Fil d'Ariane
Le Conseil tient avec Mme Xanthaki un dialogue axé sur les droits culturels des migrants et achève son dialogue avec la Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l’homme
Le Conseil des droits de l’homme a tenu cet après-midi avec la Rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels, Mme Alexandra Xanthaki, un dialogue axé sur les droits culturels des migrants. Auparavant, il a achevé, en entendant de très nombreuses délégations*, son dialogue engagé ce matin avec la Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, Mme Mary Lawlor.
Présentant son rapport, Mme Xanthaki a indiqué qu’il identifie d’importantes lacunes dans la protection des droits culturels des migrants, lesquels représentent actuellement pas moins de 280 millions de personnes dans le monde. Soulignant que la migration a des effets positifs à la fois pour les migrants et pour les sociétés d’accueil, elle a expliqué que le mélange des cultures, des contextes et des ressources culturelles qui se produit à travers la migration est un exercice enrichissant et dynamique qui apporte de nouvelles idées et favorise la réévaluation des valeurs et des pratiques, tant pour les migrants que pour les sociétés d’accueil. Les effets positifs de la migration sur les cultures des migrants et des populations des pays d’accueil doivent être davantage reconnus et partagés, a-t-elle insisté.
Les droits culturels des migrants sont mis en danger par le processus de migration, a par ailleurs souligné la Rapporteuse spéciale. Le processus de migration entraîne en effet avec lui la perte de lieux, de communautés et de relations ; la perte d’une communauté de soutien plus large qui favorise la transmission intergénérationnelle ; et parfois même la résistance ou l’opposition à la poursuite de certaines pratiques patrimoniales dans le nouveau pays de résidence, a-t-elle expliqué.
Mme Xanthaki a indiqué que son rapport identifie des domaines spécifiques qui nécessitent une attention particulière, comme le fait que les États doivent veiller à ce que la portée des droits culturels des migrants soit bien comprise dans toutes leurs structures et organes, y compris au niveau des autorités locales, des organismes publics culturels et des organismes publics décisionnels. Les États doivent donc prendre des mesures spécifiques, claires et parfois positives (action affirmative) pour garantir l’égalité réelle dans l’exercice des droits culturels, a-t-elle insisté.
Suite à cette présentation, de nombreuses délégations** ont pris part au dialogue noué avec la Rapporteuse spéciale.
Demain matin, à partir de 10 heures, le Conseil engagera son dialogue avec la Représentante spéciale du Secrétaire générale chargée de la question de la violence contre les enfants, après quoi il tiendra son dialogue avec la Représentante spéciale du Secrétaire général pour la question des enfants et des conflits armés.
Fin du dialogue avec la Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits de l’homme
Aperçu du dialogue
De nombreuses délégations ont commenté le rapport présenté [ce matin] par la Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs et des défenseuses des droits de l’homme, en relevant notamment qu’il met en lumière les nombreuses réalisations accomplies depuis la création de ce mandat. Une collaboration significative voire des alliances entre les États et les défenseurs des droits de l’homme permettront de faire progresser le respect des droits humains, a-t-il été relevé. Les défenseurs des droits humains sont véritablement au cœur de tout changement substantiel, du point de vue législatif et social, a-t-il été indiqué.
En ce 25ème anniversaire de l’adoption de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme, il convient de rappeler les menaces constantes auxquelles les défenseurs des droits de l'homme sont aujourd’hui encore confrontés à travers le monde, a-t-il été souligné. Nombre d’intervenants ont reconnu que le travail des défenseurs des droits de l’homme était dangereux, a fortiori lorsqu’il s’agit de personnes en situation de vulnérabilité ou de marginalisation, comme les femmes défenseuses des droits humains, les défenseurs LGBTQIA+ ou encore les défenseurs de l'environnement et des peuples autochtones. La violence, le harcèlement, les représailles ou encore les violations des droits visant les défenseurs des droits humains ont été largement condamnés au cours du dialogue. D’aucuns ont déploré que des défenseurs des droits humains, des dirigeants sociaux et des militants pour la paix aient été tués ou menacés par des groupes armés irréguliers.
