient les restrictions imposées aux femmes et aux jeunes filles afghanes et qui sont appliqués parfois violemment, a fait observer M. Bennett.
Cette privation institutionnalisée est à l'origine de profonds préjudices sexospécifiques qui s'étendent à l'ensemble de la société afghane et se répercutent sur plusieurs générations. Les femmes et les jeunes filles exclues du système éducatif courent un risque accru de mariage forcé et de servitude pour dettes ; les familles s’enfoncent dans la pauvreté et les cas de dépression et de suicide parmi les femmes et les jeunes filles se sont multipliés, a mis en garde l’expert.
M. Bennett a préconisé d’adopter une approche axée, en particulier, sur l'intégration des droits humains et de la voix des femmes dans les processus politiques et dans l'engagement diplomatique. Il a recommandé, entre autres, que la communauté internationale évite de normaliser ou de légitimer les autorités de facto jusqu'à ce qu'il y ait des améliorations démontrées, mesurables et vérifiées de manière indépendante par rapport aux critères des droits de l'homme, en particulier pour les femmes et les filles.
M. NASIR AHMAD ANDISHA, Représentant permanent de l’Afghanistan auprès des Nations Unies à Genève, a déclaré que comme l'indiquent des rapports crédibles et des témoignages oculaires, l'Afghanistan est tombé dans un état d'obscurité et de répression marqué par des violations graves et systématiques des droits de l'homme fondamentaux. La discrimination et l'exclusion institutionnalisées, ainsi que les cas de torture et de traitements dégradants et inhumains, sont monnaie courante. Il ne fait aucun doute que l'Afghanistan, sous le régime des Taliban, est confronté à l'une des plus graves crises institutionnalisées en matière de droits de l'homme dans le monde, en particulier pour les femmes et les jeunes filles, et que la situation s'aggrave sans cesse, a déploré M. Andisha.
M. Andisha a rappelé qu’en tant que membre des Nations Unies, l'Afghanistan avait des obligations en vertu de la Charte de l’ONU et des traités internationaux qui prévoient l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, la promotion de l'égalité des sexes sur le lieu de travail et la participation des femmes aux processus de paix et de sécurité. Or, la rhétorique et les actions des Taliban contreviennent de manière flagrante à ces obligations, ce qui démontre une discrimination institutionnalisée et l'exclusion des femmes et des filles, a condamné le Représentant permanent.
Comme le souligne le rapport, a poursuivi M. Andisha, les États Membres des Nations Unies doivent éviter de normaliser ou de légitimer les Taliban, y compris lors de la prochaine conférence de Doha, qui se tiendra le 30 juin sous l'égide des Nations Unies. Le Représentant permanent a insisté pour que l'apartheid sexiste soit reconnu comme un crime contre l'humanité et a demandé au Conseil de créer un mécanisme d'enquête indépendant qui reflète la gravité de la situation en Afghanistan.
Leila, une jeune afghane, a témoigné devant le Conseil par message vidéo. Elle a fait part de sa solitude et de sa dépression, seule chez elle. Elle s’est demandé pourquoi cette situation arrivait aux femmes afghanes. Il n’y a pas de pouvoir ou d’injustice qui durent de manière infinie, a-t-elle également relevé. Elle a par ailleurs indiqué ne pas avoir renoncé et ne jamais renoncer à ses droits. Elle a en outre dénoncé le suicide de jeunes filles et de femmes qui n’avaient plus d’espoir en Afghanistan. La plupart des femmes ont perdu tout espoir d’étudier et ont choisi de se marier très tôt, a-t-elle ajouté. Malgré toutes les difficultés qu’elle rencontre, elle a remercié ses parents pour le soutien qu’ils lui apportent et a indiqué vouloir devenir une dirigeante qui porte la voix des femmes afghanes dans le monde. Elle a imploré la communauté internationale de soutenir la situation des femmes et des filles en Afghanistan.
Mme Benafsha Yaqoobi, militante des droits des femmes et des personnes handicapées, a souligné que la deuxième prise de pouvoir des Taliban en Afghanistan avait plongé la nation dans les ténèbres, en particulier pour ce qui concerne les femmes et les filles. L'interprétation de la religion a imposé de sévères restrictions, transformant l'Afghanistan en une vaste prison pour son peuple, en particulier pour les femmes et les filles, a-t-elle poursuivi, avant de souligner que la surveillance des violations des droits de l'homme dans les prisons et dans les centres de détention est devenue terriblement difficile. Depuis près de trois ans, un système d'apartheid sexuel s'est mis en place, avec des impacts intersectionnels de discrimination fondée sur l'ethnicité, la classe, la religion, l'état matrimonial et le handicap, a ajouté Mme Yaqoobi. Les femmes ont cependant le pouvoir de faire en sorte que l’Afghanistan devienne meilleur, a-t-elle rappelé. Mme Yaqoobi a invité la communauté internationale à faire respecter les droits de l’homme dans tous les processus de coopération avec l’Afghanistan.
