Fil d'Ariane
Le Conseil des droits de l’homme est informé de ce que les autorités du Bélarus ont intensifié leur répression massive de la société civile ; et que le Venezuela reste confronté à une crise profonde en matière de droits de l’homme
Le Conseil des droits de l’homme a examiné ce matin un rapport du Haut-Commissaire sur la situation des droits de l’homme au Bélarus à la veille et au lendemain de l’élection présidentielle de 2020, avant d’entendre une mise à jour de la Mission internationale indépendante d’établissement des faits sur le Venezuela.
Concernant le Bélarus, Mme Nada Al-Nashif, Haute-Commissaire adjointe aux droits de l’homme, a déclaré que le rapport du Haut-Commissaire qu’elle présentait recensait de nouvelles violations systématiques et généralisées des droits de l'homme dans le pays. En particulier, les autorités ont intensifié leur répression massive à l'encontre des membres de la société civile, des médias et de l'opposition politique. Ainsi, au 21 mars 2023, pas moins de 1459 personnes étaient détenues arbitrairement sur la base d'accusations motivées par des considérations politiques, tandis qu’en février 2023, au moins 2416 personnes avaient été condamnées pour « extrémisme », y compris pour « insulte au Président ».
Le Haut-Commissariat a aussi constaté la mort illégale d'au moins cinq personnes dans le cadre des manifestations de 2020, tandis que des informations crédibles concernent l'utilisation d'une force inutile contre des manifestants anti-guerre au moment du référendum constitutionnel en février 2022. Le Haut-Commissariat a constaté, de plus, la persistance de pratiques généralisées et systématiques de torture et de mauvais traitements à l'encontre d'individus en raison de leur opposition réelle ou supposée au Gouvernement ou aux résultats officiellement déclarés des élections.
Certaines des violations des droits de l'homme documentées par le Haut-Commissariat pourraient être assimilées à des crimes contre l'humanité compte tenu de leur caractère intentionnellement dirigé, généralisé et systématique contre la population civile définie par son opposition réelle ou apparente au Gouvernement, a indiqué la Haute-Commissaire adjointe. Soulignant l'absence d'obligation de rendre des comptes au niveau national, elle a demandé aux autres États Membres d’envisager d'œuvrer en faveur de la responsabilisation par le biais de procédures nationales, sur la base des principes acceptés de compétence extraterritoriale et universelle.
Le Bélarus a fait une déclaration après cette présentation, avant que de nombreuses délégations* ne prennent part au dialogue avec Mme Al-Nashif.
Présentant la mise à jour de la Mission indépendante d’établissements des faits sur le Venezuela, Mme Marta Valinas, Présidente de cette mission dont le mandat a été prorogé de deux ans en octobre dernier, a souligné que le Venezuela demeure confronté à une profonde crise en matière des droits de l’homme. Elle a expliqué qu’au cours de la pandémie de COVID-19, il y avait eu une baisse des manifestations massives et, partant, du nombre de détentions arbitraires dans le contexte des manifestations. Elle a signalé à cet égard que le dernier pic de détentions documenté et de détentions illégales généralisées remonte à 2019.
La Présidente de la mission d’établissement des faits a signalé que les violations graves des droits de l’homme et les délits décrits dans les rapports antérieurs, ainsi que l’absence d’enquête et de sanctions contre leurs auteurs, semblent avoir produit un « effet inhibiteur » sur les manifestants, terrorisé la population civile et démobilisé la dissidence politique. Entre-temps, des millions de personnes ont fui le pays, ce qui constitue un des exodes migratoires les plus récents de l’histoire, a-t-elle ajouté.
À présent, a dit Mme Valiñas, on continue d’observer de graves violations, notamment la détention d’opposants. La Présidente de la mission a par ailleurs relevé la persistance et l’augmentation, au cours des dernières années, des attaques et menaces contre des organisations de la société civile, des défenseurs des droits de l’homme, des syndicalistes, des dirigeants politiques et des journalistes, entre autres.
