Fil d'Ariane
Alors que la situation dans l’État de Palestine est extrêmement complexe, des experts du Comité des droits économiques, sociaux et culturels s’interrogent sur la répartition des ressources disponibles et l’absence de processus législatif
Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné, hier après-midi et ce matin, le premier rapport soumis par l’État de Palestine au titre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
Au cours de cet examen, un expert du Comité a reconnu que l’occupation israélienne constituait sans aucun doute une violation du droit inaliénable du peuple palestinien à l’autodétermination, qui inclut son droit de déterminer son statut politique et de poursuivre librement son développement économique, social et culturel en utilisant ses richesses naturelles. L’occupation, a fait observer l’expert, est ponctuée de restrictions de mouvement, du blocus de la bande de Gaza, de la démolition d'actifs, de la construction de nouvelles colonies ou encore d'une exploitation abusive des ressources naturelles par la puissance occupante.
C’est dans ce contexte extrêmement complexe qu’il incombe à l'État de Palestine de prendre toutes les mesures possibles pour mettre en œuvre ses obligations en vertu du Pacte, en tenant compte du fait que l’État en porte la responsabilité ultime à tous les niveaux de gouvernement et pour l'ensemble de la population, ont fait observer des experts.
Des membres du Comité ont posé des questions relatives aux ressources disponibles à investir par l’État dans les droits économiques, sociaux et culturels, ainsi qu’aux domaines prioritaires de l’État de Palestine en ce qui concerne ces droits. La répartition des ressources entre Gaza et le reste du territoire palestinien, la détérioration de la situation en matière de pauvreté ou encore la réponse aux besoins essentiels de la population ont aussi été évoquées.
Des inquiétudes ont été exprimées relativement à la corruption qui, selon un expert, nuit au bon fonctionnement de la fonction publique et du système judiciaire palestiniens. L'absence de processus législatif régulier en Palestine, à la suite du décret présidentiel du 30 avril 2021 qui a provoqué l'annulation des élections prévues en 2021 – la principale raison invoquée étant que les Palestiniens sont empêchés par Israël de voter à Jérusalem –, a également suscité des questions.
Présentant le rapport de son pays, M. Omar Awdala, Ministre adjoint pour les Nations Unies et les institutions spécialisées au Ministère des affaires étrangères et des expatriés de la Palestine, a mis en évidence les obstacles rencontrés par l’État de Palestine, et plus particulièrement l’occupation coloniale israélienne qui constitue la principale entrave à l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, y compris le droit à l’autodétermination et à la souveraineté sur ses ressources. Le régime d’apartheid imposé par Israël doit être démantelé pour que le peuple palestinien puisse exercer l’ensemble de ses droits, a affirmé le chef de la délégation.
M. Awdala a ensuite mentionné les mesures prises par son Gouvernement pour coordonner la mise en œuvre des obligations de l’État au titre du Pacte en consultation avec les organisations de la société civile. Il a évoqué l’adoption des stratégies pour réaliser le Programme de développement durable à l’horizon 2030, pour lutter contre la pauvreté et pour garantir l’égalité des sexes sur le marché du travail. D’autres textes sont en préparation concernant la lutte contre la traite des personnes, la sécurité sociale et la protection des familles contre la violence, a aussi fait savoir M. Awdala.
Outre M. Awdala, la délégation était composée de plusieurs représentants du Ministère du développement social, du Ministère de l’éducation, du Ministère de la Culture, du Ministère de la santé et de la Direction des statistiques économiques ; ainsi que de l'Observateur permanent de l'État de Palestine auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, M. Ibrahim Khraishi.
Pendant le dialogue avec le Comité, la délégation a précisé, notamment, que les élections législatives et présidentielles n’avaient pas été annulées mais reportées jusqu’au moment où le Gouvernement serait en mesure de les organiser. Elle a rappelé à cet égard que la puissance occupante interdisait la tenue de scrutins à Jérusalem-Est.
Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport de l’État de Palestine et les rendra publiques à l’issue de sa session, qui doit clore ses travaux le 13 octobre prochain.
Le Comité entamera cet après-midi, à partir de 15 heures, le rapport du Brésil.
Examen du rapport de l’État de Palestine
Le Comité est saisi du premier rapport de l’État de Palestine (E/C.12/PSE/1) ainsi que des réponses du pays à une liste de points à traiter qui avait été soumise par le Comité.
Présentation du rapport
Présentant le rapport de son pays, M. OMAR AWDALA, Ministre adjoint pour les Nations Unies et les institutions spécialisées au Ministère des affaires étrangères et des expatriés de la Palestine, chef de la délégation palestinienne, a indiqué que le document énumérait les mesures législatives adoptées en Palestine pour donner effet au Pacte, ainsi que les obstacles rencontrés ce faisant, notamment l’occupation coloniale israélienne qui constitue la principale entrave à l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, en particulier le droit à l’autodétermination et à la souveraineté sur ses ressources.
M. Awdala a mis en avant le fait que l’État de Palestine défend les droits des Palestiniens à développer leur culture et leur identité nationales. Les Palestiniens, a-t-il ajouté, jouissent de l’égalité de droit, leurs libertés politique et religieuse étant respectées sur la base de la liberté d’expression et de réunion. Cependant, le régime d’apartheid imposé par Israël doit être démantelé pour que le peuple palestinien puisse exercer l’ensemble de ses droits, a ajouté M. Awdala.
M. Awdala a ensuite indiqué qu’un comité interministériel avait été créé pour coordonner la mise en œuvre des obligations de l’État au titre du Pacte, comité qui travaille en consultation avec les organisations de la société civile. De nombreuses lois ont été promulguées, notamment la loi pour protéger la famille face aux violences, tandis qu’une commission est chargée de contrôler la cohérence du droit national par rapport aux dispositions du Pacte. Cet instrument a été publié dans le Journal officiel palestinien et fait désormais partie du cadre législatif du pays, a précisé M. Awdala.
Le chef de la délégation a aussi précisé que la ville de Jéricho venait d’être inscrite sur la liste du patrimoine historique de l’UNESCO, de même que la broderie palestinienne, au titre des biens immatériels.
Le Gouvernement a d’autre part adopté une stratégie pour réaliser le Programme de développement durable à l’horizon 2030. Une stratégie de lutte contre la pauvreté (2023-2030) et un comité pour lutter contre la pauvreté ont été mis en place afin de relever les défis en la matière, a aussi précisé M. Awdala. Le programme vise à lutter contre la pauvreté et le chômage, un accent particulier étant placé sur les personnes handicapées.
Par ailleurs, de nombreuses femmes ont été élues lors des dernières élections, a indiqué M. Awdala. Quant au projet de loi sur la prévention de la traite des personnes, il est en cours d'examen au Cabinet des Ministres. Une stratégie nationale a été adoptée pour garantir l’égalité des sexes sur le marché du travail. Une loi sur la sécurité sociale est en cours d’élaboration avec l’Organisation internationale du Travail.
M. Awdala a ensuite dénoncé le « régime colonialiste et raciste » d’Israël, indiquant que l’année 2023 avait été la plus sanglante pour l’État de Palestine. Israël a en effet tué plus de 209 Palestiniens, y compris 47 enfants, outre 570 attaques terroristes par des colons israéliens contre des civils palestiniens. De plus, cette année l'autorité occupante a placé arbitrairement en détention 3800 Palestiniens, y compris des enfants. L’occupation israélienne s’efforce de saper l’économie palestinienne ce qui est contraire aux dispositions du Pacte, a mis en garde M. Awdala. Israël continue également sa campagne de nettoyage ethnique en détruisant des logements, en confisquant les cartes d’identité ou encore en érigeant un mur qui empêche les agriculteurs palestiniens d’accéder à leurs terres, a dénoncé le chef de la délégation.
