Fil d'Ariane
CEDAW : la Gambie passe d’un système de non-droit à une transition démocratique remarquable, mais son cadre législatif n’est pas encore assez robuste pour assurer la protection effective des droits des femmes
Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a examiné aujourd’hui le sixième rapport périodique présenté par la Gambie au titre de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Au cours du dialogue noué avec la délégation conduite par Mme Fatou S. Kinteh, Ministre de l’égalité des genres, de l’enfance et de la protection sociale de la Gambie, une experte du Comité a constaté qu’après vingt-deux années de dictature, la Gambie passe d’un système de non-droit, marqué par des violences massives, à une transition démocratique remarquable.
Plusieurs initiatives sont très positives à cet égard, a souligné cette experte, citant notamment la décision de créer la Commission vérité, réconciliation et réparations, en 2018, ou encore l’interdiction des mutilations génitales féminines et du mariage des enfants en 2015. Sont aussi dignes d’éloges, selon une autre experte membre du Comité, les efforts du Gouvernement dans la lutte contre la violence sexuelle et sexiste, avec par exemple la création, en 2018, d’une unité dédiée au sein du Ministère de la justice et le projet de loi de 2020 sur la violence domestique.
Cependant, a-t-il été souligné, le cadre législatif gambien n’est pas encore assez robuste pour assurer la protection effective des droits des femmes et leur leadership dans la vie réelle et dans la sphère publique autant que privée. L’application des lois se heurte à des difficultés structurelles sur le territoire, tandis que se pose la question de l’extraterritorialité pour les mutilations génitales féminines, qui sont souvent pratiquées hors du pays. D’autre part, il est regrettable que l’adoption du projet de nouvelle Constitution, qui porte de réelles avancées, ait été reportée.
Relevant également que les sources du droit gambien sont multiples – droit positif, charia et droit coutumier –, une experte a rappelé que la Convention établissait un socle universel de valeurs applicables dans tous les pays : elle a voulu savoir si le Gouvernement gambien menait un dialogue institutionnel avec les leaders religieux au sujet des droits fondamentaux des femmes. Il faut ici procéder à une révision des dispositions contradictoires avec la Convention, a recommandé l’experte.
A aussi été constatée la persistance en Gambie d’attitudes patriarcales et de stéréotypes profondément ancrés concernant les rôles des femmes et des hommes.
D’autres préoccupations ont été exprimées par les expertes s’agissant, notamment, de la situation de femmes rurales ; du faible taux de scolarisation des filles – un problème largement imputable, selon une experte, au mariage précoce des filles ainsi qu’au harcèlement à l’école ; ou encore de la discrimination dont les femmes et filles handicapées souffrent toujours dans l’accès aux services publics.
Présentant le rapport de son pays, Mme Kinteh a notamment fait savoir que la création de son Ministère avait été suivie de la formulation et de l’application de la stratégie et de la politique nationales sur les mutilations génitales féminines 2021-2030, du plan d'action national sur la résolution 1325 des Nations Unies (sur la paix, les femmes et la sécurité) et de l’adoption de la loi sur le Fonds pour les entreprises féminines. Le Ministère a fait de l'élimination des mutilations génitales féminines l'un de ses domaines prioritaires, a insisté Mme Kinteh.
En ce qui concerne les lois discriminatoires à l'égard des femmes, le Ministère de la justice a mené, entre 2019 et 2021, un examen complet et une harmonisation de toutes les législations existantes, en se concentrant notamment sur les lois qui étaient attentatoires à la liberté d'expression et discriminatoires à l'égard des femmes et des enfants, a aussi fait savoir Mme Kinteh.
La Ministre a assuré que son propre Ministère était déterminé à remédier aux déséquilibres entre les sexes, à promouvoir l'égalité des sexes et à intégrer davantage les femmes, les enfants, les personnes handicapées, les personnes âgées et les personnes vulnérables dans le processus de développement de la Gambie.
