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Il faut renforcer le droit à la liberté d'opinion et d'expression en tant que catalyseur et ingrédient du développement durable, affirme Mme Khan devant le Conseil des droits de l’homme

Compte rendu de séance

 

Ce matin, le Conseil des droits de l’homme a achevé, en entendant de nombreuses délégations*, le dialogue entamé hier avec Mme Reem Alsalem, Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes et les filles, ses causes et ses conséquences.  Il a ensuite engagé son dialogue avec Mme Irene Khan, Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression.

Présentant son rapport, intitulé « Développement durable et liberté d’expression : l’importance d’avoir voix au chapitre », Mme Khan a jugé essentiel – alors que les États Membres se préparent au Forum politique de haut niveau du Conseil économique et social et au Sommet sur le développement durable – de renforcer le droit à la liberté d'opinion et d'expression en tant que catalyseur et ingrédient du développement durable.

Le rapport, a dit Mme Khan, contient à cet égard cinq grands messages, en particulier le fait que la liberté d'expression est un moteur essentiel du développement durable car elle facilite la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels et produits d'importants avantages sociaux et économiques. En effet, la libre circulation de l'information et le débat public renforcent les individus, les communautés et la société civile, permettent aux gouvernements de mieux répondre aux besoins de la population et rendent les institutions et les marchés plus efficaces, a dit la Rapporteuse spéciale.

Des progrès ont été accomplis dans la promotion de l'information et de la participation en tant qu'ingrédients essentiels du développement, a relevé Mme Khan, qui en a voulu pour preuve le fait que plus de 90% de la population mondiale vit aujourd'hui dans des pays qui ont adopté des lois sur l'accès à l'information. Malgré cela, il demeure des lacunes. Ainsi, malgré le droit légal d'accès à l'information, les demandes d'information sont souvent rejetées en raison, notamment, d'une culture du secret officiel ; en outre, l'accès aux informations des entreprises sur leur bilan en matière de droits de l'homme reste problématique, a souligné la Rapporteuse spéciale.  Cependant, il y a un espoir de changement au regard de certaines bonnes pratiques, a ajouté Mme Khan.

Après cette présentation, plusieurs délégations** ont pris part au dialogue avec Mme Khan.

S’agissant du dialogue avec la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes et les filles, ses causes et ses conséquences, nombre de délégations ont partagé la préoccupation exprimée par Mme Alsalem dans son rapport concernant le concept d'« aliénation parentale » et son lien avec la violence domestique.  Le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant doit gouverner les droits de visite et d'hébergement reconnus aux parents, a-t-il été recommandé, et les États ont été invités à s’inspirer des systèmes où les droits de la garde sont équitablement accordés aux deux parents.

 

Cet après-midi, à partir de 15 heures, le Conseil achèvera son dialogue avec Mme Khan, avant d’engager son dialogue avec la Rapporteuse spéciale sur l'élimination de la discrimination à l'égard des personnes touchées par la lèpre et des membres de leur famille.

 

Fin du dialogue avec la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes et les filles, ses causes et ses conséquences

Aperçu du dialogue

Des délégations ont dit partager la préoccupation de la Rapporteuse spéciale concernant le concept d'« aliénation parentale » et son lien avec la violence domestique. La double victimisation et le retrait du droit de garde que l’application de ce concept entraîne, surtout au détriment des femmes appartenant à des minorités, ont été jugés très préoccupants, de même que son instrumentalisation contre les mères, afin de détourner l'attention des allégations de violence domestique commises sur les enfants. Le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant doit gouverner les droits de visite et d'hébergement reconnus aux parents, a-t-il été recommandé, et les États ont été invités à s’inspirer des systèmes où les droits de la garde sont équitablement accordés aux deux parents.

La Rapporteuse spéciale a été priée de formuler des recommandations sur la manière de faire en sorte que les éléments de preuve soient dûment pris en compte dans les procédures juridiques relatives à la garde d’enfants, en particulier pour que les tribunaux ne rejettent pas, par préjugé sexiste, les allégations de violence entre partenaires intimes et de violence à l'encontre des enfants. L’importance de mieux former les juges sur ces questions a été soulignée.

Il a aussi été affirmé, durant ce dialogue, que l'implication de l'État était nécessaire en tant qu'arbitre objectif et indépendant pour faire respecter les intérêts des pères accusés injustement de violence envers leurs enfants.

