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Guatemala : le Comité des droits économiques, sociaux et culturels porte son attention sur les inégalités dont est principalement victime la population autochtone et sur les violences faites aux femmes

Compte rendu de séance

 

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a conclu, cet après-midi, le dialogue qu'il mène depuis hier après-midi avec la délégation du Guatemala dans le cadre de l'examen du rapport périodique de cet État partie au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Le rapport du Guatemala a été présenté par le Directeur exécutif de la Commission présidentielle pour la paix et les droits de l'homme (COPADEH), M. Ramiro Alejandro Contreras Escobar. Il a notamment attiré l'attention sur les conséquences que subit encore le pays en raison de la pandémie de COVID-19, ainsi que de tempêtes tropicales, auxquelles s'ajoutent les conséquences de la situation en Ukraine en termes de sécurité alimentaire et énergétique. Face à ces facteurs, le pays a dû adapter ses programmes de développement et des progrès sont intervenus dans le domaine des droits de l'homme, comme le montrent les statistiques macroéconomiques et sociales. En 2021, le succès des programmes orientés vers une société résiliente, ainsi que l'adoption d'un plan national et d'une politique gouvernementale générale ont permis à l'économie nationale d'atteindre une croissance historique de 8% du produit intérieur brut dans l'année suivant la pandémie. Cela a déjà permis d'attirer les investissements directs étrangers, ce qui contribuera à accroître le nombre d'emplois dans l'économie formelle, s'est réjoui le chef de la délégation.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Guatemala, M. Mikel Mancisidor, a relevé les préoccupations d'organismes internationaux s'agissant notamment d'entraves à la liberté d'expression et de menaces contre des défenseurs des droits de l'homme, des magistrats, des procureurs ou encore le ministère public. L'expert a aussi porté son attention sur les inégalités au Guatemala, dont est principalement victime la population autochtone, ainsi que sur la difficulté de mettre en œuvre des droits prévus par le Pacte, notamment dans le domaine de l'accès à l'éducation ou à la santé. Le rapporteur a exprimé de vives préoccupations s'agissant de la discrimination à l'égard des femmes au Guatemala. Il a rappelé que, lors de l'examen du précédent rapport du Guatemala, le Comité avait déjà évoqué le problème de l'impunité pour les auteurs de violences sexistes et domestiques.

Dans ses réponses, la délégation guatémaltèque a notamment indiqué qu'un mécanisme de prise en charge urgente des victimes avait été mis en place par le ministère public. La plupart des cas de violences contre les femmes ont pu être poursuivis devant la justice, a-t-elle assuré. Elle a aussi déclaré que la prise en charge des cas de féminicides avait été améliorée, en particulier grâce au travail de juges spécialisés. En ce qui concerne les droits des peuples autochtones, s'il manque un cadre normatif pour garantir la consultation de ces communautés sur les questions qui les concernent, le Gouvernement n'en organise pas moins des consultations sur les projets envisagés, notamment s'agissant de l'exploitation minière. La délégation a attiré l'attention dans ce contexte a la décision d'un tribunal ayant ordonné une réduction des surfaces accordées à l'exploitation minière dans les zones habitées par des populations autochtones. La délégation a par ailleurs déclaré que le pays avait fait d'importants progrès dans la lutte contre la corruption.

L'importante délégation guatémaltèque était également composée du Ministre du travail et de la sécurité sociale, M. Rafael Eugenio Rodríguez Pellecer, ainsi que de représentants du pouvoir législatif, du pouvoir judiciaire, de la Cour constitutionnelle, du Ministère des affaires étrangères, du Ministère de l'intérieur, du Ministère de l'éducation, du Ministère de la santé, du Ministère de l'énergie et des mines, du Ministère de l'environnement et des ressources naturelles, du Ministère du développement social, du Secrétariat à la sécurité alimentaire et nutritionnelle, du Bureau de la médiatrice pour les femmes autochtones, du ministère public et de l'Institut guatémaltèque de sécurité sociale.

Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales sur le rapport du Guatemala. Elles seront rendues publiques après la clôture de la session, qui se poursuit jusqu'au 14 octobre, et pourront être consultées sur la page internet consacrée à la session.

 

Le Comité doit examiner, à partir de demain matin à 10 heures et dans l'après-midi, le rapport périodique du Tadjikistan.

