Fil d'Ariane
Premier examen du Congo au Comité des travailleurs migrants : des experts saluent les aides à la création d’entreprises par les Congolais de retour au pays, mais s’interrogent sur le manque de statistiques et sur la « congolisation » des emplois
Le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (CMW) a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport initial présenté par la République du Congo au titre de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles.
Durant le dialogue entre le Comité et une délégation congolaise, des experts membres du Comité ont salué le fait que les personnes en situation irrégulière ne sont pas placées en détention et que le Congo s’efforce de régulariser leur situation. A aussi été saluée la création par les autorités d’unités qui aident les Congolais de retour au pays à créer des entreprises : une experte a estimé que cette excellente pratique devrait être connue dans le monde entier.
Une experte a cependant regretté que le rapport soumis au Comité contienne peu de données sur les travailleurs migrants, ce qui, a-t-elle fait observer, ne permet pas d’avoir une vue globale et objective de leur situation dans le pays. Il a aussi été relevé que, selon des informations reçues par le Comité, le Congo n’aurait pas adopté de loi d’application de la Convention et n’aurait pas élaboré de plan d’action ou de stratégie nationale relatifs aux droits des travailleurs migrants.
En outre, selon d’autres informations, le Congo met en œuvre une politique de « congolisation » qui serait synonyme de préférence nationale et qui rendrait précaire, et préoccupante, la situation de nombreux travailleurs migrants victimes de restrictions lorsqu’il s’agit d’accéder à certains emplois, a dit une experte.
Plusieurs experts ont appelé au renforcement de la Commission nationale des droits de l’homme afin qu’elle obtienne le statut A de conformité aux Principes de Paris. Un expert s’est inquiété que cette Commission n’ait pas de mandat pour traiter des questions de migration.
Il a été demandé, en particulier, si le Congo allait reconnaître la compétence du Comité de recevoir des communications (plaintes individuelles) prévue par la Convention et si le pays envisageait de ratifier la convention sur les travailleurs domestiques de l’Organisation internationale du Travail (OIT). Des interrogations ont aussi porté sur la situation des réfugiés rwandais dont le statut de protection au Congo est arrivé à échéance.
Présentant le rapport, M. Aimé Clovis Guillond, Représentant permanent de la République du Congo auprès des Nations Unies à Genève, a insisté sur le fait que, depuis longtemps, son pays était un foyer d’accueil de populations immigrées, que l’accueil de l’étranger y était une tradition et qu’il n’avait jamais été question d’instrumentaliser la question migratoire pour des finalités politiciennes.
M. Guillond a ensuite précisé que le régime congolais de sécurité sociale s'appliquait à tous les travailleurs relevant du code de travail, y compris tous les ressortissants étrangers qui sont, ou ont été, couverts par le système congolais de sécurité sociale. À cet égard, les travailleurs migrants et les membres de leur famille bénéficient-ils des mêmes droits que les ressortissants nationaux, a souligné M. Guillond.
La République du Congo ne perd pas de vue ses ressortissants travailleurs migrants à l’extérieur, a poursuivi M. Guillond, qui a mentionné l’existence d’un département dédié aux Congolais de l’étranger au sein du Ministère des affaires étrangères, ainsi qu’un programme destiné à mobiliser la diaspora congolaise pour remédier au manque de personnel qualifié dans les secteurs de la santé et de l'enseignement supérieur.
M. Guillond a aussi indiqué que la collecte et la production des données statistiques destinées, entre autres, à l’identification et à l’évaluation des travailleurs migrants évoluant dans le secteur informel, restait l’un des principaux écueils pour le Congo. Mais ces difficultés n’affectent pas la détermination du pays d’œuvrer pour la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille, a assuré le Représentant permanent.
Outre M. Guillond, la délégation congolaise était composée de représentants du Ministère des affaires étrangères, du Ministère de la fonction publique, du travail et de la sécurité sociale, et de la Caisse nationale de sécurité sociale.
Pendant le dialogue, la délégation a précisé, s’agissant de la «congolisation» des emplois et des postes, que des décrets avaient été adoptés afin de donner la priorité aux Congolais pour favoriser leur emploi et leur formation, et pour qu’ils deviennent compétitifs sur le marché du travail. Elle a indiqué, par ailleurs, que le Congo avait récemment engagé un vaste programme de ratification de conventions de l’OIT, en particulier la convention relative à la politique de l’emploi, ratifiée récemment car figurant dans les priorités du pays. La délégation a aussi mentionné la création récente d’un institut national des statistiques.
Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Congo et les publiera à l’issue de sa session, le 14 juin.
Le Comité mettra un terme aux travaux de sa session en cours lors d’une séance publique le vendredi 14 juin, à 17h30.
Examen du rapport de la République du Congo
Le Comité est saisi du rapport initial du Congo (CMW/C/COG/1), document établi sur la base d’une liste de points à traiter qui avait été soumise par le Comité.
Présentation du rapport
Présentant le rapport, M. AIMÉ CLOVIS GUILLOND, Représentant permanent de la République du Congo auprès des Nations Unies à Genève, a d’abord souhaité présenter « la relation du Congo avec la question migratoire ». Il a notamment relevé que, depuis longtemps, son pays était un foyer d’accueil de populations immigrées, que l’accueil de l’étranger y était une tradition et qu’il n’avait jamais été question d’instrumentaliser la question migratoire pour des finalités politiciennes.
Le cadre juridique qui régit les travailleurs migrants se fonde sur la législation nationale et internationale, a poursuivi le Représentant permanent, citant plusieurs lois dans ce domaine adoptées récemment. M. Guillond a souligné que le régime congolais de sécurité sociale s'appliquait à tous les travailleurs relevant du code de travail, y compris tous les ressortissants étrangers qui sont, ou ont été, couverts par le système congolais de sécurité sociale. Le champ d’application du régime d’assurance sociale garantit des prestations d’invalidité, de vieillesse et de décès ; des prestations d’accident du travail et de maladies professionnelles ; des prestations familiales et de maternité. Ainsi, les travailleurs migrants et les membres de leur famille bénéficient-ils des mêmes droits que les ressortissants nationaux, a insisté M. Guillond.
Le chef de la délégation a ensuite énuméré plusieurs conventions internationales dans le domaine du travail adoptées par le Congo, y compris plusieurs conventions de l’Organisation internationale du Travail (OIT). Il a en outre indiqué qu’un accord avait été signé en 2014 avec la République démocratique du Congo portant sur la régulation des personnes et des biens : dans ce cadre, des aménagements permettent aux personnes vivant le long de la frontière de traverser le fleuve pour un court séjour, avec un laissez-passer ou une carte nationale d’identité.
La République du Congo ne perd pas de vue ses ressortissants travailleurs migrants à l’extérieur, a ensuite déclaré M. Guillond. Il existe ainsi un département dédié aux Congolais de l’étranger au sein du Ministère des affaires étrangères. De plus, en partenariat avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), un programme élaboré en 2014 a eu pour objectif principal de renforcer les capacités du Gouvernement à mobiliser la diaspora congolaise pour remédier au manque de personnel qualifié dans les secteurs de la santé et de l'enseignement supérieur. De plus, le Représentant permanent a indiqué que venait d’être créé, auprès de l’Ambassade du Congo en France, un bureau de liaison de l’Agence congolaise pour l’emploi, intermédiaire entre les Congolais de l’étranger, demandeurs d’emploi, et les employeurs installés au Congo.
M. Guillond a, d’autre part, indiqué que la Commission nationale des droits de l’homme instituée par la Constitution de 2002 avait été maintenue par la Constitution de 2015, qui confère à l’institution le statut d’organe constitutionnel et lui garantit ainsi l’indépendance et l’autonomie que requièrent les Principes de Paris.
Le chef de la délégation a aussi relevé que les membres des familles des travailleurs migrants ont droit à l’éducation, à la formation qualifiante et aux loisirs. De même, dans l’administration de la justice, les cours et tribunaux sont ouverts, sans discrimination aucune, à toute personne vivant sur le sol congolais, y compris les travailleurs migrants.
En matière d’enregistrement des naissances, le code de la famille reconnaît la possibilité aux enfants migrants nés sur le sol congolais d’être enregistrés et d’obtenir le document d’état civil et, à leur majorité, de demander la nationalité congolaise, a précisé le chef de la délégation.
M. Guillond a par ailleurs souligné que son Gouvernement avait pris des mesures pour lutter efficacement contre la traite des personnes, l’exploitation des étrangers, le trafic des enfants, les abus sexuels de toutes formes, le tourisme sexuel et le proxénétisme, en intégrant dans la législation nationale les normes internationales en lien avec la traite des personnes.
