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Des retours durables des réfugiés rohingya sont impossibles tant que les droits humains, les libertés et la sécurité de la communauté rohingya ne seront pas garantis au Myanmar, est-il affirmé devant le Conseil des droits de l’homme

Compte rendu de séance

 

 

Ce matin, le Conseil des droits de l’homme a tenu une réunion-débat sur « les mesures nécessaires pour trouver des solutions pérennes à la crise des Rohingya et mettre fin à toutes les formes de violations des droits de l’homme et d’atteintes à ceux-ci commises contre les musulmans rohingya et d’autres minorités au Myanmar ».  Auparavant, le Conseil a achevé, en entendant plusieurs délégations*, le dialogue entamé hier autour du rapport annuel présenté lundi dernier par le le Haut-Commissaire aux droits de l’homme, M. Volker Türk. Concluant ce dialogue, ce dernier a averti que le Haut-Commissariat ne pourra pas honorer toutes les demandes d’assistance technique qui lui parviennent sans une augmentation importante de son budget.

Ouvrant la réunion-débat sur les violations des droits de l’homme à l’encontre des musulmans rohingya et d’autres minorités au Myanmar, Mme Nada Al-Nashif, Haut-Commissaire adjointe des Nations Unies aux droits de l’homme, a affirmé que pour parvenir à un avenir inclusif au Myanmar, les autorités devaient garantir un système politique pleinement démocratique, représentatif et responsable, abroger toutes les lois discriminatoires, engager un dialogue inclusif et constructif en vue de la réconciliation nationale et mettre en œuvre des mesures qui garantissent le respect et la protection des droits de l’homme et de la dignité de chaque personne sans discrimination. 

D’autre part, tout dialogue sur l’avenir des Rohingya – y compris toute possibilité de retour au Myanmar – doit inclure leur participation pleine, effective et significative, a ajouté Mme Al-Nashif. Des retours durables, conformes aux normes internationales, sont impossibles aussi longtemps que les droits humains, les libertés et la sécurité de la communauté rohingya ne seront pas garantis, a-t-elle prévenu. 

Enfin, la Haut-Commissaire adjointe a précisé que face à l’impunité dont jouit l’armée du Myanmar pour les violations contre les Rohingya, le Haut-Commissariat soutenait les efforts de responsabilisation au niveau international. La plainte déposée par la Gambie contre le Myanmar devant la Cour internationale de justice est un premier pas dans cette direction, a relevé Mme Al-Nashif. 

Le débat a compté avec les contributions de quatre panélistes invités. Mme Yasmin Ullah, Présidente du Conseil d’administration de l’Alternative ASEAN Network on Burma, a notamment estimé qu’il ne devrait y avoir de rapatriement des Rohingya aussi longtemps que leur statut ethnique n’est pas reconnu au Myanmar et que ce pays n’aura pas mené une réforme pour répondre aux abus systémiques dont sont victimes les Rohingya et de nombreux autres groupes ethniques et minoritaires.

Mme Chris Lewa, fondatrice de l’organisation Arakan Project, a pour sa part jugé l’insistance à accélérer le rapatriement des Rohingya particulièrement inquiétante car, a-t-elle indiqué, les conditions d’un retour volontaire dans la sécurité et la dignité ne sont pas réunies. Des tentatives de rapatriement ont déjà échoué en 2018 et 2019, a-t-elle rappelé. Le droit des Rohingya de retourner dans leur pays d’origine avec leur consentement libre et éclairé doit être garanti, le Haut-Commissariat pour les réfugiés devant être en mesure d’évaluer le caractère volontaire des décisions prises par les réfugiés, a-t-elle ajouté.

Pour M. Kyaw Win, Directeur exécutif du Burma Human Rights Network, « tant que l’armée [du Myanmar] jouira d’une impunité totale pour ses actions, l’oppression inflexible des Rohingya et d’autres minorités se poursuivra sans relâche ». Il a regretté que cette impunité soit facilitée par l’inaction du Conseil de sécurité de l’ONU à l’égard du Myanmar. 