 

Examen du rapport périodique du Guatemala

Le Comité est saisi du sixième rapport périodique du Guatemala (E/C.12/GTM/4), ainsi que les réponses de l'État partie à une liste de points à traiter que lui avait adressée le Comité.

Présentation du rapport

M. RAMIRO ALEJANDRO CONTRERAS ESCOBAR, Directeur exécutif de la Commission présidentielle pour la paix et les droits de l'homme (COPADEH), a indiqué que le Gouvernement du Guatemala, dans le but de renforcer l'institutionnalité de l'État, a créé la Commission présidentielle pour la paix et les droits de l'homme le 30 juillet 2020. La Commission conseille et coordonne les différentes actions du pouvoir exécutif en matière de promotion et de mécanismes visant le respect et la protection efficaces des droits de l'homme, ainsi que le respect des engagements du Gouvernement dans le cadre des Accords de paix et de la vigilance des risques de conflit dans le pays.

Depuis le précédent dialogue entre le Guatemala et le Comité, d'importants changements structurels sont intervenus, en particulier à travers la mise en œuvre de la politique gouvernementale générale 2020-2024 du Président Alejandro Giammattei Falla, qui est basée sur un Plan national d'innovation et de développement. Les plans précédents ont dû être adaptés compte tenu des effets que subit encore le pays à la suite de la pandémie de COVID-19, ainsi que des tempêtes tropicales Eta et Iota qui ont frappé le pays, auxquelles s'ajoutent les effets dérivés de l'invasion de l'Ukraine par la Russie en termes de sécurité alimentaire et énergétique dans le monde et d'une vulnérabilité climatique sans précédent, a souligné le chef de la délégation.

En dépit de cette situation, des progrès sont intervenus dans le domaine des droits de l'homme au Guatemala, comme le montrent les statistiques macroéconomiques et sociales, démontrant la résilience du pays, a fait valoir M. Contreras. Ainsi, pour faire face à la pandémie, à l'initiative du pouvoir exécutif, le Congrès a approuvé différents décrets portant notamment sur l'aide aux programmes d'agriculture familiale, le financement de microentreprises et petites et moyennes entreprises, ainsi que la création d'un fonds de protection du capital.

En 2021, le succès des programmes orientés vers une société résiliente, et l'adoption du plan Guatemala no se Detiene (le Guatemala ne s'arrête pas), qui a été ajouté à la politique gouvernementale générale 2020-2024, ont permis à l'économie nationale d'atteindre une croissance historique de 8% du produit intérieur brut dans l'année suivant la pandémie. Cela a déjà permis d'attirer les investissements directs étrangers, ce qui contribuera à accroître le nombre d'emplois formels, s'est réjoui le chef de la délégation.

L'invasion de l'Ukraine par la Russie a eu de graves conséquences sur l'économie guatémaltèque, entraînant en particulier une forte augmentation des prix. Le Gouvernement a mis en œuvre un programme d'urgence en décidant notamment de concevoir différentes stratégies qui contribuent à atténuer les effets de l'augmentation des prix des produits de base, ainsi que des carburants et des engrais.

Le Guatemala est un pays très vulnérable au changement climatique, a poursuivi M. Contreras. C'est pourquoi les autorités ont décidé de réactiver le Conseil national sur le changement climatique, un organe collégial dans lequel sont représentés les institutions des gouvernements central et local, les universités, le secteur privé, les peuples autochtones et les organisations non gouvernementales, afin de prendre des décisions consensuelles pour réduire la vulnérabilité du pays. Grâce aux travaux de ce Conseil, sur la base d'une stratégie d'atténuation du changement climatique et en tenant compte en particulier des besoins des populations du nord du département du Petén, il a été possible de doubler en seulement deux ans et demi les concessions forestières, atteignant 550 000 hectares exploitées par les communautés locales, et permettant le développement économique de ces populations.

Le Gouvernement guatémaltèque a en outre mis en œuvre la stratégie de la « Grande Croisade nationale pour la nutrition » qui vise à unir gouvernement, autorités locales, secteur privé, organisations non gouvernementales, agences de coopération internationale, universités, instances religieuses et société civile afin d'améliorer l'alimentation des familles guatémaltèques, en mettant l'accent sur les plus pauvres et les plus marginalisées du pays.

