Fil d'Ariane
LA CONFÉRENCE DU DÉSARMEMENT ENTEND HUIT DIGNITAIRES DANS LE CADRE DE SON DÉBAT DE HAUT NIVEAU
La Conférence du désarmement a poursuivi, cet après-midi, le débat annuel de haut niveau qui se tient à Genève depuis ce matin, avec les interventions des Ministres des affaires étrangères de la Norvège, de la Finlande, des Pays-Bas, de la Belgique, du Canada, de l'Équateur et de l'Argentine, ainsi que du Vice-Ministre des affaires étrangères de la Malaisie.
Les ministres ont, pour la plupart, souligné la menace que fait peser sur la paix et la sécurité dans le monde l'intervention armée de la Fédération de Russie en Ukraine. Ils ont apporté leur soutien à l'Ukraine et son droit à la légitime défense, reconnu par la Charte des Nations Unies. Par ailleurs, la décision de la Russie de suspendre sa participation au traité « New Start » a été dénoncée et le pays a été appelé à revenir sur sa décision.
Les intervenants ont par ailleurs déploré la paralysie dans laquelle se trouve la Conférence depuis plus de vingt ans et ont appelé ses membres à mettre tout en œuvre pour relancer les travaux. Certains ont estimé que la Conférence devait sans attendre démarrer des négociations sur un traité interdisant la production de matières fissiles, ou encore pour prévenir la course aux armements dans l'espace. D'autres ont appelé la Conférence à se pencher sur les garanties négatives de sécurité afin de protéger les États non dotés de l'arme nucléaire de toute menace ou utilisation de ces armes.
La Conférence du désarmement poursuivra demain matin, à partir de 10 heures, son débat de haut niveau.
Déclarations
Mme Anniken Huitfeldt, Ministre des affaires étrangères de la Norvège, a déclaré que les nouvelles menaces nucléaires et les nouveaux défis en matière de prolifération suscitent des inquiétudes quant à l'utilisation potentielle d'armes nucléaires et les impacts humanitaires qui en découlent. La montée des tensions et des rivalités complique les travaux de la Conférence du désarmement. Il est plus important que jamais de sortir de l'impasse dans laquelle se trouve cette instance depuis des décennies. Rappelant la déclaration commune faite par les dirigeants des cinq membres permanents du Conseil de sécurité affirmant qu'une guerre nucléaire ne peut être gagnée et ne doit jamais être menée, Mme Huitfeldt a déploré les déclarations irresponsables de la Russie sur l'utilisation des armes nucléaires. La Russie a en outre violé ses propres garanties de sécurité à l'égard de l'Ukraine. Pour que le désarmement soit crédible, il faut rester unis dans l'opposition à ces menaces et à ces violations. La Norvège regrette profondément la suspension par la Russie du traité « New Start », dernière mesure juridiquement contraignante entre les États-Unis et la Russie pour contrôler les armes nucléaires.
La Norvège est profondément troublée par la rhétorique et les actions de la Corée du Nord dans le domaine nucléaire, a aussi déclaré Mme Huitfeldt. Elle exhorte ce pays à reprendre le dialogue et à abandonner tous les programmes de missiles balistiques et d'armes de destruction massive. L'accélération du programme nucléaire iranien est également très préoccupante, a relevé la ministre qui a exhorté l'Iran à revenir au plein respect de ses engagements en matière nucléaire dans le cadre du Plan d'action global commun. Pour sa part, le Traité sur la non-prolifération demeure la pierre angulaire des efforts pour débarrasser le monde des armes nucléaires, a en outre déclaré la ministre norvégienne, qui a rappelé qu'un seul pays a bloqué le consensus sur un document final lors de la dixième Conférence d'examen du TNP. Elle a néanmoins salué le fait qu'un compromis a pu être trouvé sur la plupart des questions relatives au Traité.
M. Pekka Haavisto, Ministre des affaires étrangères de la Finlande, a rappelé que la Finlande condamnait vivement l'agression illégale et gratuite de l'Ukraine par la Fédération de Russie. La Finlande continue de soutenir l'Ukraine dans son droit à la légitime défense, conformément à la Charte des Nations Unies. La Finlande déplore par ailleurs, elle aussi, la décision de la Russie de suspendre l'application du traité « New Start ».
