Fil d'Ariane
Le Comité des droits des personnes handicapés se penche sur le suivi de l’enquête concernant la Hongrie
Le Comité des droits des personnes handicapées s’est penché cet après-midi sur le suivi de l’enquête concernant la Hongrie, au titre de l’article 6 du Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées.
Ce dialogue de suivi portait sur les questions soulevées incluses dans le rapport d'enquête (CRPD/C/HUN/IR/1) que le Comité a adopté en septembre 2019 et qui a été rendu public en avril 2020. Dans ce rapport, le Comité a examiné en particulier deux questions : l'impact sur les personnes handicapées du système de tutelle et de curatelle partielle mis en place dans l'État partie, et la mise en œuvre de la politique de désinstitutionalisation par l'État partie. Il a ainsi conclu que des violations graves et systématiques des articles 5, 12 et 19 de la Convention avaient lieu dans l'État partie.
En septembre 2022, le Comité avait décidé d'engager avec l'État partie et les organisations de personnes handicapées un dialogue de suivi sur le rapport d'enquête qui a fait l’objet de la séance de cet après-midi.
Cet après-midi, plusieurs experts du Comité sont intervenus pour déplorer la situation des personnes handicapées en Hongrie et notamment les violations graves des personnes handicapées dans les institutions. Nombre d’entre eux se sont également inquiétés de l’absence de contribution de la société civile à ce dialogue de suivi et du maintien en Hongrie du régime de la tutelle, qui ne permet pas la mise en œuvre d’un processus de désinstitutionalisation.
La délégation hongroise était menée par M. Csaba Prohaska, Chef de Département chargé du handicap au Ministère de l'intérieur de la Hongrie, qui s’est dit convaincu que toute nation doit trouver ses propres réponses aux questions que se posent sa société. La Convention ne doit pas être vue comme une solution unique qui doit être appliquée par tous les pays ; il s’agit d’une base commune sur laquelle toute nation peut construire son propre chemin en prenant notamment en compte ses spécificités culturelles et économiques, a-t-il affirmé.
Il existe un accueil aujourd’hui plus adapté des enfants handicapés, avec l’augmentation sensible des besoins spéciaux reconnus par l’État, a poursuivi le chef de la délégation. En 2020, la méthodologie a été revue afin de mettre en œuvre une éducation pleinement inclusive, a-t-il d’autre part souligné. L’éducation inclusive est aujourd’hui une priorité de la Hongrie, a-t-il insisté.
M. Prohászka a en outre indiqué que la Hongrie, à partir du 1er janvier prochain, allait amender sa loi sur l’égalité des chances et des droits des personnes handicapées afin de mettre en œuvre les recommandations du Comité.
D’autres membres de la délégation hongroise ont assuré qu’en Hongrie, les recommandations du Comité sont prises très au sérieux s’agissant notamment de la capacité juridique et du droit de vote. La Cour suprême supervise la pratique judiciaire concernant la tutelle, a-t-il été souligné. Par ailleurs, le Gouvernement hongrois prévoit pour l’année prochaine d’amender le Code civil et de revoir un certain nombre de dispositions liées à la capacité juridique pour les personnes handicapées, a-t-il été ajouté. La volonté du Gouvernement hongrois est de mettre davantage l’accent sur la participation des organisations représentant les personnes handicapées dans l’élaboration des mesures qui les concernent, a d’autre part indiqué la délégation. La volonté est également d’amender la loi sur la protection de l’enfance, avec une attention toute particulière pour les enfants handicapés placés en famille d’accueil, a-t-il été ajouté. Il y a aujourd’hui deux fois plus de familles d’accueil spécialisées qui peuvent prendre en charge des personnes handicapées, a souligné la délégation.
Outre M. Prohaska, la délégation hongroise était composée de Mme Margit Szücs, Représentante permanente de la Hongrie auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de représentants de la Mission permanente de la Hongrie auprès des Nations Unies à Genève et du Ministère de l’intérieur.