D’autre part, la mission a constaté que le 24 janvier dernier, l’Assemblée nationale a approuvé en première lecture le projet de loi relatif à la fiscalisation, à la régularisation, aux activités et au financement des organisations non gouvernementales et autres organisations qui, s’il venait à être promulgué, consoliderait un contrôle abusif de la part de l’État sur l’existence, le financement et les activités des ONG.
Les procédures devant la Cour pénale internationale (CPI) représentent une avancée substantielle pour garantir l’obligation redditionnelle au Venezuela, a ajouté Mme Valiñas. Elle a réitéré la volonté de la mission d’obtenir l’autorisation d’accéder au pays.
Plusieurs délégations** ont ensuite dialogué avec la Mission d’établissement des faits, après que le Venezuela eut fait une déclaration en tant que pays concerné.
Cet après-midi à 15 heures, le Conseil entamera le débat général sur les situations des droits de l’homme qui requièrent son attention, après avoir entendu la présentation d’un rapport du Haut-Commissaire aux droits de l’homme concernant la République populaire démocratique de Corée.
Dialogue autour du rapport du Haut-Commissaire sur la situation des droits de l’homme au Bélarus à la veille et au lendemain de l’élection présidentielle de 2020
Le Conseil est saisi du rapport du Haut-Commissaire sur la situation des droits de l’homme au Bélarus à la veille et au lendemain de l’élection de 2020 (A/HRC/52/68).
Présentation du rapport
Présentant ce rapport, MME NADA AL-NASHIF, Haute-Commissaire adjointe aux droits de l’homme, a déclaré qu’il faisait de nouvelles constatations sur des violations systématiques, généralisées et flagrantes des droits de l'homme commises au Bélarus. Le rapport s'appuie sur l'analyse détaillée de 207 entretiens menés en 2022 avec des victimes, des témoins et d'autres parties prenantes, le Haut-Commissariat ayant analysé plus de 2500 informations et éléments de preuve.
Le Haut-Commissariat a ainsi constaté la mort illégale d'au moins cinq personnes dans le cadre des manifestations de 2020, des informations crédibles ayant été reçues concernant l'utilisation d'une force inutile contre des manifestants anti-guerre au moment du référendum constitutionnel en février 2022. Le Haut-Commissariat a aussi constaté la persistance de pratiques systématiques de torture et de mauvais traitements à l'encontre d'individus en raison de leur opposition réelle ou supposée au Gouvernement ou aux résultats officiellement déclarés des élections. Il a documenté par ailleurs plus de cent cas de violence sexuelle et sexiste et a examiné plus de 180 autres cas documentés de manière crédible ; le rapport relate, notamment, des cas de viols et de tentatives et menaces de viol.
Depuis deux ans et demi, a poursuivi Mme Al-Nashif, les autorités du Bélarus ont arrêté et détenu arbitrairement des dizaines de milliers de personnes, dont beaucoup pour avoir participé pacifiquement à des manifestations liées à l'élection présidentielle de 2020. Les 27 et 28 février 2022, 1500 personnes ont été détenues arbitrairement pour avoir participé à des manifestations pacifiques liées au référendum constitutionnel de 2022 et à l'attaque armée contre l'Ukraine.
Le Haut-Commissariat relève aussi des condamnations sévères et disproportionnées prononcées à l'encontre de personnalités de l'opposition, blogueurs, journalistes, défenseurs des droits de l'homme, syndicalistes et avocats. En 2023, ont été ainsi condamnés les dirigeants de l'opposition Sviatlana Tsikhanouskaya et Pavel Latushko, quatre défenseurs des droits de l'homme de Viasna, y compris le lauréat du prix Nobel de la paix Ales Bialiatski, plusieurs syndicalistes indépendants ou encore le journaliste Andrzej Poczobut – condamnations dont le Haut-Commissariat a des motifs raisonnables de penser qu'elles sont motivées par des considérations politiques, a dit la Haute-Commissaire adjointe.
Les autorités ont intensifié leur répression massive à l'encontre des membres de la société civile, des médias et de l'opposition politique, a insisté Mme Al-Nashif. Au 21 mars 2023, pas moins de 1459 personnes étaient détenues arbitrairement sur la base d'accusations motivées par des considérations politiques, a-t-elle indiqué. En février 2023, au moins 2416 personnes avaient été condamnées pour « extrémisme », y compris pour « insulte au Président ». Et, en décembre 2022, a rappelé Mme Al-Nashif, la Commission d'experts de l’Organisation internationale du Travail pour l'application des conventions a appelé le Bélarus à abandonner sa politique visant à détruire le mouvement syndical indépendant.
