Fil d'Ariane
Le Comité des droits des personnes handicapées célèbre le premier anniversaire de ses Lignes directrices pour la désinstitutionalisation en tenant trois tables rondes thématiques
Le Comité des droits des personnes handicapées a célébré, cet après-midi, le premier anniversaire de l’adoption de ses Lignes directrices pour la désinstitutionalisation, y compris dans les situations d’urgence, adoptées en septembre 2022, en organisant trois tables rondes thématiques.
La première table ronde portait sur « la transformation des services aux personnes handicapées » et a été animée par M. Robert Martin, expert du Comité et coprésident du Groupe de travail sur la désinstitutionalisation.
Sont intervenus dans le cadre de ce panel : M. Victor Lizama, militant mexicain pour les droits des personnes handicapées ; Mme Priscila Rodriguez, membre de Disability Rights International ; Mme Bhargavi Davar, membre de Transforming communities for Inclusion ; Mme Tara Flood, membre du Conseil de Hammersmith et Fulham à Londres ; et Mme Marta Villanueva, Conseillère pour la santé et les personnes handicapées à la municipalité de Barcelone.
La deuxième table ronde portait sur « les réparations pour le placement en institution » et a été animée par Mme Laverne Jacobs, experte du Comité, membre du Groupe de travail sur la désinstitutionnalisation.
Sont intervenus dans le cadre de ce panel : M. Claude Heller, Président du Comité contre la torture ; Mme Lorena Berrio, membre de RedEsferan Latinoamericana de la Diversidad Psicosocial ; Mme Tina Minkowitz, du Centre pour les droits de l’homme des usagers et des survivants de la psychiatrie ; Mme Hanbyol Choi, Secrétaire générale du Forum coréen des personnes handicapées ; et Mme Luz María Piña, membre de Disability Rights International.
La troisième table ronde, intitulée « L’intersectionnalité et la désinstitutionnalisation dans les situations d’urgence », était animée par Mme Amalia Gamio, experte du Comité et coprésidente du Groupe de travail sur la désinstitutionnalisation.
Sont intervenus dans le cadre de ce panel : Mme Nicole Lee, membre de People with Disabilities Australia ; Mme Fatma Wangare, mère d’une fille ayant une déficience intellectuelle, de l’Association kényane pour les handicapés intellectuels ; Mme Núria Coma, auto-défenseure espagnole ; Mme Anhelina Chendarova, membre du conseil d’administration de DRI Ukraine ; et M. Juan Ignacio Perez, membre de l’International Disability Alliance.
Dans des remarques de conclusion, Mme Dragana Ciric Milovanovic, représentante de la Coalition mondiale pour la désinstitutionalisation, a félicité le Comité pour cette séance importante et a salué l’apport indispensable des organisations de la société civile dans le processus d’élaboration des Lignes directrices. Il faut continuer à travailler ensemble pour que la désinstitutionalisation devienne une réalité, a-t-elle conclu.
Au cours de cette première année inaugurale, les Lignes directrices sur la désinstitutionalisation se sont déjà révélées être un outil révolutionnaire, déclenchant un impact profond et ayant ouvert la voie à un changement transformateur entre les nations et les communautés, a pour sa part relevé la Présidente du Comité, Mme Gertrude Oforiwa Fefoame.
Lundi après-midi, à 15 heures, le Comité se penchera sur le suivi de l’enquête concernant la Hongrie (au titre de l’article 6 du Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées).
Aperçu du débat
Premier panel : « La transformation des services aux personnes handicapées »
M. Robert GEORGE Martin, expert du Comité et coprésident du Groupe de travail sur la désinstitutionalisation, a indiqué que les Lignes directrices pour la désinstitutionalisation, y compris dans les situations d’urgence, adoptées par le Comité en septembre 2022, soulignent [au paragraphe 75] que « les services d’accompagnement devraient être définis selon un modèle fondé sur les droits de l’homme, dans le respect de la volonté et des préférences des personnes handicapées, et avec leur pleine participation, et, si celles-ci le souhaitent, avec le concours de leur réseau d’accompagnement. Afin de déterminer la mesure dans laquelle une personne handicapée a besoin d’être accompagnée pour vivre de manière autonome dans la société, une démarche centrée sur la personne et privilégiant les outils d’auto-évaluation devrait être adoptée».
