Fil d'Ariane
Le Comité des droits de l’homme examine le rapport de la Fédération de Russie en l’absence de délégation et s’inquiète des graves violations des droits de l’homme rapportées tant dans le pays que dans le cadre de l’agression contre l’Ukraine
Le Comité des droits de l'homme a examiné cet après-midi, en l’absence de délégation de l’État partie, le huitième rapport périodique soumis par la Fédération de Russie au titre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
En début de séance, la Présidente du Comité, Mme Photini Pazartis, a expliqué qu’après avoir déjà accepté de reporter à deux reprises la date de l’examen du rapport du pays à la demande des autorités russes, le Comité avait informé la Fédération de Russie (qui réclamait un troisième report) qu’il décidait de maintenir la troisième date fixée pour cet examen (à savoir aujourd’hui). En l’absence de délégation russe, le Comité a donc procédé cet après-midi audit examen, conformément à ce que prévoit l’article 68 de son Règlement intérieur.
De très nombreux experts membres du Comité ont alors pris la parole pour faire part de leurs observations s’agissant de l’application du Pacte en Fédération de Russie et dans les territoires se trouvant sous son contrôle effectif. Ont ainsi été dénoncées les violations des droits de l’homme rapportées non seulement en Fédération de Russie, mais aussi dans le cadre de l’agression contre l’Ukraine.
S’agissant de la guerre en cours en Ukraine – déclenchée par les forces militaires de la Fédération de Russie le 24 février 2022 et que l’Assemblée générale des Nations Unies, dans sa résolution du 2 mars 2022, a qualifiée d’acte d’agression en violation de l’article 2 de la Charte des Nations Unies – un expert a indiqué que les préoccupations exprimées précédemment par le Comité, concernant notamment les conflits armés dans la région du Donbass en Ukraine (Donetsk et Lougansk) et les violations des droits énoncés dans le Pacte concernant les résidents de la République autonome de Crimée et de la ville de Sébastopol, ont été considérablement aggravées cette année par la guerre en Ukraine, où, selon des rapports répétés émanant de différentes organisations internationales, les forces russes sont soupçonnées de pratiquer d’importantes violations des droits de l’homme: détentions arbitraires, torture, exécutions sommaires, viols et autres violences sexuelles, disparitions forcées et transfert forcé d’Ukraine vers la Fédération de Russie de plusieurs milliers de civils et de défenseurs des droits humains, de journalistes, de politiciens et de militants.
« Le Comité reçoit depuis février 2022 un nombre extrêmement important d’informations sérieuses, documentées, concordantes et convergentes sur les violations des droits du Pacte qui proviennent des régions sur lesquelles la Fédération de Russie exerce un contrôle effectif », a insisté une experte. « L’on parle d’usage excessif de la force, d’exécutions extrajudiciaires, d’usage de la torture, d’utilisation des viols et des violences sexuelles comme tactiques de guerre et d’intimidation de la population, de mobilisation et de conscription forcées de civils, d’arrestations et de détentions arbitraires, de mauvais traitements infligés aux personnes détenues, de mauvais traitements infligés à la population civile, y compris à des enfants, ou encore de déplacements forcés de populations », a-t-elle précisé.
Cette même experte a en outre attiré l’attention sur les répercussions très importantes que ces situations de conflits armés ont en Fédération de Russie, avec le rétablissement de la conscription forcée et l’instauration de la loi martiale, en plus de toutes les violations graves dont « l’effondrement absolu de l’espace civique et la détérioration considérable de l’appareil judiciaire ». « Il est de notoriété publique que la Tchétchénie et le Nord Caucase ont été et sont encore le théâtre de violations graves, massives et continues des droits du Pacte dans un climat d’impunité absolument total », a ajouté l’experte.
Ont par ailleurs été dénoncés les discours de haine très fréquents en Fédération de Russie, accompagnés par des actes de violence dont les principales victimes sont les migrants, les musulmans, les Ukrainiens, les personnes LGBT et les réfugiés. Le profilage racial existe en Fédération de Russie et vise les populations caucasiennes, les Africains, les Roms et les Asiatiques, a-t-il en outre été déploré.