Des mesures importantes ont également été mises en œuvre pour répondre aux besoins des groupes vulnérables de la population, a fait valoir le chef de la délégation. Le Gouvernement respecte l'ordre juridique national et international en garantissant la séparation et l'indépendance des pouvoirs de l'État. L'État du Guatemala a également fait des progrès évolutifs dans l'administration publique dans la perspective de l' Objectif de développement durable n°16, en garantissant l'égalité d'accès à la justice, en adoptant des décisions inclusives, participatives et représentatives, puisque, pour la première fois dans l'histoire, les citoyens guatémaltèques ont pleinement accès à la justice et aux institutions.

Si, en 2018, le Guatemala comptait une présence policière et des juges de paix dans toute la République, le ministère public n'assurait une présence que sur 16% du territoire national. Aujourd'hui, les trois institutions centrales du secteur de la justice sont présentes au niveau national, avec un quartier général de la police, les agences fiscales et les tribunaux de première instance assurant une présence sur tout le territoire. Le Guatemala a par ailleurs mis en place trois modèles de prise en charge des victimes de la criminalité, destinés à trois groupes de population vulnérables : les enfants et adolescents, les femmes et les adolescents en conflit avec le droit pénal.

Pour sa part, le Congrès a approuvé environ 45 lois sur la protection sociale, les subventions sociales, les soins d'urgence et les investissements pour la reprise économique, a souligné M. Contreras.

Questions et observations des membres du Comité

M. MIKEL MANCISIDOR, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Guatemala, a souhaité savoir si la société civile avait participé à l'élaboration du rapport et de quelle manière. Il a aussi demandé comment le droit international était intégré dans la législation nationale, s'agissant en particulier du Pacte, et si les dispositions de ce dernier étaient directement applicables. Il a également demandé des exemples de procès au cours desquels le Pacte aurait été invoqué devant les tribunaux. Il a aussi souhaité savoir si le Guatemala comptait ratifier le Protocole facultatif au Pacte, par lequel les États reconnaissent la compétence du Comité pour recevoir et examiner des plaintes les visant.

Le rapporteur a d'autre part relevé que la Cour interaméricaine des droits de l'homme avait demandé le retrait des dispositions d'un décret de 2020 qui restreignent l'espace public, violent la liberté d'expression, et entravent la participation publique et la défense des droits de l'homme. Les arguments de la Cour interaméricaine étaient très critiques à l'égard de ces dispositions, a-t-il souligné. Il a également attiré l'attention sur un rapport récent du Haut-Commissariat aux droits de l'homme qui fait référence à des menaces contre des défenseurs des droits de l'homme, des magistrats, des procureurs ou encore le ministère public.

L'expert a porté son attention sur les inégalités au Guatemala, dont est principalement victime la population autochtone, ainsi que sur des violations ou l'absence de mise en œuvre des droits prévus par le Pacte, notamment dans le domaine de l'accès à l'éducation ou à la santé. Dans certains cas, ces discriminations pourraient s'apparenter à du racisme, a estimé l'expert. Il a également demandé des informations sur le processus de consultation préalable des communautés autochtones pour tout projet et politique qui les concernent.

Le rapporteur a exprimé de vives préoccupations s'agissant de la discrimination à l'égard des femmes au Guatemala et a demandé des informations sur la loi qui vise à lutter contre ce phénomène. Il a rappelé que, lors de l'examen du précédent rapport du Guatemala par le Comité, les experts avaient déjà évoqué le problème de l'impunité pour les auteurs de violences sexistes et domestiques.

Selon M. Mancisidor, la loi sur les personnes handicapées devrait être actualisée afin de la rendre conforme à la Convention sur les droits des personnes handicapées, récemment ratifiée par le Guatemala.

Le rapporteur a relevé la faible part des finances publiques consacrée aux droits économiques, sociaux et culturels, notamment s'agissant de l'accès à la santé et à l'éducation, selon les données du Fonds monétaire international.

Un autre membre du Comité a rappelé qu'un rapporteur spécial des Nations Unies s'était montré préoccupé par le fait qu'une juge de la Cour constitutionnelle n'avait pas vu son mandat reconduit suite à ses critiques s'agissant de l'indépendance du pouvoir judiciaire dans le pays.

Une experte a relevé que, selon Transparency International, le Guatemala occupait le 150e rang sur 180 pays dans l'indice de perception de la corruption. Elle a dès lors demandé quelles mesures étaient prises pour veiller à davantage de transparence dans l'administration publique.