L’accent a été mis sur la nécessité de garantir un environnement sûr, propice et inclusif - à la fois en ligne et hors ligne – pour assurer la sécurité des défenseurs des droits de l’homme et leur permettre d’exercer leur travail. Il a été souligné que les défenseurs des droits de l’homme apportent une contribution cruciale à la paix, au développement durable et à l’État de droit. La Rapporteuse spéciale souligne à juste titre que minimiser ou ignorer la contribution vitale des défenseurs des droits de l'homme augmente les risques pesant sur eux et sur leur travail, a fait observer une délégation.
Plusieurs délégations ont insisté sur le nécessaire renforcement des mécanismes de protection et de surveillance des violations commises à l’encontre des défenseurs des droits de l’homme. Le rapport de la Rapporteuse spéciale souligne que les lois et politiques nationales et internationales ne suffisent pas toujours pour assurer que les défenseurs des droits de l’homme puissent exercer librement leurs activités ; le rapport souligne également que des dispositions juridiques sans volonté politique pour les faire appliquer peuvent donner une fausse impression de progrès, a-t-il été relevé.
Un intervenant a plaidé pour que cesse la pratique consistant à utiliser la loi pour désigner sans fondement des organisations de la société civile ou des individus comme étant « terroristes ».
*Liste des intervenants : Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), Colombie, États-Unis, Paraguay, Belgique, Burkina Faso, Chine, Luxembourg, Slovénie, Costa Rica, Pérou, Inde, Indonésie, Fédération de Russie, Cameroun, Venezuela, Iraq, Togo, Arménie, Zimbabwe, Népal, Uruguay, Pays-Bas, Égypte, Royaume-Uni, Afrique du Sud, Espagne, Malte, Kenya, Géorgie, Philippines, Algérie, Chili, Afghanistan, Malawi, Monténégro, Iles Marshall, État de Palestine, Brésil, Roumanie, Cuba, Côte d'Ivoire, Timor-Leste, Vanuatu, Mauritanie, Albanie, Pakistan, République islamique d’Iran, Cambodge, République démocratique du Congo, Danemark (au nom d'un groupe de pays), Tunisie, ONU Femmes, Tchad, Global Alliance of National Human Rights Institutions, Law Council of Australia, Service international pour les droits de l'homme, Freedom Now, Lawyers' Rights Watch Canada, Oidhaco, Fédération internationale Terre des hommes , Cairo Institute for Human Rights Studies, Helsinki Foundation for Human Rights, Child Rights Connect, Right Livelihood Award Foundation.
Réponses et remarques de conclusion de la Rapporteuse spéciale
MME MARY LAWLOR, Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits de l’homme, a insisté sur la nécessité pour chaque État de voir ce qu’il peut faire pour protéger ses propres citoyens. « Ne vous cachez pas derrière les lois », a-t-elle affirmé ; beaucoup parlent d’État de droit, mais les lois d’un État doivent avant tout respecter les lois internationales, a-t-elle fait observer. À cet égard, elle a invité chaque pays à mettre ses normes nationales en conformité avec les normes internationales.
Par ailleurs, depuis une vingtaine d’années, nous produisons d’innombrables recommandations, mais seule la moitié d’entre-elles sont réellement appliquées, a déploré Mme Lawlor. Il faut avant tout reconnaître que le travail des défenseurs des droits de l’homme est vital et organiser des actions de sensibilisation auprès du public, a-t-elle plaidé.
Interpelée sur ce sujet, la Rapporteuse spéciale a cité des chiffres indiquant que sur 900 défenseurs et défenseuses qui avaient voyagé, seuls six avaient demandé l’asile politique.
Concernant la Grèce, où elle a mené une visite, Mme Lawlor a précisé que ses préoccupations ne portaient pas sur les camps d’accueil de migrants mais sur le fait que les défenseurs des droits des migrants et des demandeurs d’asile devaient pouvoir travailler en paix. La Rapporteuse a par ailleurs dénoncé des violations commises à l’encontre de défenseurs des droits de l’homme dans plusieurs pays, en particulier en Asie.