Les Lignes directrices soulignent également que les États parties devraient veiller à ce que des options extérieures au système de soins de santé, qui respectent pleinement la connaissance de soi, la volonté et les préférences de l’individu, soient mises à disposition en tant que services primaires sans qu’il soit nécessaire de diagnostiquer ou de traiter la santé mentale dans sa propre communauté. Ces options devraient répondre aux exigences de soutien liées à la détresse ou aux perceptions inhabituelles, y compris le soutien en cas de crise, le soutien à la prise de décision à long terme, intermittent ou émergent, le soutien pour guérir d’un traumatisme et tout autre soutien nécessaire pour vivre dans la communauté et jouir de la solidarité et de la camaraderie, a indiqué l’expert.
M. Victor Lizama, militant mexicain pour les droits des personnes handicapées, a indiqué que grâce à son expérience en tant que personne ayant reçu un diagnostic psychiatrique et en tant que facilitateur de justice, accompagnant des personnes souffrant de handicaps psychosociaux dans des procédures pénales dans son pays, il a réussi à identifier les mécanismes de contrôle social causés par le système de santé mentale actuel. Il a dénoncé la coercition pour ceux qui acceptent, impuissants, un diagnostic par la soi-disant sensibilisation à la maladie et l’observance du traitement ; ou la coercition par la restriction des droits, l’imposition d’un traitement et la privation de liberté à ceux qui nient le diagnostic ou survivent en marge de la société. L’un des résultats les plus cruels de ce système est l’institutionnalisation, un mécanisme de soins supposés qui finit par générer des abus, de la violence, des traumatismes, des abandons et des oublis, a-t-il relevé.
Pour réussir le processus de désinstitutionalisation, il faut tenir compte de différents aspects : reconnaître juridiquement comme personnes souffrant de handicaps psychosociaux celles qui vivent actuellement exclues dans les institutions ou asiles pour des raisons de « santé mentale » ; élaborer des stratégies qui rétablissent les droits de cette population ; ou concevoir des politiques et des programmes publics tenant compte des personnes handicapées, ainsi que des services accessibles.
Mme Priscila Rodriguez, membre de Disability Rights International, a indiqué que l’objectif de son organisation était de mettre en œuvre les Lignes directrices du Comité. Dans le cadre ce premier anniversaire [depuis l’adoption des Lignes directrices], a été élaborée une cartographie afin de déterminer les défis et les succès en matière de mise en œuvre de ces Lignes directrices en Amérique Latine, a-t-elle fait savoir.
S’agissant des difficultés, elle a notamment relevé l’absence de statistiques concernant les personnes qui sont détenues dans des institutions dans lesquelles elles peuvent être victimes de torture, ainsi que l’absence de documents sur la situation des groupes vulnérables, comme les personnes LGBTI, dans les institutions. Elle a aussi relevé que dans les pays étudiés, moins de 3% du budget de la santé sont accordés aux hôpitaux psychiatriques.
Elle a néanmoins relevé que le Chili s’était engagé dans un processus de désinstitutionalisation et que d’autres pays envisagent de mettre un œuvre ce processus. S’agissant des bonnes pratiques, Mme Rodriguez a notamment relevé la création de centres communautaires pour accueillir les personnes handicapées dans certains pays ou encore la fermeture d’hôpitaux psychiatriques pour d’autres structures qui vont dans le sens de la désinstitutionalisation, notamment en Colombie.
Mme Bhargavi Davar, membre de Transforming communities for Inclusion, a relevé que les personnes souffrant de handicaps psychosociaux sont confrontées à de fortes restrictions de participation en raison d’obstacles juridiques, sociaux, économiques et autres. Ces personnes sont régulièrement déchues de leur capacité juridique, privées de liberté, placées en institution et soumises à des pratiques médicales coercitives par le biais de dispositions législatives. En raison de l’idée que les personnes souffrant de handicaps psychosociaux ont un besoin permanent de services « spécialisés », la mise en œuvre des droits universels, tels que le travail, le logement et la protection sociale, est filtrée par les services de santé mentale, ce qui creuse le fossé de l’exclusion et de la ségrégation, a souligné Mme Davar.
Il existe désormais un mouvement mondial croissant pour « améliorer » les services de santé mentale, dirigé par l’Organisation mondiale de la Santé, pour développer des alternatives à la coercition et pour offrir un large éventail de choix aux personnes souffrant de handicaps psychosociaux d’une manière qui préserve la vie, a salué Mme Davar.