Enfin, M. Mohshin Habib, professeur associé à la Laurentian University (Canada), a préconisé de prendre un ensemble de mesures pratiques en matière de sécurité, d’éducation, d’économie et de de capital social, y compris des compensations financières, en tant que conditions préalables au rapatriement des Rohingya.

De nombreuses délégations** ont ensuite pris part au débat.

 

Cet après-midi à partir de 15 heures, le Conseil entendra la présentation d’un rapport du Secrétaire général concernant l’Iran et de deux mises à jour du Haut-Commissaire concernant Sri Lanka et le Nicaragua. Il tiendra ensuite un dialogue avec l’Expert indépendant sur l’orientation et l’identité de genre.

 

Fin du dialogue autour du rapport annuel du Haut-Commissaire aux droits de l’homme

Aperçu du dialogue

Ce matin encore, des intervenants ont souligné l’importance de la coopération des États avec le Haut-Commissariat et les autres organismes des droits de l’homme, ainsi que de l’assistance technique et du renforcement des capacités dispensés pour aider les pays à s’acquitter de leurs obligations en matière de droits de l’homme. Il a en outre été rappelé que les organes des droits de l’homme doivent éviter toute politisation et respecter la souveraineté des États. 

Il a d’autre part été suggéré que le Haut-Commissariat collecte systématiquement des données sur les victimes des conflits en cours, ce qui faciliterait les efforts visant à ce que les auteurs des violations rendent des comptes.

La régression des droits des LGTIQ+ dans plusieurs pays a été jugée préoccupante par plusieurs intervenants.

Il a par ailleurs été suggéré de convoquer une conférence internationale sur la gestion des flux migratoires en Méditerranée.

Des préoccupations ont également été exprimées s’agissant de violations des droits des peuples autochtones et de minorités ; des crimes contre des civils commis dans des situations de conflit ; du rétrécissement de l’espace dévolu à la société civile dans certains pays ; du ciblage de défenseurs des droits de l’homme et de journalistes ; ou encore de la répression exercée dans ce qui a été qualifié de situations de « colonisation ».

*Liste des intervenants : Ghana, Cambodge, Burundi, Barbade, Trinité-et-Tobago, Nicaragua, Islande, Nouvelle-Zélande, Tunisie, Namibie, Honduras, Ouganda, Hongrie, Right Livelihood Award Foundation, World Federation of Ukrainian Women's Organizations, Amnesty International, Human Rights Watch, Every Casualty Worldwide, Commission internationale des juristes, East and Horn of Africa Defenders Project, Forum asiatique pour les droits de l'homme et le développement, Palestinian Initiative for the Promotion of Global Dialogue and Democracy (MIFTAH), Il Cenacolo et Érythrée.

Réponses et remarques de conclusion du Haut-Commissaire 

M. VOLKER TÜRK, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, a d’abord salué le fait que des discussions constructives puissent avoir lieu, même si tous les intervenants ne partagent pas les mêmes points de vue.

Le Haut-Commissaire a ensuite rappelé que le paragraphe 5 de la Déclaration et du Programme d’action de Vienne stipule que « tous les droits de l’homme sont universels, indissociables, interdépendants et intimement liés », et que « s’il convient de ne pas perdre de vue l’importance des particularismes nationaux et régionaux et la diversité historique, culturelle et religieuse, il est du devoir des États, quel qu’en soit le système politique, économique et culturel, de promouvoir et de protéger tous les droits de l’homme et toutes les libertés fondamentales ». Il faut revenir à cette position consensuelle, a demandé M. Türk.

De plus, les États Membres, en adoptant en 1993 la résolution portant création du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, ont chargé explicitement le Haut-Commissaire de jouer un rôle actif pour empêcher les violations des droits de l’homme partout dans le monde, a rappelé M. Türk.

Le dialogue entre le Haut-Commissariat et les États requiert implication et résultats tangibles, a souligné le Haut-Commissaire. La coopération et la collaboration sont des impératifs, a-t-il insisté.