Le chef de la délégation a aussi fait valoir que tout travailleur migrant peut contester un décret d’expulsion devant la chambre administrative de la Cour suprême. Il a aussi souligné que la liberté d’association était reconnue aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille par la Constitution et par la loi du 1 er juillet 1901, relative au contrat d’association.
Enfin, M. Guillond a indiqué que la collecte et la production des données statistiques destinées, entre autres, à l’identification et à l’évaluation des travailleurs migrants évoluant dans le secteur informel, restait l’un des principaux écueils pour le Congo. Mais ces difficultés n’affectent pas la détermination du pays d’œuvrer pour la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille, a conclu le Représentant permanent.
Questions et observations des membres du Comité
MME MYRIAM POUSSI, Vice-Présidente du Comité et co-rapporteuse pour l’examen du rapport du Congo, a d’abord regretté que très peu de pays aient ratifié la Convention, en dépit du fait que la migration présente des enjeux et des défis pour tous les États. Aussi a-t-elle invité le Congo à être un défenseur de la Convention et à entreprendre toute action qui permettrait d’augmenter le nombre des ratifications. Elle a aussi salué le fait que le Congo ait pu faire fi des difficultés objectives qu’il rencontre afin de présenter son rapport.
L’experte a néanmoins regretté que le rapport contienne peu de données sur les travailleurs migrants, ce qui ne permet pas d’avoir une vue globale et objective de leur situation dans le pays, a-t-elle fait observer. L’experte a aussi déploré que certaines questions de la liste des points à traiter n’aient pas trouvé de réponses dans le rapport.
S’agissant du cadre juridique, Mme Poussi a demandé à la délégation de décrire le processus d’internalisation des traités internationaux dans le droit congolais. Elle a relevé que, selon les informations reçues par le Comité, le Congo n’avait pas adopté de loi d’application de la Convention. L’experte a aussi cité un rapport de la Commission nationale des droits de l’homme qui indique que le Congo n’a encore élaboré aucun plan d’action ou stratégie nationale relatifs aux droits des travailleurs migrants.
S’agissant de la coopération bilatérale avec le République démocratique du Congo, l’experte a souhaité en connaître la teneur et a demandé s’il existait d’autres accords bilatéraux de gestion de la migration.
Elle a demandé si la loi prévoit la possibilité pour les travailleurs migrants de bénéficier de l’assistance judiciaire gratuite, et si la loi de 1996 fixant les règles d’entrée et de sortie du territoire avait été mise en conformité avec la Convention.
Mme Poussi a prié la délégation de communiquer des statistiques concernant la diaspora congolaise et les étrangers vivant au Congo. L’experte a indiqué ne pas avoir perçu, à la lecture du rapport, si le Congo est plutôt un pays d’origine, de destination ou de transit.
Mme Poussi a aussi relevé que, selon certaines informations, le Congo met en œuvre une politique de « congolisation », qui serait synonyme de préférence nationale et qui rendrait précaire, et préoccupante, la situation de nombreux travailleurs migrants victimes de restrictions lorsqu’il s’agit d’accéder à certains emplois.
Mme Poussi a ensuite souhaité connaître les moyens mis en œuvre pour lutter contre la traite, y compris dans le cadre de la coopération régionale et internationale du Congo ; et ce qu’il en était de la coopération avec le Bénin en matière de lutte contre la traite des enfants.
M. EDGAR CORZO SOSA, co-rapporteur du Comité pour l’examen du rapport du Congo, a souligné qu’il incombait à l’État de récolter des données concernant les travailleurs migrants et s’est dit étonné de l’absence d’informations dans ce domaine alors que le pays a ratifié la Convention il y a huit ans.
L’expert a aussi relevé l’importance de consulter la société civile et d’autres parties prenantes dans le processus d’élaboration des rapports. Il a souhaité savoir qui avait participé à ce processus dans le cadre du rapport du Congo, relevant que, selon ce document, peu d’acteurs y avaient participé.
M. Corzo Sosa a aussi constaté qu’il y avait eu peu de plaintes concernant des expulsions de migrants, alors qu’il semblerait qu’il y ait eu des violations dans le cadre des procédures, a-t-il dit.
L’expert a demandé comment les autorités entendaient renforcer la Commission nationale des droits de l’homme, qui a aujourd’hui le statut B de conformité aux Principes de Paris. Il s’est inquiété que cette Commission n’ait pas de mandat pour traiter des questions de migration.