Mme Shafiqa Khpalwak, poète, écrivaine et militante des droits de l'homme, a déclaré que sous le régime des Taliban, les femmes afghanes sont devenues des créatures sans voix, sans visage et sans nom. Au cours des trois dernières années, les Taliban ont systématiquement institutionnalisé des politiques qui ont dépouillé les femmes de leur identité et de leur dignité, les transformant en « rien ». « En tant que femmes afghanes, il nous est interdit d'être étudiantes, enseignantes, médecins, pilotes, journalistes, juges, politiciennes et bien d'autres choses encore parce que, aux yeux des Taliban, nous ne sommes personne », a-t-elle dénoncé.
Malgré toute cette ségrégation et cette discrimination, les femmes et les hommes afghans saisissent toutes les petites occasions de résister à l'apartheid sexuel en Afghanistan, que ce soit en parlant anonymement aux médias internationaux ou en documentant secrètement les violations des droits de l'homme, a-t-elle souligné.
« Nous luttons pour notre existence et, dans cette lutte, nous nous sentons si seules, si trahies et si abandonnées qu'il nous est parfois presque impossible de garder espoir », a-t-elle déclaré. « N'oubliez pas que toute décision ou tout accord échouera sans la contribution significative des femmes et des filles afghanes. Nous continuons à résister pour nos droits, et nous vous demandons de vous tenir à nos côtés et d'être du bon côté de l'histoire », a conclu Mme Khpalwak.
MME LINA TORI JAN a recommandé que la Cour pénale internationale, qui a ouvert en mars 2020 une enquête officielle sur l'Afghanistan, intègre les femmes et les minorités afghanes dans la collecte des preuves. Elle a regretté que quatre ans après l’ouverture de cette enquête, aucune accusation n'ait encore été portée. Elle a aussi relevé qu’en ratifiant la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes en 2003, l'Afghanistan avait également accepté la compétence de la Cour internationale de Justice pour trancher des litiges. Dans un contexte où les Taliban bafouent cette Convention, Mme Tori Jan a recommandé aux États d’ouvrir des litiges devant la Cour et, le cas échéant, d’en appliquer les arrêts.
Mme Tori Jan a également recommandé aux États de reconnaître et de codifier l'« apartheid des genres » comme un crime au regard du droit international. Des femmes du monde entier et dix États Membres ont déjà exprimé leur soutien à une telle démarche, a-t-elle relevé.
Mme Tori Jan a enfin attiré l’attention des États sur le fait que la reconnaissance et l'engagement sont des notions distinctes : l'engagement avec les autorités de facto, nécessaire à la fourniture de l'aide essentielle, doit se poursuivre ; mais les relations avec le régime de facto ne doivent pas être normalisées, a-t-elle souligné.
Aperçu du débat
L’attention du Conseil a été attirée sur les effets dévastateurs des politiques menées par les Taliban au détriment des femmes, en particulier en matière d’accès à l’éducation, à la santé et au travail. Les politiques et les pratiques des Taliban, décrites dans le rapport du Rapporteur spécial comme un « apartheid des genres », peuvent constituer une persécution systématique des femmes, laquelle est reconnue comme un crime contre l'humanité dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, auquel l'Afghanistan est partie, a-t-il été souligné.
Des préoccupations ont en outre été exprimées s’agissant de discriminations à l’encontre de minorités ethniques et religieuses ainsi que des personnes LGBTIQ, de flagellations en public ou encore d’actes de torture infligés à des personnes en détention en Afghanistan.
Les autorités de facto en Afghanistan devraient revoir leurs actions et prendre des mesures urgentes pour la reprise de l'éducation des femmes et la création de conditions propices à leur travail, conformément aux obligations internationales du pays en matière de droits de l'homme, a-t-il été recommandé. Les autorités ont aussi été appelées à respecter les traités ratifiés par l’Afghanistan, en particulier la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et la Convention relative aux droits de l’enfant. L’interdiction de l’éducation des filles n’a pas de fondement en religion, a insisté une délégation.