Mme Al-Nashif a aussi fait observer que le champ d'application de la peine de mort avait été élargi en 2022 pour inclure les actes de terrorisme au sens large, c'est-à-dire, a-t-elle précisé, des actes qui ne sont pas considérés par les normes internationales comme constituant les crimes les plus graves. De plus, un projet de loi a été signé le 9 mars 2023, étendant la peine de mort à la « trahison contre l'État ».
Mme Al-Nashif a aussi fait part de la préoccupation du Haut-Commissariat face aux amendements législatifs permettant de déchoir de sa nationalité une personne condamnée pour participation à des activités « extrémistes » ou pour avoir causé un « préjudice grave » aux intérêts de la République du Bélarus.
Le rapport montre de manière détaillée que les autorités ont ouvert des enquêtes criminelles et poursuivi de nombreuses personnes ayant déposé des plaintes, ce qui souligne l'absence d'obligation redditionnelle au niveau national, a ajouté Mme Al-Nashif, qui a aussi déploré le retrait récent du Bélarus du [premier] Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques [instaurant une procédure de plainte individuelle devant le Comité des droits de l’homme de l’ONU] et appelé les autres États Membres à envisager d'œuvrer en faveur de la responsabilisation par le biais de procédures nationales, sur la base des principes acceptés de compétence extraterritoriale et universelle.
Enfin, a souligné Mme Al-Nashif, certaines des violations des droits de l'homme documentées par le Haut-Commissariat pourraient être assimilées à des crimes contre l'humanité, compte tenu de leur caractère intentionnellement dirigé, généralisé et systématique contre la population civile définie par son opposition réelle ou apparente au Gouvernement et à sa revendication de légitimité électorale.
Pays concerné
Le Bélarus a indiqué vivre et se développer en dépit de l'hystérie d’un certain nombre de pays occidentaux et de la « prétendue expertise » du Haut-Commissariat lequel, depuis des années, produit des « rapports biaisés » sur le pays. Les auteurs de ces rapports et les initiateurs des résolutions contre le Bélarus humilient le peuple bélarussien en essayant d'identifier la nation entière à quelques organisations non gouvernementales marginales et à quelques centaines de membres présumés de l'opposition, qui ont lâchement fui le pays après l’échec de la révolution en 2020, a affirmé la délégation du Bélarus.
La tentative de coup d'État a échoué en 2020, a poursuivi la délégation. Mais la guerre de l'information contre le Bélarus prend de l'ampleur. Les raisons des attaques contre le Bélarus sont avant tout géopolitiques : le pays refuse en effet d’être entraîné dans la sphère d'influence occidentale et mène sa propre politique étrangère, tout en défendant fermement son propre mode de développement et sa souveraineté nationale, a déclaré la délégation bélarussienne. De plus, le Bélarus reste stable malgré les sanctions étouffantes imposées par un certain nombre de pays occidentaux et malgré les provocations régulières visant à entraîner le Bélarus dans un conflit armé, a-t-elle affirmé.
Aperçu du dialogue
Dans leurs interventions, nombre de délégations ont dit condamner fermement la campagne de répression et d'intimidation en cours contre tous les secteurs de la société civile au Bélarus. Elles ont demandé la libération de tous les prisonniers politiques détenus dans le pays, ainsi que le rétablissement de leurs droits civils et politiques. Plusieurs intervenants ont estimé, à ce propos, que la condamnation à de lourdes peines de prison de trois dirigeants du Centre des droits de l'homme Viasna – Ales Bialiatski, Valiantsin Stefanovic et Uladzimir Labkovich – avait pour but évident de réduire au silence leur travail en faveur des droits de l'homme.
Nombre d’intervenants ont en outre déploré l’adoption de la loi élargissant le champ d'application de la peine de mort aux fonctionnaires civils et aux militaires coupables de haute trahison – un fait qui, a-t-il été estimé, illustre l'ampleur de la répression au Bélarus.