Dialogue avec la Rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels
Le Conseil est saisi du rapport de la Rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels (A/HRC/52/35, à paraître en français), qui traite des droits culturels sous l’angle de la migration.
Présentation du rapport
Présentant son rapport, MME ALEXANDRA XANTHAKI, Rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels, a indiqué qu’il identifie d’importantes lacunes dans la protection des droits culturels des migrants, lesquels représentent actuellement pas moins de 280 millions de personnes dans le monde. Le rapport souligne que la migration a des effets positifs à la fois pour les migrants et pour les sociétés d’accueil. Le mélange des cultures, des contextes et des ressources culturelles qui se produit à travers la migration est un exercice enrichissant et dynamique qui apporte de nouvelles idées et favorise la réévaluation des valeurs et des pratiques, tant pour les migrants que pour les sociétés d’accueil, a souligné Mme Xanthaki. Les effets positifs de la migration sur les cultures des migrants et des populations des pays d’accueil doivent être davantage reconnus et partagés, a-t-elle insisté.
Dans le même temps, les droits culturels des migrants sont mis en danger par le processus de migration, a poursuivi la Rapporteuse spéciale. Le processus de migration entraîne avec lui la perte de lieux, de communautés et de relations ; la perte d’une communauté de soutien plus large qui favorise la transmission intergénérationnelle ; et parfois même la résistance ou l’opposition à la poursuite de certaines pratiques patrimoniales dans le nouveau pays de résidence, a-t-elle souligné.
Mme Xanthaki a indiqué que son rapport identifie des domaines spécifiques qui nécessitent une attention particulière, comme le fait que les États doivent veiller à ce que la portée des droits culturels des migrants soit bien comprise dans toutes leurs structures et organes, y compris au niveau des autorités locales, des organismes publics culturels et des organismes publics décisionnels.
La Rapporteuse spéciale a ajouté avoir constaté que la discrimination dans l’exercice des droits culturels des migrants persiste en violation du droit international des droits de l’homme. Les États doivent donc prendre des mesures spécifiques, claires et parfois positives (action affirmative) pour garantir l’égalité réelle dans l’exercice des droits culturels, a-t-elle insisté.
Mme Xanthaki a ensuite présenté plusieurs pistes pour relever ce défi, comme prévoir davantage de traductions dans les musées et les événements culturels ou organiser davantage d’expositions publiques et d’événements culturels liés aux expériences et aux besoins des migrants. Il est impératif de rendre leurs voix aux migrants, a conclu la Rapporteuse spéciale.
Aperçu du dialogue
A l’instar de la Rapporteuse spéciale, de très nombreuses délégations ont insisté sur la nécessité de respecter les droits de l’homme, y compris les droits culturels, dans tous les aspects de la gestion des migrations, et ce – comme l’a souligné une délégation –, conformément aux engagements pris dans le cadre de la Déclaration de Los Angeles sur la migration et la protection adoptée lors du Sommet des Amériques de juin dernier. L’accent a également été mis sur l’importance de porter une attention particulière aux droits culturels des membres des communautés marginalisées, y compris les populations autochtones et les personnes d’ascendance africaine, entre autres.
Plusieurs délégations ont dénoncé les nombreux défis et menaces auxquels sont confrontés les migrants – notamment le racisme systémique, la traite des êtres humains, la discrimination et la xénophobie – et qui peuvent menacer leur capacité à accéder aux ressources culturelles vivantes, à les pratiquer, les entretenir et les transmettre.
Les préjugés doivent être combattus dès le plus jeune âge, en créant un environnement qui permette aux jeunes immigrants, quelles que soient leur origine, leur religion, leur orientation sexuelle ou les raisons de leur migration, de participer à des activités culturelles communes afin de construire un réseau culturel solide dans tous les aspects de la vie, a souligné une délégation.
De nombreuses délégations ont affirmé soutenir une migration sûre, ordonnée et humaine pour mettre en œuvre les droits culturels. Une délégation a insisté sur les responsabilités communes pour assurer la jouissance des droits de l’homme, y compris les droits culturels, pour tous.
