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Le Conseil des droits de l’homme tient des dialogues sur l’indépendance des juges et avocats et sur les droits humains des migrants

Compte rendu de séance

 

Ce matin, le Conseil des droits de l’homme a tenu un dialogue avec Mme Margaret Satterthwaite, qui présentait son premier rapport en tant que nouvelle Rapporteuse spéciale sur l’indépendance des juges et des avocats. Il a ensuite engagé son dialogue avec le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants, M. Felipe González Morales.

Intitulé « Repenser la justice : affronter les obstacles actuels à l’indépendance des juges et des avocats », le rapport de Mme Satterthwaite expose deux grandes menaces pour l'indépendance des juges et des avocats. La première est la pratique consistant à cibler les avocats par des menaces, arrestations, poursuites et emprisonnements voire meurtres, souvent dans le cadre de l'exercice de leurs fonctions. La nouvelle Rapporteuse spéciale a ainsi indiqué avoir abordé, dans le cadre du processus de communication, le problème du ciblage des avocats dans des courriers envoyés à plusieurs États.

La deuxième grande menace concerne ce que Mme Satterthwaite a qualifié de « vague mondiale de recul démocratique et d'autocratisation », qui voit des dirigeants démanteler ou réduire la capacité des autres secteurs du gouvernement à contrôler leur pouvoir, un processus qui va souvent de pair avec la multiplication des attaques contre les défenseurs des droits de l'homme, en particulier des avocats. L’experte a dit avoir à ce propos adressé des communications à des États concernant, entre autres, des allégations de représailles contre des organisations de défense des droits de l'homme qui fournissent une assistance juridique ou encore le fait que des personnes détenues pour des affaires politiques n'ont pas accès à leurs avocats.

Sans contrôle efficace de la puissance de l'État, a rappelé Mme Satterthwaite, les gouvernements sont libres de soumettre leurs opposants à la détention arbitraire ou encore de restreindre la liberté de religion, de croyance et d'expression. Pour empêcher l'État d'abuser de son pouvoir, les revendications de droits de l'homme doivent être portées devant des tribunaux indépendants : cela suppose l'existence d'avocats capables d'exercer leur profession sans restriction, crainte ni harcèlement, a insisté la Rapporteuse spéciale. De nombreuses délégations* ont ensuite pris part au dialogue avec Mme Satterthwaite.

Présentant son rapport intitulé « Comment élargir et diversifier les mécanismes et programmes de régularisation pour renforcer la protection des droits humains des migrants », M. González Morales a, quant à lui, déploré que de nombreux migrants sans papiers risquent d’être soumis de manière disproportionnée à la discrimination et à l’exploitation, tandis que le faux lien entre l’irrégularité et la criminalisation exacerbe encore leur vulnérabilité.

Le Rapporteur spécial a plaidé pour un élargissement des voies de migration régulière et la garantie d’une régularisation temporaire, qui sont, a-t-il souligné, des aspects essentiels du Pacte mondial pour des migrations sûres, régulières et ordonnées. Estimant que la régularisation est un outil de protection et d’inclusion qui profite aux migrants, à leurs familles, aux pays de destination et aux communautés, M. González Morales a exhorté les États à renforcer le cadre juridique de protection de tous les migrants et à mettre fin à la criminalisation des migrants en situation irrégulière. Pour le Rapporteur spécial, les processus de régularisation devraient être axés sur la promotion de l’accès à la résidence permanente et des voies d’accès à la citoyenneté.

M. Gonzales a ensuite présenté ses conclusions au terme de visites qu’il a effectuées au Bangladesh de même qu’en Pologne et au Bélarus – y compris à la frontière entre ces deux derniers pays.

Après des déclarations du Bangladesh, du Bélarus et de la Pologne en tant que pays concernés, plusieurs délégations** ont engagé le dialogue avec le Rapporteur spécial.

 

Cet après-midi à 15 heures, le Conseil achèvera son dialogue avec M. González Morales, avant d’examiner le rapport du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires.

 

Dialogue avec la Rapporteuse spéciale sur l’indépendance des juges et des avocats

Le Conseil est saisi du rapport de la Rapporteuse spéciale sur l’indépendance des juges et des avocats (A/HRC/53/31).