Répondant à certaines questions, M. Türk a dit qu’il ne manquerait pas d’évoquer les problèmes induits par les mesures coercitives unilatérales avec tous les pays concernés, y compris ceux qui prennent ces mesures. Le Haut-Commissariat ne pourra pas honorer toutes les demandes d’assistance technique qui lui parviennent sans une augmentation importante de son budget, a par ailleurs averti le Haut-Commissaire.

Le 26 juin, le Haut-Commissariat organisera une réunion consacrée à ses initiatives dans le cadre du soixante-quinzième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, a en outre fait savoir M. Türk.

Réunion-débat sur les violations des droits de l’homme à l’encontre des musulmans rohingya et d’autres minorités au Myanmar

Conformément à sa résolution 50/3, le Conseil des droits de l’homme tient ce matin une réunion-débat sur « les mesures nécessaires pour trouver des solutions pérennes à la crise des Rohingya et mettre fin à toutes les formes de violations des droits de l’homme et d’atteintes à ceux-ci commises contre les musulmans rohingya et d’autres minorités au Myanmar ».

Déclaration d’ouverture

Mme Nada Al-Nashif, Haut-Commissaire adjointe aux droits de l’homme, a d’emblée rappelé que les Rohingya et d’autres minorités au Myanmar ont enduré des décennies de persécution et de discrimination systématique. Aujourd’hui, onze ans après les violences de 2012 dans l’État rakhine et six ans après les opérations militaires de 2017 qui ont tué des milliers de personnes et déplacé des centaines de milliers de Rohingya, plus d’un million croupissent dans des camps de réfugiés au Bangladesh, alors que, selon les estimations, 600 000 personnes se trouvant toujours au Myanmar continuent d’être privées de leurs droits fondamentaux, a indiqué la Haut-Commissaire adjointe.

Mme Al-Nashif a en outre souligné que le coup d’État militaire de février 2021 et la répression violente dans de nombreuses régions du Myanmar ont infligé davantage de souffrances aux communautés minoritaires, y compris aux musulmans rohingya.  Elle a par ailleurs rappelé que le mois dernier, le cyclone Mocha – la tempête la plus puissante à avoir frappé la région depuis une décennie – a fait rage dans tout le pays ; plus de 100 Rohingya sont morts, tandis que de nombreux autres ont vu leurs maisons détruites et leurs vies bouleversées, ce qui les rend encore plus vulnérables.

L’armée du Myanmar a l’obligation sans équivoque de fournir un accès humanitaire complet, sûr et sans entrave à toutes les personnes dans le besoin, a ensuite rappelé Mme Al-Nashif. Mais au lieu de cela, l’armée a mis en place un système de restrictions physiques et administratives sur la conduite des opérations humanitaires, a-t-elle déploré.

Alarmée par la gravité de l’aggravation de la situation à la fin de l’année dernière, le Conseil de sécurité a adopté sa première résolution sur le Myanmar, dans laquelle il a souligné la nécessité de créer les conditions nécessaires au retour volontaire, sûr, digne et durable des réfugiés et des personnes déplacées rohingya, a d’autre part rappelé Mme Al-Nashif.

La Haut-Commissaire adjointe a déclaré que pour parvenir à un avenir inclusif, les autorités du Myanmar doivent garantir un système politique pleinement démocratique, représentatif et responsable ; abroger toutes les lois discriminatoires ; engager un dialogue inclusif et constructif en vue de la réconciliation nationale ; et mettre en œuvre des mesures qui garantissent le respect et la protection des droits de l’homme et de la dignité de chaque personne sans discrimination.

Il va sans dire que tout dialogue et toute délibération sur l’avenir des Rohingya – y compris toute possibilité de retour au Myanmar – doivent inclure leur participation pleine, effective et significative, dans toute leur diversité, a insisté Mme Al-Nashif.  Des retours durables, conformes aux normes internationales, sont impossibles si les droits humains, les libertés et la sécurité de la communauté rohingya ne sont pas garantis, a-t-elle ajouté.