Plusieurs experts ont dénoncé la loi de 2002 sur l’extrémisme, un membre du Comité faisant observer qu’elle est utilisée par l’exécutif, le législateur et les tribunaux pour lutter contre les opposants politiques, les défenseurs de droits de l’homme (y compris les droits des personnes LGBT), les personnes qui défendent les droits des Tatars de Crimée, les journalistes, les communautés religieuses, les personnes qui manifestent et s’expriment contre la guerre contre l’Ukraine, les artistes, ainsi que les avocats qui défendent les individus, groupes et associations accusés d’extrémisme.
Ont également été dénoncées la loi restrictive de 2004 sur les rassemblements – alors que, a-t-il été affirmé, la Fédération de Russie a arrêté arbitrairement des milliers de manifestants pacifiques contre la guerre depuis février 2022 –, ainsi que la loi de 2012 sur les agents étrangers. Une experte s’est inquiétée d’une tendance inquiétante à l’action en justice contre les politiciens qui critiquent le Gouvernement, alors que, a-t-il été indiqué, le Comité a par ailleurs connaissance de milliers de cas de harcèlement et de persécution de journalistes et de dizaines de meurtres et de tentatives de meurtre.
Le Comité adoptera ultérieurement, dans le cadre de séances privées, des observations finales sur la Fédération de Russie et les rendra publiques à l’issue de la session, qui se termine le 4 novembre prochain.
Jeudi prochain, à 15 heures, le Comité examinera un rapport sur le suivi de ses observations finales.
Examen du rapport en l’absence de délégation
Le Comité est saisi du huitième rapport périodique de la Fédération de Russie ainsi que des réponses apportées par le pays à une liste de points à traiter que lui avait adressée le Comité.
Remarques préliminaires de la Présidente du Comité
Ouvrant la séance, Mme Photini PAZARTZIS, Présidente du Comité, a indiqué que par une note verbale datée du 5 novembre 2021, la Fédération de Russie a été informée que l’examen de son huitième rapport périodique devait avoir lieu à la 134ème session du Comité en mars 2022. Le 28 février 2022, la Fédération de Russie a informé le Comité que, « malgré la volonté et la disponibilité de la partie russe, un cas de force majeure, à savoir la fermeture de l’espace aérien par les États membres de l’Union européenne, empêche la délégation russe de se rendre à Genève pour participer à l’examen du huitième rapport périodique de la Fédération de Russie ». Le 3 mars 2022, le Comité a informé la Fédération de Russie du report de l’examen de son rapport à la 135ème session du Comité qui se tiendrait du 27 juin au 29 juillet 2022. Par une note verbale datée du 29 avril 2022, l’État partie a proposé au Comité : « à la lumière de la situation internationale difficile qui se dessine, d’envisager la possibilité de reporter l’examen du huitième rapport périodique de la 135 ème session à une date ultérieure », suite à quoi, après différents échanges par note verbale, une note verbale datée du 31 août 2022 a été adressée à l’État partie pour l’informer que son huitième rapport périodique serait examiné par le Comité à sa 136ème session, le jeudi 20 octobre et le vendredi 21 octobre 2022 [c’est-à-dire à partir d’aujourd’hui].
Par une note verbale datée du 8 septembre 2022, la Fédération de Russie a de nouveau demandé au Comité de reporter l’examen du rapport de la 136 ème session du Comité à une date ultérieure « compte tenu des problèmes persistants de nature logistique et technique », suite à quoi, à l’issue d’autres échanges, le Comité a informé la Fédération de Russie, par une note verbale datée du 17 octobre 2022, que l’examen de son huitième rapport périodique aurait lieu comme prévu au cours de cette 136 ème session.
La Fédération de Russie n’ayant pas envoyé de délégation pour cet examen, le Comité va donc procéder à l’examen du rapport en l’absence de délégation, conformément à l’article 40 du Pacte et au paragraphe 2 de l’article 68 de son Règlement intérieur.
Le Comité regrette profondément cette situation qui, après deux reports, ne lui permet pas de nouer un échange lors de l’examen du rapport de la Fédération de Russie.
Le Comité rappelle à la Fédération de Russie que la ratification du Pacte entraîne l’obligation, en vertu de l’article 40 du Pacte, de présenter des rapports sur les mesures adoptées pour donner effet aux droits énoncés dans le Pacte et sur les progrès réalisés dans l’exécution des obligations découlant de cet instrument.
