Fil d'Ariane
Examen du Sénégal au Comité des travailleurs migrants : les experts du Comité évoquent notamment la politique nationale de migration et les accords bilatéraux du Sénégal dans ce domaine, ainsi que la protection des migrants mineurs non accompagnés
Le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (CMW) a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport présenté par le Sénégal au titre de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles.
A notamment été souligné, durant le dialogue qui s’est noué entre une délégation sénégalaise et les experts membres du Comité, le travail reconnu du Sénégal en matière de politiques en faveur des migrants, y compris le fait qu’il a été désigné l’un des cinq champions africains dans la mise en œuvre du Pacte pour des migrations sûres, ordonnées et régulières.
Tout en saluant, d’autre part, l’adoption de nombreuses conventions de l’Organisation internationale du Travail (OIT) par le Sénégal, outre de nombreuses législations dans le domaine du travail, un expert a cependant regretté que le pays n’ait pas adopté certains textes importants, notamment les conventions de l’OIT relatives aux travailleurs domestiques et à la lutte contre la violence et le harcèlement au travail. Un expert a déploré le manque de données fiables concernant la situation des migrants au Sénégal, données qui pourraient faciliter l’aide à la prise de décision, a-t-il souligné.
Un expert a demandé davantage d’information sur la politique nationale de migration dont les contours, a-t-il estimé, semblent « peu clairs ». Il a voulu savoir si le Sénégal avait entrepris des campagnes de sensibilisation au sein des forces sécurité s’agissant de la protection des migrants. Il a aussi été demandé si des recherches ADN étaient effectuées sur les personnes décédées dans leur parcours migratoire, notamment lors de traversées en bateau, afin que les familles puissent faire leur deuil.
Une experte s’est inquiétée que le Sénégal n’ait pas adopté de loi globale de protection de l’enfance, couvrant les enfants sénégalais sur le territoire national ainsi que les enfants sénégalais qui se trouvent à l’étranger ou en déplacement. Il a été demandé si le Sénégal coopérait avec les pays de destination concernant l’accueil de mineurs non accompagnés d’origine sénégalaise ; et comment les autorités sénégalaises luttaient contre le travail des enfants, notamment dans le contexte de la mendicité.
Plusieurs questions des experts ont porté sur l’accord bilatéral de coopération dans le domaine de la migration passé entre le Sénégal et l’Espagne, accord qui explique la présence de la police espagnole au Sénégal, a-t-il été relevé. La collaboration des deux pays dans la lutte contre les réseaux de traite d’êtres humains a été jugée positive.
D’autres questions des experts ont porté sur les effets des accords bilatéraux dans le domaine de la pêche passés par le Sénégal avec plusieurs pays, l’accès des travailleurs migrants aux retraites sénégalaises ou encore le statut du Comité sénégalais des droits de l’homme.
Présentant le rapport, M. Coly Seck, Représentant permanent du Sénégal auprès des Nations Unies à Genève, a précisé que l’élaboration du rapport sous examen avait été faite suivant une dynamique participative impliquant la société civile et le Comité sénégalais des droits de l’homme. Entre autres efforts consentis ces dernières années par l’État pour mieux respecter ses engagements internationaux, M. Seck a ensuite mentionné la mise à jour, en 2023, de la Politique nationale de migration du Sénégal qui, faite de manière inclusive et participative de tous les acteurs, a pour soubassement la nécessité de privilégier une approche holistique de la question.
La nouvelle version de la Politique nationale vise à prendre en charge efficacement les diverses problématiques de la migration, y compris les questions relatives aux droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille, a précisé le Représentant permanent. Ses objectifs sont notamment l’élaboration d’une stratégie nationale de gestion de la migration de travail, la signature de conventions de sécurité sociale avec les pays de destination pour favoriser la portabilité des droits sociaux des travailleurs migrants ou encore l’intégration des migrants dans les programmes de protection sociale.
M. Seck a également mentionné l’adoption de la loi n° 2022-01 du 14 avril 2022 portant statut des réfugiés et des apatrides. Par cette loi, l’État a apporté des innovations majeures, notamment la mise en place d’un organisme administratif chargé d’assurer avec efficience la protection juridique et administrative des réfugiés et des apatrides, a déclaré le chef de la délégation. La finalité de cette loi est de permettre aux réfugiés de pouvoir jouir quasiment des mêmes droits que les citoyens sénégalais, notamment la nationalité sénégalaise suivant les conditions déterminées par les lois et règlements du pays, a précisé M. Seck.