Pendant ce temps, un grand nombre de Rohingya continuent de fuir vers des pays plus sûrs, prenant souvent d’immenses risques, y compris par des traversées maritimes dangereuses, a poursuivi Mme Al-Nashif, avant d’exprimer sa solidarité et son soutien au Bangladesh pour avoir pris les mesures nécessaires afin d’offrir un refuge à plus d’un million de réfugiés rohingya pendant cette crise prolongée.  Elle a appelé la communauté internationale à apporter un soutien solide et durable aux réfugiés rohingya : renforcer leur résilience et leur autonomie est fondamental, a-t-elle insisté.

Face à l’impunité dont jouit l’armée du Myanmar pour les violations passées et présentes contre les Rohingya, le Haut-Commissariat soutient pleinement les efforts de responsabilisation en cours au niveau international. La plainte déposée par la Gambie contre le Myanmar devant la Cour internationale de Justice n’est qu’un pas dans cette direction, a relevé Mme Al-Nashif.

Exposés des panélistes

MME YASMIN ULLAH, Présidente du Conseil d'administration de l’Alternative ASEAN Network on Burma, a insisté sur le fait que seuls les Rohingya seront en mesure de s’affranchir et que seul un changement interne au Myanmar conduira à une paix et à une réussite à long terme. La solidarité de la communauté internationale pour aider les Rohingya à rompre le silence sur les atrocités commises à leur encontre est vitale, a-t-elle ajouté.

En premier lieu, Mme Ullah a plaidé pour la reconnaissance du statut ethnique des Rohingya, étant donné que, dans le contexte du Myanmar, la citoyenneté seule n'offre aucune protection. On ne peut se contenter de supplier ou d'implorer la junte ou le Gouvernement civil - le Gouvernement d'unité nationale - de faire en sorte que les Rohingya fassent partie du pays. Le problème est que les Rohingya ont été systématiquement effacés et exclus de la participation sociale, économique et politique en tant que groupe collectif ou ethnique, a insisté l’oratrice.

En second lieu, il faut reconnaître et comprendre que le Myanmar dans son ensemble a besoin d'une réforme drastique pour répondre aux abus systémiques dont sont victimes les Rohingya et de nombreux autres groupes ethniques et minoritaires, a d’autre part souligné Mme Ullah. Le Myanmar a besoin d'une commission vérité et réconciliation dans le cadre de la justice transitionnelle, a-t-elle ajouté.  La campagne génocidaire de 2017 et la tentative de coup d'État de 2021 sont des preuves flagrantes de ce qui se passe lorsqu'il n'y a pas de plan de justice transitionnelle pendant une période de transition, a-t-elle fait observer.

Il ne devrait y avoir de rapatriement aussi longtemps que ces deux formes de reconnaissance ne seront pas opérationnelles ou, à tout le moins, planifiées dans les détails, a recommandé Mme Ullah.

MME Chris Lewa, fondatrice de l’organisation Arakan Project, a déclaré qu’une solution permanente permettant aux Rohingya de vivre en paix au Myanmar garantirait un retour durable vers leur patrie. C’est leur demande de longue date, a-t-elle insisté. Cependant, les restrictions et la persécution ont augmenté au fil des ans ; en 2012, 150 000 personnes ont été déplacées vers des camps d’internement dans le centre de l’État rakhine et les atrocités perpétrées par l’armée ont déclenché un exode massif de 740 000 personnes vers le Bangladesh en 2017.

Dans ce contexte, l’insistance à « accélérer le rapatriement des Rohingya » est particulièrement inquiétante car les conditions d’un retour volontaire dans la sécurité et la dignité ne sont pas réunies, a déploré Mme Lewa. 

Les tentatives de rapatriement ont déjà échoué à deux reprises en 2018 et 2019, a rappelé l’oratrice, avant de souligner que le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a lui-même réaffirmé que les conditions ne sont pas propices à un retour dans la sécurité et la dignité. Le droit des Rohingya de retourner dans leur pays d’origine doit être garanti, mais uniquement avec un consentement libre et éclairé des Rohingya à ce retour. Le HCR doit être en mesure d’évaluer le caractère volontaire des décisions prises par les réfugiés, a insisté Mme Lewa.  Elle a rappelé qu’en 2021, le Gouvernement d’unité nationale, mis en place par des députés élus, a publié une déclaration de politique générale reconnaissant le droit des Rohingya à la citoyenneté du Myanmar et nommé un conseiller rohingya. Il s’agit d’une percée, même si les Rohingya se demandent si cette politique est un véritable engagement ou un outil de campagne pour obtenir une reconnaissance internationale, a affirmé Mme Lewa.