Un résumé des constatations et des conclusions du Comité sur ce dialogue de suivi sera inclus dans le rapport de cette 29ème session du Comité.
Demain après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l’examen du rapport périodique de l’Autriche.
Suivi de l’enquête concernant la Hongrie
Présentation de la délégation
M. Csaba PROHaSZKA, Chef de Département chargé du handicap au Ministère de l'Intérieur de la Hongrie, s’est dit convaincu que toute nation doit trouver ses propres réponses aux questions que se posent sa société. La Convention ne fait pas exception à cette approche ; elle ne doit pas être vue comme une solution unique qui doit être appliquée par tous les pays, a-t-il affirmé. Il s’agit d’une base commune sur laquelle toute nation peut construire son propre chemin en prenant en compte ses spécificités, notamment culturelles et économiques, a-t-il insisté. La Hongrie a mis en place un programme sur le handicap en 2015, en coopération avec la société civile ; ce programme reflète les points de vue des organisations de la société civile, a-t-il indiqué. Le mécanisme indépendant pour le handicap est sous la supervision de la Commission sur les droits fondamentaux ; ce mécanisme regroupe des experts dans le domaine du handicap et des organisations de la société civile, a-t-il ajouté.
Il existe un accueil aujourd’hui plus adapté des enfants handicapés, avec l’augmentation sensible des besoins spéciaux reconnus par l’État, a poursuivi le chef de la délégation. Le Gouvernement hongrois a par ailleurs pris des mesures pour améliorer les informations relatives aux droits des personnes handicapées dans tout le pays.
En 2020, la méthodologie a été revue afin de mettre en œuvre une éducation pleinement inclusive, a d’autre part souligné M. Prohászka. Un réseau d’enseignants spécialisés a été créé, avec des nouvelles directives pédagogiques dans ce domaine, a-t-il précisé. L’éducation inclusive est aujourd’hui une priorité de la Hongrie, a-t-il insisté. Les personnes ayant des handicaps multiples peuvent aujourd’hui aller suivre leur cursus dans l’enseignement ordinaire, contrairement à ce qui se passe dans de nombreux pays européens, a-t-il déclaré. Une stratégie prévoit en outre un appui à l’apprentissage professionnel pour les étudiants en situation de handicap. Les étudiants handicapés ont aussi un accès préférentiel à l’université.
Pour parvenir à l’intégration sociale des personnes handicapées, des mesures ont également été prises par le Gouvernement afin de faciliter l’accès à l’emploi des personnes handicapées, a ajouté M. Prohászka.
Enfin, M. Prohászka a indiqué que la Hongrie, à partir du 1er janvier prochain, allait amender sa loi sur l’égalité des chances et des droits des personnes handicapées afin de mettre en œuvre les recommandations du Comité.
D’autres membres de la délégation hongroise ont souligné que la Commission sur les droits fondamentaux va au-delà de ce qu’il est habituellement prévu dans le mandat d’une institution nationale des droits de l’homme et peut notamment prendre de nombreuses mesures dans le domaine du handicap. Cette Commission a travaillé à l’amendement de la loi sur les mécanismes indépendants prévus par la Convention ; en outre, elle étudie et examine la manière dont les droits des personnes handicapées sont appliqués conformément à la Convention et elle travaille aussi à éliminer toutes les failles du système. La loi instaurant la Commission des droits fondamentaux prévoit que cette institution puisse intervenir dans des projets de loi ou proposer elle-même des projets de loi. La Commission prend également part à l’élaboration du Programme national du handicap et participe au plan d’action pour sa mise en œuvre, a-t-il été souligné.
En Hongrie, les recommandations du Comité sont prises très au sérieux s’agissant notamment de la capacité juridique et du droit de vote, a-t-il été ajouté. Dans ce domaine, l’institut de droit comparé a été invité à entamer une étude sur la capacité juridique des personnes handicapées, en lien avec la situation dans d’autres pays, notamment l’Autriche ou la France.