La délégation sénégalaise était composée de plusieurs représentants du Ministère de l’intégration africaine et des affaires étrangères, du Ministère de la justice et du Ministère du travail, de l’emploi et des relations avec les institutions. Pendant le dialogue avec le Comité, la délégation a, en particulier, décrit les mesures prises pour lutter contre la mendicité et la traite des enfants, exposé la stratégie nationale de lutte contre l’immigration clandestine.
Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Sénégal et les publiera à l’issue de sa session, le 14 juin.
À la suite d’élections tenues aux premiers jours de la présente session, le nouveau bureau du Comité se compose comme suit : Mme Fatimata Diallo, Présidente ; M. Pablo Ceriani Cernadas, M. Azad Taghi-Zada et Mme Jasminka Dzumhur, tous trois Vice-Présidents ; et M. Khaled Babacar, Rapporteur.
Le Comité entamera à 15 heures cet après-midi l’examen du rapport du Congo.
Examen du rapport du Sénégal
Le Comité est saisi du quatrième rapport périodique du Sénégal (CMW/C/SEN/4), document établi sur la base d’une liste de points à traiter qui avait été soumise par le Comité.
Présentation du rapport
Présentant le rapport, M. COLY SECK, Représentant permanent du Sénégal auprès des Nations Unies à Genève, a précisé que l’élaboration du rapport sous examen avait été faite suivant une dynamique participative impliquant la société civile et le Comité sénégalais des droits de l’homme. Entre autres efforts consentis ces dernières années par l’État pour mieux respecter ses engagements internationaux, M. Seck a ensuite mentionné la mise à jour, en 2023, de la Politique nationale de migration du Sénégal (PNMS) qui, faite de manière inclusive et participative, a pour soubassement la nécessité de privilégier une approche holistique de la question.
La nouvelle version de la Politique nationale vise à prendre en charge efficacement les diverses problématiques de la migration, y compris les questions relatives aux droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille, a précisé le Représentant permanent. Ses objectifs sont notamment l’élaboration d’une stratégie nationale de gestion de la migration de travail, la signature de conventions de sécurité sociale avec les pays de destination pour favoriser la portabilité des droits sociaux des travailleurs migrants ou encore l’intégration des migrants dans les programmes de protection sociale.
M. Seck est aussi revenu sur la réforme législative opérée par le Sénégal pour une meilleure prise en charge des droits des réfugiés et des personnes en situation d’apatride à travers l’adoption de la loi n° 2022-01 du 14 avril 2022 portant statut des réfugiés et des apatrides. Par cette loi, l’État a apporté des innovations majeures, notamment la mise en place d’un organisme administratif chargé d’assurer avec efficience la protection juridique et administrative des réfugiés et des apatrides, a déclaré le chef de la délégation. La finalité de cette loi est de permettre aux réfugiés de pouvoir jouir quasiment des mêmes droits que les citoyens sénégalais, notamment la nationalité sénégalaise suivant les conditions déterminées par les lois et règlements du pays, a-t-il précisé.
Dans cette même dynamique, les institutions nationales de protection et de promotion des droits humains ont été renforcées, a expliqué M. Seck. Ainsi, le budget de l’Observateur national des lieux de privation de liberté (ONLPL), mécanisme national de prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, a quasiment doublé en 2023 en vue de renforcer son efficacité et son indépendance.
Relativement à la Cellule nationale de lutte contre la traite des personnes, un projet de décret initié par le Ministère de la justice et dont l’objectif est d’améliorer la législation pénale en matière de lutte contre la traite des personnes, le trafic illicite de migrants et l’exploitation de la mendicité d’autrui a été signé, a indiqué le Représentant permanent. Cette réforme vise également la mise en place d’un organe dédié à la protection des victimes et témoins à travers la création d’un fonds qui leur sera spécialement réservé, a-t-il précisé.