M. Emmanuel Daniel Joof, Président de la Commission nationale des droits de l’homme de la Gambie, a ensuite relevé, entre autres choses, que les signalements de violence sexuelle et sexiste étaient encore peu nombreux. Il a par ailleurs recommandé que le viol conjugal soit interdit. M. Joof a également recommandé que l'État gambien mène une étude sur les bonnes pratiques d'autres pays à population musulmane qui disposent de lois sur le statut personnel non discriminatoires et conformes à la Convention.
Pendant la discussion avec le Comité, la délégation a notamment fait savoir que le document stratégique pour l’amélioration de la participation des femmes par une action affirmative serait appliqué aussi longtemps que la situation ne se sera pas améliorée dans ce domaine ; et que des mesures temporaires spéciales seraient introduites pour améliorer le taux de scolarisation des filles.
Outre Mme Kinteh et plusieurs de ses collaborateurs, la délégation gambienne était également composée, entre autres, de M. Muhammadou M. O. Kah, Représentant permanent de la Gambie auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de représentants du Bureau du Président de la République et des Ministères des affaires étrangères, de la santé, de la justice, de l’éducation primaire et secondaire, et des finances.
Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport de la Gambie et les rendra publiques à l’issue de sa session, le 28 octobre.
Demain matin, à partir de 10 heures, le Comité examinera le rapport de la Suisse.
Examen du rapport
Le Comité est saisi du sixième rapport périodique de la Gambie (CEDAW/C/GMB/6) ainsi que des réponses du pays à une liste de points à traiter qui lui avait été soumise par le Comité.
Présentation
Présentant le rapport de son pays, MME FATOU S. KINTEH, Ministre de l’égalité des genres, des enfants et de la protection sociale de la Gambie, a indiqué que le rapport avait été élaboré par un groupe de travail de travail composé de membres de la société civile, de fonctionnaires du Gouvernement et de représentants du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) en Gambie.
Mme Kinteh a ensuite fait savoir que la création de son Ministère en 2019 avait été suivie, notamment, de la formulation et de l’application de la stratégie et de la politique nationales sur les mutilations génitales féminines 2021-2030, du plan d'action national sur la résolution 1325 des Nations Unies (sur la paix, les femmes et la sécurité) et de l’adoption de la loi sur le Fonds pour les entreprises féminines. La politique de genre et d'autonomisation des femmes 2023-2033 et la politique nationale de l'enfance sont en cours de révision pour inclure un domaine thématique sur la violence sexuelle et sexiste, y compris les mutilations génitales féminines et le mariage des enfants, a-t-elle précisé.
Le Ministère a fait de l'élimination des mutilations génitales féminines l'un de ses domaines prioritaires, a insisté Mme Kinteh. En l'absence de dénonciation des cas de mutilations génitales féminines, l'application de la loi devient très difficile. Les rares cas signalés ne peuvent pas toujours être poursuivis en l'absence de preuves suffisantes : le Gouvernement cherche des moyens de supprimer ce goulot d'étranglement, a indiqué la Ministre.
En ce qui concerne les lois discriminatoires à l'égard des femmes, le Ministère de la justice a mené, entre 2019 et 2021, un examen complet et une harmonisation de toutes les législations existantes, en se concentrant notamment sur les lois qui étaient attentatoires à la liberté d'expression et discriminatoires à l'égard des femmes et des enfants.
Le Gouvernement a initié la création d'un laboratoire médico-légal national ainsi que de tribunaux spéciaux dans le traitement de la violence sexiste, a poursuivi Mme Kinteh. L'objectif est de traiter les affaires qui n'ont pas été traitées en raison des longues files d'attente devant les tribunaux. De même, les autorités sont en train de créer une base de données qui enregistrera des informations sur les principaux indicateurs de violence sexiste. Ce système sera relié à un refuge pour survivants de la violence qui leur garantira un accès complet à un soutien psychosocial et à des conseils.