Le Comité procédera à l’examen du rapport, formulera des observations et des préoccupations et publiera des observations finales, conformément à ses procédures et sur la base des informations fournies par la Fédération de Russie dans son rapport et dans ses réponses à la liste des points à traiter, des informations provenant du système des Nations Unies, des informations provenant de l’institution nationale des droits de l’homme, de la société civile et des ONG, ainsi que des rapports/informations émanant du système régional des droits de l’homme.
Observations des membres du Comité
Un expert a indiqué que les éléments fournis par la Fédération de Russie contiennent de nombreuses informations utiles concernant l’application des dispositions du Pacte sur le territoire de la Fédération de Russie, ce qui permet au Comité de procéder au présent examen après une analyse très minutieuse de toutes les informations reçues, tant de l’État partie que d’autres parties prenantes normalement impliquées dans ces procédures, telles que les institutions des Nations Unies, d’autres organisations internationales et des membres de la société civile.
Bien que des informations détaillées soient parfois fournies sur le cadre juridique russe, le Comité dispose de beaucoup moins d’informations concernant la mise en œuvre pratique de la législation nationale, y compris en ce qui concerne les politiques publiques et leurs résultats, a poursuivi l’expert. Plus important encore, il y a des domaines dans lesquels les droits et libertés énoncés dans le Pacte semblent avoir été considérablement réduits ces dernières années, a-t-il ajouté.
S’agissant de la guerre en cours en Ukraine – déclenchée par les forces militaires de la Fédération de Russie le 24 février 2022 et que l’Assemblée générale des Nations Unies, dans sa résolution du 2 mars 2022, a qualifiée d’acte d’agression en violation de l’article 2 de la Charte des Nations Unies – l’expert a indiqué que les préoccupations exprimées précédemment par le Comité, concernant notamment les conflits armés dans la région du Donbass en Ukraine (Donetsk et Lougansk) et les violations des droits énoncés dans le Pacte concernant les résidents de la République autonome de Crimée et de la ville de Sébastopol, ont été considérablement aggravées cette année par la guerre en Ukraine, où, selon des rapports répétés émanant de différentes organisations internationales, les forces russes sont soupçonnées de pratiquer d’importantes violations des droits de l’homme: détentions arbitraires, torture, exécutions sommaires, viols et autres violences sexuelles, disparitions forcées et transfert forcé d’Ukraine vers la Fédération de Russie de plusieurs milliers de civils et de défenseurs des droits humains, de journalistes, de politiciens et de militants.
L’expert a rappelé que la position du Comité est que la Fédération de Russie est tenue, en vertu de l’article 2 du Pacte, de respecter et de garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction, ainsi qu’aux personnes placées sous son contrôle effectif, les droits reconnus dans le Pacte. Cela implique naturellement la responsabilité de la Fédération de Russie en ce qui concerne les différents droits et libertés énoncés dans le Pacte – en particulier le droit à la vie, étant donné que des milliers de victimes, y compris des enfants, ont déjà été recensées. Comme le Comité l’a réaffirmé dans son Observation générale n°36 sur le droit à la vie, « les États parties se livrant à des actes d’agression tels que définis dans le droit international, entraînant une privation de la vie, violent ipso facto l’article 6 du Pacte » , a rappelé l’expert.
Cet examen arrive donc à point nommé et constitue un défi tant pour le Comité que pour les autorités compétentes de l’État partie, a souligné l’expert.
Dans les établissements pénitentiaires sous contrôle russe en Ukraine, les prisonniers sont détenus au secret, de manière arbitraire, régulièrement soumis à la torture et aux mauvais traitements, a-t-il également été dénoncé.
S’agissant des violences sexuelles, un autre expert a relevé que le très récent rapport de la Commission d’enquête internationale indépendante sur l’Ukraine a identifié des viols et d’autres violences sexuelles commis dans les zones occupées par les forces armées russes dans les quatre régions de Kiev, Tchernihiv, Kharkiv et Soumy. Selon ce rapport, la violence sexuelle a touché des victimes de tous âges. Selon certaines informations, de tels crimes auraient été commis dans d’autres régions de l’Ukraine – à savoir Donetsk, Lougansk, Kherson et Zaporijia – occupées par les forces militaires russes. Ces crimes graves commis au cours du conflit armé doivent faire l’objet d’enquêtes et être punis, conformément au droit national et international, a plaidé l’expert.