M. Seck a en outre indiqué que le Sénégal avait engagé un processus de réforme majeure du Comité sénégalais des droits de l’homme (CSDH), visant fondamentalement à permettre à l’institution nationale de droits de l’homme sénégalaise de se conformer aux Principes de Paris.
Pour conclure, le chef de la délégation a assuré que son pays s’emploierait à affronter et à surmonter les défis et contraintes dans son option irréversible d’arriver à une société sans discrimination où les hommes et les femmes, quelles que soient leur croyance, origine, situation sociale ou race, auront les mêmes chances de participer à son développement et de jouir des bénéfices de sa croissance au titre de leurs droits.
Questions et observations des membres du Comité
M. MOHAMMED CHAREF, co-rapporteur du Comité pour l’examen du rapport du Sénégal, a rappelé que, depuis le début de son histoire, le Sénégal avait connu d’importants mouvements migratoires. Il est ainsi un point de départ vers l’Europe mais aussi un centre attractif pour la région en accueillant de nombreux Maliens ou Gambiens, notamment. L’expert a aussi salué le travail reconnu du Sénégal en matière de politiques en faveur des migrants. Le pays a ainsi été désigné un des cinq champions africains dans la mise en œuvre du Pacte pour des migrations sûres, ordonnées et régulières. L’expert a aussi salué la vitalité de la société civile sénégalaise.
S’agissant de l’institution nationale des droits de l’homme, M. Charef a regretté que celle-ci ait perdu son statut A de conformité aux Principes de Paris. Il a ainsi demandé quelles mesures avaient prises pour permettre à cette institution de retrouver son statut A. L’expert a aussi déploré le manque de données fiables concernant la situation des migrants au Sénégal, données qui pourraient faciliter l’aide à la prise de décision, a-t-il souligné.
M. Charef a en outre indiqué que le réseau consulaire sénégalais ne semblait pas suivre l’évolution de la population sénégalaise dans le monde, qui ne cesse de s’amplifier.
M. Charef a aussi salué la collaboration entre les Ministères de l'intérieur de l'Espagne et du Sénégal pour démanteler les réseaux de trafiquants d’êtres humains. Relevant qu'environ 12 000 Sénégalais avaient été retrouvés dans les îles Canaries l'année dernière, l’expert a demandé ce que l'État avait fait pour venir en aide à ceux d’entre ces migrants qui ont été expulsés et s’il existait des programmes qui aident les migrants de retour, souvent endettés, à devenir financièrement indépendants.
M. KHALED CHEIKHNA BABACAR, co-rapporteur du Comité pour l’examen du rapport du Sénégal, a salué l’adoption de nombreuses conventions de l’Organisation internationale du Travail (OIT), outre de nombreuses législations dans le domaine du travail par le Sénégal. Cependant, il a regretté que le Sénégal n’ait pas adopté les conventions de l’OIT relatives aux travailleurs domestiques et à la lutte contre la violence et le harcèlement au travail.
L’expert a relevé que, selon certaines informations reçues par le Comité, il faut revoir les systèmes de coopération avec les États qui accueillent les travailleurs sénégalais afin de faciliter les processus de régularisation. Il a demandé si les autorités envisageaient de revoir la législation sénégalaise afin de faciliter la procédure d’octroi du statut de réfugié au Sénégal.
Une autre experte membre du Comité a demandé comment les autorités veillaient à régulariser les migrants en situation irrégulière au Sénégal, et plus particulièrement les femmes migrantes. Il a été demandé si les autorités appliquaient une approche sexospécifique de la migration, alors qu’une étude montre que 46% des migrants au Sénégal sont des femmes.
Un expert a demandé davantage d’information sur la politique nationale de la migration dont les contours, a-t-il estimé, semblent « peu clairs ». Il a voulu savoir si le Sénégal avait entrepris des campagnes de sensibilisation au sein des forces sécurité s’agissant de la protection des migrants.
Un autre expert a demandé quelles étaient les conditions pour avoir accès au fonds spécial d’aide aux migrants. Cet expert s’est inquiété que, dans le contexte d’un véritable « trafic de rendez-vous », les Sénégalais doivent payer jusqu’à 600 euros pour pouvoir déposer une demande de visa de travail à l’étranger.