M. Corzo Sosa a, lui aussi, demandé comment la Convention avait été transposée dans le droit interne. Il a regretté que la Convention semble n’être jamais invoquée devant les tribunaux congolais. En revanche, l’expert a salué le fait que les personnes en situation irrégulière ne sont pas placées en détention et que le Congo s’efforce de régulariser leur situation.
Un autre expert membre du Comité a regretté que le Congo n’ait pas adopté certaines conventions importantes de l’OIT, notamment la convention n° 122 relative à la politique d’emploi, et a dit ne pas comprendre l’absence d’une politique dans ce domaine au Congo.
Une autre experte membre du Comité a souhaité connaître les statistiques sur les plaintes provenant des travailleurs migrants.
Un expert a demandé si les autorités congolaises invoquaient les dispositions de la Convention dans l’élaboration des accords bilatéraux dans le domaine de la migration. Il a été demandé si le Congo allait reconnaître la compétence du Comité de recevoir des communications (plaintes individuelles) prévue aux articles 76 et 77 de la Convention.
Une experte s’est dit heureuse de la création, par les autorités congolaises, de services qui aident les Congolais de retour au pays à créer des entreprises. Elle a estimé que cette excellente pratique devrait être connue dans le monde entier.
Une experte a demandé si le Congo envisageait de ratifier la Convention (n° 189) sur les travailleuses et travailleurs domestiques de l’Organisation internationale du Travail. Elle s’est aussi enquise de l’existence, au Congo, d’une politique nationale de la migration.
Mme Poussi a demandé des informations sur la mise en œuvre du système d’identité digitale. Un expert a souligné que la question de l’apatridie ne pouvait être réglée uniquement par le biais du système d’enregistrement des naissances ; il faut pouvoir accorder la nationalité au-delà de cet enregistrement, a-t-il recommandé.
Un autre expert a demandé des informations sur la situation de réfugiés rwandais dont le statut de protection est arrivé à échéance et s’ils étaient devenus des étrangers en situation irrégulière.
Un expert a relevé que le défi des travailleurs domestiques se posait pour de nombreux pays africains. Il a souhaité savoir si le pays envisageait d’adopter la convention (n° 189) de l’OIT sur les travailleuses et travailleurs domestiques.
Le même expert a voulu savoir si le Congo envisageait d’adhérer à la convention de l’OIT concernant l’élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail, et quelles garanties étaient données pour l’indépendance des inspecteurs du travail.
S’agissant de la « congolisation », un expert a suggéré que la législation en vigueur, qui peut paraître discriminatoire, soit modifiée, voire supprimée.
D’autres questions ont porté sur l’existence de mécanismes législatifs et institutionnels de protection des femmes migrantes, sur l’accès des enfants migrants à l’éducation, sur le vote des Congolais de l’étranger ou encore sur les droits syndicaux des travailleurs migrants.
Réponses de la délégation
La délégation a rappelé que le Congo était héritier de l’ancienne Afrique équatoriale française et qu’il recevait sur son territoire des populations issues de nombreux horizons. Le pays a donc une longue tradition de migration qui se poursuit aujourd’hui, en raison notamment des conflits que connaît la région et dans les pays voisins.
Le Congo est beaucoup plus un pays de destination des migrations, a précisé la délégation. Il a également été, à différentes périodes, un pays de transit, notamment durant le conflit au Rwanda dans les années 1990. Le Congo est aussi un pays d’émigration, avec de nombreux Congolais qui cherchent du travail dans les pays voisins ou en Europe. Ces Congolais sont pris en charge par le réseau consulaire congolais partout dans le monde, a relevé la délégation.
S’agissant des statistiques, la délégation a indiqué qu’il existe des données sectorielles mais pas globales : par exemple, il existe des statistiques sur les travailleurs migrants inscrits à la caisse de sécurité sociale. Le défi pour le Congo réside dans l’agrégation de ces données pour qu’elles fassent sens au niveau national, a expliqué la délégation. Elle a mentionné la création récente d’un institut national des statistiques, qui devrait permettre de relever ce défi.
La délégation a aussi indiqué que les autorités avaient récemment engagé un vaste programme de ratification de conventions de l’Organisation internationale du Travail. Elle a précisé que le Congo n’avait pas attendu d’adopter la convention sur les travailleurs et travailleuses domestiques pour appliquer une réglementation en la matière. Les autorités adoptent les conventions une fois que toutes les mesures ont été prises dans le pays pour pouvoir les appliquer effectivement.