Un expert a longuement exprimé ses préoccupations quant aux violations des droits garantis par le Pacte s’agissant des résidents de la République autonome de Crimée et de la ville de Sébastopol. Il a rappelé les graves violations dans ces territoires constatées par nombre de mécanismes des droits de l’homme des Nations Unies ainsi que par l’Assemblée générale.
Une experte a pour sa part souligné que « le Comité reçoit depuis février 2022 un nombre extrêmement important d’informations sérieuses, documentées, concordantes et convergentes sur les violations des droits du Pacte qui proviennent des régions sur lesquelles la Fédération de Russie exerce un contrôle effectif ». « L’on parle d’usage excessif de la force, d’exécutions extrajudiciaires, d’usage de la torture, d’utilisation des viols et des violences sexuelles comme tactiques de guerre et d’intimidation de la population, de mobilisation et de conscription forcées de civils, d’arrestations et de détentions arbitraires, de mauvais traitements infligés aux personnes détenues, de mauvais traitements infligés à la population civile, y compris à des enfants, ou encore de déplacements forcés de populations », a précisé l’experte. Elle a en outre attiré l’attention sur les répercussions très importantes que ces situations de conflits armés ont en Fédération de Russie, avec le rétablissement de la conscription forcée et l’instauration de la loi martiale, en plus de toutes les violations graves dont « l’effondrement absolu de l’espace civique et la détérioration considérable de l’appareil judiciaire ».
Aussi, dans ces situations de conflits armés multiples dans lesquels la Fédération de Russie est engagée, le Comité ne peut que regretter l’absence totale d’information concernant la manière dont le Pacte continue à s’appliquer le territoire russe et sur les territoires sur lesquels le pays exerce un contrôle effectif, a insisté l’experte.
L’experte a poursuivi en indiquant qu’« il est de notoriété publique que la Tchétchénie et le Nord Caucase ont été et sont encore le théâtre de violations graves, massives et continues des droits du Pacte dans un climat d’impunité absolument total », s’agissant notamment de disparitions forcées attribuées aux autorités, des violations graves et massives à l’encontre des défenseurs de droits de l’homme, des violations graves et massives des droits des personnes LGBT, et de l’absence de mesures prises par l’État pour tenter d’identifier les auteurs de ces violations.
Une autre experte a également relevé de nombreux rapports crédibles faisant état d’harcèlement généralisé, de torture et d’autres violations des droits à l’encontre de défenseurs des droits de l’homme, d’opposants, de politiques, de journalistes, de dirigeants communautaires, et de blogueurs, en toute impunité, par des agents de l’État dans le Caucase du Nord.
Le Comité est aussi au courant de la conscription forcée de personnes dans le Caucase du Nord pour combattre dans la guerre en Ukraine. En septembre 2022, 20 femmes qui ont protesté contre la conscription des Tchétchènes ont été arrêtées et battues par des agents tchétchènes des forces de l’ordre.
Un tel traitement viole l’interdiction des traitements inhumains et dégradants énoncée dans le Pacte, ainsi que le droit à la liberté de réunion, a souligné l’experte.
L’experte a également rappelé que le Comité a demandé à la Fédération de de répondre au cas de M. Oyub Titiev, chef du bureau tchétchène de l’ONG « Mémorial » à Grozny, qui a été reconnu coupable de possession de drogue en 2019 dans une affaire qui semble avoir été fabriquée de toute pièce pour le réduire au silence en raison de ses activités en faveur des droits de la personne. Il a dû rester debout dans une cage pendant tout le procès et les témoins de son procès se sont contredits. Les réponses écrites fournies par la Fédération de Russie lorsque le Comité a soulevé ce cas dans sa liste de points à traiter ont affirmé que ce procès n’avait rien à voir avec les activités professionnelles de M. Titiev, a relevé l’experte, avant d’ajouter que la conduite dudit procès révèle des violations à la fois du droit à un procès équitable, et de l’interdiction d’un traitement inhumain et dégradant.