M. Awdala a ajouté que plus de 600 millions appartenant à la Palestine avaient été confisqués par Israël, sommes destinées à payer les salaires des fonctionnaires palestiniens, ce qui a aggravé la pauvreté. M. Awdala a dénoncé le siège de Gaza qui dure depuis plus de seize ans et qui a entraîné, outre des violations des droits de l’homme, des pertes économiques à hauteur de 16 milliards de dollars. Il a chiffré à 50 milliards de dollars les pertes économiques en 2020 induites par toutes les mesures israéliennes, soit deux fois et demie le PIB de la Palestine cette année-là.
M. Awdala a aussi mentionné les mesures prises pour contrecarrer une campagne barbare d’Israël contre le système éducatif palestinien, et dénoncé un ciblage de la société civile palestinienne par les autorités d’occupation.
Questions et observations des membres du Comité
M. ASRAF ALLY CAUNHYE, rapporteur du groupe de travail chargé par le Comité de l’examen du rapport de l’État de Palestine, a reconnu que l'occupation israélienne constituait sans aucun doute une violation du droit inaliénable du peuple palestinien à l'autodétermination, qui inclut son droit de déterminer librement son statut politique et de poursuivre librement son développement économique, social et culturel en utilisant ses richesses naturelles.
L’expert a ajouté que l'occupation illégale était ponctuée de restrictions de mouvement, du blocus de la bande de Gaza, de la démolition d'actifs, de la construction de nouvelles colonies et d'une exploitation abusive des ressources naturelles par la puissance occupante. Les problèmes auxquels le peuple palestinien est confronté ont été encore aggravés par la crise financière et le taux de chômage élevé après la pandémie de COVID-19, ainsi que par une baisse spectaculaire de l'aide étrangère.
M. Caunhye rappelé par ailleurs que les organisations non gouvernementales en Palestine jouent un rôle essentiel dans leur soutien aux groupes vulnérables et doivent travailler dans des conditions de plus en plus difficiles, notamment du fait des restrictions et de la manipulation de la législation antiterroriste par la puissance occupante.
Dans un tel contexte, a insisté l’expert, il incombe à l'État partie de prendre toutes les mesures possibles pour mettre en œuvre ses obligations en vertu du Pacte, en tenant compte du fait que l’État de Palestine en porte la responsabilité ultime à tous les niveaux de gouvernement et pour l'ensemble de la population.
Les membres du Comité prennent note de la publication du Pacte dans le Journal officiel, a dit M. Caunhye, avant de demander à la délégation les mesures prises par le Gouvernement pour sensibiliser la population au caractère opposable des droits consacrés par le Pacte.
M. Caunhye a déploré l'absence de processus législatif régulier en Palestine, citant à cet égard le décret présidentiel du 30 avril 2021 qui a provoqué l'annulation des élections prévues en 2021, la principale raison invoquée étant que les Palestiniens sont empêchés par Israël de voter à Jérusalem. L’expert a demandé des informations sur les mesures prises pour la tenue d'élections législatives et présidentielles dans un avenir proche afin de garantir le fonctionnement du processus parlementaire et législatif visant à rendre les lois nationales compatibles avec le Pacte.
Le rapporteur a également souhaité obtenir des informations sur ce qui a été fait pour garantir l'indépendance du pouvoir judiciaire en empêchant toute ingérence indue ou tout favoritisme de la part de l'exécutif dans la nomination des juges et en garantissant leur inamovibilité.
Selon certaines informations, a poursuivi le rapporteur, la corruption, y compris le népotisme, nuit au bon fonctionnement de la fonction publique et du système judiciaire palestiniens. L'absence d'un cadre juridique et institutionnel approprié, ainsi que le manque de responsabilité et de transparence dans la conduite des affaires publiques, sont quelques-uns des facteurs qui expliquent l'incapacité de prévenir et de combattre la corruption dans de nombreux domaines, a ajouté l’expert.
