Fil d'Ariane
Lesotho : le Comité des droits de l'homme porte son attention sur l'usage de la force par les forces de l'ordre, la lutte contre l'impunité, l'interdiction de la torture, ainsi que sur la discrimination contre les femmes résultant de la persistance du droit coutumier
Le Comité des droits de l'homme a examiné, mardi après-midi et ce matin, le rapport périodique du Lesotho sur l'application des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Le rapport a été présenté par le Ministre de la fonction publique, du travail et de l'emploi du Lesotho, M. Richard Ramoeletsi, qui a notamment souligné que la Constitution du Lesotho garantissait les droits et les libertés fondamentaux de l'homme, ajoutant que le droit international n'est applicable devant les tribunaux que dans la mesure où il complète et ne viole pas les dispositions de la Constitution. Le ministre a notamment mis l'accent sur les élections générales qui se sont déroulées dans son pays en octobre 2022 et qui mettent en évidence la démocratie, l'État de droit et la participation populaire. Il a toutefois rappelé que le Lesotho était notamment confronté à des défis tels que la pauvreté, un taux de chômage élevé, l'insécurité alimentaire et un taux de prévalence élevé du VIH/sida, autant de facteurs qui ont une incidence sur les droits civils et politiques.
La délégation était également composée du Procureur général, du Secrétaire principal du Ministère de la police, du Secrétaire principal au Ministère de la justice, du droit et des affaires parlementaires, de l'Ambassadeur du Lesotho à Genève, ainsi que de la Directrice à l'Unité des droits de l'homme, entre autres. Elle a notamment répondu aux questions du Comité s'agissant de pratiques coutumières néfastes, de la liberté de réunion, des dérogations prévues en cas d'état d'urgence, de l'usage excessif de la force par les agents chargés de l'application des lois, ou encore de la prévention de la torture. À cet égard, la délégation a rappelé que le pays avait ratifié la Convention contre la torture et préparait actuellement son rapport initial au Comité contre la torture.
Les membres du Comité ont notamment exprimé leurs préoccupations quant au fait que le Lesotho prononçait encore la peine de mort pour des infractions autres que le meurtre, tout en reconnaissant que la sanction n'avait pas été infligée depuis 1995. Ils ont exprimé des préoccupations au sujet de violations passées des droits de l'homme, ainsi que d'un climat général d'impunité lorsqu'il s'agit de violations graves des droits de l'homme à motivation politique. Les experts ont également fait part de préoccupations quant au recours excessif à la force par les forces de l'ordre. Par ailleurs, les femmes continuent d'être victimes de multiples formes de discrimination en raison de l'application du droit coutumier. Les membres du Comité se sont dit encouragés par les réponses apportées par la délégation s'agissant de la lutte contre la torture et sa reconnaissance que des difficultés subsistent. Le Comité constate que le Gouvernement du Lesotho souffre d'un manque de ressources financières pour mettre en œuvre les réformes législatives et institutionnelles qui s'imposent.
Le Lesotho était le dernier pays dont le rapport figurait au programme de la présente session du Comité, qui adoptera dans le cadre de séances privées, des observations finales sur l'ensemble des rapports examinés au cours de la session et qui ont été présentés par le Brésil, l'Ouganda, Chypre, l'État de Palestine, la Colombie et le Lesotho, ainsi que sur le rapport du Burundi, examiné en l'absence de délégation. Les observations finales seront rendues publiques à l'issue de la session.
La prochaine séance publique du Comité des droits de l'homme est prévue pour le lundi 24 juillet, dans l'après-midi, afin de se pencher sur le rapport du rapporteur spécial du Comité sur le suivi des observations finales. Une séance publique de clôture doit se tenir le mercredi 26 juillet dans l'après-midi.
Rapport du Lesotho
Le Comité était saisi du rapport périodique du Lesotho (CCPR/C/LSO/2), qui contient ses réponses à une liste des points à traiter établie par le Comité.
Présentation du rapport
M. RICHARD RAMOELETSI, Ministre de la fonction publique, du travail et de l'emploi du Lesotho, a estimé que le Comité était l'endroit opportun pour faire le point sur les réalisations, les lacunes et les défis qui attendent le Lesotho dans l'exécution de ses obligations en vertu du droit international. La préparation de ce rapport a été participative et inclusive, a fait valoir M. Ramoeletsi, après avoir présenté les excuses de son pays pour la soumission tardive du rapport. Le Gouvernement s'est assuré que la participation et les contributions des ministères de tutelle, des organisations non gouvernementales et de la société civile et d'autres parties prenantes, étaient prises en compte dans la collecte d'informations.