En tant que seule instance multilatérale de désarmement, la Conférence est dans l'impasse depuis trop longtemps, a déclaré M. Haavisto, estimant qu'il fallait discuter sérieusement des moyens de revivifier ses travaux. La Finlande insiste sur les conséquences humanitaires catastrophiques de l'emploi de l'arme nucléaire. Il faut ainsi renforcer les mesures de confiance et de communication en temps de crise. Il s'agit de mesures temporaires en attendant l'élimination totale des armes nucléaires. La Finlande est déçue qu'il n'ait pas été possible d'adopter un document final lors de la dixième Conférence d'examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, mais a estimé qu'en aucun cas il ne s'agissait d'un échec du TNP. La Finlande estime qu'il faut aller de l'avant dans la négociation d'un traité interdisant la production de matières fissiles. Il est nécessaire également de renforcer les garanties négatives de sécurité. Les États non dotés ont le droit légitime de recevoir des garanties qu'ils ne feront pas l'objet d'un recours à l'arme nucléaire ou d'une menace d'y recourir.
M. WOPKE HOEKSTRA, Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères des Pays-Bas, a estimé que la Conférence n'avait jamais été aussi nécessaire qu'aujourd'hui. La guerre injustifiée, non provoquée et illégale de la Russie en Ukraine est une violation flagrante de la souveraineté ukrainienne et du droit international. Elle entraîne des conséquences d'une portée considérable et constitue une grave menace pour la sécurité mondiale et l'ordre international. Le vice-ministre a déclaré que la communauté internationale devait faire front commun et exiger la fin de cette guerre d'agression.
L'invasion de l'Ukraine par la Russie doit également faire réfléchir aux implications plus larges pour le multilatéralisme, a poursuivi M. Hoekstra. Dans ce contexte, il est impératif de trouver des moyens de discuter des mesures de contrôle des armements et d'assurer la stabilité stratégique, a-t-il insisté, indiquant que la Conférence du désarmement était l'instance appropriée pour cela, et qu'elle ne devait pas rester dans l'impasse. Le monde a besoin d'un organe opérationnel pour débattre de questions aussi vitales. Le vice-ministre néerlandais a également appelé les membres de la Conférence à engager un dialogue constructif sur la base d'un programme de travail convenu et à reprendre les travaux en faveur d'un monde plus sûr et plus pacifique. Il faut ainsi empêcher que des États membres de l'ONU, des organisations internationales ou des organisations non gouvernementales soient empêchés de participer pour des raisons politiques. Enfin, il est du devoir de la communauté internationale de préserver l'espace extra-atmosphérique en tant que patrimoine commun de l'humanité. Si nous n'agissons pas maintenant, les générations futures récolteront les conséquences de notre inaction, a conclu M. Hoekstra.
MME HADJA LAHBIB, Ministre des affaires étrangères de la Belgique, a souligné que l'ordre multilatéral était en crise. La Russie en a ébranlé les fondations par son invasion brutale de l'Ukraine et son mépris total du droit international, y compris du droit international humanitaire. Il ne peut y avoir de neutralité lorsque tous les principes du droit international sont violés; les États devraient s'exprimer et défendre le droit contre le chaos. La Conférence du désarmement fait partie de l'ordre international fondé sur des règles, en tant qu'unique instance multilatérale de négociation sur le désarmement. Ce n'est pas en étouffant le débat et en excluant la participation d'observateurs que la compréhension mutuelle ou l'efficacité des travaux de la Conférence seront renforcées, a prévenu la ministre. L'approche politiquement motivée de la Russie visant à bloquer la participation de certains États, organisations internationales et organisations non gouvernementales aux forums internationaux est inacceptable, a-t-elle insisté. Mme Lahbib a par ailleurs déclaré que le contexte d'aujourd'hui exige que la Chine, seul État doté d'armes nucléaires qui continue d'augmenter ses stocks d'ogives, change de cap. Les deux superpuissances nucléaires, pour leur part, devraient conserver l'acquis de « New Start » ; cela exige que la Russie revienne au plein respect du traité et autorise les inspections de son territoire.