L’Armée arakanaise et son aile politique ont également modifié leur rhétorique à l’égard des Rohingya.

Ces développements doivent néanmoins faire l’objet d’un suivi et devraient être surveillés et soutenus, a plaidé Mme Lewa. Toutes les parties prenantes, y compris les Rohingya eux-mêmes, devraient s’engager à trouver des solutions. En vertu du principe de partage des responsabilités, la communauté internationale devrait de toute urgence fournir un financement adéquat pour répondre aux besoins humanitaires fondamentaux des réfugiés rohingya, a ajouté Mme Lewa, recommandant à la communauté internationale de donner la priorité aux Rohingya face aux défis mondiaux, en défendant leurs droits humains et en soutenant la responsabilité internationale.

M. Kyaw Win, Directeur exécutif du Burma Human Rights Network, a rappelé que cela va faire six ans que l’armée birmane a lancé une campagne de meurtres, de viols massifs et d’incendies criminels contre les Rohingya dans le nord de l’État rakhine. Par ailleurs, a-t-il ajouté, les efforts continus de la junte pour restreindre les déplacements des Rohingya constituent une violation flagrante des mesures provisoires de la Cour internationale de Justice (CIJ) visant à prévenir les actes génocidaires contre les Rohingya.  Il a d’autre part déploré que la junte et ses partisans continuent d’utiliser une rhétorique de division et de haine ciblant les groupes religieux non bouddhistes pour diviser la résistance et détourner l’attention du coup d’État. En plus des attaques physiques contre les Rohingya et d’autres minorités musulmanes et leurs lieux de culte, cette campagne est également perpétrée par le biais de lois, de politiques et de pratiques discriminatoires, a-t-il insisté. Les Rohingya sont ainsi contraints de passer par la carte nationale de vérification, qui les catégorise comme étrangers, a-t-il regretté.

Malgré les preuves de longue date de violations généralisées et systématiques des droits de l’homme, l’impunité reste presque absolue, a souligné l’orateur, avant de déplorer que cette impunité ait été particulièrement facilitée par l’inaction du Conseil de sécurité de l’ONU à l’égard du Myanmar, la Fédération de Russie et la Chine s’opposant à toute action substantielle. Bien que l’adoption par le Conseil de sécurité de l’ONU de la résolution attendue depuis longtemps soit une mesure bienvenue, cette résolution n’a pas inclus de mesures substantielles visant à renvoyer le Myanmar devant la Cour pénale internationale (CPI), ni à imposer un embargo mondial sur les armes à destination du pays, ni à imposer des sanctions ciblées pour réduire les revenus de la junte, a observé l’orateur.  Tant que l’armée jouira d’une impunité totale pour ses actions, l’oppression inflexible des Rohingyas et d’autres minorités se poursuivra sans relâche, a-t-il prévenu.

M. MOHSHIN HABIB, professeur associé à la Laurentian University (Canada), a notamment relevé que l'hostilité à l'égard des Rohingya s’est manifestée par quatre décennies de discrimination systématique, de racisme alimenté par le nationalisme et de violence soutenue par l'État et manipulée par le régime militaire. Les exodes récurrents et les tentatives de rapatriement qui ont échoué témoignent du manque de coopération du Gouvernement du Myanmar, a-t-il souligné, ajoutant que le coup d'État a rendu impossible toute tentative de rapatriement réussie à court et à long terme. Entre-temps, les camps au Bangladesh sont devenus la zone la plus densément peuplée au monde, ce qui entraîne une dégradation de l'environnement et des conséquences importantes pour le pays d’accueil, sur le plan économique et sanitaire et pour son image.