M. LUDOVIC HENNEBEL, membre du groupe de travail chargé de l’examen du rapport de l’État de Palestine, a souligné que le dialogue entre la délégation et les membres du Comité devait permettre d’identifier des problèmes spécifiques. Il s’est conscient de la situation extrêmement complexe sur le terrain, liée notamment à l’occupation israélienne, à l’expansion des colonies et au blocus de Gaza. L’exercice consiste à identifier les défis et les obstacles, à surmonter les difficultés et à trouver ensemble des solutions.
M. Hennebel a interrogé la délégation sur les mesures prises pour lutter contre les pratiques préjudiciables qui affectent les femmes ; pour interdire la polygamie et protéger les femmes et les filles des violences sexuelles et sexistes ; et pour enquêter efficacement et punir les auteurs des crimes d’honneur. Il s’est également enquis de la définition du viol dans le projet de nouveau code pénal.
M. YONGXIANG SHEN, membre du groupe de travail chargé de l’examen du rapport de l’État de Palestine, a témoigné sa sympathie avec l’État partie dans les défis auxquels il est confronté, à savoir l’occupation et les divisions politiques internes, mais aussi la destruction d’écoles par la puissance occupante, l’insécurité dans les écoles, le manque d’équipements ou encore les difficultés auxquels les enfants sont confrontés, en particulier les enfants handicapés.
Sur les questions de travail et d’emploi, Mme PREETI SARAN, membre du groupe de travail chargé de l’examen du rapport de l’État de Palestine, a déploré des niveaux de chômage élevés en Palestine, un écart important en matière d’emploi et de rémunération entre hommes et femmes ainsi que des écarts de chômage entre la Cisjordanie et Gaza. L’experte a demandé si l’État avait pris des mesures pour s’attaquer aux causes structurelles du chômage.
Des informations parvenues au Comité, a ajouté l’experte, montrent que le peuple palestinien est soumis à des violations affectant son droit au travail et à la jouissance de conditions de travail justes et favorables, notamment en ce qui concerne les salaires, les congés, les indemnités de licenciement, la sécurité et les conditions de travail salubres. Ces violations sont aggravées parce que la loi n’est respectée.
Un autre expert membre du Comité a souhaité savoir si l’État de Palestine avait adopté des mesures pour combattre les disparitions forcées et s’il envisageait de créer une instance nationale relative à cette question.
Plusieurs questions ont porté sur les ressources disponibles à investir dans les droits économiques, sociaux et culturels, et les domaines prioritaires de l’État de Palestine en ce qui concerne ces droits. Le Pacte stipule que les États membres doivent respecter les droits consacrés par le Pacte dans la mesure de leurs capacités, a précisé un expert – autrement dit, « agir au maximum des ressources disponibles ».
Un autre expert s’est enquis des ressources disponibles pour couvrir l’assistance alimentaire et réduire la pauvreté. Il a demandé quels étaient les besoins réels dans ces domaines et quelle part le Gouvernement était en mesure de couvrir. Une autre question a porté sur la répartition des ressources disponibles entre Gaza et le reste du territoire palestinien. Un expert a fait remarquer que « même si la puissance occupante retire un certain nombre de financements ou soustrait une partie des financements internationaux », cela n’expliquait pas pourquoi l’aide financière internationale avait baissé de 25%.
Il a également été signalé par un expert que, selon les dernières informations disponibles, on enregistrait en Palestine une nouvelle détérioration de la situation en matière de pauvreté : 36% de la population palestinienne vivrait en dessous du seuil de pauvreté, le taux d’insécurité alimentaire atteignant 23% en Cisjordanie et 53% à Gaza. La délégation a été priée de fournir des données ventilées sur la proportion de la population vivant sous le seuil de pauvreté, y compris des données relatives aux personnes âgées et aux personnes handicapées.