Présentation du rapport

MME MARGARET SATTERTHWAITE, nouvelle Rapporteuse spéciale sur l’indépendance des juges et des avocats, a présenté ce matin son premier rapport intitulé « Repenser la justice : affronter les obstacles actuels à l’indépendance des juges et des avocats ». L’experte a d’abord rappelé que l'indépendance des juges et des avocats était le fondement de la protection de tous les autres droits de l'homme. En particulier, un juge qui craint d'être licencié ou harcelé par les autorités aura du mal à conclure que l'État a commis des actes de torture ou que l'arrestation et le harcèlement de celles et ceux qui protestent contre le gouvernement constituent une violation du droit de réunion pacifique.

Sans contrôle efficace de la puissance de l'État, a ajouté Mme Satterthwaite, les gouvernements sont libres de soumettre leurs opposants à la surveillance, au harcèlement, à la détention arbitraire et même à la torture ; d'exercer des discriminations à l'encontre des groupes défavorisés ; ou encore de restreindre la liberté de religion, de croyance et d'expression. De même, pour que les gens aient accès à la justice, pour que les revendications de droits individuels soient effectives, pour empêcher l'État d'abuser de son pouvoir, les revendications de droits de l'homme doivent être portées devant des tribunaux indépendants. Cela suppose l'existence d'une communauté d'avocats et de professionnels du droit capables d'exercer leur profession sans restriction, crainte ni harcèlement, a rappelé la Rapporteuse spéciale.

Mme Satterthwaite a ensuite exposé deux grandes menaces pour l'indépendance des juges et des avocats, la première étant la pratique consistant à cibler les avocats par des menaces, arrestations, poursuites, emprisonnements voire meurtres, souvent dans le cadre de l'exercice de leurs fonctions. Elle a ainsi indiqué avoir abordé, dans le cadre du processus de communication, le problème du ciblage des avocats dans plusieurs courriers envoyés à l’Eswatini, à l’Iran, au Viet Nam, à l’Arabie saoudite et à Singapour. La Rapporteuse spéciale a en outre appelé la communauté internationale à faire davantage pour soutenir les avocats, les procureurs et les juges afghans.

La deuxième grande menace, a poursuivi Mme Satterthwaite, concerne « une vague mondiale de recul démocratique et d'autocratisation », qui fait peser de graves risques sur les droits de l'homme. Ce processus voit des dirigeants démanteler ou réduire la capacité des autres secteurs du gouvernement à contrôler leur pouvoir, un processus qui va souvent de pair avec la répression de la société civile, le rétrécissement de l'espace civique et la multiplication des attaques contre les défenseurs des droits de l'homme, y compris des avocats.

C'est pourquoi la Rapporteuse spéciale a dit avoir adressé des communications concernant des allégations de représailles contre des organisations de défense des droits de l'homme qui fournissent une assistance juridique, comme dans le cas du Groupe Helsinki de Moscou dans la Fédération de Russie ; et avoir écrit au Gouvernement du Bélarus pour lui faire part de son inquiétude quant au fait que des personnes détenues pour des affaires qui seraient motivées par des considérations politiques n'ont pas accès à leurs avocats.

Mme Satterthwaite a aussi écrit à Israël au sujet de propositions de changements législatifs qui, s'ils étaient adoptés, porteraient gravement atteinte à l'indépendance des tribunaux ; à Sri Lanka, où la loi antiterroriste ne fait pas l'objet d'un contrôle judiciaire efficace ; à la Chine, concernant l'impact que la Loi sur la sécurité nationale et l'interdiction des avocats étrangers dans la Région administrative spéciale de Hong Kong peuvent avoir sur le droit à un procès équitable ; et à El Salvador, concernant la prolongation de l'état d'urgence.

La Rapporteuse spéciale a aussi dit avoir écrit aux autorités du Guatemala au sujet d’un « d'un schéma inquiétant d'attaques contre les opérateurs de la justice ». Elle a encore relevé qu’au Liban, le juge Tarek Bitar a rencontré des obstacles dans sa tentative de faire avancer l'enquête sur l'explosion du port de Beyrouth – des obstacles si importants qu'ils affectent la capacité même du système judiciaire libanais à garantir l'obligation de rendre des comptes. Mme Satterthwaite a enfin fait part de préoccupations concernant des atteintes à l'indépendance du pouvoir judiciaire en Tunisie.