Dorénavant, a-t-elle poursuivi, les services psychosociaux et de santé mentale spécifiques doivent être bien définis comme totalement exempts de coercition, offrir un large choix d’options aux personnes et être dirigés selon la volonté de la personne souffrant d’un handicap psychosocial, plutôt que par des médecins ou des thérapeutes. Le choix de refuser des traitements, le choix de choisir des solutions de rechange ou tout autre choix fait par la personne doit être respecté. Ces services doivent être offerts près du domicile de la personne. La transformation des services comprend l’élimination des pratiques cruelles, inhumaines et de torture - telles que la contention, les électrochocs, les lobotomies, etc… - du spectre des « traitements », a plaidé Mme Davar.
Mme Tara Flood, membre du Conseil de Hammersmith et Fulham à Londres, a fait une déclaration sur l’importance de la vie en toute autonomie pour les personnes handicapées. Elle a présenté le concept de la vie en autonomie tel que pensé par les personnes handicapées : c’est la possibilité pour les personnes handicapées de rester au sein de leur communauté et de leur laisser le choix dans tous les domaines de la vie. Il faut aussi supprimer les obstacles à l’inclusion et mieux accompagner les personnes pour qu’elles soient plus résilientes et intégrées au sein de la société. Parmi les obstacles, Mme Flood a notamment cité les obstacles au travail ou l’accès au logement. Il faut arrêter de travailler de manière cloisonnée dans ce domaine, a-t-elle plaidé. Il faut un travail de coopération entre les autorités locales et les résidents afin d’améliorer les résultats pour tous au sein de la société. Les personnes handicapées doivent être au cœur du changement.
Mme Marta Villanueva, Conseillère pour la santé et les personnes handicapées à la municipalité de Barcelone, a déclaré que Barcelone a toujours pris très au sérieux l’accessibilité et les droits des personnes handicapées. C’est aujourd’hui une des villes les plus accessibles, qui permet l’autonomisation des personnes handicapées. La ville souhaite aujourd’hui encore renforcer cette autonomisation. Barcelone a mis en place un projet pilote visant à proposer une assistance personnelle durant un certain nombre d’heures afin de permettre une autonomie personnelle de la personne handicapée et la désinstitutionalisation. Après avoir présenté ce projet dans les détails, Mme Villanueava a souligné que le défi principal aujourd’hui est l’universalisation de ce système d’assistance pour qu’il profite à toutes les personnes handicapées.
Des membres de la coalition sur la désinstitutionalisation ont résumé les commentaires reçus sur les réseaux sociaux suite à ces présentations.
Deuxième panel : « Les réparations pour le placement en institution »
Mme Laverne Jacobs, experte du Comité, membre du Groupe de travail sur la désinstitutionnalisation, a souligné que les Lignes directrices sur la désinstitutionnalisation, y compris dans les situations d’urgence, adoptées par le Comité en 2022 indiquent que les États parties devraient reconnaître le placement en institution sous toutes ses formes comme une violation multiple des droits consacrés par la Convention. Les facteurs aggravants peuvent inclure le refus d’une réparation effective, la durée du séjour, l’infliction d’interventions médicales forcées ou d’autres violences ou abus, et les conditions inhumaines et dégradantes. Les Lignes directrices soulignent que les États parties devraient s’engager à identifier et à réparer le placement en institution et les dommages qui en découlent, conformément à leurs obligations internationales. Les États parties devraient créer un mécanisme permettant d’identifier - et de sensibiliser à ce sujet - la nature et l’ampleur des dommages causés par toutes les formes d’institutionnalisation et de recommander des modifications à apporter à la législation et aux politiques. Les États parties devraient offrir aux personnes handicapées qui souhaitent obtenir réparation, justice réparatrice et d’autres formes de responsabilisation des voies d’accès à la justice individualisées, accessibles, efficaces, rapides et participatives.
M. Claude Heller, Président du Comité contre la torture, a souligné que les rapporteurs spéciaux ont déjà reconnu le risque accru de torture et de mauvais traitements auquel sont exposées les personnes handicapées dans le contexte du placement en institution. Ces dernières années, le Comité contre la torture a évoqué le traitement et le placement en institution dans des établissements psychiatriques et des centres de protection sociale dans les observations finales de plusieurs États parties, a-t-il relevé. Par ailleurs, dans plusieurs observations finales, le Comité s’est déclaré préoccupé par les allégations de torture et de mauvais traitements en milieu institutionnel, a-t-il indiqué.