Il a ensuite été relevé que la Loi fondamentale de Palestine garantissait l’égalité de tous les Palestiniens devant la loi, sans distinction. Toutefois, le cadre constitutionnel et juridique n’assure pas une protection en conformité avec les droits énoncés dans le Pacte, a affirmé un expert, en particulier parce que la Loi fondamentale ne contient aucune définition de la discrimination à l’égard des femmes. De plus, selon des informations reçues par le Comité, certains groupes d'enfants, tels que les filles appartenant aux communautés bédouines et les enfants handicapés, ainsi que les membres de la communauté LGBTI, sont particulièrement exposés à la discrimination.
D’autres questions ont porté sur les moyens consacrés par l’État pour garantir le droit à un niveau de vie suffisant, notamment l’accès à une nourriture abordable, à l’eau potable et au logement, mais aussi pour répondre aux autres besoins essentiels de la population et renforcer la sécurité alimentaire et hydrique de la population en Cisjordanie et à Gaza, de même que pour garantir un niveau de vie suffisant dans les camps de réfugiés.
Un expert a souhaité savoir pourquoi l’État de Palestine n’avait toujours pas adopté la loi sur la protection de la famille, pourquoi ce processus était suspendu et si la police était formée à la prise en charge des victimes de violences sexuelles.
Le manque de données officielles actualisées ne permet pas une évaluation et un suivi appropriés de la situation des droits de l'homme en Palestine, a-t-il enfin été noté.
Réponses de la délégation
D’emblée, la délégation a indiqué que les élections législatives et présidentielles n’ont pas été annulées mais reportées jusqu’au moment où le Gouvernement sera en mesure de les organiser. La délégation a rappelé que les élections municipales et syndicales ont pu avoir lieu mais que la puissance occupante interdisait la tenue de scrutins à Jérusalem-Est. L’État de Palestine espère tenir des élections dès que les conditions seront requises sur l’ensemble du territoire, y compris à Jérusalem-Est.
Un expert du Comité ayant demandé si l’État de Palestine avait ratifié le Statut de Rome, la délégation a indiqué que c’était bien le cas, son pays entendant en effet poursuivre devant la Cour pénale internationale les crimes commis à l’encontre de la population palestinienne. Le Statut a été publié dans le Journal officiel et s’inscrit désormais dans le cadre législatif palestinien. Toutefois, s’agissant de la Convention relative aux disparitions forcées, question abordée par un autre expert, l’État de Palestine n’est pas État partie puisqu’il n’est pas membre de l’ONU. Seuls les États Membres peuvent ratifier cette Convention, a fait observer la délégation.
Concernant l’invocation des dispositions du Pacte devant les tribunaux palestiniens, la délégation a indiqué que la Cour constitutionnelle examinait les appels interjetés par toutes les parties et tous les citoyens palestiniens, y compris les appels relatifs aux droits économiques, sociaux et culturels. Les dispositions des instruments relatifs aux droits de l’homme ont déjà été invoquées devant les tribunaux nationaux. La délégation a ajouté qu’en 2002, le Président avait, par décret, réorganisé le travail des juges pour garantir l’indépendance de la justice.
L’État de Palestine s’efforce de mettre en place des mesures concrètes pour pallier l’absence de législation dans certains domaines et ainsi de garantir les droits essentiels du peuple palestinien, a dit la délégation. S’agissant de la bande de Gaza, elle a précisé que cette partie du territoire était placée sous une autorité étrangère de facto. Le Gouvernement travaille à la réunification nationale sous la houlette de l’autorité palestinienne.