Une autre experte a demandé quelles mesures concrètes étaient mises en œuvre pour promouvoir une transition de l'économie informelle vers l'économie formelle. Dans ce domaine, elle a souhaité savoir si des incitations étaient prévues pour que les travailleurs et les entreprises soient motivés à s'insérer dans le secteur formel.

L'experte a demandé à la délégation si elle pouvait faire état d'avancées tangibles réalisées dans le cadre de la coopération de l'Organisation internationale du travail avec le Guatemala en ce qui concerne le renforcement de la Commission nationale tripartite sur les relations de travail et la liberté syndicale, en vue de l'application effective des normes internationales du travail.

Sur la question du salaire minimum, le Comité a reçu des informations sur la mise en œuvre d'un système de fixation de salaires différenciés et inférieurs pour le secteur agricole ainsi que dans les activités d'exportation et de maquila – zones franches ou économiques spéciales. Le Comité a également été informé d'une décision du Gouvernement d'établir une différenciation entre les zones économiques, urbaines et rurales, c'est-à-dire que le salaire minimum doit maintenant être négocié en fonction des prix et des conditions de chaque localité, ce qui pourrait signifier un salaire minimum encore plus bas dans les zones rurales, au détriment des travailleurs ruraux, s'est inquiété l'experte. L'experte a également relevé que le salaire moyen qu'un travailleur domestique reçoit par mois est inférieur à la moitié du salaire minimum le plus bas au Guatemala.

L'experte a aussi souligné que, selon certaines informations, seule une femme guatémaltèque sur trois en âge de travailler occupe ou cherche un emploi, la plupart ayant tendance à ne travailler qu'à la maison. C'est de loin l'un des taux les plus bas de la région de l'Amérique latine et des Caraïbes, et même l'un des plus bas au monde. Cette sous-utilisation de la main-d'œuvre féminine représente un coût énorme pour le taux de croissance du pays et, évidemment, pour ses résultats socio-économiques et d'inclusion.

Le Comité a aussi reçu des informations indiquant que les travailleurs des plantations de palmiers à huile du nord du pays occupent des emplois précaires, ce qui se traduit par des salaires bas, l'imposition de salaires conditionnés à des objectifs, l'absence de sécurité sociale et de services de santé au travail, des contrats illégaux qui conduisent à ce que les prestations de travail ne soient pas reconnues. Tout effort d'organisation des travailleurs est persécuté et n'existe pas dans la pratique, a déclaré une experte, qui a souhaité recevoir des précisions sur les raisons du refus ou du rejet des demandes d'enregistrement de la part de syndicats, mentionnant à cet égard trois demandes qui ont été refusées en 2019.

L'experte s'est en outre inquiétée des nombreux actes de violence contre les dirigeants syndicaux au Guatemala, compte tenu du fait qu'il y a eu au moins neuf meurtres de syndicalistes entre 2020 et 2021, et de nombreux cas d'attaques, de menaces, d'actes d'intimidation et de harcèlement.

De même, il existe au Guatemala des conditions exagérément restrictives pour considérer qu'une grève est légale, puisque la loi exige que les grèves doivent être déclenchées par la majorité absolue des travailleurs et non par la majorité de ceux qui ont voté.

Enfin, l'experte a noté que la couverture du système de sécurité sociale était très faible au Guatemala, puisqu'elle ne concerne qu'environ 20% de la population totale. Bien qu'un certain nombre de programmes de protection sociale aient été créés, l'accessibilité est limitée par des exigences strictes qui ne reflètent pas les conditions de vie des plus vulnérables, a déploré l'experte. Il semblerait que ces programmes ne tiennent pas compte efficacement des besoins spécifiques des populations en situation de vulnérabilité, a-t-elle insisté.

Le Guatemala dispose-t-il d'un plan de relance post-pandémie et prévoit-il un programme de création d'emplois dans le but d'atténuer les effets de la pandémie sur les populations les plus vulnérables.

Un membre du Comité a constaté que le taux de pauvreté dans le pays était trop élevé par rapport au PIB. Malgré la bonne gestion de la pandémie, les inégalités continuent dans le pays, notamment en zone rurale. S'agissant du droit à l'alimentation, il a relevé que plus de 60% des enfants des populations autochtones souffraient de malnutrition. Les causes profondes de cette violation du droit à l'alimentation n'ont pas été traitées, a-t-il regretté.