La Cour suprême supervise la pratique judiciaire concernant la tutelle, a-t-il également été indiqué ; il y a trois ans, un groupe a été créé pour analyser cette pratique. Il est maintenant prévu d’évaluer la situation, d’étudier comment les règles sont appliquées dans la pratique ou comment les procédures judiciaires sont suivies et, le cas échéant, de prendre des mesures pour unifier ces pratiques judiciaires s’agissant de la levée de la capacité juridique. Ce groupe a terminé son travail et la Cour suprême a accepté ses conclusions, qui sont disponibles en ligne, a-t-il été indiqué. Par ailleurs, le Gouvernement hongrois prévoit pour l’année prochaine d’amender le Code civil et de revoir un certain nombre de dispositions liées à la capacité juridique pour les personnes handicapées, a-t-il été ajouté. L’objectif du Gouvernement est que tous les mécanismes d’aide à la prise de décision soient plus solides.
Le plan d’action pour mettre en œuvre le Programme national sur le handicap prévoit d’améliorer les systèmes d’aide à la décision, a en outre souligné la délégation. L’intention du Gouvernement est, avec les organisations de la société civile, de mettre en place un système de coopération pour faire plus largement connaître les mécanismes d’aide à la décision.
La délégation a d’autre part indiqué que des formations destinées aux juges et aux employés du judiciaire sont organisées afin qu’ils comprennent mieux les besoins particuliers des personnes handicapées.
La volonté du Gouvernement hongrois est de mettre davantage l’accent sur la participation des organisations représentant les personnes handicapées dans l’élaboration des mesures qui les concernent. De même, les autorités souhaitent davantage faire connaître leurs droits aux femmes et filles handicapées. Des mesures sont par ailleurs prises pour permettre l’autonomisation des personnes handicapées, notamment grâce à un système d’aide à domicile, a-t-il été souligné.
La volonté est également d’amender la loi sur la protection de l’enfance, avec une attention toute particulière pour les enfants handicapés placés en famille d’accueil, a ajouté la délégation. Aujourd’hui, le placement en famille d’accueil ne peut être refusé que lorsqu’il ne répond pas à l’intérêt supérieur de l’enfant, a précisé la délégation. Il y a aujourd’hui deux fois plus de familles d’accueil spécialisées qui peuvent prendre en charge des personnes handicapées, avec une amélioration des compensations financières prévues pour ces familles, a-t-elle souligné.
Remarques et questions des membres du Comité
MME AMALIA GAMIO RIOS a regretté l’absence des organisations de personnes handicapées dans le cadre de la présente enquête. Elle s’est également dite inquiète des propos liminaires du chef de la délégation concernant la mise en œuvre de la Convention. Elle a ensuite souligné que le mot « tutelle » utilisé par la délégation hongroise ne semblait pas en adéquation avec les dispositions de la Convention. L’experte a demandé s’il était prévu de mettre fin au système de la tutelle – ce qui est « un préalable indispensable à la désinstitutionalisation », a-t-elle souligné.
Mme Gamio Rios s’est aussi inquiétée du mécanisme de plaintes, qui semble trop bureaucratique et qui, dans la pratique, ne prévoit jamais de sanctions.
L’experte a ensuite demandé si l’institution « Topház » avait été fermée et où se trouvait aujourd’hui les victimes de cette institution. Elle a voulu savoir si l’État hongrois était toujours opposé au principe de la désinstitutionalisation.
M. ROBERT GEORGE MARTIN, corapporteur du rapport d’enquête du Comité sur la Hongrie, s’est enquis des mesures prévues pour augmenter le système d’aides aux familles qui doit permettre aux enfants handicapés de pouvoir continuer à vivre dans leur communauté.
L’expert s’est également enquis des résultats des campagnes de sensibilisation dans le domaine de l’éducation inclusive. Il a en outre demandé des informations sur l’évolution du nombre de personnes handicapées se trouvant sous le régime de la tutelle.