Aperçu du dialogue

Des délégations ont dit soutenir fermement le mandat de la Rapporteuse spéciale, estimant qu’il présentait une « valeur ajoutée cruciale » du point de vue des droits de l'homme. Un pouvoir judiciaire indépendant et impartial, une profession juridique indépendante, des poursuites objectives et impartiales et l'intégrité du système judiciaire sont fondamentaux pour la protection des droits de l'homme et constituent l'un des fondements des sociétés démocratiques, a-t-il été affirmé à plusieurs reprises ce matin.

Certaines délégations ont rejoint la Rapporteuse spéciale pour constater que l'autocratisation et les discriminations systémiques constituent des menaces majeures pour l'indépendance judiciaire, et il a été souligné que les juges et les avocats jouaient un rôle essentiel dans la défense de l'État de droit face aux tentatives visant à l'affaiblir.  D’aucuns ont plaidé pour une justice plus moderne, plus proche des citoyens et exempte de toute discrimination dans la composition de son personnel, en particulier s’agissant de la participation des femmes.

La qualité de juge ou d'avocat, a-t-il aussi été affirmé, ne devrait pas conférer une immunité permanente contre les mesures disciplinaires et judiciaires requises en cas de commission d'infractions punies par la loi.

D’aucuns ont jugé incorrecte l'approche de la Rapporteuse spéciale consistant, d’une part, à inclure les personnes ayant des orientations sexuelles différentes aux côtés des groupes vulnérables tels que les femmes, les enfants, les minorités et les personnes handicapées, et d’autre part, à faire un lien entre indépendance du pouvoir judiciaire et crise climatique. Il a été regretté que la Rapporteuse spéciale ait mentionné explicitement une dizaine de pays dans sa première déclaration, et il a été mis en garde contre toute politisation des droits de l’homme.

Plusieurs délégations ont décrit les mesures prises par leur pays pour renforcer le système judiciaire, en particulier en dispensant des formations dans le domaine du droit international des droits de l'homme ; pour faire en sorte que les avocats puissent exercer leurs fonctions sans crainte ni interférence ; et pour renforcer la confiance du public dans le système de justice.

Des délégations ont dénoncé des détentions arbitraires, des agressions voire des meurtres de magistrats et d’avocats dans plusieurs pays, y compris la persécution d’avocats pour avoir défendu leurs clients. 

La Rapporteuse spéciale a été priée de décrire les effets potentiellement néfastes que la désinformation, le harcèlement et les menaces en ligne, ainsi que l'intelligence artificielle pourraient avoir sur l'accès à la justice. Mme Satterthwaite a aussi été priée de dire comment contrer « l’instrumentalisation de la légalité » destinée à justifier des mesures de répression manifestement injustes ; d’expliquer comment garantir l'indépendance des juges face aux pressions extérieures ; et de se pencher, dans ses travaux, sur l’impact du colonialisme sur l’indépendance de la justice.

* Liste des intervenants : Union européenne, Hongrie (au nom d’un groupe de pays), Uruguay (au nom d’un groupe de pays), Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), Organisation internationale de droit du développement, Lituanie, Égypte, Burkina Faso, Israël, Arménie, Belgique, Luxembourg, ONU Femmes, Timor-Leste, France, États-Unis, Iraq, Maldives, Malaisie, Royaume-Uni, Venezuela, Afrique du Sud, Pakistan, Namibie, Inde, Malawi, Iran, Gambie, Libye, Zimbabwe, Afghanistan, Soudan, Cuba, Fédération de Russie, Roumanie, Algérie, Botswana, Lesotho, Tunisie, Cameroun, Ukraine, Cambodge, Australie et Chine.

Les institutions nationales de droits de l’homme de l’Inde et du Burundi, ainsi que les organisations non gouvernementales suivantes ont pris part au débat : Ordem dos Advogados do Brasil Conselho Federal, The Law Society, Avocats pour Avocats, Lawyers' Rights Watch Canada, International Bar Association, Centre pour la justice et le droit international, Open Society Institute, Law Council of Australia, National Human Rights Civic Association “Belarusian Helsinki Committee” et Freedom Now.