Le Lesotho, a rappelé le ministre, est une monarchie constitutionnelle. Autrement dit, la Constitution est la loi suprême du pays et elle garantit les droits et les libertés fondamentaux de l'homme. Par ailleurs, le droit international n'est applicable devant les tribunaux que dans la mesure où il complète et ne viole pas les dispositions de la Constitution. Certains instruments relatifs aux droits de l'homme n'ont pas été intégrés globalement au droit interne, a-t-il souligné.
M. Ramoeletsi a reconnu que des mesures drastiques avaient dû être prises pour contenir la propagation de la pandémie de COVID-19, y compris la mise en œuvre du confinement, ce qui a eu un impact sur certains droits humains fondamentaux pour de nombreuses personnes et familles.
S'agissant des « événements d'août 2014 » le chef de la délégation a indiqué que des officiers de l'armée impliqués dans la tentative de coup d'État et d'autres violations des droits de l'homme faisaient face à des accusations criminelles et que leur procès avait débuté devant la Haute Cour de justice.
Le Lesotho ne compte toujours pas de législation spécifique en matière de non-discrimination et de l'égalité entre les hommes et les femmes, hormis certaines dispositions de la Constitution, qui autorise cependant la discrimination sur la base du droit coutumier. M. Ramoeletsi a toutefois fait valoir que des lois interdisant la discrimination dans divers contextes avaient été promulguées ces dernières années. Ainsi, le Lesotho a adopté en 2022 une loi sur l'équité des personnes handicapées. S'agissant des personnes LGBTQI, certains ministères gouvernementaux, en collaboration avec la société civile, ont lancé une série d'activités pour sensibiliser les hauts fonctionnaires à la tolérance envers les personnes de cette communauté.
M. Ramoeletsi a ensuite précisé que des mesures ont été prises pour améliorer la représentation des femmes dans la vie politique et publique du Royaume. Ainsi, depuis les récentes élections générales, le parlement compte 30 femmes, soit 25% de la représentation. Des femmes occupent les fonctions de vice-premier ministre, de ministre des finances, de vice-présidente de l'Assemblée nationale, de présidente du Sénat. Le gouvernement compte trois femmes sur quinze ministres.
Toutefois, le droit coutumier continue de représenter un défi s'agissant de la mise en œuvre effective de l'égalité entre les hommes et les femmes, en particulier dans les domaines de la succession au trône et de la chefferie. Afin de renforcer davantage la capacité nationale à réaliser et à protéger les droits des groupes marginalisés tels que les femmes, les enfants et les personnes handicapées, le Lesotho a promulgué la loi de 2022 sur la lutte contre la violence domestique, a poursuivi le ministre.
Sur le thème du droit à la vie et la question de l'usage excessif de la force par les agents chargés de l'application des lois, le chef de la délégation a reconnu que les Forces de défense du Lesotho (LDF) sont conscientes du manque d'outils à leur disposition s'agissant des procédures, des stratégies de sécurité ou encore des politiques de défense.
L'interdiction de la torture est garantie par la Constitution et le Code pénal érige la torture en crime contre l'humanité. L'engagement du Gouvernement contre la torture est illustré par la ratification de la Convention contre la torture. Le représentant du gouvernement lesothan a toutefois reconnu que des informations indiquent que les forces de l'ordre soumettent des suspects à des actes de torture entraînant parfois la mort. Il a ajouté que trois policiers impliqués dans la mort d'un suspect ont été suspendus tandis que les enquêtes se poursuivent. En outre, des conférences nationales sur les droits de l'homme sont dispensées aux membres actifs des forces de sécurité.
Par ailleurs, afin de réduire la surpopulation carcérale, des détenus sont chaque année libérés. Ainsi, en 2022, 163 détenus ont été libérés par l'intermédiaire de la grâce royale.
Le ministre a d'autre part indiqué que la loi de 2011 sur la traite des personnes avait été modifiée par une loi de 2021, qui apporte notamment des modifications à la définition de la traite.