Des ingérences de l’État dans les affaires familiales, des mesures discriminatoires à l’encontre de minorités au Bélarus, de même que l’imposition de la langue russe dans les établissements scolaires, ont aussi été dénoncées ce matin.
Des orateurs ont appelé à la tenue d’enquêtes promptes et transparentes sur toutes les violations des droits de l’homme au Bélarus, y compris les violences sexuelles contre des personnes arrêtées et détenues. Le Conseil a été appelé, à cet égard, à envisager de créer un mécanisme d'enquête indépendant pour le Bélarus, de même qu’à s'attaquer aux violations les plus graves des droits de l'homme commises dans le pays, y compris – a-t-il été affirmé – des crimes contre l'humanité.
Plusieurs orateurs ont condamné l’appui accordé par le Bélarus à la Fédération de Russie dans son invasion militaire de l'Ukraine.
Le Bélarus a été appelé à mettre fin à la répression et à cesser le harcèlement et les représailles à l’encontre des personnes qui exercent leurs droits fondamentaux. Les autorités devraient dialoguer de manière authentique et transparente avec les mécanismes internationaux de défense des droits de l'homme, a-t-il été demandé.
Certaines délégations ont, pour leur part, dit appuyer les efforts du Bélarus pour défendre sa souveraineté, assurer la parité entre les sexes ou encore défendre les droits économiques, sociaux et culturels ainsi que les droits de l’enfant, et ont mis en avant la participation constructive du Bélarus à l’Examen périodique universel, entre autres mécanismes de droits de l’homme. Ces délégations ont aussi fait part de leur opposition à toute ingérence dans les affaires intérieures des États et ont demandé, à cet égard, que le Conseil s’abstienne de toute politisation et confrontation en ce qui concerne le Bélarus.
L’imposition de mesures coercitives unilatérales contre le Bélarus a été dénoncée, étant donné – a-t-il été affirmé à plusieurs reprises – que ces mesures portent atteinte aux droits fondamentaux du peuple bélarussien, y compris son droit à la vie.
*Liste des intervenants : Lituanie (au nom d’un groupe de pays), Union européenne, Lituanie, Liechtenstein, Finlande, États-Unis, République tchèque, Allemagne, France, Chine, Belgique, Lettonie, Luxembourg, Chypre, Suisse, Pologne, Venezuela, Slovaquie, Pays-Bas, République de Moldova, Autriche, Royaume-Uni, Espagne, Albanie, Grèce, Malte, Monténégro, Roumanie, Bulgarie, Cuba, Australie, Tadjikistan, République populaire démocratique de Corée, Irlande, République démocratique populaire lao, Iran, Nicaragua, Cambodge, Ukraine, Liban, Fédération de Russie, Syrie, Kazakhstan, Croatie, Azerbaïdjan, Zimbabwe, Human Rights House Foundation, National Human Rights Civic Association « Belarusian Helsinki Committee », Right Livelihood Award Foundation, Organisation mondiale contre la torture, Fédération internationale des ligues de droits de l’homme, International Fellowship of Reconciliation, Association internationale du barreau, Human Rights Watch, Institute for Reporters' Freedom and Safety et Commission internationale des juristes.
Réponses et remarques de conclusion
La délégation du Bélarus a condamné les « rapports tendancieux » qui empêchent toute coopération avec le Conseil, et a déploré que certains États ne veulent pas entendre ce que le Bélarus a à dire. Il n’y a pas de prisonniers politiques au Bélarus, [les prisonniers étant] uniquement des personnes qui ne respectent pas la loi et sont sanctionnées pour cela, a assuré la délégation. Les mêmes pays qui dénoncent la violence au Bélarus exercent une violente répression chez eux, a aussi condamné la délégation, attirant l’attention sur les personnes qui ont perdu la vie dans des manifestations aux États-Unis.
MME AL-NASHIF a précisé que le rapport du Haut-Commissaire ici examiné décrivait certains cas de violence sexiste et sexuelle contre des personnes pendant leur arrestation et en détention, mais que le nombre de cas était certainement sous-estimé car les victimes craignent souvent de dénoncer les faits.