Le Comité a aussi exprimé à plusieurs reprises sa préoccupation au sujet de l’institutionnalisation involontaire dans ses observations finales. Le Comité a par ailleurs fréquemment attiré l’attention dans ses observations finales sur le recours à la contrainte physique et chimique et le recours à l’isolement cellulaire. Il a aussi exprimé sa préoccupation au sujet de la surpopulation dans certains établissements psychiatriques. Le Comité s’est en outre déclaré à maintes reprises préoccupé par l’administration forcée d’un traitement médical sans le consentement des patients. Le Comité s’est en outre dit préoccupé par l’absence de voies de traitement des plaintes efficaces, indépendantes, confidentielles et accessibles
Le Comité a ainsi recommandé que les États parties établissent ou assurent le fonctionnement indépendant, impartial et efficace des organes mandatés pour superviser les établissements psychiatriques.
Enfin, M. Heller a présenté certaines recommandations du Comité contre la torture dans le domaine de la désinstitutionalisation, comme celles visant à intensifier les mesures destinées à soutenir la désinstitutionalisation des personnes handicapées et des personnes atteintes de maladie mentale, notamment en investissant dans des services alternatifs et communautaires, en collaboration avec les partenaires concernés.
Mme Lorena Berrio, membre de RedEsferan Latinoamericana de la Diversidad Psicosocial, a déclaré que toute institutionnalisation est synonyme de préjudice. Elle a indiqué avoir été stérilisée à la demande de son psychiatre en raison des viols de son compagnon. Il s’agit d’un crime contre l’humanité, a dénoncé Mme Berrio, soulevant la question de l’indemnisation pour toutes les personnes qui sont passées par les institutions et qui ont vu leurs droits violés. Il faut proposer une prise en charge complète pour ces victimes et pour les descendants. Il s’agirait d’une justice symbolique et de garantie de non-répétition, a insisté Mme Berrio. Il faut aussi reconnaître officiellement les erreurs dans les pratiques psychiatriques, a-t-elle ajouté. Mme Berrio a plaidé pour la fermeture de toutes les institutions dans lesquelles sont isolées les personnes handicapées. Elle a plaidé pour qu’un choix libre soit offert aux victimes pour les traitements proposés.
Mme Tina Minkowitz, du Centre pour les droits de l’homme des usagers et des survivants de la psychiatrie, a déclaré que la première des priorités pour les États pour réparer les dégâts de l’institutionnalisation est de laisser sortir les personnes privées de liberté au sein de ces institutions. C’est une obligation immédiate, a-t-elle insisté. Les tribunaux ont un rôle important pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention, a-t-elle poursuivi. Il faut arrêter de construire de nouvelles institutions et fermer celles existantes, a plaidé Mme Minkowitz. Ces mesures immédiates auraient une importance symbolique et opérationnelle et prouveraient que les États ont compris les défis liés à l’institutionnalisation. Les États doivent aussi coopérer avec les rescapés et les descendants des rescapés pour mettre fin à ce système et aux violations. Il faut aussi proposer une réparation symbolique et individuelle pour chaque victime, ce qui permet de reconnaître le préjudice subi. Mme Minkowitz a par ailleurs dénoncé le recours répété à la torture contre les personnes handicapées dans les institutions. Elle a conclu en demandant guérison et justice pour toutes les victimes.
Mme Hanbyol Choi, Secrétaire générale du Forum coréen des personnes handicapées, a déclaré que dans les Lignes directrices, lorsqu’est évoquée la réparation, il ne s’agit pas juste d’obtenir une indemnisation financière mais de recouvrer son autonomie perdue lors du placement en institution. En République de Corée, les « experts » disent mieux savoir [qu’elles] ce dont les personnes handicapées ont besoin, a-t-elle dénoncé. Il faut reconnaître aux personnes handicapées le droit de commettre des erreurs ; ces erreurs ne doivent pas devenir une preuve qu’elles n’auraient pas dû quitter l’institution. Il faut permettre aux personnes handicapées d’« apprendre la vie ». Les rescapés savent comment se reconnecter à la communauté et savent pardonner la société qui les a privés de tous leurs droits. Aucun être humain ne mérite d’être discriminé ou détenu, a insisté la Secrétaire générale du Forum coréen. La société devrait s’excuser auprès des rescapés et ces derniers doivent jouer un rôle de chefs de file dans le domaine de la désinstitutionalisation, a-t-elle conclu.