Le ministre a également fait savoir que son gouvernement protégeait la liberté d'expression par le biais notamment de la politique des médias de 2021.
Dans le cadre de la lutte contre l'instabilité politique qui s'est manifestée en 2014, la Communauté de développement de l'Afrique australe (CDAA) a été invitée à faciliter un processus de réforme de la gouvernance pour répondre à ces préoccupations politiques. Cela a abouti à la création de l'Autorité nationale des réformes, en août 2019, pour superviser la mise en œuvre des réformes qui visent à apporter une stabilité politique, une paix et une sécurité durables. Les efforts se poursuivent pour finaliser le programme.
Enfin, le ministre a rappelé que des élections générales se sont tenues au Lesotho en octobre 2022, mettant en évidence la démocratie, l'État de droit et la participation populaire. Il a rappelé que son pays était notamment confronté à des défis tels que la pauvreté, un taux de chômage élevé, l'insécurité alimentaire et un taux de prévalence élevé du VIH/sida, autant de facteurs qui ont une incidence sur les droits civils et politiques.
Examen du rapport
Questions et observations des membres du Comité
Un membre du Comité a relevé que le Lesotho a indiqué que son projet de rapport avait été distribué à des « parties prenantes afin qu'elles apportent leurs contributions ». Le Comité a toutefois reçu des informations selon lesquelles les organisations de la société civile n'auraient pas été impliquées dans ce processus. Quelles sont les parties prenantes mentionnées dans le rapport ? La délégation a également été interrogée sur l'état d'avancement de la mise en place d'une institution nationale des droits de l'homme.
Le Lesotho ayant adhéré en 2000 au Protocole facultatif se rapportant au Pacte, le Comité a rappelé les responsabilités qui incombent aux États parties de promouvoir et de diffuser le Pacte et son Protocole et de faire connaître aux personnes sous sa juridiction la possibilité de saisir le Comité si elles estiment que l'un des droits protégés par le Pacte a été violé.
Le rapport indique aussi dans son rapport qu'un « Bureau d'enquête sur les plaintes contre la police » avait été créé pour mieux protéger les droits de l'homme, et que l'institution « promeut et protège les droits de l'homme au Lesotho ». Il a été demandé à la délégation de préciser le mandat de cette institution, l'autorité dont elle relève et le champ de ses compétences. Un expert a par la suite regretté que la délégation n'ait pas apporté les renseignements demandés à cet égard.
Au plan juridique, le Comité a reçu des allégations selon lesquelles certaines dispositions juridiques internes demeurent problématiques et qu'elles sont contraires aux obligations internationales du Lesotho, notamment en raison de la terminologie imprécise adoptée. Ainsi, il a été demandé à la délégation de préciser dans quelle mesure le Gouvernement envisageait de modifier les dispositifs juridiques internes qui sont incompatibles avec les dispositions du Pacte, notamment en ce qui concerne les dispositions relevant du droit coutumier.
L'accent a par ailleurs été mis par plusieurs experts sur les violations passées des droits de l'homme et l'impunité dont jouissent les agents de l'État. Il n'apparaît pas clairement si des poursuites ont été engagées et si des condamnations ont été prononcées, notamment lorsqu'il s'agit des membres de la police ou des Forces de défense du Lesotho. Par ailleurs, un expert a précisé qu'il n'était pas certain que les victimes et leurs familles aient pu engager des poursuites judiciaires et recevoir une indemnisation ou une réparation. A en outre été dénoncé un climat général inquiétant d'impunité lorsqu'il s'agit de violations graves des droits de l'homme à motivation politique.
Il a également été demandé à la délégation si le Gouvernement envisageait de mettre en place un processus de vérité et de réconciliation pour identifier les causes profondes des violations des droits de l'homme du passé, de nommer les auteurs présumés et de les traduire en justice, ainsi que de soutenir les victimes ou leurs familles.
Un membre du Comité a indiqué que les femmes continuaient d'être victimes de multiples formes de discrimination en raison de l'application du droit positif et du droit coutumier. Par ailleurs, le Comité a reçu des informations selon lesquelles des femmes âgées sont victimes de viols, de vols et d'autres formes de crimes violents. Si les experts ont noté des progrès pour favoriser la représentation des femmes au Parlement, ils ont voulu connaître les mesures envisagées pour abroger toutes les lois discriminatoires à l'égard des femmes, notamment en matière d'héritage, d'accès à la terre, de nationalité, de mariage. Une autre question a porté sur le nombre de cas de traite des êtres humains jugé au cours des cinq dernières années.