Réponses et conclusions de la Rapporteuse spéciale

MME SATTERTHWAITE a précisé qu’elle inscrivait son mandat dans le cadre du droit international, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Déclaration universelle des droits de l’homme et le droit international coutumier. Elle a assuré qu’elle exercerait ses fonctions comme le Conseil l’entendait à la création du mandat.

La Rapporteuse spéciale a indiqué qu’elle rassemblerait dans un prochain rapport les nombreuses bonnes pratiques existantes en matière d’autonomisation juridique des citoyens et qu’elle analyserait plus avant le problème de l’autocratisation et ses effets sur le fonctionnement de la justice.

Les États, a recommandé Mme Satterthwaite, doivent faire en sorte que celles et ceux qui pratiquent le droit puissent le faire hors de toute ingérence et pressions politiques. Le justiciable doit pouvoir être certain que son cas sera examiné en toute impartialité, a-t-elle insisté.

Mme Satterthwaite a salué les progrès déjà faits pour intégrer davantage de femmes dans le personnel de justice. Elle a demandé aux États de poursuivre leurs efforts pour assurer la diversité du personnel judiciaire afin de favoriser la confiance du public dans le système de justice. 

Dialogue avec le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants

Le Conseil est saisi du rapport du Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants, intitulé « Comment élargir et diversifier les mécanismes et programmes de régularisation pour renforcer la protection des droits humains des migrants » (A/HRC/53/26), ainsi que de ses rapports de visite en Pologne (A/HRC/56/23/Add.1), au Bélarus (A/HRC/53/26/Add.2) et au Bangladesh (A/HRC/53/26/Add.3).

Présentation du raport

Avant d’aborder les principaux aspects de ses différents rapports, M. FELIPE GONZÁLEZ MORALES, Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants, a fait quelques réflexions sur les questions qu’il a abordées en tant que Rapporteur spécial au cours des six dernières années. Il s’est notamment réjoui que le début de son mandat ait coïncidé avec la phase initiale de préparation du Pacte mondial pour des migrations sûres, régulières et ordonnées. Il a souligné que cela lui avait donné l’occasion de participer à toutes les étapes du processus de préparation, d’adoption et de mise en œuvre initiale de ce Pacte.

Le Rapporteur spécial a par ailleurs indiqué que si la sécurité est une préoccupation légitime, elle ne doit cependant pas être traitée au prix de la violation des droits de l’homme des migrants. Les réglementations générales en matière de sécurité qui donnent un pouvoir discrétionnaire aux autorités de l’État conduisent rapidement à l’arbitraire et à l’absence de responsabilité pour les violations des droits de l’homme, a-t-il souligné.

S’agissant de son rapport principal, M. González Morales a rappelé que l’élargissement des voies de migration régulière et la garantie d’une régularisation temporaire conduisant à des mécanismes permanents dans les pays de destination représentent des aspects essentiels du Pacte mondial pour des migrations sûres, régulières et ordonnées. Le Rapporteur spécial a attiré l’attention sur la situation de nombreux migrants sans papiers qui, en raison de l’absence de statut migratoire régulier, vivent et travaillent dans des conditions critiques et peuvent être soumis de manière disproportionnée à la discrimination, aux abus, à l’exploitation et à la marginalisation.  Quelles que soient les circonstances qui les ont conduits à l’irrégularité, la jouissance de leurs droits de l’homme est affectée négativement, a-t-il insisté. L’intersection entre la migration et d’autres formes de discrimination et le faux lien entre l’irrégularité et la criminalisation exacerbent encore leur vulnérabilité.

Par conséquent, la régularisation est un outil de protection et d’inclusion qui profite aux migrants, à leurs familles, aux pays de destination et aux communautés, a indiqué M. González Morales, avant d’avancer une série de recommandations. Il a notamment exhorté les États à renforcer le cadre juridique de la protection de tous les migrants, quel que soit leur statut, conformément aux normes internationales relatives aux droits de l’homme. Il a aussi indiqué que les processus de régularisation devraient être axés sur la promotion de l’accès à la résidence permanente et sur des voies d’accès à la citoyenneté. Il a en outre exhorté les États à mettre fin à la criminalisation des migrants en situation irrégulière et à promouvoir la solidarité, afin de changer le discours sur la migration et de lutter contre la xénophobie, le racisme et la discrimination.