L'expert a aussi dénoncé des expulsions de populations autochtones de leurs terres dans certaines régions du pays. Il a dès lors demandé ce qui était fait pour faire respecter le droit à la terre des peuples autochtones.

Cet expert a aussi dénoncé les inégalités s'agissant du taux de mortalité infantile entre les groupes de population en fonction de leurs revenus et selon qu'ils vivent en zone rurale ou urbaine. Il a également regretté que de nombreuses personnes défavorisées n'ont aucune assurance de santé.

Les consommateurs de drogue sont toujours considérés comme des criminels, a déploré l'expert, prônant l'adoption, par les autorités, d'une méthode axée sur les droits de l'homme pour prendre en charge les toxicomanes.

S'agissant de l'accès à l'avortement, l'expert a demandé si le pays était prêt à revoir sa législation en la matière afin de se conformer aux dispositions du Pacte.

Une experte a relevé que la Cour interaméricaine des droits de l'homme avait été saisie d'une affaire s'agissant de la propriété collective d'une communauté autochtone dans le cadre d'un projet minier. Elle a demandé quand le Guatemala envisageait de se doter d'une réglementation dans le domaine de la responsabilité des entreprises dans le domaine des droits de l'homme.

Un expert a demandé quel pourcentage de la population était vacciné contre la COVID-19. Il a également demandé quel était le pourcentage du budget de l'État consacré à l'éducation. Il a souhaité savoir comment l'État luttait contre l'abandon scolaire des adolescentes enceintes et comment était menée l'éducation en matière de santé sexuelle et reproductive afin de lutter contre ce phénomène des grossesses précoces.

Réponses de la délégation

Répondant aux questions des membres du Comité sur le cadre général d'application du Pacte, la délégation a notamment indiqué que, pour préparer la rédaction du rapport du Guatemala, un forum institutionnel avait été organisé avec des représentants des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire et une soixantaine d'organisations de la société civile. Elle a aussi indiqué que la Constitution stipule la prééminence du droit international sur la législation nationale. La délégation a par ailleurs souligné que la Cour constitutionnelle, dans des décisions qui ont un caractère obligatoire pour le Gouvernement, invoque souvent la Convention interaméricaine des droits de l'homme.

S'agissant du décret de 2020 sur l'inscription des organisations de la société civile mentionné par le rapporteur du Comité, la délégation a indiqué que ce décret prévoyait une série de mécanismes ayant pour objectif de veiller à ce que l'utilisation des ressources générées par ces organisations soient aussi transparentes que possible. À l'heure actuelle, ce décret fait l'objet de discussions au sein de la Cour constitutionnelle, ce qui signifie qu'elle n'est pas totalement en vigueur. Il existe plus de 1900 organisations non gouvernementales enregistrées au Guatemala, dont seules 204 respectent les procédures actualisées. De nombreuses entités doivent encore régulariser leur situation. Malgré tout, ces organisations continuent d'être actives dans le pays. De nombreux acteurs de la société civile, depuis la publication de ce décret, ont engagé des recours en constitutionnalité en vue du réexamen des dispositions de cette nouvelle loi. Pour l'heure, les articles remis en cause ne sont pas encore appliqués, car les plaintes et recours en justice sont en cours d'étude et n'ont pas encore abouti.

La constitution guatémaltèque protège les droits de la population et l'égalité devant la loi est garantie pour tous. Si un citoyen s'estime lésé, il peut saisir la juridiction appropriée qui devra mener une enquête impartiale. Une attention particulière est apportée aux populations les plus vulnérables afin de garantir l'égalité devant la loi, a assuré la délégation.

S'agissant des droits des peuples autochtones, la Cour constitutionnelle a reconnu qu'il manquait un cadre normatif pour garantir la consultation de ces communautés sur les questions qui les concernent. Le Gouvernement organise cependant des consultations des peuples autochtones s'agissant de projets actuels, notamment miniers. Un groupe normatif a été créé afin d'aborder les questions importantes s'agissant de la consultation de ces populations. La délégation a ajouté que le système éducatif guatémaltèque assure une éducation dans les langues maternelles autochtones et fournit le matériel scolaire aux enfants dans les différentes communautés autochtones, l'espagnol étant la deuxième langue dans ces communautés. Des bourses sont aussi prévues pour favoriser l'accès des enfants aux cantines scolaires.