La communauté internationale a été appelée par plusieurs intervenants à éviter de normaliser la manière d’agir des Taliban – une manière d’agir qui compromet de manière irréversible l’avenir même des prochaines générations, quel que soit leur genre, ont mis en garde des intervenants.
Certains intervenants ont estimé que la coopération de la communauté internationale avec les autorités afghanes de facto était importante pour éviter l’effondrement du pays et pour y faire avancer les droits humains. D’autres ont pour leur part déploré qu’à Doha et ailleurs, des gouvernements négocient avec les Taliban pour obtenir l'accès au pays et à ses ressources naturelles, qui sont vendues aux enchères pour financer le régime taliban. Plusieurs orateurs ont insisté pour que les femmes et les filles aient la possibilité de s’exprimer dans les pourparlers à Doha.
Par ailleurs, l'importance a été soulignée d'évaluer de manière objective la situation complexe en Afghanistan, sans perdre de vue les contextes historique, sécuritaire, politique, économique et humanitaire. Les sanctions adoptées contre les Taliban aggravent les souffrances du peuple afghan, a déploré un intervenant.
Le Rapporteur spécial a été prié de dire comment la communauté internationale pourrait soutenir la participation pleine, égale et sérieuse des femmes aux délibérations concernant l'avenir de l'Afghanistan ; et comment gérer la menace posée par le terrorisme dans ce pays.
* Liste des intervenants : Finlande (au nom d’un groupe de pays), Canada (au nom d’un groupe de pays), Union européenne, Pakistan (au nom de l’Organisation de la coopération islamique), Liechtenstein, Chili, Koweït, ONU Femmes, Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), Émirats arabes unis, Türkiye, Irlande, Japon, République islamique d’Iran, Sierra Leone, Indonésie, Luxembourg, Israël, Espagne, Allemagne, Pologne, Belgique, Qatar, République tchèque, République de Corée, Italie, Chine, États-Unis, Costa Rica, Fédération de Russie, Malte, Malaisie, Pakistan, Albanie, Bulgarie, Autriche, Suisse, Royaume-Uni, Ghana, Roumanie, République bolivarienne du Venezuela, Afrique du Sud, Inde, Malawi, Monténégro, Mexique, Ukraine, République dominicaine et France.
Plusieurs organisations non gouvernementales ont aussi participé au débat : Forum asiatique pour les droits de l'homme et le développement, Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté, Iran Human Rights Documentation Center, Freedom Now, Madre, Inc., Interfaith International , Afghanistan Democracy and Development Organization, Human Rights Research League, Service international pour les droits de l'homme et Fédération internationale des ligues de droits de l’homme.
Réponses des panélistes
MME TORI JAN a encouragé les États à inclure les femmes et la société civile dans les dialogues autour de l’avenir de l’Afghanistan. Elle a aussi recommandé que le Rapporteur spécial soit invité à Doha pour y présenter les constatations de son rapport.
MME KHPALWAK a insisté sur le fait que l’on ne pouvait ignorer les aspirations des femmes et des filles en matière de participation à la vie en Afghanistan. Elle a recommandé de mettre en place des modalités novatrices d’éducation des filles et d’exercer des pressions sur les Taliban pour que les femmes puissent travailler dans le domaine humanitaire.
MME YAQOOBI a souligné que les discriminations basées sur le genre perdurent en Afghanistan. Les femmes afghanes se tiennent debout grâce à leur propre volonté et à l’appui des personnes qui croient en la valeur des droits humains. Il faut mettre en pratique les marques de solidarité entendues aujourd’hui durant cette séance, a-t-elle plaidé. Les femmes afghanes ont besoin de la solidarité et de l’action de la communauté internationale.
M. ANDISHA a indiqué que l’ampleur des besoins de la population afghane est apparue durant cette session et qu’il y a un consensus international sur cette question. Le statu quo n’est pas tenable, a souligné le Représentant permanent. L’objectif ultime pour l’Afghanistan est d’avoir un pays en paix, tant à l’intérieur de ses frontières qu’avec ses voisins. Il faut que le pays soit pleinement réintégré dans le concert des nations avec la participation des femmes, a insisté M. Andisha.
M. BENNETT a indiqué qu’il fallait davantage de coopération entre le Siège des Nations Unies à New-York et l’Office des Nations Unies à Genève afin que l’Afghanistan reste en haut de l’agenda diplomatique. S’agissant de l’ l’« apartheid des genres », l’expert a indiqué qu’il faut définir cette pratique comme un crime contre l’humanité et une violation des droits des femmes. Il a regretté que les Taliban aient balayé ses recommandations d’un revers de la main. Enfin, M. Bennett a salué le courage de la population afghane et plus particulièrement des femmes. Il faut que la communauté internationale intervienne au nom du peuple afghan, a-t-il conclu.