Plus généralement, la création d’« observatoires de la violence » envers les femmes et les filles, capables de collecter des données précises sur l’ampleur du problème, a été recommandée. De même, la réalisation d’études scientifiques sur le problème de la violence envers les femmes pendant le divorce a été jugée nécessaire.

A aussi été soulignée l’importance d'apporter un soutien sanitaire, psychologique et social, ainsi qu’une assistance juridique, aux femmes et aux filles victimes de violences et de les aider à se réinsérer dans la société et à accéder à la justice. Sur ce dernier aspect, les États ont été appelés non seulement à inscrire les meurtres liés au genre, ou féminicides, dans leurs cadres juridiques, mais aussi à éliminer, dans leurs systèmes judiciaires, les stéréotypes et les préjugés liés au genre, qui ont pour conséquence de priver les victimes de violence d'une justice efficace, a-t-il été souligné.

Nombre de délégations ont décrit les mesures prises par leurs pays pour lutter contre la violence envers les femmes et les filles, telles que l’implication des hommes et des garçons dans les stratégies de lutte contre la violence envers elles ; le durcissement des sanctions en cas de viol conjugal ; la formation et la sensibilisation des professionnels de l’action sociale et de la justice ; l'accélération des procédures judiciaires ; ou encore l’extension de la définition légale de la violence domestique aux comportements coercitifs et « contrôlants ». D’autres mesures ont été présentées en matière de prise en charge matérielle des victimes de la violence.

Des délégations ont invité les États à ratifier la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul).

D’autres préoccupations ont été exprimées s’agissant du recours à la violence sexuelle comme arme de guerre, y compris dans des contextes de troubles civils ; de lacunes juridiques qui, dans plusieurs pays, empêchent de remédier à la violence envers les femmes ; et de la discrimination et de la violence dont les femmes appartenant à des minorités ethniques sont victimes dans les pays occidentaux, dans un contexte de montée du racisme.

Les titulaires de mandats au titre des procédures spéciales du Conseil ont enfin été appelés à se baser sur des informations vérifiées.

Il a été regretté que le rapport de Mme Alsalem ne traite pas des nombreux problèmes juridiques et socioéconomiques auxquels sont confrontés les parents transgenres et de genre différent et leurs enfants.

*Liste des intervenants : Oman (au nom du Conseil de coopération du Golfe), Liban (au nom du Groupe arabe), Chypre (au nom d’un groupe de pays), Luxembourg (au nom d’un groupe de pays), Sierra Leone, Ukraine, ONU Femmes, Égypte, République de Corée, Arménie, Burkina Faso, Costa Rica, Belgique, Pérou, Italie, République tchèque, Slovénie, Équateur, France, États-Unis, Maurice, Australie, Indonésie, Iraq, Mexique, Canada, Maroc, Maldives, Brésil, Malaisie, Royaume-Uni, Venezuela, Irlande, Afrique du Sud, Jamaïque, Gabon, Inde, Malawi, République-Unie de Tanzanie, Chine, Djibouti, République de Moldova, Iran, Chili, Afghanistan, Soudan, Îles Marshall, Géorgie, Mali, Bénin, Cuba, Fédération de Russie, Roumanie, Algérie, Nigéria, Kenya, Monténégro, Azerbaïdjan, Arabie saoudite, Philippines, Côte d’Ivoire, Liechtenstein, Panama, Liban, Cambodge, Hongrie, Jordanie, Pays-Bas et Sénégal.

Les institutions nationales de droits de l’homme de l’Inde et du Burundi, ainsi que les organisations non gouvernementales suivantes, ont aussi pris part au débat : Equality Now, Women for Women's Human Rights - New Ways, Swedish Federation of Lesbian, Gay, Bisexual and Transgender Rights, Make Mothers Matter, Iraqi Development Organization, Lutheran World Federation, Peace Brigades International, Bureau international catholique de l'enfance, British Humanist Association et Volontariat international femmes, éducation et développement.

Réponses et remarques de conclusion de la Rapporteuse spéciale

MME REEM ALSALEM, Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes et les filles, ses causes et ses conséquences, a remercié les délégations du soutien apporté par leurs pays à son mandat et s’est félicitée des progrès réalisés au plan national.

L’experte a regretté le manque d’intérêt manifesté par les autorités de la Libye pendant et après sa visite. Elle a ensuite remercié le Gouvernement de la Türkiye de sa coopération et indiqué qu’elle continuerait à collaborer avec lui pour renforcer comme il convient les mesure contre la violence envers les femmes.