Mme Luz María Piña, membre de Disability Rights International, a dénoncé les décès dans le centre psychiatrique dans lequel elle résidait au Mexique. Elle a dénoncé les abus contre des personnes attachées sur leur lit dans cette institution. Elle a déclaré ne pas pouvoir avoir d’enfant car elle a eu une infection vaginale en raison des viols subis et a indiqué avoir été stérilisée. Elle a ensuite dénoncé les conditions de vie dans cette institution. Elle a souligné qu’elle n’avait pas eu la chance d’être autonome et qu’elle aurait aimé avoir des enfants.
Des membres de la coalition sur la désinstitutionalisation ont résumé les commentaires reçus sur les réseaux sociaux suite à ces présentations.
Troisième panel : « L’intersectionnalité et la désinstitutionalisation dans les situations d’urgence »
Mme Amalia Gamio RIOS, experte du Comité et coprésidente du Groupe de travail sur la désinstitutionalisation, a souligné que selon les Lignes directrices sur la désinstitutionalisation, y compris dans les situations d’urgence, les États parties devraient adopter une approche intersectionnelle pour lutter contre la discrimination, la ségrégation, l’isolement et les autres formes de mauvais traitements infligés aux personnes handicapées vivant dans des institutions ou sortant d’institutions. L’identité personnelle des personnes handicapées comporte de multiples facettes, et le handicap n’est qu’une caractéristique. Les autres caractéristiques comprennent notamment le sexe et le genre, l’identité et l’expression de genre, l’orientation sexuelle, les caractéristiques sexuelles, la langue, la religion, l’origine ethnique, autochtone ou sociale, le statut de migrant ou de réfugié, l’âge, le groupe de déficience, les opinions politiques ou autres, l’expérience de l’emprisonnement ou un autre statut, et ces caractéristiques se recoupent pour façonner l’identité individuelle d’une personne, a-t-elle précisé. L’intersectionnalité joue un rôle important dans les expériences vécues par toutes les personnes handicapées.
En ce qui concerne la désinstitutionalisation dans les situations d’urgence, les Lignes directrices indiquent que dans les situations d’urgence, telles que les pandémies, les catastrophes naturelles ou les conflits, les États parties devraient poursuivre et accélérer leurs efforts pour fermer les institutions. Dans les situations d’urgence, des efforts immédiats sont nécessaires pour identifier les personnes handicapées dans les institutions et les personnes handicapées déplacées à l’intérieur de leur propre pays, les enfants handicapés non accompagnés et séparés et les réfugiés handicapés afin d’empêcher leur placement en institution. Des efforts ciblés sont nécessaires pour assurer l’inclusion dans les mesures d’évacuation, de secours humanitaire et de relèvement et la pleine accessibilité dans les situations de risque et d’urgence. Le financement des situations d’urgence et du relèvement ne devrait pas soutenir la poursuite du placement en institution, a souligné l’experte. Au lieu de cela, des plans de désinstitutionalisation accélérée devraient être inclus dans les efforts de relèvement et dans les stratégies nationales de désinstitutionalisation, et mis en œuvre immédiatement dans les situations d’urgence, a-t-elle relevé.
Mme Nicole Lee, membre de People with Disabilities Australia, a indiqué avoir subi des traitements médicaux forcés et des violences sexuelles. Les personnes avec un handicap psychosocial sont prises pour cibles car personne ne les croit, a-t-elle relevé. Les auteurs de ces violences sont la plupart du temps les personnes qui sont censées prendre en charge ces personnes et les protéger. L’institutionnalisation poursuit les personnes toute leur vie avec des dossiers médicaux qui peuvent être utilisés contre elles devant les cours et tribunaux, a souligné l’oratrice. Le droit à l’autodétermination est sans cesse violé, a-t-elle ajouté, affirmant que le minimum est de protéger les dossiers médicaux. Les personnes sont traitées avec violence et les notes des psychiatres sont utilisées pour les détruire devant les tribunaux, a dénoncé Mme Lee. Les femmes handicapées ne sont pas vulnérables en raison de leur handicap mais en raison des systèmes qui les rendent vulnérables, a-t-elle en outre souligné.