Malgré certaines mises en garde, la solution durable semble toujours être le rapatriement des Rohingya au Myanmar, a estimé le professeur. Une approche plus globale du problème doit non seulement permettre de respecter les droits de l'homme et la dignité des Rohingya, mais aussi de les aider à rebâtir leur vie sociale et économique, a-t-il insisté. Il faudrait à cet égard prendre un ensemble de mesures pratiques – en matière de sécurité, d’éducation, d’économie et de de capital social – en tant que conditions préalables au rapatriement des Rohingya, a-t-il recommandé, évoquant en outre l’octroi d’indemnisations.

L'ambiguïté qui entoure le rapatriement des Rohingya montre aussi qu'il faut trouver de nouvelles manières de s'occuper des réfugiés, en leur assurant une certaine stabilité grâce à l'accès au travail, à la santé et à l'éducation. Bien qu'il n'y ait pas d'alternative au rapatriement des Rohingya, il est nécessaire de trouver immédiatement un autre endroit pour la réinstallation temporaire de volontaires afin d'améliorer leur qualité de vie, leur santé et leur sécurité, a affirmé M. Habib.

Aperçu du débat

De nombreuses délégations ont dénoncé les violations « effroyables » et « systématiques » des droits de l’homme et du droit international commises par les forces armées du Myanmar, en particulier contre des personnes appartenant à des minorités. Ont également été déplorées la discrimination institutionnalisée, la privation du droit de vote, et la persécution de longue date des musulmans rohingya au Myanmar. Les nombreux crimes de guerre et crimes contre l’humanité de la junte sont méticuleusement documentés, a rappelé une délégation.

Les victimes méritent justice et les auteurs doivent être tenus responsables, ont plaidé de nombreux intervenants. Dans ce contexte, plusieurs délégations ont souligné le rôle crucial que doivent jouer le Mécanisme d’enquête indépendant pour le Myanmar et les enquêtes ou procédures menées par des cours ou tribunaux nationaux, régionaux ou internationaux, y compris la Cour internationale de justice (CIJ) et la Cour pénale international. Le respect des mesures provisoires de la CIJ devrait être l’exigence minimale la plus stricte pour l’engagement diplomatique avec le Myanmar, a insisté une délégation.  Une autre délégation a déploré que certains affirment qu’il s’agirait d’une affaire intérieure du Myanmar. 

Pour trouver des solutions durables au sort des Rohingya et d’autres minorités au Myanmar, il faut s’attaquer à ses causes profondes et trouver un moyen d’aller de l’avant, a déclaré une délégation. Plusieurs intervenants ont souligné l’importance d'un dialogue inclusif entre les différentes communautés ethniques et religieuses du Myanmar pour promouvoir la réconciliation nationale et la cohésion sociale en vue de résoudre les tensions et les conflits intercommunautaires. A en outre été relevé le rôle des organisations régionales, notamment celui de l’Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ANASE/ASEAN) dans ce contexte.

De nombreuses délégations ont demandé aux autorités du Myanmar de prendre les mesures nécessaires pour permettre un retour volontaire, sûr, digne et durable des réfugiés et des personnes déplacées. À cet égard, une délégation s’est félicitée du récent dialogue entre le Bangladesh et le Myanmar sur le début du rapatriement dans le cadre d’un projet pilote.

Plusieurs délégations ont par ailleurs demandé aux autorités du Myanmar de réformer la loi sur la nationalité et de reconnaître la nationalité (birmane) aux Rohingya.

Plusieurs intervenants ont par ailleurs déploré la situation humanitaire « dévastatrice » des Rohingya et la deuxième réduction des rations alimentaires par le Programme alimentaire mondial. Plusieurs intervenants ont ainsi soutenu les appels de fonds lancés par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies pour faire face à la crise des Rohingya et à la catastrophe humanitaire en cours au Myanmar. Il a en outre été demandé aux autorités de permettre l’accès humanitaire complet, sûr et sans entrave à toutes les personnes dans le besoin.