L’ « aliénation parentale » est parfois invoquée de manière abusive contre des pères, a admis l’experte ; mais les données montrent que ce concept est utilisé essentiellement contre les mères et pour camoufler des violences familiales, et qu’il s’inscrit dans un schéma de contrôle coercitif, a-t-elle déclaré.

La Rapporteuse spéciale a souscrit à la nécessité de collecter des données sur la violence et a appelé les pays à créer des observatoires du féminicide.  Elle a en outre insisté sur la nécessité de prendre en compte les expériences des victimes dans la révision des lois.

Mme Alsalem a jugé positives les mesures prises par certains États consistant à pénaliser le contrôle coercitif au sein de la famille. Elle a insisté sur la nécessité d’exclure des jugements des tribunaux familiaux le recours à des arguments ou conceptions non scientifiques, et a rappelé que la Convention d’Istanbul exige des juges qu’ils tiennent compte de toutes les occurrences connues de violence domestique.

Mme Alsalem a elle aussi dénoncé le recours à la violence sexuelle comme arme de guerre. 

La Rapporteuse spéciale a enfin indiqué qu’elle effectuerait une visite officielle au Brésil en juillet prochain, pendant laquelle elle mettrait l’accent, notamment, sur le problème du concept d’aliénation familiale appliqué aux femmes autochtones.

Dialogue avec la Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression

Le Conseil est saisi du rapport de la Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, intitulé « Développement durable et liberté d’expression : l’importance d’avoir voix au chapitre » (A/HRC/53/25). 

Présentation du rapport

MME IRENE KHAN, Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, a jugé essentiel – alors que les États Membres se préparent au Forum politique de haut niveau du Conseil économique et social qui se tiendra à New York le mois prochain et au Sommet sur le développement durable, en septembre – de renforcer le droit à la liberté d'opinion et d'expression en tant que catalyseur et ingrédient du développement durable. Le rapport, a dit Mme Khan, contient à cet égard cinq grands messages.

D’abord, la liberté d'expression est un moteur essentiel du développement durable, car elle facilite la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels et produits d'importants avantages sociaux et économiques. En effet, la libre circulation de l'information et le débat public renforcent les individus, les communautés et la société civile ; permettent aux gouvernements de mieux répondre aux besoins de la population ; et rendent les institutions et les marchés plus efficaces, a dit la Rapporteuse spéciale.

Deuxièmement, des progrès ont été accomplis dans la promotion de l'information et de la participation en tant qu'ingrédients essentiels du développement, a relevé Mme Khan. Plus de 90% de la population mondiale vit aujourd'hui dans des pays qui ont adopté des lois sur l'accès à l'information, tandis que les études d'impact sur l'environnement sont devenues un outil standard pour mobiliser les communautés concernées par les projets de développement.

Troisièmement, malgré ces progrès, il demeure des lacunes ayant des conséquences funestes. Ainsi, malgré le droit légal d'accès à l'information, les demandes d'information sont souvent rejetées en raison, notamment, d'une culture du secret officiel. En outre, l'accès aux informations des entreprises sur leur bilan en matière de droits de l'homme reste problématique, a souligné la Rapporteuse spéciale.

De plus, les États ont échoué « de manière spectaculaire » à atteindre l'objectif consistant à fournir un accès universel et abordable à l'Internet dans les pays les moins avancés en 2020, a regretté Mme Khan, relevant que quelque 2,7 milliards de personnes dans le monde ne sont toujours pas connectées.

Quatrièmement, le lien entre le développement durable et la liberté d'expression ne concerne pas seulement l'information, mais aussi le droit d'exprimer des opinions, de contester, de manifester et de participer, entre autres, a affirmé l’experte. Or, celles et ceux que le Programme de développement durable à l’horizon 2030 s'est engagé à « ne pas laisser de côté » restent les moins entendus dans la prise de décision, les plus exclus de l'accès à l'information et les plus exposés à la discrimination et à la violence. La censure sexiste est omniprésente et la violence sexiste en ligne est un obstacle sérieux à la capacité des femmes à s'exprimer et à s'organiser en ligne, a déploré Mme Khan.