Il a été demandé si des recherches ADN étaient effectuées sur les personnes décédées dans leur parcours migratoire, notamment lors de traversées en bateau, afin que les familles puissent faire leur deuil ; et ce qu’il en était de la prise en charge de ces familles. Une autre question a porté sur la coopération du Sénégal avec les pays de destination concernant l’accueil de mineurs non accompagnés d’origine sénégalaise.
Plusieurs questions des experts ont porté sur l’accord bilatéral de coopération dans le domaine de la migration passé entre le Sénégal et, entre autres pays européens, l’Espagne, accord qui explique la présence de la police espagnole au Sénégal, a-t-il été relevé.
Un expert a demandé si l’impact des accords bilatéraux dans le domaine de la pêche, passés par le Sénégal avec plusieurs pays, avait été évalué, étant donné que ces accords ont un impact sur l’économie et sur les revenus de subsistance des pêcheurs de Saint-Louis et d’ailleurs.
La délégation a aussi été priée de dire ce qu’il en était des droits syndicaux des travailleurs migrants au Sénégal et si ces travailleurs pouvaient bénéficier, au-delà d’une couverture de santé, de retraites et de formations.
Des explications ont aussi été demandées s’agissant de l’identité des quelque mille étrangers détenus dans les prisons sénégalaises et de l’accès des migrants à la justice de même qu’à l’aide juridictionnelle.
Une experte a relevé que le Sénégal avait été un des premiers pays à adopter la Convention relative aux droits de l’enfant. Elle s’est inquiétée que le pays n’ait pas adopté de loi globale de protection de l’enfance, couvrant les enfants sénégalais sur le territoire national ainsi que les enfants sénégalais qui se trouvent à l’étranger ou en déplacement.
Un expert a aussi demandé comment les autorités sénégalaises luttaient contre le travail des enfants, notamment dans les exploitations agricoles et dans le contexte de la mendicité organisée par les écoles coraniques. Il s’est aussi inquiété de lacunes dans le domaine de la législation sur les travailleurs domestiques, dont la plupart travaillent sans contrat, a-t-il relevé.
Ont aussi été mentionné des obstacles importants à l’enregistrement des naissances au Sénégal, notamment le coût lié à cette démarche et l’éloignement des bureaux administratifs.
Une autre experte a demandé des informations sur la contribution de la société civile au rapport examiné. D’autres questions des experts ont porté sur le fonctionnement de l’institution nationale de droits de l’homme du Sénégal.
Un expert a souligné que les États parties à la Convention avaient l’obligation de transposer les dispositions de l’instrument dans le droit interne : il a souhaité savoir si cette transposition avait été faite au Sénégal et si les juges sénégalais invoquaient la Convention dans leurs jugements. Enfin, l’expert a demandé si le Sénégal envisageait de lever sa réserve à la Convention relativement à la possibilité, pour le Comité, de recevoir des communications individuelles (plaintes).
Enfin, un expert a demandé quelles mesures avaient été prises par les autorités sénégalaises pour élargir l’adhésion à la Convention dans les pays d’accueil. Il a relevé que le Sénégal pouvait faire des recommandations à cet effet dans le cadre de l’Examen périodique universel (EPU) du Conseil des droits de l’homme.
Réponses de la délégation
S’agissant du Comité sénégalais des droits de l’homme, la délégation a indiqué qu’un projet de loi visant le renforcement de cette institution nationale de droits de l’homme avait été élaboré en 2023, à l’initiative de ce Comité, en partenariat avec toutes les parties prenantes. Ce projet de loi est aujourd’hui en attente d’adoption à l’Assemblée nationale, a-t-elle précisé. L’institution a déjà vu ses ressources augmenter pour qu’elle puisse augmenter son personnel et un local lui a été octroyé. Les autorités espèrent que le Comité retrouvera rapidement son statut A conformément aux Principes de Paris.
La délégation a indiqué que les organisations de la société civile participaient à tous les travaux du Conseil consultatif national des droits de l’homme et du droit international humanitaire, en particulier pour la rédaction des rapports soumis aux instances internationales des droits de l’homme. Ce Conseil a été récemment élargi à d’autres organisations, afin que toutes les parties prenantes de la société soient représentées.