Une experte a mis l'accent sur les efforts déployés par le Gouvernement pour reconnaître l'importance de la protection des femmes et des enfants contre les violences domestiques et sexistes. Elle a toutefois déploré que les mariages précoces demeurent un problème persistant au Lesotho. De plus, le rapport indique que les victimes hésitent encore à dénoncer les violences domestiques par crainte de perdre leur soutien financier et économique et d'être stigmatisées, a relevé l'experte.
Il semblerait également que les travailleurs du sexe et les personnes de la communauté LGBTI sont vulnérables au harcèlement et aux abus physiques et sexuels.
Un expert a rappelé que le pays était un État « rétentionniste », c'est-à-dire que l'ordre juridique et la pratique prévoit la condamnation à la peine de mort pour des crimes autres que le meurtre, notamment les délits sexuels et certains crimes militaires. L'expert a toutefois précisé que cette sanction n'a pas été infligée depuis novembre 1995 et que les peines sont commuées en réclusion à perpétuité. Il a demandé à la délégation si le Lesotho envisageait de mettre fin aux condamnations à mort. Il a fait observer que le Comité est d'avis que le droit à la vie est le droit suprême auquel aucune dérogation n'est permise, même dans les situations de conflit armé et d'autres situations d'urgence publique qui menacent la vie de la nation. L'expert a ensuite pris note des informations encourageantes fournies par la délégation à cet égard, mais a soulignéqu'il était dangereux de soumettre à un référendum des questions sensibles comme celle de la peine de mort. Il s'est demandé quelle serait la position défendue par le Gouvernement et si ce dernier lancerait une campagne en vue d'une abolition. Un autre expert a noté que deux personnes se trouvent aujourd'hui dans le couloir de la mort.
Des membres du Comité ont également fait part de préoccupations quant au recours excessif à la force par les forces de l'ordre. Un expert a noté que le rapport mentionnait des lois et règlements qui guident la police sur ces questions, mais des doutes subsistent quant à savoir si ces dispositions respectent les normes juridiques internationales, notamment s'agissant des méthodes de dispersion des attroupements violents. Le Lesotho envisage-t-il de réévaluer son cadre juridique pour se conformer aux normes internationales et envisage-t-il de mener des enquêtes impartiales concernant les allégations de brutalités policières, a souhaité savoir l'expert. Dans ses réponses, la délégation indique que le recours des armes à feu dans les cas de légitime défense est envisagé en cas de menaces contre la propriété ou les biens. Par ailleurs, la population a-t-elle suffisamment confiance que des enquêtes sont menées en cas de recours à la force par des agents de l'État, a demandé l'expert dans le cadre d'une question de suivi.
S'agissant de la question des exécutions extrajudiciaires et les disparitions forcées, un expert a demandé à la délégation les mesures que le Lesotho envisageait afin de punir les auteurs de tels crimes et pour garantir aux victimes une réparation complète, y compris une indemnisation adéquate.
Dans le cadre d'une nouvelle série de question, les membres du Comité se sont dit encouragés par les réponses apportées par la délégation s'agissant de la lutte contre la torture et la reconnaissance que des difficultés subsistent, notamment s'agissant de traitements cruels de la part d'agents des forces de l'ordre. Une experte a souhaité davantage d'informations sur les mesures visant à mettre fin à la pratique de la torture, et souhaité connaître le nombre de poursuites engagées. Une question a également porté sur les mesures prises pour renforcer l'Autorité des plaintes contre la police. Le Comité a été informé qu'en 2022, il y a eu plusieurs incidents de brutalité policière, tels que la torture par la police de 35 personnes, 16 femmes et 19 hommes, suite à leur arrestation.
La Constitution du Lesotho permet des dérogations à certains droits et libertés fondamentaux en cas de déclaration de l'état d'urgence, notamment s'agissant de la liberté personnelle, de la protection contre les discriminations ou encore du droit à l'égalité. Le Comité a rappelé qu'en vertu du Pacte, l'exigence de proportionnalité doit être strictement respectée pendant un état d'urgence, et les mesures prises réévaluées à intervalles réguliers.