En outre, a poursuivi l’experte, il existe des rapports concernant plus d’une centaine de détentions de personnes qui protestaient contre la guerre en Ukraine en septembre 2022 et cela inclut des enfants et le recours généralisé à la force ; or le recours à la force dans cette situation n’est pas conforme au Code de conduite des Nations Unies pour les responsables de l’application des lois. « Nous avons des informations selon lesquelles aucun de ces incidents n’a fait l’objet d’une enquête adéquate », a souligné l’experte.
L’experte a par ailleurs relevé que l’armée, la police et les forces paramilitaires de l’État tchétchène ont de plus en plus recours à la punition collective pour punir et dissuader les militants et les dissidents.
Un autre membre du Comité a pour sa part regretté les discours de haine très fréquents en Fédération de Russie, accompagnés par des actes de violence dont les principales victimes sont les migrants, les musulmans – dans la mesure où l’islam est associé au terrorisme –, les Ukrainiens, les personnes LGBT et les réfugiés. Cet état de fait existe, a indiqué l’expert, et l’État devrait lutter contre cette situation dans la pratique. Le Président de la Fédération de Russie, en juin 2017, a lui-même stigmatisé les personnes LGBT en disant qu’il découlait de son devoir de chef d’État de défendre les valeurs familiales, a rappelé l’expert.
Le profilage racial existe en Fédération de Russie et vise les populations caucasiennes, les Africains, les Roms et les Asiatiques, a poursuivi l’expert. Ce profilage a été particulièrement pratiqué durant la pandémie de la COVID-19, a-t-il souligné. Les autorités ont utilisé les technologies de l’intelligence artificielle pour enquêter et relever des renseignements concernant certaines minorités, a-t-il insisté.
La loi sur l’extrémisme peut être appliquée contre des activités banales qui ne sont pas accompagnées d’actes de violence, a par ailleurs regretté cet expert. Cette loi peut être utilisée comme un instrument de répression ou de discrimination à l’égard des groupes religieux minoritaires, a-t-il ajouté.
Un expert a dénoncé les nombreuses discriminations dont sont victimes les personnes LGBT au sein de la Fédération de Russie et s’est notamment dit préoccupé par le cadre législatif qui ne fait que se durcir à l’encontre de ces personnes. L’expert a regretté que l’espace civique dans lequel évoluent les personnes LGBT et les associations tentant de défendre leurs droits se soit considérablement dégradé et rétréci depuis les dernières observations finales du Comité, en 2015.
Un expert a, pour sa part, déploré que le phénomène des violences familiales semblait s’être aggravé en Fédération de Russie depuis le précédent examen et que la pandémie de COVID-19 avait eu comme conséquence l’augmentation du nombre d’actes de violence commis au sein des familles. Il a regretté que la Fédération de Russie n’ait pas pris suffisamment de mesures pour juguler ce phénomène.
En ce qui concerne les mesures antiterroristes en Fédération de Russie, une experte s’est dite préoccupée par le fait que la loi de 2006 sur la lutte contre le terrorisme et l’article 205 du Code pénal concernant le terrorisme sont utilisés pour poursuivre les opposants politiques et ceux qui critiquent le Gouvernement. Par exemple, le paragraphe 1 de l’article 3 de la loi de 2006 définit le terrorisme comme une « idéologie de la violence », sans expliquer le sens de cette phrase. Sans clarté suffisante, cette expression peut être utilisée arbitrairement pour porter atteinte à la liberté des individus garantie par l’article 9 du Pacte, a insisté l’experte.
S’agissant de la torture et des mauvais traitements, un membre du Comité a regretté un état de fait qui s’installe avec des cas de torture qui existent et l’absence d’enquêtes et de statistiques dans ce domaine, ce qui empêche de tirer des conclusions éclairées sur la prévalence de la torture au sein de la Fédération de Russie. L’expert a repris l’exemple de cas de torture massifs au sein d’un hôpital psychiatrique, qui a fait beaucoup de bruits dans le pays alors que les responsables n’ont pas été condamnés ou ont été condamnés à des peines légères. Il a par ailleurs regretté que la Fédération de Russie ne se soit pas dotée d’une législation spécifique contre la torture en en faisant un crime spécifique dans le Code pénal.