La délégation a également indiqué que les autorités souhaitaient adopter rapidement les deux conventions de l’OIT sur les travailleuses et travailleurs domestiques et concernant l’élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail. La délégation a précisé qu’avec la Caisse de sécurité sociale, le Ministère du travail veillait à mettre en œuvre un mécanisme d’identification des travailleurs domestiques. L’objectif est que les employeurs déclarent leurs travailleurs domestiques afin que ces derniers puissent être couverts par la sécurité sociale. En outre, les autorités prévoient de renforcer les contrôles afin que les employeurs se conforment à la législation en vigueur.
La délégation a aussi déclaré que le Congo avait déjà pris plusieurs mesures pour lutter contre le harcèlement et la violence, y compris dans la fonction publique.
La délégation a enfin indiqué que les autorités congolaises venaient de ratifier la Convention de l’OIT sur la politique de l’emploi, car elle figurait dans les priorités du pays. En effet, les autorités ont commencé à élaborer et mettre en place une nouvelle politique dans ce domaine. Ce processus a débuté grâce à l’appui de l’Agence française de développement et de l’OIT. Un processus d’élaboration d’une politique en matière de santé et de sécurité sociale a aussi été lancé. L’objectif est qu’à la fin de cette année, le pays soit doté d’une politique de l’emploi et une autre en matière de santé au travail. Différentes actions ont aussi été entreprises afin d’améliorer l’employabilité des jeunes.
La délégation a ensuite indiqué qu’une réflexion avait été menée au Congo sur le statut particulier des inspecteurs du travail. Cette réflexion a abouti à un projet de statut qui va être soumis au Gouvernement. On compte aujourd’hui 250 inspecteurs du travail, toutes qualifications confondues ; de nouveaux inspecteurs sont formés afin de renforcer ce service, a ajouté la délégation.
La délégation a ensuite confirmé que le Congo n’avait pas pris l’engagement d’accepter la procédure de communication individuelle devant le Comité. Elle a souligné que les mécanismes nationaux permettaient aujourd’hui aux travailleurs migrants de faire valoir leurs droits. Néanmoins, les autorités congolaises ne ferment pas la porte à la possibilité de revenir sur cette question.
La délégation a ensuite indiqué que la «congolisation» des emplois et des postes ne renvoyait pas à une loi particulière, mais, historiquement, à une disposition de 1967 relative à « l’africanisation » de certains postes après la colonisation. La congolisation renvoie donc à une série de préoccupations relatives à la préférence nationale. Un certain nombre de décrets ont été adoptés afin de donner la priorité aux Congolais dans certains emplois, notamment dans le domaine pétrolier, afin de favoriser l’emploi des Congolais et leur formation afin qu’ils deviennent compétitifs sur le marché du travail. Néanmoins, la délégation a déclaré que le marché de l’emploi au Congo était très ouvert aux étrangers. Dans certains secteurs, il y a beaucoup plus d’étrangers, ce qui motive les autorités à rendre les Congolais compétitifs au sein de ces secteurs.
La délégation a précisé qu’il y a 2400 kilomètres de frontière commune entre le Congo – qui compte quelque six millions d’habitants – et la République démocratique du Congo – plus de cent millions d’habitants. Cela explique pourquoi le Gouvernement prend des mesures pour protéger l’accès à l’emploi des jeunes Congolais.
S’agissant du retour des Congolais dans leur pays d’origine, la délégation a indiqué que les toutes premières initiatives dans ce domaine proviennent du Président de la République qui, lors de ses visites, demande à la diaspora de retourner dans le pays pour y travailler. Pour rendre attractive la fonction publique congolaise, le point d’indice des salaires a été doublé dans les années 2010, a indiqué la délégation. Des foires de recrutement sont organisées dans des pays étrangers afin de montrer aux Congolais les possibilités d’emploi au pays et de les inciter à revenir.
L’agence congolaise pour la création des entreprises permet aux Congolais de retour et aux étrangers de créer leur entreprise en 24 heures afin de faciliter les activités économiques dans le pays et leur intégration.
La plus forte communauté congolaise à l’étranger se trouve en France, en raison des liens historiques qui unissent les deux pays, a souligné la délégation. La délégation a mentionné la passation d’accords bilatéraux entre la France et le Congo régissant les questions migratoires et les relations entre les deux pays. Elle a cependant regretté que la France n’ait pas encore adopté la Convention.