**Liste des intervenants : Norvège (au nom d’un groupe de pays), Pakistan (au nom de l’Organisation de la coopération islamique), Luxembourg (au nom du Benelux), Union Européenne, Koweït, Australie, Indonésie, Malaisie, Türkiye, Bangladesh, Gambie, Costa Rica, Venezuela, Sénégal, Iran, Afrique du Sud, Fédération de Russie, Mauritanie, Égypte, Islamic Human Rights Commission ; Human Rights Watch ; Asian Forum for Human Rights and Development ; United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland ; International Bar Association ; Lidskoprávní organizace Práva a svobody obcanučů Turkmenistánu z.s. ; iuventum e.V. ; INHR ; et Association Ma'onah for Human Rights and Immigration.

Réponses et remarques de conclusion des panélistes

MME AL-NASHIF a recommandé de prendre des mesures pour assurer la liberté de mouvement des réfugiés rohingya, leur subsistance et leur accès aux services de base ; et d’envoyer davantage de fonds au Bangladesh, en vue notamment de stabiliser la fourniture des rations alimentaires [aux réfugiés rohingya].

La Haut-Commissaire adjointe a en outre plaidé pour un changement des lois sur la nationalité au Myanmar, afin de faciliter un retour durable [des réfugiés] et pour que toutes les options possibles pour la reddition de comptes, y compris la Cour pénale internationale, restent ouvertes.

MME ULLAH a recommandé que les personnes déplacées et réfugiées soient prises en considération avec humanité. Elle a demandé que l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE/ASEAN) élargisse son consensus en cinq points, afin qu’il puisse vraiment remédier aux problèmes rencontrés actuellement. Mme Ullah a aussi demandé que les Rohingya soient considérés comme un groupe ethnique et autochtone ayant toute sa place au Myanmar. La junte a pour objectif de diviser pour mieux régner, a mis en garde Mme Ullah, avant d’appeler à soutenir les initiatives en matière de justice transitionnelle et de reddition de comptes.

MME LEWA a indiqué qu’il fallait pousser les autorités du Myanmar à agir afin qu’elles prennent des mesures positives envers les Rohingya, notamment pour les inclure davantage dans les processus de décision et dans les bureaux ministériels. Il faut que les autorités s’engagent directement avec les communautés de réfugiés et la société civile. Il faut passer des mots à l’action, notamment en ce qui concerne la loi de la nationalité, a plaidé Mme Lewa.

Certains progrès sont malgré tout constatés, a poursuivi Mme Lewa, relevant l’accès à l’aide humanitaire dans deux villages. Elle a enfin plaidé pour que les réfugiés rohingya ne soient pas maintenus en détention, comme c’est le cas notamment en Inde.

M. WIN a rappelé que cela fait plusieurs décennies que les Rohingya sont persécutés au Myanmar, où ils se heurtent à un sentiment antimusulman très enraciné. Dans le sud du Myanmar, 70% de la population n’a pas de citoyenneté ; il s’agit principalement des ressortissants de communautés musulmanes, a-t-il relevé. Il s’agit d’une « poudrière » et cela pourrait causer de nouveau des tueries de masse et entraîner un nouveau flux de réfugiés, a-t-il prévenu. M. Win a notamment recommandé d’empêcher la livraison d’armes au Myanmar pour prévenir les violences à l’encontre des civils.

M. HABIB a estimé que malgré une polarisation accrue de la communauté internationale, celle-ci doit imposer des embargos sur le commerce des armes avec le Myanmar. Les nations puissantes de la région doivent aussi agir pour mettre la pression sur les autorités et notamment envisager d’exclure le pays de l’ANASE (ASEAN selon l’acronyme anglais), a-t-il plaidé. Il faut en outre permettre aux Rohingya d’accéder à la nationalité, a-t-il également insisté. La communauté internationale doit exiger un changement réel des autorités du Myanmar afin qu’elles reconnaissent les droits des Rohingya.

 

Ce document produit par le Service de l’information des Nations Unies à Genève est destiné à l'information ; il ne constitue pas un document officiel.

Les versions anglaise et française de nos communiqués sont différentes car elles sont le produit de deux équipes de couverture distinctes qui travaillent indépendamment.

 

 

 

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