Concernant l’assistance financière aux familles qui se trouvent dans une situation d’extrême pauvreté, la délégation a fait savoir que le Gouvernement n’avait pas été en mesure, en 2022, de verser les allocations prévues. En effet, Israël procède illégalement, chaque mois, à une ponction de 600 millions de shekels sur les recettes fiscales qu’il perçoit pour le compte de l’État de Palestine. D’autre part, l’appui des donateurs s’est drastiquement réduit, passant de 1,3 milliard en 2013 à 250 millions aujourd’hui. L’État de Palestine fournit actuellement une aide d’urgence à 110 000 familles, dont 90 000 à Gaza.
Répondant à la question relative aux indicateurs de pauvreté, la délégation a indiqué que le Gouvernement avait produit une cartographie des zones les plus pauvres, qui est disponible sur le site Internet du Bureau de la statistique. Près de deux tiers de la société est composée de jeunes de moins de 30 ans, bien formés et qui représentent une composante importante de l’économie. Certains secteurs de l’économie émergent, tels que le tourisme ou encore les nouvelles technologies et l’agriculture. Le pays dispose de nombreuses ressources disponibles qui aident à rendre l’économie plus prospère et résiliente, a affirmé la délégation.
Le Gouvernement dispose par ailleurs d’une base de données qui l’aide à assurer une couverture sanitaire à tous les bénéficiaires, par le biais du Ministère du développement social. L’assurance maladie publique gratuite couvre l’ensemble de la bande de Gaza et un système d’assurance maladie public gratuit est destiné aux personnes handicapées.
S’agissant des projets d’autonomisation économique, la délégation a indiqué que le Gouvernement avait pu fournir – avec l’appui du Programme alimentaire mondial – une aide en vue de garantir la sécurité alimentaire des familles pauvres. Dans le cadre du programme d’autonomisation économique, le Ministère du développement social a également lancé un projet d’autonomisation des personnes handicapées, y compris des femmes, et pour les petites entreprises. Ce programme vise à lutter contre la pauvreté.
La délégation a aussi précisé que le Gouvernement avait débloqué une aide exceptionnelle de 300 000 dollars pour l’autonomisation des femmes. De plus, un budget spécial intégrant les questions de genre a été adopté et 68 fonctionnaires travaillent actuellement à mettre en place les plans stratégiques en vue d’établir une instance nationale pour la promotion des femmes.
La délégation a fait savoir que dans le système juridique palestinien, les infractions liées aux crimes économiques sont régies par la loi relative à la lutte contre la corruption. Il existe des parquets chargés de traiter ces affaires, des inspections sont menées et sur les 1297 affaires enregistrées, 86% d’entre elles ont été résolues. De plus, une loi a été approuvée en matière de lutte contre le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme et la traite des êtres humains.
S’agissant de la dette extérieure, elle est de 1,3 milliard de dollars, soit 80% du PIB du pays. En 2022, l’aide internationale ou étrangère représentait 350 millions de dollars contre un milliard en 2013, une baisse de 80% en dix ans, a précisé la délégation.
Concernant la reconstruction dans les zones détruites, essentiellement dans la bande de Gaza, la délégation a indiqué que les efforts et l’aide internationale ont beaucoup aidé le pays. Toutefois, la puissance occupante empêche l’entrée de matériaux dans la bande de Gaza et taxe les matériaux de construction.
Répondant à une question relative à la société civile, la délégation a indiqué que le Gouvernement avait adopté une approche de coordination, de consultation et de coopération avec les organisations de défense des droits de l’homme. Elles participent à la formulation de stratégies, bénéficient de tous leurs droits et peuvent avoir recours aux tribunaux et à l’assistance juridictionnelle ou encore participer aux affaires publiques. Dans le cadre de consultations, le Gouvernement sollicite l’avis des organisations de la société civile, fait appel à leur expertise et elles peuvent soumettre des rapports.