Le Traité de non-prolifération reste le « phare » dans le domaine du désarmement nucléaire, mais sa mise en œuvre ne peut être achevée sans son universalisation, a poursuivi Mme Lahbib. Un monde sans armes nucléaires n'émergera pas dans une situation où des essais nucléaires sont réalisés. Le monde a besoin d'une norme juridiquement contraignante et universelle, ainsi que d'un mécanisme de vérification internationalement reconnu et efficace, que seul le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires peut offrir. La ministre belge a par ailleurs défendu l'adoption d'un accord global sur la question de la prévention d'une course aux armements dans l'espace.
MME MÉLANIE JOLY, Ministre des affaires étrangères du Canada, a condamné l'invasion imprudente et illégale de l'Ukraine par la Russie. La guerre du président Poutine est une attaque contre le droit des Ukrainiens à déterminer leur propre avenir, a-t-elle dénoncé. C'est une attaque contre la sécurité internationale, la démocratie et la stabilité mondiale et une violation délibérée de la Charte des Nations Unies et des Conventions de Genève. C'est une preuve supplémentaire du mépris de la Russie pour la diplomatie et les institutions multilatérales. La Russie l'a encore démontré lors de la dixième Conférence sur la non-prolifération nucléaire, et n'a pas accepté la responsabilité de la grave situation autour des installations nucléaires de l'Ukraine.
Le Canada est déterminé à œuvrer en faveur du désarmement nucléaire mondial, a poursuivi la Ministre. La nécessité de négociations mondiales et de bonne foi est plus grande et plus urgente que jamais et le Canada est déterminé à travailler avec ses partenaires. Les arsenaux nucléaires dans le monde restent d'une ampleur inacceptable et certains continuent d'augmenter, a déploré Mme Joly. Le Canada appuie par ailleurs les efforts multilatéraux visant à restreindre les ambitions nucléaires de l'Iran et appelle la République populaire démocratique de Corée à reprendre la voie de la diplomatie et de la dénucléarisation. Le Canada condamne également le régime Assad en Syrie pour son utilisation répétée d'armes chimiques et pour avoir continué de saper la Convention sur les armes chimiques. La ministre a également indiqué que la Conférence devait entamer des négociations attendues depuis longtemps sur un traité sur l'arrêt de la production de matières fissiles. Elle a également appelé à une plus grande participation des femmes, des jeunes et de la société civile aux travaux de la Conférence.
M. DATUK MOHAMAD ALAMIN, Vice-Ministre des affaires étrangères de la Malaisie, a invité à son tour à davantage de volonté politique et au rétablissement de la confiance entre les États membres de la Conférence, qui doivent faire preuve de souplesse et de compromis. Il faut réaliser que le fait de s'accorder sur un programme de travail n'entame en rien les résultats de toutes négociations potentielles. Dans cet esprit, il a souligné l'importance d'une approche inclusive lors des délibérations à travers la participation de tous les États observateurs à tous ses travaux, estimant en outre opportun que la Conférence élargisse sa composition pour obtenir un engagement plus large.
Le vice-ministre malaysien a estimé, par ailleurs, que des progrès pourraient être réalisés sur les questions relatives aux matières fissiles, à la prévention de la course aux armements dans l'espace et aux garanties de sécurité négatives. Il a regretté que la dixième Conférence d'examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires n'ait pas abouti à un résultat substantiel, faute d'un consensus sur le document final, tout en soulignant que les négociations n'ont pas été vaines. En tant que partie au TNP, il s'est félicité du deuxième anniversaire de son entrée en vigueur le 22 janvier 2023 et des conclusions de la première réunion de ses États parties. Il s'est en outre félicité du consensus, l'an dernier, à l'issue de la neuvième Conférence d'examen de la Convention sur les armes biologiques, ce qui témoigne, selon lui, de l'efficacité du multilatéralisme et fournit aux États parties la possibilité d'envisager d'autres efforts de renforcements de la Convention. Il a vigoureusement appelé à la cessation « immédiate et inconditionnelle » de tous les essais nucléaires et l'interdiction totale de la recherche et de la mise au point d'armes nucléaires. Il a rappelé que, le 18 novembre 2022, la Malaisie s'était jointe à 82 autres pays endossant la déclaration politique sur le renforcement de la protection des civils des conséquences humanitaires contre l'emploi des armes explosives en zones peuplées.