Selon les témoignages récoltés par le Haut-Commissariat, les conditions de détention elles-mêmes constituent, dans certains cas, des violations des droits de l’homme, a ajouté Mme Al-Nashif. Le Haut-Commissariat a constaté qu’au moins deux mineurs détenus ont été victimes de viol ; que des familles d’opposants ont subi des pressions ; et que plusieurs enfants avaient été séparés de leurs famille.
La situation des droits de l’homme au Bélarus doit être suivie, éventuellement par un mécanisme de reddition des comptes, a estimé Mme Al-Nashif.
Mme Al-Nashif a demandé au Bélarus d’accorder un accès sans entrave à son territoire pour contrôler les conditions de détention. Elle a encouragé tous les pays à accueillir les personnes ayant fui le Bélarus et à leur donner la possibilité d’étudier, de travailler et de recevoir des soins et un soutien psychologique si nécessaire.
Dialogue avec la mission internationale indépendante d’établissement des faits sur la République bolivarienne du Venezuela
Le Conseil est saisi d’une mise à jour orale de la mission internationale indépendante d’établissement des faits sur la République bolivarienne du Venezuela.
Mise à jour orale
MME MARTA VALIÑAS, Présidente de la mission internationale indépendante d’établissements des faits sur le Venezuela – mission dont le mandat a été prorogé de deux ans en octobre dernier –, a rappelé les deux axes de recherche utilisés par la mission dans son dernier rapport en septembre 2022 : le premier concerne la responsabilité pour les crimes contre l’humanité commis par les services de renseignement dans le cadre d’un plan de répression de personnes perçues comme opposantes au Gouvernement ; et le deuxième se concentre sur les violations des droits de l’homme dans la région de l’Arc minier de l’Orinoco et dans d’autres zones de l’État de Bolivar (sud du pays). Les deux axes de recherche ont ainsi confirmé que le Venezuela demeure confronté à une profonde crise en matière des droits de l’homme, a affirmé la Présidente de la mission.
Mme Valiñas a expliqué qu’au cours de la pandémie de COVID-19, il y a eu une baisse des manifestations massives et, partant, du nombre de détentions arbitraires dans le contexte des manifestations. Elle a signalé à cet égard que le dernier pic de détentions documenté et de détentions illégales généralisées remonte à 2019.
La Présidente de la mission d’établissement des faits a signalé que les violations graves des droits de l’homme et les délits décrits dans les rapports antérieurs, ainsi que l’absence d’enquête et de sanctions contre leurs auteurs, semblent avoir produit un « effet inhibiteur » sur les manifestants, terrorisé la population civile et démobilisé la dissidence politique. Entre-temps, des millions de personnes ont fui le pays, ce qui constitue un des exodes migratoires les plus récents de l’histoire, a-t-elle ajouté.
À présent, a dit Mme Valiñas, on continue d’observer de graves violations, notamment la détention d’opposants et, selon des estimations de la société civile, 282 civils et militaires sont encore détenus pour des motifs politiques. On constate également de nouvelles détentions à caractère sélectif, a-t-elle poursuivi, ajoutant que la mission reçoit encore des dénonciations de menaces et de représailles contre les détenus, leurs familles et leurs avocats, ainsi que des rapports faisant état de difficultés d’accès à la nourriture, aux médicaments et aux soins, et de violations constantes au droit à un procès équitable.
Mme Valiñas a par ailleurs relevé la persistance et l’augmentation, au cours des dernières années, des attaques et menaces contre des organisations de la société civile, des défenseurs des droits de l’homme, des syndicalistes, des dirigeants politiques et des journalistes, entre autres.
D’autre part, la mission a constaté que le 24 janvier dernier, l’Assemblée nationale a approuvé en première lecture le projet de loi relatif à la fiscalisation, à la régularisation, aux activités et au financement des organisations non gouvernementales et autres organisations qui, s’il venait à être promulgué, consoliderait un contrôle abusif de la part de l’État sur l’existence, le financement et les activités des ONG.