M. González Morales a ensuite rendu compte de sa visite en Pologne et au Bélarus – y compris à la frontière entre les deux pays –, ainsi que de sa visite au Bangladesh. Il a indiqué que sa visite en Pologne avait eu lieu plusieurs mois après l’invasion de l’Ukraine par la Fédération de Russie.  Des millions de réfugiés ont traversé la frontière polono-ukrainienne en quête de sécurité en Europe, et environ 2 millions se trouvent toujours en Pologne, a-t-il rappelé. En réponse à cette situation sans précédent, le Parlement polonais a adopté une loi sur l’assistance aux ressortissants ukrainiens dans le cadre de l’invasion de l’Ukraine, autorisant le séjour légal des Ukrainiens et de leurs conjoints, a-t-il souligné. Saluant cet effort, il a néanmoins regretté que les ressortissants de pays tiers fuyant la même guerre ne peuvent pas bénéficier du large éventail de soutien et d’aide financière destinés aux Ukrainiens.

M. González Morales a ensuite déploré les tensions à la frontière entre le Bélarus et la Pologne apparues à l’été 2021. L’escalade des tensions à la frontière a déclenché l’adoption de politiques, des deux côtés, qui ont eu une incidence négative sur les droits humains des migrants, y compris le recours à des pratiques de refoulement au Bélarus et en Pologne, a-t-il précisé.  Les pratiques de refoulement (« pushback ») à la frontière ont coûté la vie à des migrants, a indiqué le Rapporteur spécial. Le Bélarus et la Pologne devraient prendre toutes les mesures de précaution raisonnables pour protéger des vies et prévenir le recours excessif à la force, a plaidé M. González Morales.

S’agissant de sa visite au Bangladesh, malgré le travail considérable accompli par le Gouvernement du pays pour adopter des mesures législatives et politiques visant à réglementer les migrations de main-d’œuvre, le Rapporteur spécial s’est dit préoccupé par les lacunes persistantes concernant les pratiques de recrutement injustes et contraires à l’éthique qui conduisent à l’exploitation des candidats travailleurs migrants au stade précédant le départ [du Bangladesh]. Il a également déploré que des informations continuent de faire état de violations généralisées des droits humains dans les pays de destination, notamment d’abus commis dans le cadre du système de kafalah contre les travailleurs domestiques. Il s’est dit tout particulièrement préoccupé de recevoir des informations sur les décès de travailleurs migrants, dont un nombre important sont des femmes.

Tout en saluant l’accueil des Rohingya au Bangladesh, le Rapporteur spécial a exprimé son inquiétude quant à l’absence de statut juridique pour ces derniers, tant au Myanmar qu’au Bangladesh.

Pays concernés

Le Bangladesh a rappelé avoir été un des premiers pays à avoir soutenu l’initiative de rédiger le Pacte mondial sur les migrations. Le pays a ajouté participer à de nombreux forums internationaux sur le sujet de la migration. Le Bangladesh a également adopté de nombreuses lois pour assurer le bien-être des migrants et des membres de leur famille. Le Bangladesh est un pays d’origine de la migration et promeut le cadre d’une migration juste en partenariat, quand c’est possible, avec les pays de destination, afin que les emplois soient décents, a précisé la délégation bangladaise. Le pays dispose également de différents programmes de réinsertion des travailleurs migrants de retour au pays s’ils ont perdu leur travail [dans le pays où ils avaient émigré], notamment en raison de la pandémie de COVID-19.

S’agissant des Rohingya, le Bangladesh aide cette communauté ; il offre l’assistance humanitaire voulue aux Rohingya afin qu’ils soient en sécurité, a poursuivi la délégation. Les enfants rohingya peuvent suivre [au Bangladesh] l’éducation dans leur langue, avec un programme scolaire calqué sur celui du Myanmar, a indiqué la délégation du Bangladesh.