S’agissant de l’indépendance des juges, un expert a relevé qu’en Fédération de Russie, les juges de la Cour constitutionnelle et de la Cour suprême sont nommés et révoqués par le Conseil de la Fédération sur proposition du Président ; quant aux juges des tribunaux fédéraux, ils sont nommés par le Président. De récents changements constitutionnels ont réduit le nombre de juges de la Cour constitutionnelle de 19 à 11 et il est désormais interdit aux juges de publier leurs opinions dissidentes ou d’y faire référence publiquement. En outre, tous les organismes fédéraux et régionaux chargés de l’application des lois, y compris les services de renseignement et les forces spéciales, ont été placés sous le contrôle direct du Président, y compris les forces de police régulières, a observé l’expert. Il a rappelé l’avis rendu en mars 2021 par la Commission de Venise constatant que les amendements apportés aux dispositions relatives au pouvoir judiciaire ont une incidence sur l’élément fondamental de l’indépendance judiciaire. Selon des enquêtes récentes, a poursuivi l’expert, la confiance du grand public dans le système judiciaire est très limitée ; le système judiciaire à tous les niveaux est perçu comme corrompu. Le manque de confiance dans le système judiciaire semble être exacerbé par le fait que les enquêteurs, les avocats et les huissiers de justice sont également perçus comme corrompus.
Des rapports indiquent que des avocats ont été empêchés de fournir une assistance juridique à leurs clients, en particulier, plus récemment, aux personnes poursuivies dans le cadre de manifestations contre la guerre, a d’autre part souligné l’expert.
S’agissant des politiciens de l’opposition, une experte a fait observer que M. Alexeï Navalny est toujours en prison après avoir été emprisonné en janvier 2021, alors que de nombreuses organisations réputées de défense des droits de l’homme dénoncent les accusations portées contre M. Navalny comme étant « sans fondement ». La raison de son emprisonnement semble être qu’il est un politicien de l’opposition. Plus de 130 candidats ou candidats potentiels aux élections régionales de septembre 2022 ont par ailleurs été poursuivis pour des infractions administratives ou pénales, les empêchant ainsi de se présenter aux élections, a par ailleurs souligné cette experte. Il s’agit d’une tendance inquiétante à l’action en justice contre les politiciens qui critiquent le Gouvernement, a-t-elle déploré.
En outre, l’utilisation de poisons sophistiqués développés par l’État pour réduire au silence, punir et tuer au moins une douzaine de dissidents, de dirigeants de l’opposition et de militants de premier plan au cours de la dernière décennie suscite également de vives inquiétudes, a rappelé l’experte.
S’inquiétant que le journalisme indépendant ait été détruit en Fédération de Russie selon ce qui a été rapporté au Comité, l’experte a souligné que le Comité a connaissance de milliers de cas de harcèlement et de persécution de journalistes et de dizaines de meurtres et de tentatives de meurtre. Des journalistes ont également été enlevés et torturés. Rien n’indique que ces cas ont fait l’objet d’une enquête efficace, a déploré l’experte. Le Président de la Douma, M. Vyacheslav Volodin, a déclaré sur sa chaîne de médias sociaux en février 2022 que le discours antiguerre était une « trahison du peuple russe ». Des centaines de journalistes russes ont été arrêtés pour avoir couvert la guerre en Ukraine ou des manifestations contre la guerre, s’est inquiétée l’experte.
Un autre expert a indiqué que le Comité avait reçu des informations selon lesquelles environ 5000 journalistes ont été poursuivis pour diverses accusations. De telles mesures prises à l’encontre d’un grand nombre de journalistes ne manqueront pas d’avoir un effet dissuasif sur eux et d’entraîner une détérioration de la liberté d’expression et d’information dans le pays, a-t-il fait observer.
Une experte a souligné que depuis l’invasion de l’Ukraine en février dernier, le Comité a reçu des rapports indiquant que la Fédération de Russie a bloqué des milliers de sites Web et des centaines de médias indépendants, y compris les médias internationaux BBC et Deutsche Welle. En outre, les amendements apportés cette année au Code pénal imposent une responsabilité pénale pour les actes de « discrédit des forces russes » et la diffusion de « fausses informations » sur l’armée et la guerre contre l’Ukraine. De fait, les informations considérées comme « fausses » sont essentiellement des informations qui ne proviennent pas de sources officielles russes, a relevé l’experte. Le mois dernier, un tribunal de Moscou a, sans fondement juridique apparent, révoqué la licence de Novy Gazeta, dont le rédacteur en chef avait reçu le prix Nobel de la paix 2021 pour ses efforts en faveur de la liberté journalistique. Plus de 300 affaires pénales et 4500 affaires administratives ont été engagées contre des individus exprimant leur opposition à la guerre en Ukraine pour avoir « discrédité les forces armées russes », a insisté l’experte.