Mme Fatma Wangare, mère d’une fille ayant une déficience intellectuelle, Association kényane pour les handicapés intellectuels, a déclaré qu’au Kenya, la plupart des personnes ayant un handicap cognitif sont exclues de la société et placées en institution ou en détention. Elle a indiqué que son organisation avait publié un rapport intitulé « Infanticide et violence » sur les décès d’enfants handicapés au Kenya dans les institutions. Beaucoup de ces institutions n’ont pas de licence, a-t-elle déploré ; il y a un grand nombre d’institutions non enregistrées, a-t-elle insisté. Certains parents subissent des pressions pour qu’ils tuent leurs enfants handicapés ou les placent en institution car la plupart n’ont pas les ressources pour les prendre en charge, a dénoncé Mme Wangare. Certains enfants en institution psychiatrique n’ont aucun contact avec leurs parents, a-t-elle relevé. Il faut transformer la société en profondeur dans ce domaine, a-t-elle plaidé. Il faut aussi soutenir individuellement les personnes handicapées et leur famille.
Mme Núria Coma, auto-défenseure espagnole, a fait part de son témoignage en tant que personne handicapée en Espagne. Elle a déclaré qu’elle n’a reçu aucun appui durant sa scolarité par rapport à son handicap. Cette absence d’appui a amené sa mère à démissionner de son travail pour s’occuper d’elle ; en outre, la situation financière de la famille a été très difficile car la famille a dû financer une grande partie des soins et à l’université, Núria n’a pas pu participer aux échanges Erasmus ; elle a été menacée d’être licenciée dans le cadre de son premier travail, si elle s’absentait un seul jour alors qu’elle rencontrait des difficultés de santé. Mme Coma a indiqué avoir aussi eu des difficultés pour se loger à Barcelone, n’ayant obtenu aucune aide pour le logement. Elle a souligné qu’elle aimerait pourtant pouvoir vivre de manière autonome. Les prestations ne sont pas toujours accessibles et ne fonctionnent pas bien, a-t-elle en outre regretté. Elle a conclu en indiquant qu’à 25 ans, elle était toujours inquiète pour son avenir et la possibilité qu’elle puisse vivre de manière autonome.
Mme Anhelina Chendarova, membre du conseil d’administration de DRI Ukraine, a aussi témoigné de son expérience de femme handicapée.
Elle a relevé avoir vécu les premières années de sa vie dans une institution après avoir été abandonnée par ses parents en raison de son handicap. Dans l’institution, personne n’a dit qui étaient ses parents et ses droits ont été violés à de multiples reprises. Tous les enfants qui avaient un handicap les empêchant de se déplacer devaient rester dans leur lit toute la journée, a témoigné l’oratrice. Elle a raconté avoir quitté l’institution à l’âge de 19 ans sans savoir quoi faire. Les institutions dégradent la personnalité et rendent incapable de se débrouiller dans la vie quotidienne, a-t-elle souligné. Grâce à certaines rencontres, elle a pu être aidée à trouver sa personnalité et aujourd’hui, elle est une militante de la société civile qui s’occupe des enfants qui vivent dans les institutions, a-t-elle expliqué. Elle a poursuivi en indiquant que l’institution dans laquelle elle a été accueillie se trouve aujourd’hui dans la zone d’occupation et que la Fédération de Russie a déporté les enfants qui s’y trouvaient vers son territoire. La désinstitutionalisation doit donc être accélérée dans les situations d’urgence que sont les conflits ou les pandémies, a plaidé Mme Chendarova.
M. Juan Ignacio Perez, membre de l’International Disability Alliance, a souligné que son Alliance avait été heureuse d’accompagner le Comité dans sa rédaction des Lignes directrices qui ont donné davantage de visibilité à la question de la désinstitutionalisation au niveau international. Ce n’est cependant pas suffisant : les États doivent accorder davantage de ressources à la désinstitutionalisation, a-t-il plaidé.
Il a poursuivi en indiquant que l’intersectionnalité devrait être prise en compte dans tous les aspects des processus de désinstitutionalisation, en particulier dans la planification, la mise en œuvre et le suivi de la fermeture des institutions, dans le développement de systèmes de soutien communautaire inclusifs et de services généraux inclusifs. Négliger l’intersectionnalité revient à négliger des facteurs qui sont importants pour respecter, protéger et mettre en œuvre pleinement les droits de l’homme, et revient à perpétuer les inégalités et la discrimination, a-t-il souligné.
À leur tour, les situations de risque et les urgences humanitaires peuvent être très diverses et ont des répercussions diverses, mais surtout négatives, sur les personnes handicapées en général, et sur les personnes handicapées en établissement ou à risque d’institutionnalisation en particulier, notamment des répercussions particulières fondées sur les identités intersectionnelles.