S'agissant des conditions dans les prisons, dont le Gouvernement reconnaît dans son rapport qu'elles sont difficiles et potentiellement mortelles en raison d'un financement insuffisant, une experte a demandé si le Lesotho prévoyait d'ajuster son budget en vue de régler ce problème. Il a également été noté que les établissements pénitentiaires du pays comptaient une surpopulation carcérale de 27,6% en moyenne. Toutefois, le rapport n'aborde pas les mesures alternatives non privatives de liberté à la détention provisoire et leur application dans la pratique.
Un membre du Comité a dénoncé les arrestations arbitraires et les gardes à vue prolongées. Le rapport périodique du Lesotho indique que « l'un des défis majeurs auquel le Lesotho est confronté est que malgré la formation continue, les policiers ont toujours la culture de l'arrestation suspects afin de mener à bien leurs enquêtes et ne pas enquêter et arrêter lorsqu'ils sont prêts à traduire les suspects en justice ». Le Gouvernement envisage-t-il d'émettre des recommandations spécifiques pour que les policiers mènent des enquêtes appropriées, a-t-il demandé.
Il a également été demandé à la délégation de fournir des éclaircissements sur les mesures supplémentaires que le Lesotho entend prendre pour consacrer un financement accru au Fonds d'affectation spéciale pour les victimes de la traite et pour garantir une allocation appropriée de ces fonds à la protection des victimes.
Plusieurs membres du Comité ont exprimé leurs inquiétudes quant au droit à la vie privée et à la liberté d'expression et de réunion. Il a été demandé à la délégation de fournir davantage de précisions sur l'organisation et la tenue des manifestations publiques et autres rassemblements pacifiques.
Les membres du Comité ont souhaité obtenir davantage de précisions sur les avortements clandestins et le nombre de poursuites engagées à la suite de ces avortements, y compris des femmes qui y ont recours. Une experte a souhaité connaître les plans concernant une éventuelle légalisation de l'avortement.
D'autres questions ont porté sur des informations faisant état de dépistage forcé du VIH, de stérilisations forcées dans les zones rurales, d'un taux très élevé de mortalité maternelle, ainsi qu'au sujet de l'éducation des jeunes en matière de santé reproductive,
Enfin, des membres du Comité ont reconnu le manque de ressources financières dont dispose le pays. Il est vrai, a dit un expert, qu'à la lecture des réponses de la délégation, la grande problématique qui se pose au Lesotho est d'ordre financier. L'État partie, a-t-il dit, s'est engagé dans un vaste processus de réformes législatives et institutionnelles et plusieurs d'entre-elles ne peuvent se poursuivre faute de moyens financiers. L'attention de la délégation a été attirée sur le fait qu'il existe, au sein des instances onusiennes, un système d'assistance en matière d'expertise et d'aide aux pays qui rencontrent un problème de financement pour la mise en place de mesures de protection et de promotion des droits de l'homme.
Réponses de la délégation
Répondant aux questions et observations des membres du Comité, la délégation a d'emblée assuré que les organisations de la société civile avaient été impliquées dans le processus de finalisation du rapport présenté aujourd'hui au Comité.
S'agissant du cadre d'application du Pacte, la délégation a reconnu qu'aucune campagne de sensibilisation n'avait été menée concernant les dispositions du Protocole facultatif se rapportant au Pacte, mais a fait valoir que le Gouvernement avait organisé des campagnes générales sur les questions des droits humains. Par ailleurs, toutes les parties prenantes ont pu être informées sur les dispositions du Pacte par l'intermédiaire d'ateliers organisés, notamment, au sein de la police, de l'armée et des services pénitentiaires.
La délégation a fait savoir que la question de l'égalité entre les hommes et les femmes et la lutte contre la discrimination étaient traitées par le Lesotho d'une manière positive. En outre, le Gouvernement s'efforce de mettre en place de nouveaux mécanismes visant à éliminer les éléments discriminatoires du droit coutumier. C'est pourquoi le pays a notamment fait le choix d'être partie à toute une série de conventions internationales dans le domaine des droits de l'homme, y compris la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et la Convention relative aux droits de l'enfant.