S’agissant du vote des Congolais de l’étranger, la délégation a indiqué que cette question était en cours d’étude car les autorités ne savent pas quel est le nombre exact d’expatriés congolais. Le Gouvernement n’est pas fermé sur cette question même si elle n’est pas à l’ordre du jour, a précisé la délégation.
S’agissant des entrées et sorties des étrangers sur le territoire congolais, la délégation a indiqué que la législation prévoit bien la possibilité d’ expulser des migrants en situation irrégulière, mais les expulsions ne sont pas légion et, jusqu’à présent, on n’a pas enregistré de grande opération de refoulement ou d’expulsion, sauf en 2012. Les personnes qui sont au Congo en situation irrégulière ne sont pas emprisonnées mais encouragées à régler leur situation conformément à la loi, a ajouté la délégation.
On compte quelque 813 réfugiés rwandais en situation irrégulière au Congo, a poursuivi la délégation. Ne bénéficiant plus du statut de réfugié, car ne pouvant plus invoquer de risque de persécution, ces personnes sont soumises à la loi régissant le séjour des étrangers. Or, elles ne remplissent pas toutes les conditions pour passer du statut de réfugié à celui d’« étranger ordinaire », a précisé la délégation : en particulier, elles n’acceptent pas toujours de devoir se rendre à leur ambassade pour demander le passeport nécessaire pour changer de statut. Ces personnes, qui n’ont pas de statut clair, « vivent en paix » sur le territoire congolais, a affirmé la délégation, et le Gouvernement est activement saisi de cette question.
Un comité national a été mis en place pour lutter contre l’apatridie, a poursuivi la délégation. Des campagnes de sensibilisation sont organisées avec l’appui du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés pour procéder à l’enregistrement des naissances, « première étape pour lutter contre l’apatridie ». La délégation a déclaré que le nombre d’apatrides au Congo était négligeable, même s’il n’y a pas de statistiques disponibles dans ce domaine.
La délégation a précisé par la suite que le Congo prenait des mesures préventives pour éviter les cas d’apatridie, notamment l’amélioration du système d’enregistrement des naissances. L’établissement des actes civils, notamment l’acte de naissance, est gratuit, a-t-il été indiqué.
La délégation a aussi mentionné l’existence d’un mécanisme de défense et sécurité entre le Congo, la République démocratique du Congo, la République centrafricaine et l’Angola, qui traite des problèmes spécifiques de sécurité et de frontières. S’agissant de l’accord avec le Bénin, la délégation a indiqué qu’il y a plusieurs années, des réseaux de traite s’organisaient depuis le Bénin pour envoyer des personnes victimes de traite en Afrique centrale ou en Europe.
Pour ce qui concerne la Commission nationale des droits de l’homme du Congo, la délégation a indiqué que des progrès notables avaient été réalisés afin de garantir son indépendance. La Commission dispose d’une infrastructure appropriée et d’un budget conséquent, en évolution d’année en année. L’objectif est d’atteindre rapidement le statut A de conformité aux Principes de Paris.
Il a également été précisé que, tout comme les travailleurs congolais, les travailleurs migrants sont libres de participer à des activités syndicales et de créer des syndicats de travailleurs.
Des questions d’experts ayant porté sur la méthode d’élaboration du rapport, la délégation a déclaré que le document résultait d’un processus national participatif et inclusif. La liste des points à traiter a été diffusée à l’ensemble des parties prenantes, notamment les organisations de la société civile, afin que toutes puissent y apporter leur contribution.
Remarques de conclusion
Mme POUSSI a relevé plusieurs points saillants issus de la discussion, notamment des faiblesses en termes de politiques et de plans d'action nationaux ainsi que de coordination des parties prenantes. L’experte a recommandé que le Congo investisse dans la diffusion de la Convention et qu’il collecte des données complètes sur la migration et sur les migrants congolais à l'étranger.
M. CORZO SOSA a souligné l’importance que les dispositions de la Convention soient appliquées et que la Convention soit invoquée devant les tribunaux nationaux. Il a regretté qu’il n’existe pas, au Congo, de registre des personnes apatrides.
M. GUILLOND a assuré que son Gouvernement avait la volonté politique de mettre en œuvre toutes les conventions auxquelles il est partie, et qu’il avait pris note de toutes les recommandations formulées au cours du dialogue.
Enfin, Mme FATIMATA DIALLO, Présidente du Comité, a salué les efforts déployés par le Congo ainsi que son engagement dans le dialogue.
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