Il faut des politiques inclusives pour répondre aux urgences, mais il faut aussi insister sur le besoin urgent de systèmes et de services d’accueil plus nombreux et de meilleure qualité pour les personnes handicapées et les parents d’enfants handicapés, afin d’empêcher le placement en institution, a plaidé M. Perez.
Des membres de la coalition sur la désinstitutionalisation ont résumé les commentaires reçus sur les réseaux sociaux suite à ces présentations.
Remarques de conclusion
Mme Dragana Ciric Milovanovic, représentante de la Coalition mondiale pour la désinstitutionalisation, a félicité le Comité pour cette séance importante. Elle a déclaré avoir été touchée par les témoignages entendus au cours de cette séance. Elle a également salué l’apport indispensable des organisations de la société civile dans le processus d’élaboration des Lignes directrices.
Elle a ensuite plaidé pour avoir davantage de représentants de la société civile du Sud autour de la question de la désinstitutionalisation. Les évolutions sont lentes dans certains pays et, dans certains cas, il y a même un retour en arrière, a-t-elle regretté. Les réformes restent lentes s’agissant de la détention et des traitements forcés, a-t-elle précisé. Les institutions ne peuvent jamais garantir le droit à la vie et l’inclusion des personnes handicapées, a-t-elle relevé. L’institutionnalisation doit être perçue comme une situation d’urgence en soit, a-t-elle affirmé. Les avancées ne peuvent se faire qu’avec la participation pleine et entière des personnes handicapées et de leurs organisations, a-t-elle insisté. Il faut aussi que les personnes handicapées soient plus présentes et représentées au sein des Nations Unies, a-t-elle souligné. Il faut continuer à travailler ensemble pour que la désinstitutionalisation devienne une réalité, a-t-elle conclu.
MME GAMIO a observé que les États refusent toujours l’égalité des personnes handicapées devant la loi. Les personnes handicapées ne sont pas égales, a-t-elle insisté. Il y a des personnes moins visibles que d’autres et qui subissent plusieurs discriminations. Les Lignes directrices traitent de cette intersectionnalité. Les États parties ne peuvent pas continuer à faire en sorte que les personnes avec un handicap psychosocial se retrouvent en institution, avec comme conséquences de multiples violations de leurs droits et des violences sous de multiples formes.
M. MARTIN a rappelé que les Lignes directrices ont un an et font la différence : elles permettent de lancer la discussion et de prendre des mesures. Il a remercié les rescapés de l’institutionnalisation qui ont participé à la rédaction de ces Lignes directrices. Personne ne devrait vivre dans une institution qui prive les personnes de leurs droits et de leur bien-être, a-t-il souligné. Il faut continuer à travailler de concert pour mettre en œuvre la désinstitutionalisation, a-t-il plaidé.
MME GERTRUDE OFORIWA FEFOAME, Présidente du Comité, a rappelé que c’est en septembre 2022, à la clôture de sa 27ème session, que le Comité a annoncé l’adoption de ses Lignes directrices sur la désinstitutionalisation, y compris dans les situations d’urgence. Ces Lignes directrices sont le résultat d’un processus participatif qui comprenait sept consultations régionales organisées par le Comité et comptait plus de 500 participants ayant courageusement partagé leurs histoires, a souligné l’experte.
Alors qu’est célébré le premier anniversaire des Lignes directrices sur la désinstitutionalisation, il faut se rappeler le voyage transformateur entrepris pour défendre les droits et la dignité des personnes handicapées, a-t-elle poursuivi. Les Lignes directrices détiennent en elles le pouvoir de remodeler les sociétés et de créer un monde plus juste et inclusif pour tous, a-t-elle déclaré.
Au cours de cette première année inaugurale, les Lignes directrices sur la désinstitutionalisation se sont déjà révélées être un outil révolutionnaire, déclenchant un impact profond et ayant ouvert la voie à un changement transformateur entre les nations et les communautés, a relevé la Présidente du Comité. Le Comité exprime sa sincère gratitude aux voix courageuses qui ont partagé leurs récits, en tant que survivantes de l’institutionnalisation, ainsi qu’aux personnes résilientes qui continuent à subir la discrimination, a-t-elle souligné. Elle a ensuite rappelé les messages fondamentaux et les thèmes dominants qui ont façonné le cours de la discussion de cette séance.
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