La délégation a indiqué qu'un tribunal avait ordonné une réduction des surfaces accordées à l'exploitation minière dans les zones habitées par des populations autochtones. S'agissant de l'affaire mentionnée par les experts qui a été portée devant la Cour interaméricaine de droits de l'homme, la délégation a fait valoir que les communautés autochtones concernées ont reçu un titre de propriété pour les terres qu'elles occupent.

Dans le domaine de l'éducation, la délégation guatémaltèque a fait valoir que les programmes scolaires accordaient une place importante à l'égalité entre hommes et femmes. La prévention de la violence, physique et psychologique constitue un autre thème prioritaire des programmes scolaires. De nombreux efforts sont déployés pour augmenter les recettes fiscales et les ressources de l'État afin notamment de financer le système éducatif, un secteur qui représente actuellement 3,3% du PIB. Les autorités coopèrent avec divers partenaires étrangers dans ce domaine, notamment le Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef). La délégation a aussi souligné que le droit à l'éducation avait été garanti durant la pandémie de COVID-19, grâce à la mise en œuvre de l'enseignement à distance pour tous les enfants.

La délégation a par la suite précisé que des protocoles avaient été adoptés afin de lutter contre le harcèlement et la violence à l'école. Tout le personnel travaillant auprès d'enfants doit fournir une attestation officielle indiquant n'avoir jamais été condamné pour des violences, notamment sexuelles, à l'encontre des enfants.

Pour ce qui est de la lutte contre les violences faites aux femmes, la délégation a affirmé que les autorités accordent une attention systématique aux personnes les plus vulnérables, ajoutant qu'un mécanisme de prise en charge urgente des victimes avait été mis en place par le ministère public. Trois refuges permettent d'accueillir en permanence des victimes de violences. La plupart des cas de violences contre les femmes ont pu être poursuivis devant la justice, a assuré la délégation. Elle a aussi fait observer que la violence à l'égard des femmes était la conséquence d'un système patriarcal présent partout dans le monde. La délégation a affirmé que la prise en charge des cas de féminicides a été améliorée et que les autorités guatémaltèques veillent à prévenir les violences et les féminicides en adoptant des programmes visant notamment l'autonomisation. Le Guatemala peut être fier de ses juges spécialisés dans le crime de féminicide, a ajouté la délégation.

Le Bureau de la médiatrice pour les femmes autochtones veille à mener des actions pour porter assistance aux victimes et aux survivantes de violences en fournissant notamment un soutien psychologique et social. Le Bureau prend en charge les femmes dans le cadre de mesures immédiates visant à restaurer les droits de ces femmes autochtones.

Interrogée sur les mesures prises pour assurer la transparence au sein de l'État, la délégation a fait valoir que des portails internet ont été mis à disposition par le Ministère des finances, où chacun peut voir comment est investi le budget de l'État. Par ailleurs, des tribunaux spécifiques ont été créés pour se charger de combattre l'évasion fiscale.

La délégation a déclaré que le pays avait fait d'importants progrès dans la lutte contre la corruption. Ainsi, le pays a créé le Comité présidentiel de lutte contre la corruption pour garantir la transparence de la gestion publique. De plus, un mécanisme de reddition de compte et de supervision des institutions a été mis sur pied. Le Comité présidentiel présente des rapports trimestriels sur le suivi des institutions publiques, ce qui permet aux autorités d'avoir une vue d'ensemble sur cette question.

En matière de justice, la délégation a indiqué que le Guatemala avait déployé des efforts importants pour offrir à chacun la possibilité de déposer plainte sur tout le territoire et faire en sorte que tous les Guatémaltèques aient accès à la justice. Par ailleurs, des enquêtes impartiales sont menées pour chaque plainte déposée. S'agissant des défenseurs des droits de l'homme, les autorités ont adopté différentes stratégies afin de leur assurer une protection et leur permettre d'exercer leurs activités.

Dans le domaine de l'emploi, la délégation a souligné que le Gouvernement avait adopté une politique sur le travail décent à l'horizon 2032. Malheureusement, plusieurs indicateurs, dont l'emploi, ont été touchés par la pandémie et les autorités ont dû revoir leurs objectifs. Seize actions stratégiques ont été adoptées dans la mise en œuvre de la politique de l'emploi, notamment s'agissant de l'accès à l'emploi et la création de nouveaux emplois. Le plan d'action « Guatemala no se Detiene », adopté après la pandémie, porte sur différents domaines liés à l'emploi qui vient se greffer sur les différentes politiques déjà mises en œuvre. Ainsi, avant la pandémie, des « foires de l'emploi » ont permis à 440 000 personnes d'être soutenues dans leur recherche d'emploi, notamment des jeunes, des femmes et des personnes appartenant aux peuples autochtones. Depuis la pandémie, ces foires n'ont pu se tenir mais des actions similaires ont été menées en ligne ou dans des agences pour l'emploi.