Le Bélarus a déclaré que l’élément déclencheur de la visite du Rapporteur spécial au Bélarus a été la « politisation exceptionnelle » par l’Union européenne de la situation qui s’est développée à sa frontière orientale à l’automne 2021. La délégation bélarussienne a relevé que le pays n’est qu’une des nombreuses routes pour les migrants et les réfugiés vers les pays de l’Union européenne.

Les fils d’actualité regorgent d’informations sur des centaines de migrants morts en mer Méditerranée et dans la Manche et sur le traitement « cruel » des migrants dans les pays de l’Union européenne, a déclaré la délégation ; cependant, pour l’Union européenne, ce sont quelques milliers de personnes à la frontière bélarussienne qui sont soudainement devenues une « difficulté insurmontable », a déclaré la délégation, dénonçant une instrumentalisation de la migration par l’Union européenne au travers d’accusations sans fondement contre le Bélarus et affirmant que les services compétents des pays de l’Union européenne refusaient de coopérer avec le Bélarus dans la réglementation de la migration.  Se trouvant seuls face à ce problème, les organes chargés de l’application des lois du Bélarus ont pour leur part pris des mesures pour freiner les mouvements illégaux de migrants.

Quelque 2000 personnes qui ont tenté d’entrer dans l’Union européenne par le Bélarus à l’automne 2021 se sont dirigées vers la frontière ; lorsque ces personnes ont été arrêtées par les autorités polonaises à la frontière, avec des canons à eau, des chiens et des balles en caoutchouc, le Bélarus a fait tout ce qui était en son pouvoir pour éviter les pertes parmi ces personnes et leur a fourni un abri temporaire, de la nourriture et des soins médicaux, a affirmé la délégation bélarussienne.  Elle a appelé l’Union européenne à écouter l’avis du titulaire du mandat et à revenir à une coopération pratique sur la gestion efficace de la frontière commune avec le Bélarus.

La Pologne a affirmé que le dévouement du pays à la promotion et à la protection des droits de l’homme des migrants avait été prouvé l’année dernière, lorsque des millions de réfugiés ont traversé la frontière polono-ukrainienne en quête de sécurité et de protection en Pologne après l’agression russe non provoquée et injustifiée contre l’Ukraine le 24 février 2022.

Le Gouvernement polonais a répondu positivement et sans délai à la demande du Rapporteur spécial d’effectuer une visite officielle en Pologne. La visite a eu lieu en juillet de l’année dernière ; elle s’est concentrée sur la situation à la suite de l’invasion russe non provoquée et injustifiée contre l’Ukraine ainsi que sur la situation à la frontière entre la Pologne et le Bélarus.  Il a été confirmé que depuis le début de la crise migratoire à la frontière entre ces deux pays en 2021, la migration illégale fait partie de la menace hybride utilisée par le régime bélarussien et soutenue par la Fédération de Russie visant à déstabiliser la situation à la frontière avec l’Union européenne ainsi qu’à l’intérieur de l’Union, a affirmé la délégation polonaise. Dès le début, les citoyens de pays tiers, en particulier les femmes et les enfants, ont été utilisés de manière « instrumentale et cynique » par les autorités de Minsk à cette fin, a-t-elle insisté. La Pologne condamne fermement ces pratiques et estime que la vie des gens ne doit pas être soumise à ce genre d’activités honteuses, a-t-elle ajouté.

Ces activités « cyniques » du « régime bélarussien » ont directement précédé l’agression russe non provoquée et injustifiée contre l’Ukraine, a-t-elle déclaré. Cette situation a obligé la Pologne à prendre des mesures juridiques adéquates et à développer des ressources supplémentaires pour protéger la sécurité et veiller à ce que toutes les actions soient pleinement conformes aux engagements internationaux et aux normes relatives aux droits de l’homme.

Aperçu du dialogue

Tous les États Membres ont l’obligation de respecter, promouvoir et réaliser les droits de l’homme, y compris les droits des migrants, ont rappelé de nombreuses délégations. Le fait qu’une migration soit irrégulière ne dispense pas les États de l’obligation de protéger les droits des personnes concernées, a-t-on souligné. Les droits de l’homme sont universels et doivent être garantis à tous, indépendamment notamment du statut migratoire, ont insisté plusieurs intervenants.