Concernant la stratégie nationale de lutte contre l’immigration clandestine, la délégation a précisé qu’elle avait été rédigée de manière participative avec les organisations de la société civile et tous les acteurs qui s’intéressent à cette question. Le Sénégal a mis en place une structure qui est en charge spécifiquement de l’immigration clandestine, avec une approche holistique. Dans le cadre de la stratégie nationale, un axe important est accordé à la prévention, a précisé la délégation, et à la manière de remédier aux causes profondes de cette immigration clandestine. Un autre axe stratégique de la stratégie est la lutte contre le trafic illicite de migrants, en mettant en œuvre une coopération régionale dans ce domaine. La stratégie prévoit enfin de renforcer la protection des migrants contre toute forme de violence et d’exploitation, moyennant une approche axée des droits de l’homme. La délégation a par ailleurs précisé que la question du genre était prise en compte par la stratégie.
La délégation a indiqué que l’implantation de bureaux d’accueil, d’orientation et de suivi dans les différentes régions du Sénégal visait à favoriser une gestion de proximité des questions migratoires. Ces bureaux ont aussi pour mission d’aider les migrants de retour au Sénégal à se réintégrer dans la société, et d’informer la population sur les dangers liées à l’émigration.
Elle a indiqué que les services consulaires sénégalais accompagnent les familles concernant le rapatriement des dépouilles des migrants, aussi bien dans la prise en charge des frais que dans les démarches administratives.
La délégation a indiqué que la présence de la Guardia Civil espagnole au Sénégal se justifiait par un accord de coopération avec l’Espagne. La Guardia Civil surveille principalement les côtes sénégalaises ; seules les autorités sénégalaises sont cependant habilitées à intervenir pour intercepter les migrants illégaux dans leurs embarcations, a-t-il été précisé.
Les mineurs non accompagnés sénégalais qui arrivent en Espagne sont sous la protection des services espagnols de protection de l’enfance jusqu’à leur âge adulte, comme le prévoit l’accord de coopération avec ce pays, a également indiqué la délégation.
S’agissant de la lutte contre la traite des personnes, la délégation a indiqué que le système d’information sur la traite des personnes a été lancé dans cinq juridictions tests depuis trois ans. La délégation a reconnu quelques difficultés concernant l’organisation de ce système, notamment en raison du manque de personnel et de formation.
S’agissant des mesures prises pour lutter contre la mendicité des enfants et la traite des enfants, la délégation a indiqué que le Sénégal a ratifié l’ensemble des instruments juridiques internationaux et régionaux de protection de l’enfance. Le Sénégal a aussi créé un mécanisme chargé de surveiller les activités des daara, les écoles coraniques. Différentes stratégies ont été adoptées afin de protéger les enfants en situation de rue. Ces stratégies visent à identifier ces enfants, les retirer de la rue et les accueillir dans des foyers adaptés, avant d’entamer une procédure de retour de ces enfants au sein de leur famille. Ces stratégies ont permis à plus de 5000 enfants d’être retirés de la rue ; parmi ceux-ci, plusieurs centaines d’enfants étrangers ont été rapatriés dans leur pays d’origine.
De plus, la délégation a indiqué qu’un projet de plan-cadre de lutte contre letravail des enfants avait été élaboré avec l’ensemble des parties prenantes, notamment les organisations de la société civile. Ce plan est basé également sur les accords régionaux adoptés par le Sénégal dans ce domaine. Le Sénégal n’a pas abandonné l’idée d’adopter un code de l’enfant, a aussi indiqué la délégation, indiquant qu’un projet élaboré en 2018 avec l’aide de l’Italie avait été accepté par le Ministère de la justice et devrait être adopté prochainement.
Dans le domaine de l’enregistrement des naissances, la délégation a expliqué qu’une stratégie nationale d’inscription à l’état civil est en cours de réalisation, qui prévoit notamment la dématérialisation de l’enregistrement à l’état civil. En outre, les étrangers sont enregistrés à l’état civil du consulat de leur pays d’origine. Les enfants dont la nationalité ou l’identité ne peut pas être confirmée obtiennent la nationalité sénégalaise pour éviter l’apatridie, a précisé la délégation.