De même, nombre d’États ne respectent pas les droits de participation des populations autochtones énoncés dans les instruments internationaux et régionaux ; en particulier, le consentement préalable libre et éclairé est souvent une promesse vide de sens. Quant à celles et ceux qui osent dénoncer les violations des droits de l'homme, la corruption et l'exploitation illégale des ressources naturelles, ils sont attaqués voire tués en toute impunité.

Cinquièmement, cependant, il y a un bon espoir de changement, a affirmé Mme Khan. En effet, certaines bonnes pratiques permettent d'instaurer la transparence et la confiance, où les médias peuvent travailler en toute indépendance pour dénoncer la corruption et les actes répréhensibles, et où la société civile bénéficie de l'espace nécessaire pour participer aux processus de développement.

Sur la base de ces bonnes pratiques, le rapport formule des recommandations concrètes à l'intention des États, des entreprises, des institutions de financement du développement et des sociétés. Mme Khan a cité, entre autres, la nécessité pour les États, le secteur privé et les organisations internationales de redoubler d'efforts pour garantir un accès universel et significatif à un Internet ouvert, et d’accorder ce faisant une attention particulière à la fracture numérique entre les hommes et les femmes. De plus, la maîtrise de l'information, des médias et du numérique doit faire partie des programmes scolaires, a ajouté la Rapporteuse spéciale.

Aperçu du dialogue

La liberté d’opinion et d’expression est essentielle à la protection et à la promotion de tous les droits de l’homme, ont souligné de nombreuses délégations ; c’est un catalyseur du développement durable et des changements sociétaux fondamentaux, a insisté l’une d’elles.  Il a en outre été rappelé que le droit à la liberté d’opinion et d’expression est l’un des fondements essentiels de sociétés pacifiques, justes et inclusives.

Un grand nombre de délégations ont déploré les restrictions de ce droit qui entravent le progrès, limitent la participation et facilitent la diffusion de la propagande et de la désinformation. Les restrictions injustifiées du droit à la liberté d’opinion et d’expression sapent la démocratie, l’État de droit et le développement durable, et mettent en danger la santé, la sécurité et l’environnement des personnes, a insisté un intervenant.

Une délégation a particulièrement regretté que, trop souvent, les femmes soient réduites au silence et harcelées et a plaidé pour que le numérique connaisse sa révolution féministe.

Plusieurs délégations ont appelé à davantage défendre la liberté des médias, à protéger les journalistes et les professionnels des médias, à soutenir les médias indépendants et l’accès à l’information, et à lutter contre la manipulation et l’ingérence étrangères de l’information, y compris la désinformation.  Il a été souligné que les défenseurs des droits de l’homme, les journalistes et les professionnels des médias ont un rôle vital à jouer dans la promotion du développement durable.  Une délégation a condamné tous les attentats, attaques et assassinats visant des défenseurs des droits de l’homme, des journalistes et des professionnels des médias. Il est du devoir de tous les États de veiller à ce que ces personnes puissent mener à bien leur travail sans attaque, harcèlement, intimidation ni représailles, tant en ligne qu’hors ligne, a-t-on insisté.

Une délégation a dénoncé la manipulation systématique de l’information, la législation répressive et la violence en Fédération de Russie et en Biélorussie, affirmant que ces politiques ont conduit à la suppression des libertés civiles et politiques et ont créé un environnement politique dans lequel l’agression militaire pure et simple pouvait se poursuivre sans contrôle.

Le monde est encore loin d’atteindre les objectifs de développement durable, s’agissant notamment du renforcement de l’information, des médias et de l’éducation numérique, de la réduction des fractures numériques et de la connectivité de tous les êtres humains à un Internet libre, sécurisé et ouvert, qui favorise l’inclusion et la participation dans les sociétés, a-t-il en outre été relevé.

Une délégation a dénoncé la montée des courants extrémistes qui encouragent le discours de haine et l’incitation à la violence, alimentant les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et d’autres formes d’intolérance, y compris l’incendie d’exemplaires du Coran.

**Liste des intervenants : Lituanie (au nom d’un groupe de pays), Union européenne, Lettonie (au nom d’un groupe de pays), Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), Égypte, Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), Burkina Faso, Israël, Arménie, Pays-Bas, Costa Rica, Tchéquie, Belgique, Paraguay, Luxembourg, Timor-Leste, France, Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), Indonésie, États-Unis, Iraq, Canada, Maldives, Malaisie, Malte, Royaume-Uni, Venezuela, Cameroun, Irlande.

 

 

 

 

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