M. JUAN CARLOS HOLGUÍN MALDONADO, Ministre des affaires étrangères et de la mobilité humaine de l'Équateur, a déclaré qu'en raison de l'importance de la Conférence et de la paralysie dont souffre cette instance depuis des décennies, son pays avait lancé l'année dernière un message pour revitaliser le désarmement et la non-prolifération mais que, malheureusement, les résultats n'ont pas été à la hauteur des attentes et la communauté internationale a une fois de plus manqué l'occasion de donner un nouvel élan aux négociations et de prendre de nouveaux engagements dans le domaine du désarmement. En outre, la Conférence du désarmement, malgré un démarrage prometteur avec l'approbation d'observateurs et une décision portant création d'organes subsidiaires, n'a pas pu faire de progrès substantiels dans la recherche d'un consensus sur les principaux points inscrits à son ordre du jour, et encore moins dans l'accomplissement de son mandat de négociation, a-t-il regretté. À la polarisation déjà marquée de ces dernières années, s'est ajoutée de manière dramatique en 2022 l'agression absurde de la Russie contre l'Ukraine.
Selon le ministre équatorien, le message est clair : non seulement la Conférence reste paralysée, mais des difficultés supplémentaires ont été ajoutées, de sorte qu'il faut d'urgence une réflexion critique afin de ne pas perdre davantage en crédibilité et en légitimité. De l'avis de l'Équateur, cette réflexion devrait inclure un dialogue sincère sur le fonctionnement de la Conférence, y compris sur ses méthodes de travail. Ainsi, l'utilisation du principe du consensus comme mécanisme de veto dans la pratique, non seulement pour les questions de fond, mais pour toutes les questions, y compris la procédure, ne contribue pas au démarrage des travaux et ne semble pas remplir leur objectif initial, a relevé M. Holguín Maldonado. Plus grave encore, la paralysie des instances multilatérales de désarmement coïncide avec l'un des moments les plus difficiles de l'histoire récente pour la paix et la sécurité internationales, précisément dans des circonstances où le dialogue et le multilatéralisme sont les plus nécessaires.
M. SANTIAGO ANDRÉS CAFIERO, Ministre des affaires étrangères, du commerce international et du culte de l'Argentine, a demandé à chacun des membres de la Conférence de prendre des mesures concrètes qui permettront de sortir de l'impasse de plus de deux décennies dans laquelle elle se trouve. La priorité pour l'Argentine est d'entamer des négociations en vue de la création d'un comité chargé d'examiner les positions des membres sur le désarmement et les garanties négatives de sécurité. Les États dotés d'armes nucléaires doivent donner l'assurance sans équivoque que, tant que leur élimination complète ne sera pas réalisée, les armes nucléaires ne seront pas utilisées contre nous, a insisté le ministre argentin.
En 2022, il n'a pas été possible d'obtenir un document final à la dixième Conférence d'examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), a également déploré M. Cafiero. C'est un symbole de la détérioration générale du système multilatéral, qui entrave les travaux de la Conférence du désarmement. L'Argentine espère qu'en 2023, la Conférence sera en mesure de convenir d'un ordre du jour permettant des débats et des négociations fondées sur ce qui a été convenu au sein des organes subsidiaires, a déclaré le ministre. La course aux armements est coûteuse et absorbe d'immenses ressources financières, technologiques et humaines. Il serait préférable de consacrer ces ressources à la reconstruction du monde post-pandémique en développement et à la lutte contre les inégalités, la faim et le changement climatique, a-t-il conclu.
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