Lorsque les communautés déplacées se voient refuser l’accès aux sites et aux espaces culturels, y compris les lieux de mémoire, et se voient refuser la possibilité de s’engager dans leurs pratiques de vie, elles ne peuvent pas jouir de leurs droits culturels, a relevé une organisation internationale.
Plusieurs délégations ont présenté les mesures prises au niveau national par leur pays pour promouvoir les droits culturels et notamment assurer une participation inclusive des personnes en situation de vulnérabilité, y compris les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile, aux processus décisionnels, conformément au droit international des droits de l’homme. Elles ont indiqué prendre des mesures pour promouvoir, le dialogue interculturel, la reconnaissance des diverses connaissances et pratiques culturelles, ainsi que la sauvegarde de la mémoire, notamment.
Certains pays ont en outre indiqué accorder une attention particulière à la protection de l’identité culturelle et de la religion des migrants, notamment ceux en provenance d’Ukraine.
La Fédération de Russie a réfuté la prétendue « destruction de biens culturels ukrainiens » évoquée par la Rapporteuse spéciale. La délégation russe s’est demandée pourquoi les experts du Conseil des droits de l’homme, qui se considèrent comme impartiaux, ne se sont pas donné la peine de fournir une évaluation publique de la « guerre déclenchée par Kiev contre l’héritage culturel, historique et linguistique russe » et de l’imposition en Europe d’une « culture de l’abolition » de tout ce qui est lié d’une manière ou d’une autre à la Russie.
**Liste des intervenants : Union européenne, Colombie, Bahreïn, États-Unis, Allemagne, Chine, Chypre, Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), Luxembourg, Costa Rica, Inde, Fédération de Russie, Venezuela, Viet Nam, Pologne, Arménie, Égypte, Malaisie, Espagne, Grèce, Bangladesh, Kazakhstan, Chili, Afghanistan, Îles Marshall, Botswana, Azerbaïdjan, Bénin, Kenya, Bolivie, Gambie, Cuba, Irlande, Ukraine, Iran, Cambodge, Pakistan, El Salvador, Portugal, Syrie, Commission nationale indépendante des droits de l’homme du Burundi, Human Rights Advocates, International PEN, International Organization for the Right to Education and Freedom of Education (OIDEL), Society for Threatened Peoples, Association culturelle des Tamouls en France, World Barua Organization (WBO), Palestinian Initiative for the Promotion of Global Dialogue and Democracy (MIFTAH) , Jeunesse Etudiante Tamoule, "ECO-FAWN" (Environment Conservation Organization - Foundation for Afforestation Wild Animals and Nature, Indigenous People of Africa Coordinating Committee, et Jameh Ehyagaran Teb Sonnati Va Salamat Iranian.
Réponses et remarques de conclusion de la Rapporteuse spéciale
MME XANTHAKI a invité tous les Etats à ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. Il est très important de veiller à ce que les instances publiques soient davantage informées sur les droits culturels des migrants, a-t-elle de nouveau souligné. Il faut aussi prendre des mesures positives pour surmonter les obstacles auxquels les migrants sont confrontés du point de vue de la jouissance de leurs droits culturels, et non pas juste évoquer l'égalité entre tous les citoyens, a-t-elle insisté. Il faut aussi résister à la ghettoïsation des migrants et de leur culture, a ajouté la Rapporteuse spéciale, regrettant que la culture des migrants se trouve souvent reléguée en périphérie. Si la culture est partagée, notamment la culture culinaire, les personnes migrantes ne sont plus déshumanisées, a-t-elle expliqué.
Il faut promouvoir l'intégration et bien comprendre ce concept, qui va dans les deux sens, a également rappelé la Rapporteuse spéciale. Il faut se poser la question des mesures qui sont prises non seulement pour permettre l'intégration des migrants et de leur culture, mais aussi pour permettre à la population [du pays d’accueil] de mieux connaître leur culture, a-t-elle souligné.
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