Concernant les questions liées à l’emploi, la délégation a fait savoir que le Ministère de l’économie s’efforçait de réglementer les secteurs économiques et d'assurer la transition de l’économie informelle vers l’économie formelle. Ainsi, une décision a été adoptée par le Conseil des Ministres relative à la définition des micro, petites, moyennes et grandes entreprises, et une stratégie élaborée pour remédier aux difficultés auxquelles elles sont confrontées. Ainsi, dans l’État de Palestine, 99% des entreprises sont des petites et moyennes entreprises (PME). En 2021, le Président a adopté une loi relative aux PME qui favorise un environnement favorable à leur évolution. Le Gouvernement prépare actuellement la première stratégie nationale des PME, afin que celles-ci puissent enregistrer leurs activités et enfin sortir du secteur informel.
Répondant à une question liée à l'écart du taux de chômage entre la Cisjordanie et Gaza, la délégation a précisé que cette disparité était de 32 points de pourcentage avec 15% de chômage en Cisjordanie et 47% dans la bande de Gaza. Les taux les plus élevés sont dans les camps, notamment pour les femmes et les filles. Les bureaux de la statistique mènent de nombreuses études pour mieux comprendre le monde du travail, y compris le secteur informel.
S’agissant des réfugiés palestiniens, de nombreux projets sont menés en coopération avec l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) et les États européens.
La délégation a indiqué que le taux de violence à l’encontre des femmes était encore très élevé. De nombreux plans nationaux sont actuellement en préparation et des budgets ont été alloués pour lutter contre ces violences. De plus, 170 policiers ont été formés, dont 55 femmes, pour enregistrer les plaintes. Une aide juridique est également proposée pour venir en aide aux femmes. Des équipes bien formées prennent en charge les enfants et les femmes dans le cas de violences intraconjugales. L’absence de loi relative à la protection de la famille ne signifie pas que la législation est inefficace, a estimé la délégation.
Sur les questions d’éducation, la délégation a indiqué que les Bédouins et les populations vivant à proximité du mur de séparation étaient confrontées à de nombreux défis concernant. L’État déploie de nombreux efforts pour restaurer et reconstruire les écoles, alors même que, depuis 2016, la force occupante a démoli douze écoles – certaines parfois plusieurs fois – dans les différentes provinces du pays, souvent situées dans des zones marginalisées.
Il a par ailleurs été précisé par la délégation que les personnes ayant des besoins spécifiques peuvent être intégrés dans le processus d’éducation en fonction des ressources limitées du Gouvernement. Il y a également des mesures prises pour scolariser les filles vivant dans les zones reculées et marginalisées.
Des bourses universitaires sont offertes aux étudiants grâce aux bailleurs de fonds nationaux et internationaux, a également précisé la délégation. Le Gouvernement s'attelle à mettre en place une institution nationale pour l’enseignement technique et professionnel et pour créer de nouvelles opportunités d’emploi pour les jeunes gens. Le chômage demeure un problème important dans le pays : chaque année, 40 000 jeunes sont diplômés tandis que le marché ne peut en absorber que 10 000. C’est pourquoi la priorité est désormais donnée à la formation professionnelle et technique plutôt qu’aux filières traditionnelles universitaires.
Remarques de conclusion
M. CAUNHYE a salué la volonté de l’État de la Palestine de s’engager – malgré les difficultés que le pays rencontre – à déployer les droits économiques, sociaux et culturels de la population palestinienne.
M. AWDALA a indiqué que les recommandations seront appliquées dans la législation pour qu’elles deviennent partie intégrante de la politique palestinienne. Malgré toutes les difficultés rencontrées par le pays, le Gouvernement est ouvert pour avancer et honorer ses obligations internationales. L’occupation palestinienne sape la capacité de la population de Palestine de jouir de tous ses droits, a insisté le chef de la délégation.
Enfin, Mme Laura-Maria CRACIUNEAN-TATU, Présidente du Comité, rappelant que l’État de Palestine avait présenté son rapport initial, a remercié la délégation d’avoir donné au Comité non seulement des éléments de contexte, mais aussi des réponses techniques et précises afin que les experts puissent formuler des observations finales capables de changer la situation sur le terrain.
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