Mme Valiñas a d’autre part mentionné le nombre élevé de décès suite à des affrontements avec les forces de l’ordre qui a été rapporté par l’organisation Control Ciudadano et qui a comptabilisé 716 nouveaux cas en 2022.
Si les FAES (Forces d’action spéciale de la Police nationale) ont été formellement dissoutes en juillet 2022, il n’en reste pas moins que les informations parvenues à la mission indiquent que leurs fonctions et composantes ont été absorbées par la nouvelle Direction des actions stratégiques et tactiques (DAET), comme faisant partie de la Police nationale bolivarienne. Mme Valiñas a fait observer que la création de la DAET coïncide avec la reprise des opérations de sécurité contre la criminalité organisée connues sous le nom d’« opérations Trueno ».
Dans ses derniers rapports, a rappelé Mme Valiñas, la mission a conclu qu’il y avait des motifs raisonnables de croire que des crimes contre l’humanité, notamment la torture, étaient commis dans les centres de détention des services de renseignement civils et militaires et que les individus y ayant travaillé ainsi que les autorités de haut niveau pourraient porter une responsabilité pénale pour de tels crimes. Elle a ajouté que les procédures devant la Cour pénale internationale (CPI) représentent une avancée substantielle pour garantir l’obligation redditionnelle au Venezuela.
Forte de l’élan imprégné par le renouvellement de son mandat, la mission poursuivra ses recherches de manière indépendante, impartiale, objective et rigoureuse concernant les violations flagrantes des droits de l’homme, aux fins de lutter contre l’impunité et de garantir une pleine redevabilité des auteurs et la justice pour les victimes. Elle soumettra ses conclusions au Conseil en septembre prochain, a indiqué Mme Valiñas. Elle a réitéré la volonté de la mission d’obtenir l’autorisation d’accéder au pays.
Pays concerné
Le Venezuela a affirmé que la présente réunion s’inscrit dans la stratégie des États-Unis, de leurs alliés de l’Union européenne et de quelques pays de la région [du Venezuela] qui préfèrent « agresser plutôt que coopérer ». La délégation vénézuélienne a dénoncé la résolution « hostile » du Conseil établissant la mission et les rapports coûteux de cette mission, ainsi que les mensonges énormes proférés par les États-Unis s’agissant du Venezuela. Elle a souhaité que le Conseil promeuve les droits de l’homme dans le cadre d’une coopération mutuelle, rappelant à cet égard le mémorandum d’accord récemment signé en vue de la prorogation de la présence du bureau du Haut-Commissariat dans le pays. La délégation a aussi fait valoir que deux Hauts-Commissaires aux droits de l’homme de l’ONU avaient effectué des visites au Venezuela. Jugeant non pertinent le mandat de la mission, elle a recommandé de ne pas poursuivre cette « politique d’ingérence » qui, a-t-elle affirmé, constitue un gaspillage pour l’ONU.
Aperçu du dialogue
Le Gouvernement du Venezuela a été encouragé à mettre en œuvre les recommandations de la mission d’établissement des faits, ainsi que celles issues de l’Examen périodique universel (EPU), et à approfondir sa coopération avec le Haut-Commissariat et le Conseil.
Face aux multiples violations des droits de l’homme enregistrées par la mission, d’aucuns ont dit appuyer l’enquête de la Cour pénale internationale (CPI). Afin de garantir la fin de l’impunité, l’enquête de la CPI et la poursuite du mandat de la mission d’établissement des faits ont été soutenues.
L’attention a par ailleurs été attirée sur le sort dramatique des milliers de prisonniers qui vivent dans des conditions inhumaines, ainsi que sur toutes les violences commises par les forces de l’ordre.
Il a été demandé à la mission si elle avait reçu une réponse officielle des autorités vénézuéliennes concernant ses demandes d’accès au territoire du pays.
La prochaine période électorale, en 2024, sera déterminante pour la stabilité et le retour à la démocratie au Venezuela, a-t-il également été souligné, d’aucuns insistant sur l’importance de garantir la liberté d’association pour la tenue d’élections libres et équitables.