A l’instar du Rapporteur spécial, de nombreuses délégations ont souligné que l’irrégularité de leur situation accroît la vulnérabilité des individus concernés aux violations des droits de l’homme. Les migrants sans statut légal sont confrontés à de nombreux défis, notamment à l’exploitation, aux abus et à la discrimination, a-t-il été rappelé ; ils n’ont souvent pas accès aux services de base, tels que les soins de santé et l’éducation, et risquent d’être pris au piège de cycles de pauvreté et de vulnérabilité, a-t-il été déploré.

Les causes profondes de la migration irrégulière doivent être comprises du point de vue des responsabilités des pays d’origine, de transit et d’accueil en matière de respect, de protection et de réalisation des droits de l’homme des migrants, de prévention des voies dangereuses [de migration] et de l’exploitation, a-t-il été indiqué. 

Les processus de régularisation devraient être plus accessibles et abordables, ont plaidé certains intervenants. D’aucuns ont prôné le renforcement des programmes d’intégration et la prise en compte des vulnérabilités spécifiques auxquelles sont confrontées les différentes catégories de migrants.

Plusieurs délégations ont appelé à protéger toutes les victimes de la traite, en accordant une attention particulière aux mineurs non accompagnés.  Un intervenant a rappelé que l’Organisation internationale du Travail (OIT) estimait à 25 millions le nombre de victimes de la traite de personnes.

Il a été demandé aux États d’assurer une protection légale aux travailleurs migrants contre l’exploitation par leurs employeurs.

Certains intervenants ont par ailleurs dénoncé une instrumentalisation délibérée des migrants à des fins politiques, soulignant que cela met leur vie en danger.

Plusieurs délégations ont présenté leurs condoléances pour les vies perdues dans le tragique naufrage survenu au large des côtes européennes au début du mois. La récurrence de tels incidents en mer, impliquant la perte de milliers de vies humaines depuis 2014, est un triste rappel des lacunes en matière de protection, a déclaré une délégation ; le coût humain d’un tel statu quo est inacceptable, a-t-elle insisté. Plusieurs délégations ont plaidé pour l’amélioration de la protection mondiale [des migrants] dans le but d’empêcher que de telles tragédies ne se reproduisent en mer.

Certaines délégations ont présenté les mesures prises au niveau national par leur pays afin de protéger les migrants et les travailleurs migrants, notamment en mettant en œuvre les dispositions du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières.

De nombreuses délégations ont également remercié M. González Morales pour ses six années de mandat au cours duquel il s’est efforcé d’identifier les lacunes dans la protection pleine et effective des droits de l’homme de tous les migrants, ainsi que les moyens de les surmonter.

**Liste des intervenants : Union européenne, Côte d’Ivoire (au nom du groupe des États africains), Pakistan (au nom de l’Organisation de la coopération islamique), ONU Femmes, Portugal, Lituanie, Égypte, Burkina Faso, Arménie, Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), Luxembourg, Ordre souverain de Malte, Costa Rica, Paraguay, Indonésie, El Salvador, Iraq, Mexique, États-Unis, Colombie, Maldives, Brésil, Maroc, Royaume-Uni, Venezuela, Cameroun, Namibie, Inde, Grèce, Bangladesh, Malawi, Chine, Gambie, Suisse.

Réponses du Rapporteur spécial

M. González MORALES a affirmé que les catastrophes en Méditerranée ne sont pas dues à la fatalité et que ce sont les politiques migratoires de certains États qui sont responsables de ces drames. Ce sont les États qui doivent aider au sauvetage des embarcations et ensuite les organisations de la société civile devraient intervenir, et non pas l’inverse, a-t-il souligné.

Des mesures sont prises pour prévenir la traite des personnes, mais elle est finalement encouragée lorsqu’on dévie les migrants vers des itinéraires plus dangereux, a d’autre part souligné le Rapporteur spécial, déplorant que des disparitions interviennent en tout impunité et plaidant pour des mécanismes efficaces, en collaboration avec la société civile, pour mener des enquêtes sur ces cas. La régulation est le meilleur moyen pour protéger les droits des migrants, a insisté M. González Morales.

 

 

 

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