La délégation a en outre indiqué que des discussions avaient eu lieu au niveau tripartite afin de revaloriser le revenu minimum.

Une experte ayant demandé quelles mesures avaient été prises pour renforcer l'inspection du travail, la délégation souligné que le nombre d'inspecteurs du travail avait augmenté et que les autorités veillaient à poursuivre les auteurs d'infractions au droit du travail, comme le montre le nombre d'amendes en augmentation pour les infractions dans ce domaine.

Les autorités ont lancé plusieurs initiatives pour lutter contre la malnutrition, une enquête sur la santé maternelle et infantile ayant montré qu'un enfant sur deux souffre de malnutrition. Les mesures qui sont prises ont pour objectif prioritaire le soutien de la mère avant et après la naissance de l'enfant en donnant notamment accès à des aliments fortifiés.

Depuis 2016, le taux de mortalité infantile a fortement baissé, grâce à des actions ciblées, a par ailleurs fait valoir la délégation.

Le pays compte plus de 2000 centres communautaires de santé dans tout le pays, a en outre souligné la délégation, afin d'assurer l'accès à la santé aux populations rurales et autochtones. La délégation a par ailleurs affirmé que les autorités veillaient à ce que l'ensemble de la population soit couvert par l'assurance sociale. Pour ce faire, les coûts de cette assurance ont été revus à la baisse pour les personnes défavorisées. Cette assurance est également disponible pour les migrants. Ces dernières années, le nombre de personnes affiliées à l'assurance est en augmentation, a assuré la délégation.

La délégation a par ailleurs souligné que toutes les questions liées à la santé sexuelle et reproductive étaient abordées dans les établissements scolaires, ajoutant que le pays était un exemple dans la région.

Aux questions des membres du Comité s'agissant de la responsabilité des entreprises dans le domaine des droits de l'homme, la délégation a indiqué que l'accord de gouvernement de 2020 avait été créé la Commission présidentielle pour la paix et les droits de l'homme, qui conseille les différents organes gouvernementaux, notamment sur les actions concrètes à mener s'agissant des entreprises et des droits de l'homme, grâce notamment au programme de renforcement des capacités du bureau de Guatemala du Haut-Commissariat aux droits de l'homme. Le processus a également été enrichi grâce aux bonnes pratiques constatées à l'étranger, notamment en Colombie. La Commission a déjà organisé plusieurs rencontres avec toutes les parties concernées, notamment les entrepreneurs, afin de progresser dans la promotion des droits de l'homme dans le pays.

Parmi les autres sujets abordés, la délégation a notamment fait valoir que le Gouvernement avait pris des mesures concrètes pour lutter contre la contrebande, notamment en imposant une numérisation du système des douanes. Elle a aussi indiqué que la taxe sur la valeur ajoutée avait baissé de 10 points, alors que les recettes fiscales ont, elles, augmenté sensiblement en 2021 et 2022. Par ailleurs, un programme a permis à des dizaines de milliers de Guatémaltèques vulnérables d'avoir accès à l'électricité.

Conclusions

Le rapporteur du Comité pour le rapport du Guatemala, M. MANCISIDOR a remercié l'importante délégation guatémaltèque pour ce dialogue constructif et la volonté de la délégation de répondre aux questions en toute franchise.

Le chef de la délégation, M. CONTRERAS, a rappelé que le Guatemala était un pays en développement dont la société est vulnérable au changement climatique, mais aussi le théâtre de difficultés et de conflits de longue date. Toutefois, le pays a avancé dans la mise en œuvre des dispositions du Pacte. Il y a encore de nombreux défis à relever, notamment en matière de redistribution de la richesse. Le pays est parvenu également à améliorer la situation de l'ensemble de la population, même si le pays doit davantage investir dans les droits économiques, sociaux, et culturels. C'est pour cette raison que le pays adopte des politiques sociales dans le respect du droit des minorités et de l'état de droit, a conclu M. Contreras.

 

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CESCR22.013F