Un certain nombre d’intervenants ont encouragé la communauté internationale à fournir une assistance technique en vue du renforcement des capacités du Venezuela. Il a été déploré qu’en dépit du renouvellement de la présence du bureau du Haut-Commissariat, avec le plein consentement du Gouvernement vénézuélien, et en dépit des efforts de ce dernier en matière de réformes, le Conseil persiste à tenir deux réunions sur le Venezuela. Ont également été dénoncées les mesures coercitives unilatérales prises à l’encontre du Venezuela, qui minent la capacité du Gouvernement vénézuélien à opérer des améliorations concrètes dans le domaine des droits de l’homme. Plusieurs délégations ont déploré que des mandats, comme celui de la mission d’établissement des faits sur le Venezuela, soient mis en place sans le consentement des pays concernés, ce qui sape, selon elles, le dialogue et la coopération qui devraient prévaloir en matière de droits de l’homme et constitue un gaspillage du temps et des ressources du Conseil.
Nombre d’organisations non gouvernementales (ONG) ont condamné l’impunité pour les violations systématiques et flagrantes des droits de l’homme qu’elles ont documentées au Venezuela. Elles ont réclamé la libération des prisonniers injustement détenus – notamment celle de Javier Tarazona – et ont dénoncé la militarisation des territoires autochtones. Il a d’autre part été demandé aux autorités vénézuéliennes de renoncer au projet de loi relatif au contrôle, à la régularisation et au financement des ONG.
Certaines ONG ont toutefois reconnu le nouvel élan insufflé à la coopération avec le Haut-Commissariat, en particulier pour garantir la reddition de comptes. L’attention a par ailleurs été attirée sur l’impact des mesures coercitives unilatérales sur le développement socioéconomique du Venezuela.
**Liste des intervenants : Arabie saoudite, Bélarus, Brésil, Bolivie, Burundi, Canada, Cambodge, Chili, Chine, Cuba, Égypte, Équateur, États-Unis, Fédération de Russie, France, Géorgie, Iran, Israël, Nicaragua, Paraguay, Portugal, République arabe syrienne, République de Corée, République populaire démocratique de Corée, République démocratique populaire lao, Royaume-Uni, Union européenne, Yémen, Amnesty International, Aula Abierta, Centre pour les droits civils et politiques (au nom de plusieurs organisations vénézuéliennes), Centre pour les droits de l’homme, Civicus, Commission internationale des juristes, Fondation latinoaméricaine pour les droits de l’homme et le développement social,Freedom House, Ingénieurs du monde, International Lawyers, Meezan Center for Human Rights, Organisation mondiale contre la torture.
Réponses et remarques de conclusion des membres de la mission internationale indépendante d’établissements des faits sur le Venezuela
MME PATRICIA TAPPATÁ VALDEZ, membre de la mission indépendante d’établissement des faits sur le Venezuela, a notamment souligné que la coopération est fondamentale pour maintenir la liberté d’opinion et d’expression dans la vie publique et qu’il faut en outre réformer l’appareil judiciaire, assurer l’obligation redditionnelle et offrir des réparations aux victimes.
M. FRANCISCO COX VIAL, également membre de la mission, a notamment rappelé que la résolution établissant cette mission avait été adoptée avec 19 voix pour et 5 contre. Il a ensuite souligné qu’il est difficile de parler de dialogue et de coopération avec une délégation ayant quitté la salle lorsqu’il intervenait. La mission n’a observé aucun changement en matière de coopération de la part des autorités vénézuéliennes et réitère sa demande d’accès au pays, a-t-il ajouté. Il a insisté sur l’inquiétude qu’inspire le projet de loi sur les ONG mentionné durant ce dialogue. Les échanges réguliers et constants qu’a eus la mission avec de nombreuses sources à l’intérieur et à l’extérieur du Venezuela révèlent une sophistication des mécanismes de répression et d’intimidation des opposants, a ajouté l’expert. Il a en outre déploré que la souveraineté nationale soit invoquée pour refuser l’examen des droits de l’homme.
Ce document produit par le Service de l’information des Nations Unies à Genève est destiné à l'information ; il ne constitue pas un document officiel.
Les versions anglaise et française de nos communiqués sont différentes car elles sont le produit de deux équipes de couverture distinctes qui travaillent indépendamment.
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