Dialogue autour de la mise à jour orale de la Mission internationale indépendante d'établissement des faits pour le Soudan
Le Conseil est saisi de la mise à jour orale de la Mission internationale indépendante d’établissement des faits pour le Soudan.
Présentant cette mise à jour, M. Mohamed Chande Othman, Président de la Mission, a déclaré que le Soudan est plongé depuis plus d’un an dans un conflit dévastateur, caractérisé en grande partie par sa nature urbaine et étendue, la population civile étant placée au centre d'une violence extrême. Le mépris flagrant des droits fondamentaux de l'homme et du droit humanitaire a entraîné des meurtres, des pillages, des déplacements massifs, des viols et d'autres formes de violence sexuelle, ainsi qu’une grave crise humanitaire, avec environ 18 millions de personnes en situation d'insécurité alimentaire aiguë et 5 millions de personnes menacées de famine, a-t-il dénoncé.
M. Othman a déploré que la crise de liquidité à laquelle le Secrétariat de l'ONU est confronté et le gel des embauches ont retardé de plusieurs mois la mise en place d'un secrétariat efficace pour les travaux de la Mission, mais s’est dit heureux que le Secrétariat ait enfin commencé ses travaux le mois dernier à Nairobi, au Kenya.
Les informations recueillies jusqu'à présent indiquent que le conflit meurtrier qui a éclaté au Soudan le 15 avril 2023, principalement entre les Forces armées soudanaises (FAS) et les Forces de soutien rapide (FSR), se poursuit sans relâche à grande échelle. Il implique de multiples acteurs à l'intérieur et à l'extérieur du Soudan et s'est propagé de Khartoum et du Darfour à la majeure partie du pays, a observé M. Othman, avant de se dire profondément préoccupé par la poursuite des combats, qui ont comme conséquences tragiques d'énormes souffrances pour la population civile.
La Mission a reçu des informations crédibles faisant état d'attaques aveugles contre des civils et des biens de caractère civil, notamment par des frappes aériennes et des bombardements dans des zones résidentielles densément peuplées, ainsi que par des attaques terrestres contre des civils dans leurs maisons et leurs villages, a poursuivi le Président de la Mission.
M. Othman a indiqué que la Mission appelle à respecter la résolution 2736 du Conseil de sécurité, qui exige que les FSR mettent fin au siège d'El Fasher et appelle à un arrêt immédiat des combats. La Mission appelle aussi tous les États à respecter l'embargo sur les armes imposé par le Conseil de sécurité au Darfour, conformément à sa résolution 1556 (2004). Elle prend en outre note de l'appel lancé par le Procureur de la Cour pénale internationale pour obtenir des informations sur la situation en cours et exhorte toutes les parties à coopérer pleinement avec son bureau.
M. Othman a poursuivi en reconnaissant qu’il est difficile d'envisager une amélioration de la situation des droits de l'homme et de la situation humanitaire au Soudan sans un cessez-le-feu immédiat. Les combats n'ont jamais cessé et se poursuivent aujourd’hui avec la même intensité, a-t-il déploré. Il faut que les commandants des parties belligérantes donnent des instructions aux forces ou aux milices sous leur contrôle pour qu'elles respectent strictement le droit international humanitaire, conformément à leurs obligations internationales, comme le rappelle la Déclaration de Djeddah, a plaidé le Président de la Mission. Les civils doivent être protégés et les attaques contre eux, y compris les meurtres, les pillages, les violences sexuelles et les déplacements forcés, doivent être punies conformément au droit relatif aux droits humains. Les parties belligérantes doivent s'abstenir d'attaquer les travailleurs humanitaires, cesser d'entraver l'acheminement de l'aide et permettre aux travailleurs humanitaires de s'en sortir.
« Le peuple soudanais crie à l'aide pour rétablir sa dignité et ses droits. Ils ont besoin de l'appui de ce Conseil et de l’attention de la communauté internationale », a conclu M. Othman.