M. Martin a en outre souhaité savoir s’il était prévu que les organisations de la société civile participent à la révision du Code pénal.
L’expert a aussi voulu savoir dans quelle mesure la pandémie avait touché les personnes vivant en institution et combien avaient perdu la vie en raison de la COVID-19.
L’expert s’est ensuite enquis des mesures adoptées pour garantir le droit de vote à toutes les personnes handicapées.
D’autres experts du Comité sont intervenus pour déplorer la situation des personnes handicapées en Hongrie. Nombre d’entre eux se sont également inquiétés de l’absence de contribution de la société civile, ainsi que du maintien du régime de la tutelle dans le pays.
Réponses de la délégation
La délégation a insisté sur l’augmentation continue du nombre de familles d’accueil spécialisées dans l’accueil des enfants handicapés.
La délégation a en outre indiqué que de nombreuses aides financières sont prévues pour améliorer l’accessibilité des personnes handicapées aux lieux publics.
Conformément aux recommandations du Comité, la loi sur les services sociaux prévoit la diminution de la taille des grandes institutions [de placement de personnes handicapées], qui doit être limitée à 50 lits maximum afin que ces institutions soient plus accueillantes. Le soutien aux personnes handicapées est basé sur une approche bien plus axée sur la personne, a ajouté la délégation.
L’aide à la réadaptation est couverte par l’État, a par ailleurs souligné la délégation. Les personnes handicapées peuvent bénéficier d’autres allocations, notamment pour handicap lourd, et il existe aussi incitations pour les employeurs qui emploieraient des personnes handicapées, a-t-elle indiqué.
Tous ces changements sont positifs et financés par le Gouvernement, a insisté la délégation, avant de mentionner également l’aide à une vie autonome sous forme de prise en charge durant la journée.
La délégation a par ailleurs souligné que 94% des enfants handicapés sont inscrits dans les écoles ordinaires. La grande majorité des écoles du pays et des transports scolaires sont aujourd’hui accessibles, a-t-elle fait valoir.
Le nouveau plan d’action du programme national en matière de handicap est en cours d’élaboration. Ce plan prévoit de nouveaux indicateurs sur le handicap qui, une fois le plan d’action adopté, seront pris en compte dans tout le pays, a d’autre part indiqué la délégation.
Remarques de conclusion
M. PROHASKA a insisté sur l’importance de la coopération entre le Gouvernement et les organisations de la société civile. Un nouveau mécanisme devrait être mis en place dans le pays qui permet une participation plus active des organisations de la société civile, a-t-il indiqué. Il a remercié le Comité pour ce dialogue et cette coopération, qui doivent permettre d’améliorer la situation des personnes handicapées et l’ordre juridique en Hongrie.
MME GAMIO RIOS a regretté que dans les membres de la délégation, il n’y ait pas de ministre ou de vice-ministre, car ce sont eux qui prennent les décisions. Elle a de nouveau demandé à la délégation si la Hongrie allait abroger le système de tutelle qui aujourd’hui, dans ce pays, est en violation de la Convention. Elle a par ailleurs relevé que le Comité continue d’observer des violations graves des personnes placées en institution au sein, notamment, d’habitations privées « organisées comme des prisons ». Les foyers pour personnes handicapées en Hongrie ne répondent pas à la notion de désinstitutionalisation, a-t-elle souligné. L’experte a dit espérer que la délégation allait prendre en compte les recommandations du Comité suite à cette procédure d’enquête.
M. MARTIN a pour sa part relevé qu’il y a encore en Hongrie des personnes handicapées sous tutelle dont la capacité juridique est restreinte. Il a exhorté la Hongrie à réviser son Code civil pour qu’il soit conforme à la Convention. Il a en outre insisté sur le processus de désinstitutionalisation qui devait être mis en œuvre en Hongrie et a renvoyé les autorités aux Lignes directrices du Comité dans ce domaine.
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