La délégation a précisé qu'il existait déjà des lois pour protéger les femmes des pratiques coutumières, notamment selon lesquelles le premier enfant mâle est le principal héritier. Parfois, ce n'est pas uniquement un problème de lois mais également la volonté des femmes elles-mêmes, qui souhaitent parfois poursuivre ces pratiques coutumières, y compris alors même qu'elles connaissent leurs droits. Ainsi, des lois permettent aux femmes de travailler, mais beaucoup y renoncent pour s'occuper de leurs familles. Le Gouvernement a adopté des lois pour instaurer des congés maternels. Des mesures ont également été prises pour permettre renforcer les droits des veuves; la question de l'héritage foncier est inscrite dans l'article 18, alinéa 4 de la Constitution. Toutefois, la délégation a reconnu que cette question pourrait être prise davantage en compte à l'avenir et nécessiterait une campagne de sensibilisation.
Des mesures ont été prises par le pays pour prévenir les violences et les discriminations à l'encontre des femmes, y compris des personnes âgées, des travailleuses du sexes ou encore des personnes LGBT. Un texte reconnaît l'importance de garantir un accès aux soins et aux services sanitaires, de façon ciblée et confidentielle. Le Gouvernement a également pris des mesures pour permettre aux femmes victimes de violence de mieux connaître les lois à leur disposition. La population a également été sensibilisée à signaler des cas de violence et les organisations de la société civile ont été formées afin de pouvoir proposer des appuis psychologiques et juridiques gratuits. Actuellement, un échange d'expertise est en cours avec les États membres de la Communauté de développement de l'Afrique australe (CDAA). Le Gouvernement estime qu'il s'agit là d'une avancée.
Répondant aux questions et observations des membres du Comité, selon lesquelles les femmes âgées seraient victimes de violences, la délégation a indiqué avoir été le premier pays à ratifier le Protocole à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, relatif aux droits des personnes âgées. Des campagnes de sensibilisation ont été menées dans tout le pays. Le Royaume s'est engagé à transposer ce protocole dans le droit national. Il est impératif de souligner que le Lesotho a pris un engagement en vue de respecter les droits fondamentaux des personnes âgées face aux abus dont elles pourraient être victimes, a déclaré la délégation.
Concernant les pratiques coutumières néfastes, la délégation a notamment assuré que la pratique des mutilations génitales féminines reculait. Par ailleurs, le mariage des enfants a été criminalisé et une campagne est actuellement en place pour lutter contre cette pratique.
La délégation a aussi tenu à préciser que la loi relative aux délits sexuels couvrait tous les délits mais ne mentionnait pas spécifiquement « la pratique de la sodomie » comme délit sexuel, rendant impossible des poursuites devant les tribunaux dans ce contexte. La délégation a par la suite précisé que la sodomie était toutefois considérée comme une pratique contraire à la loi sur la moralité. Mais la loi de 2010 sur le code pénal ne précise rien sur de telles pratiques, qui ne sont donc pas punissables. Selon un membre de la délégation, depuis l'entrée en vigueur du nouveau code de procédure pénale, cette pratique peut néanmoins être punissable, notamment lorsqu'elle concerne des actes pratiqués par des adultes consentants de même sexe. La délégation a ajouté que la loi ne reconnaissait pas le mariage de personnes de même sexe.
S'agissant de la question de la discrimination à l'encontre des personnes LGBT, la délégation a indiqué que des activités avaient été menées pour sensibiliser et renforcer la tolérance des personnels des services publics. Par ailleurs, chaque année se déroule la Journée des droits humains, à laquelle la communauté LGBT est invitée à participer. Récemment, les difficultés rencontrées par cette communauté au quotidien ont été évoquées, car le Gouvernement ne souhaite laisser personne de côté.
Répondant à des questions sur la pratique des châtiments corporels, la délégation a indiqué que la loi sur l'éducation de 2010 autorisait de telles pratiques dans les écoles. Toutefois, la loi de 2016 régule désormais de manière très stricte les châtiments corporels dans les foyers. Ainsi, les parents doivent tenir compte de l'âge de l'enfant et de sa capacité à comprendre la punition.