Pays concerné
M. YASSIR BASHIR ELBUKHARI SULIMAN, Procureur général de la République du Soudan, a condamné le fait que, depuis leur rébellion en avril 2023, les Forces de soutien rapide rebelles aient attaqué et occupé des biens civils et des maisons de citoyens, ce qui a entraîné le déplacement forcé de plus de 15 millions de personnes à l'intérieur et à l'extérieur du pays. Plus de mille mosquées et 51 églises ont été profanées, et plus de 120 hôpitaux mis hors service en raison de leur utilisation comme casernes militaires par les forces rebelles, outre le pillage des entrepôts centraux de médicaments, a-t-il ajouté. Le Procureur général a condamné les crimes et atrocités commis par les Forces de soutien rapide rebelles contre des civils non armés, y compris des meurtres et des attaques systématiques qui – a-t-il affirmé – constituent un génocide contre la tribu Masalit dans le Darfour occidental.
Dans ses enquêtes, a précisé le Procureur général, le parquet respecte les principes du procès équitable ; les tribunaux garantissent les droits des accusés et leur accordent, si nécessaire, l'assistance juridique. Quelque 12 470 affaires pénales ont été enregistrées et 346 mandats d'arrêt délivrés à l'encontre de dirigeants et membres des forces rebelles, a-t-il indiqué. Environ 65 affaires dans lesquelles les enquêtes ont été bouclées ont été jugées par le système judiciaire national, qui a prononcé des condamnations mais aussi des acquittements, a ajouté le Procureur général.
Le Procureur général a exprimé la volonté du Gouvernement soudanais de recevoir un soutien technique et logistique s’agissant, notamment, des enquêtes criminelles et de l'application de la loi. Le Gouvernement demande aussi la création d’un fonds international de réparation et d'indemnisation.
Aperçu du dialogue
Plusieurs pays se sont dit alarmés par l'escalade continue du conflit au Soudan, ainsi que par la grave détérioration des droits de l'homme et la situation humanitaire catastrophique dans tout le pays, avec des millions de personnes au bord de la famine.
Après plus d'un an de combats, des milliers de vies auraient été perdues et le pays est maintenant confronté à la plus grande crise de déplacement [de population] au monde, avec 20% de la population du pays déplacée, a observé un groupe de pays, avant de déplorer que l'avenir que le peuple soudanais essayait de construire soit en ruines.
Certains intervenants ont souligné que les parties à ce conflit font preuve d'un mépris total à l’égard de la protection des civils et de la vie humaine en général.
Plusieurs délégations se sont dites consternées par les récits de meurtres à motivation ethnique et de violences sexuelles et sexistes « horribles » visant en particulier les femmes et les enfants.
Des récits de recrutements d'enfants, de répression de la liberté d'expression et des journalistes, de disparitions forcées et d'escalade des discours de haine rappellent des images sombres du passé du Soudan, a relevé une délégation.
De nombreux intervenants ont déploré que la violence en cours, y compris le meurtre de travailleurs humanitaires, l'entrave à l'accès humanitaire et les restrictions à l'acheminement de l'aide, plonge des millions de personnes dans la famine.
Les parties belligérantes ont été appelées à cesser immédiatement les pillages et les entraves à l'acheminement de l'aide, et à assurer la protection des civils conformément aux principes du droit international humanitaire et du droit relatif aux droits de l'homme. La priorité absolue est maintenant de parvenir à un cessez-le-feu et de faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire, ont estimé de nombreux pays.
Plusieurs intervenants ont appelé à la mise en œuvre de la Déclaration et de l'Accord de Djeddah. Le Soudan a été félicité par certaines délégations pour les progrès réalisés dans la mise en œuvre de cet Accord afin de s'attaquer aux causes profondes du conflit dans la région. D’aucuns ont exprimé leur pleine solidarité avec le Soudan et son peuple, et réaffirmé la souveraineté, l'indépendance et l'intégrité territoriale du pays. Le Conseil a été invité à tenir compte du consentement de l'État concerné lorsqu'il met en place de nouveaux mécanismes ou élargit le mandat des mécanismes existants.
Plusieurs délégations ont apporté leur soutien au mandat et aux travaux de la Mission, qui ont été jugés « indispensables pour lutter contre l’impunité ». Il est impératif que la Mission bénéficie de fonds et de personnels suffisants pour s’acquitter de son mandat, a insisté une délégation.
** Liste des intervenants : Union européenne, Norvège (au nom d’un groupe de pays), Pakistan (au nom de l’Organisation de la coopération islamique), Qatar (au nom du Conseil de coopération du Golfe), Jordanie (au nom des États de la ligue arabe), la Nouvelle-Zélande (au nom d’un groupe de pays), Royaume-Uni (au nom d’un groupe de pays), Liechtenstein, Arabie saoudite, Égypte, Émirats arabes unis, Irlande, Qatar, Japon, et ONU Femmes.
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