Répondant à d’autres questions, la délégation a précisé que le Gouvernement du Sénégal ne faisait pas de différence entre les enfants sénégalais et les enfants migrants s’agissant de l’accès à l’éducation. De manière plus globale, le projet de code de l’enfant déjà mentionné ne prévoit aucune distinction entre les enfants sénégalais et les autres, a précisé la délégation.
S’agissant du réseau diplomatique du Sénégal, la délégation a indiqué qu’il y a des consulats généraux là où il y a une présence forte de Sénégalais ; sinon, le service consulaire de l’Ambassade ou de la Mission permanente est en charge des questions administratives pour les Sénégalais de l’étranger.
S’agissant des rendez-vous pour les visas, la délégation a indiqué que ce sont les pays qui émettent ces documents qui en régissent les procédures, et que les autorités sénégalaises ne peuvent intervenir dans ce domaine.
La délégation a indiqué que le Sénégal avait signé plusieurs accords bilatéraux dans le domaine de la sécurité sociale avec la France, la Belgique ou encore le Brésil.
S’agissant des accords de pêche, la délégation a indiqué que, comme dans de nombreux pays, ces accords sont décriés par les pêcheurs. Les autorités sont conscientes que ces accords peuvent avoir des conséquences néfastes importantes pour les communautés concernées, qui peuvent être poussées à aller trouver d’autres sources de revenu à l’étranger. C’est pourquoi les nouvelles autorités du Sénégal prévoient de revoir ces accords.
La délégation a expliqué que la liberté syndicale était totale au Sénégal et que les autorités veillaient à protéger les activités syndicales, comme le prévoit la Constitution. Le Sénégal a ratifié l’ensemble des conventions principales de l’OIT et notamment la convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical de 1948. Au Sénégal, il est très facile de créer un syndicat et les autorités ne s’ingèrent jamais dans leurs activités, a insisté la délégation.
La délégation a assuré que les tribunaux ne font pas de distinction entre les étrangers et les Sénégalais lorsqu’il y a des infractions au droit du travail. Elle a indiqué qu’il y avait 84 inspecteurs du travail au Sénégal. L’impartialité est assurée car le Sénégal a adopté la convention de l’OIT qui prévoit l’indépendance des inspecteurs du travail et qui a été transposée dans la législation interne.
La délégation a indiqué qu’à la date du 13 mai 2024 on recensait 1127 étrangers sur un effectif de plus de 13 450 personnes détenues dans les prisons sénégalaises. Elle a précisé qu’aussi bien pour les étrangers que pour les Sénégalais, les autorités privilégient les peines alternatives à la privation de liberté, comme le recours au bracelet électronique ; et qu’il n’y avait pas de distinction entre les Sénégalais et les étrangers concernant les conditions d’accès à l’aide juridictionnelle gratuite.
La délégation a expliqué que le Sénégal appliquait déjà de nombreuses dispositions d’autres conventions de l’OIT dans son droit interne, en particulier s’agissant de questions liées aux travailleurs domestiques, de la protection des travailleurs à l’étranger, du contrat de travail et de la protection des travailleurs contre les violences. Par ailleurs, dès qu’une convention internationale est adoptée dans le domaine du travail, ses dispositions sont intégrées dans les réformes qu’adopte le pays, notamment dans le projet de réforme du code du travail qui devrait être soumis au Parlement après avis du Conseil consultatif.
Remarques de conclusion
M. CHAREF a salué la qualité de l'échange avec le Sénégal et a espéré qu'il déboucherait sur des actions positives. Le désir commun de l'État partie et du Comité est de changer la situation des migrants dans le monde, a relevé l’expert, qui a regretté que les politiciens exagèrent souvent les dangers que représentent les migrants pour les États. Le Comité, a ajouté l’expert, se félicite de ce que le Sénégal a accompli pour promouvoir les droits des migrants. Il l'encourage à continuer de renforcer ces droits et à inciter les États qui hésitent à ratifier la Convention à le faire.
M. SECK a assuré que toutes les suggestions faites par le Comité seraient prises en compte par le Sénégal, et que son pays continuerait d’appeler tous les États à ratifier la Convention.
M. PABLO CERIANI CERNADAS, Vice-président du Comité, a prié le Sénégal de mettre en œuvre toutes les recommandations du Comité et de continuer de défendre les droits des travailleurs migrants.
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