La délégation a fait valoir qu'une loi de 2011 criminalise toutes les personnes qui sont impliquées dans la traite des personnes, qui comprend l'exploitation sexuelle, le travail forcé, le trafic de personnes ou encore l'esclavage. Toutes les formes de traite constituent des infractions et sont passibles de peines proportionnelles à la gravité de l'infraction commise. De plus, une loi criminalise spécifiquement la traite des enfants. Le chef de la police est actuellement en train de mettre sur pied un département qui traitera de manière précise de la question de la traite des personnes et une unité de protection des femmes et des enfants a été formée à la détection de la traite et aux enquêtes sur les infractions de traite. En outre, des formations sont proposées pour les fonctionnaires de la justice, à savoir les fonctionnaires de la justice pénale, les procureurs, les agents de police et judiciaires, notamment.
Le Lesotho a ratifié la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en 2001 et prépare actuellement le rapport initial qu'il soumettra au Comité contre la torture. Le pays a adopté une politique de lutte contre la torture et le Gouvernement œuvre désormais à prévenir et punir les actes de torture et à proposer des réparations aux victimes. Il a déjà beaucoup progressé dans la mise en œuvre de la Convention, en particulier dans le cadre de la préparation de son rapport au Comité contre la torture.
Interrogée au sujet du respect de la liberté de réunion, notamment dans le cadre de manifestations étudiantes, la délégation a indiqué qu'une loi de 2010 stipule que toute personne souhaitant organiser une manifestation doit au préalable obtenir une permission. En cas de rejet de la demande, le requérant peut obtenir une audience. Concernant la brutalité policière lors des manifestations, la délégation a reconnu qu'« il faut faire quelque chose ». Une unité d'opération spéciale a été créée pour pouvoir contrôler les émeutes tout en évitant tout décès. Cela fait également partie des formations enseignées à l'école de police.
Interrogée à plusieurs reprises sur la création d'un Institut National des Droits de l'Homme, la délégation a précisé que le Gouvernement était actuellement en plein processus de réforme (sécurité, judiciaire et parlementaire) ce qui doit conduire à la promulgation d'une loi générale omnibus. Il a été précisé par la délégation que la dissolution du Parlement en 2022 a contraint le gouvernement à faire adopter une loi générale omnibus. Le nouveau Parlement a pu se réunir et organiser des réunions avec les parties prenantes. Le processus est actuellement en cours pour permettre l'adoption de cette loi sans obstacle dans les deux chambres. Et qu'aucun parti ne devrait freiner le processus de réforme de quelque manière que ce soit. Une fois, cette dernière adoptée par le Parlement, une commission en vue d'établir un Institut sera alors lancée et disposera d'un maximum de 18 mois pour l'établissement de cet organe. Il est important pour le Gouvernement que l'Institution devienne un organe constitutionnel afin que son mandat émane de la Constitution. La démarche de 18 mois est de s'assurer que l'Institution respecte les Principes de Paris.
La délégation a en outre précisé qu'il existait un bureau du Médiateur qui traite de cas relatifs à la mauvaise gestion, administration et de justice des Organisations de droits humains et environnementales. Le bureau du Médiateur disposait pour l'année 2022-2023 d'un budget de 10 millions de Lotis et qu'il a été augmenté d'un million pour l'année 2023-2024, soit l'équivalent de 56 mille dollars américains. Cela a permis au bureau du médiateur d'organiser - avec l'assistance du PNUD et Haut-Commissariat aux droits de l'homme - des inspections de terrain dans tout le pays.
Concernant l'abolition de la peine capitale, la délégation a reconnue que cette dernière était maintenue dans le code. Elle apparaît dans le code, mais dans la pratique il n'y a pas de peine capitale, a assuré la délégation La sanction en revanche existe toujours. Et en cas d'appel, la cour d'appel peut commuer cette condamnation en une condamnation à perpétuité. Le Gouvernement estime qu'un référendum sur cette question est important. La délégation a précisé que le pays ne pouvait pas ratifier le deuxième protocole facultatif tant que cette question n'était pas résolue.
La délégation a ensuite précisé que s'agissant de l'éducation des jeunes garçons relatives aux questions de santé reproductive, le pays n'y avait jamais songé. Les jolies filles constituent une cible et il faut alors réfléchir à la manière d'éduquer les garçons, aussi bien à l'école qu'à la maison. La délégation en prend note, a-t-il été dit, précisant qu'elle n'était pas informée d'un droit exécutif qui existerait dans ce sens.