La loi de 2002 sur l’extrémisme est un autre moyen utilisé par l’exécutif, le législateur et les tribunaux pour lutter contre les opposants politiques, les défenseurs de droits de l’homme, y compris les droits des personnes LGBT, les personnes qui défendent les droits des Tatars de Crimée, les journalistes, les communautés religieuses, les personnes qui manifestent et s’expriment contre la guerre contre l’Ukraine, les artistes, ainsi que les avocats qui défendent les individus, groupes et associations accusés d’extrémisme, a-t-il par ailleurs été déploré.
En invoquant la loi restrictive de 2004 sur les rassemblements, la Fédération de Russie a arrêté arbitrairement des milliers de manifestants pacifiques contre la guerre depuis février 2022, a-t-il également été observé. A également été dénoncée la loi de 2012 sur les agents étrangers, qui autorise la désignation d’individus, de leurs proches ou d’organisations en tant qu'« agents étrangers » s’ils reçoivent ou ont l’intention de recevoir un financement ou une formation en dehors de la Fédération de Russie. L’application de la cette loi viole ainsi les droits à la liberté d’association, à la liberté d’expression, à la vie privée et à la participation aux affaires publiques – autant de droits protégés par le Pacte, a-t-il été souligné. Des centaines de journalistes indépendants, de défenseurs des droits humains et d’organisations sont enregistrés comme « agents de l’étranger », l’application de cette loi de 2012 créant une situation dans laquelle les seules informations dont disposent les citoyens russes sont de la propagande d’État, a-t-il été déploré.
La Commission de Venise a rendu en mars 2021 un avis sur les amendements qui ont été apportés à la Constitution russe afin d’abroger la limitation à deux du nombre de mandats présidentiels consécutifs ; dans cet avis, la Commission conclut que les amendements ont renforcé de manière disproportionnée la position du Président de la Fédération de Russie et ont supprimé certains des freins et contrepoids initialement prévus dans la Constitution. La portée inhabituellement large de l’immunité [accordée au Président], conjuguée aux règles qui rendent très difficile la destitution d’un président, soulève de sérieuses préoccupations quant à la responsabilité du Président qui a acquis des pouvoirs supplémentaires aux dépens du chef de gouvernement, a souligné un expert.
En outre, a poursuivi cet expert, l’OSCE a signalé que l’élection présidentielle de 2018 « s’est déroulée dans un environnement trop contrôlé, marqué par une pression continue sur les voix critiques » et que « les restrictions aux libertés fondamentales, ainsi qu’à l’enregistrement des candidats, ont limité l’espace pour l’engagement politique et entraîné un manque de concurrence réelle ».
Malgré le fait que la Fédération de Russie ait été le premier pays à préparer et à adopter un vaccin contre la COVID-19 en août 2020 (le Spoutnik V), elle reste un pays ayant des taux de vaccination relativement faibles et des taux de mortalité liée à la COVID-19 relativement élevés, a observé un membre du Comité.
S’agissant de la mise en œuvre des constatations adoptées par le Comité à l’issue de l’examen des plaintes individuelles qui lui sont soumises au titre du premier Protocole facultatif au Pacte, un expert a relevé que la Cour constitutionnelle russe avait a déclaré que la Fédération de Russie conservait toujours le droit souverain de choisir comment les constatations du Comité et les obligations du pays doivent être respectées. Le Comité n’est pas d’accord avec cette approche, a souligné l’expert, rappelant que selon la jurisprudence, en adhérant à ce Protocole facultatif, un État partie reconnaît la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers relevant de sa juridiction. Un État partie commet donc de graves violations des obligations qui lui incombent en vertu du Protocole facultatif s’il prend des mesures pour rendre sans objet l’examen des plaintes par le Comité et les constatations qui en découlent, a insisté cet expert.
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