Répondant aux questions et observations des membres du Comité, s'agissant notamment des dérogations prises par le pays pendant un état d'urgence, la délégation a indiqué qu'elle allait se pencher sur cette question dès son retour au Lesotho. Elle s'est engagée à réfléchir à cette problématique afin de voir si ces dispositions peuvent être revues.
Par ailleurs, concernant les préoccupations du Comité relatifs à l'Autorité des plaintes contre la police, la délégation a fait savoir que l'objectif du Gouvernement était de renforcer cette autorité afin notamment de garantir l'indépendance des services de police. Dans le cas d'une exécution extrajudiciaire survenue en 2022 par les forces de l'ordre, le médiateur est intervenu pour proposer une compensation d'environ 15 730 dollars des États-Unis à la famille. Par ailleurs, en 2022, 107 plaintes ont été déposées contre la police, dont 79 ont été transmises aux autorités policières, 14 ont fait l'objet d'une enquête et deux transmises au siège de la police pour une intervention.
Concernant les enquêtes menées par les agents de police, la délégation a reconnu qu'il y avait un problème de ressources financières et humaines. La police dispose aujourd'hui d'un laboratoire, de cinq experts balistiques, de quatre experts en empreintes digitales, d'aucun psychiatre et d'un bactériologiste, qui est en réalité un médecin généraliste. La délégation a précisé que ces chiffres représentaient une amélioration par rapport aux années précédentes mais a reconnu qu'ils restaient bien en deçà des besoins, avec un effet négatif sur les enquêtes. La délégation a lancé un appel à une aide financière.
Interrogée sur les violences domestiques et la traite d'êtres humains, la délégation a indiqué qu'un foyer d'accueil était à la disposition des victimes, qui pouvaient y accéder de leur plein gré ou sur les conseils d'un membre de la famille, d'une institution, d'une autorité politique ou de l'unité de protection de l'enfant. Le centre accueille un maximum de 30 personnes. Pour l'année 2019-2020, le centre a accueilli jusqu'à 72 victimes et 147 pour la période 2022-2023. Par ailleurs, la traite au Lesotho est considérée comme un crime. Les auteurs sont condamnés à des peines sévères et incompressibles.
S'agissant de la liberté d'expression et du droit à la vie privée, la délégation a précisé que le Gouvernement n'a pas été en mesure de mettre en place un organe de protection des données, faute d'une stabilité financière des ressources de l'État. Pour ce qui est de la capacité à mettre une personne sur écoute, la Constitution précise que des informations personnelles ne peuvent être transmises qu'à la demande d'un juge.
Répondant à la question relative à la réalisation de tests VIH forcés et de stérilisations forcées, la délégation a expliqué que le Gouvernement est entré en contact avec l'organisation de la société civile qui a signalé ces cas, laquelle n'a toutefois jamais donné suite et n'a transmis aucune information au Gouvernement. Par ailleurs, le Lesotho n'oblige personne à se soumettre à de tels tests. En revanche, il est obligatoire pour les femmes enceintes afin d'éviter la transmission du virus du sida avant la naissance de l'enfant. S'agissant des cas d'avortements clandestins, la délégation a reconnu des signalements survenus dans des cliniques ou des centres privées. Toutefois, aucune femme n'a été poursuivie pour ce motif.
Conclusions
Le chef de la délégation du Lesotho, le Ministre RAMOELETSI, a reconnu ne pas avoir été en mesure de répondre à toutes les questions. Des compléments d'informations et des statistiques seront fournis ultérieurement par la délégation.
MME TANIA MARÍA ABDO ROCHOLL, Présidente du Comité, a remercié la délégation pour son honnêteté et la société civile lesothane pour sa collaboration. L'examen du Lesotho a notamment permis d'examiner un certain nombre de points, y compris la situation des droits humains à l'échelle nationale, l'interdiction de la torture, la violence à l'égard des femmes, le droit à la vie, le recours excessif à la force, la torture, la traite des êtres humains ou encore les châtiments corporels.
Ce document produit par le Service de l’information des Nations Unies à Genève est destiné à l'information ; il ne constitue pas un document officiel.
Les versions anglaise et française de nos communiqués sont différentes car elles sont le produit de deux équipes de couverture distinctes qui travaillent indépendamment.
CCPR23.018F