Par ailleurs, a souligné la Ministre, la Commission vérité, réconciliation et réparations (TRRC), qui a été créée pour enquêter sur les violations des droits de l'homme commises au cours des 22 années de régime autoritaire [1994-2016], a lancé un processus de « justice transitionnelle et droits des femmes » qui se concentre sur les victimes de viol, d’abus sexuels et de toute forme de violence sexuelle et sexiste, a indiqué la Ministre.
Le Gouvernement est d’autre part conscient que l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes sont des facteurs essentiels à la réalisation d'un développement durable et progressif, a poursuivi Mme Kinteh, indiquant que son Ministère déploierait, ces prochaines années, des investissements stratégiques pour les services de protection et pour le changement social. Il renforcera aussi le Fonds pour les entreprises féminines afin que les femmes puissent devenir indépendantes financièrement et acquérir des compétences pour gagner leur vie, tandis que d’autres mesures de soutien viseront spécifiquement les femmes actives dans l’industrie de la pêche.
Pour résumer, Mme Kinteh a assuré que son Ministère était déterminé à remédier aux déséquilibres entre les sexes, à promouvoir l'égalité des sexes et à intégrer davantage les femmes, les enfants, les personnes handicapées, les personnes âgées et les personnes vulnérables dans le processus de développement de la Gambie.
M. EMMANUEL DANIEL JOOF, Président de la Commission nationale des droits de l’homme de la Gambie, a salué les progrès réalisés par l'État dans la lutte contre la traite de personnes, avec notamment l'organisation de programmes de renforcement des capacités en matière d’enquêtes et de poursuites pour les policiers, les procureurs et les juges. Cependant, la Commission reste préoccupée par l'insuffisance des mécanismes de mise en œuvre pour la prévention, la protection et la poursuite des cas de traite des personnes.
Par ailleurs, la Commission recommande que l'État assure des services de soins de santé ininterrompus aux femmes et aux filles pendant les périodes d'urgence publique. D’autre part, si la Commission reconnaît l'augmentation du nombre de femmes dans les secteurs de la magistrature, de l'application de la loi et de l'éducation, elle constate que seules cinq des 58 représentants à l'Assemblée nationale sont des femmes.
Les signalements de violence sexuelle et sexiste sont encore peu nombreux en raison de la stigmatisation, de la peur des représailles et de la revictimisation, a poursuivi M. Joof. Il a ajouté que l'efficacité des unités chargées de la protection de l'enfance et de l'égalité des sexes et des centres à guichet unique était compromise par des ressources financières, humaines et matérielles limitées. Il a en outre recommandé que le viol conjugal soit interdit.
Concernant le cadre constitutionnel et législatif, la Commission recommande que l'État gambien mène une étude sur les bonnes pratiques d'autres pays à population musulmane qui disposent de lois non discriminatoires sur le statut personnel conformes à la Convention. Enfin, la Commission recommande à l'État de financer suffisamment le système national d’assistance juridictionnelle, a ajouté M. Joof.
Questions et observations des membres du Comité
MME HIROKO AKIZUKI, rapporteuse du Comité pour l’examen du rapport de la Gambie, a déclaré que le Comité se félicitait des progrès considérables réalisés par le pays depuis le précédent dialogue avec le Comité, en 2015, dans la création d’un cadre juridique, administratif et institutionnel. Cependant, demeurent encore des lacunes et des difficultés, et la Gambie devrait faire davantage pour s’acquitter de ses obligations en tant qu'État partie à la Convention, a estimé Mme Akizuki.
Une autre experte du Comité a constaté qu’après vingt-deux années de dictature, la Gambie passait d’un système de non-droit marqué par des violences massives à une transition démocratique remarquable. L’experte a cité à cet égard plusieurs initiatives qu’elle a jugées très positives, notamment l’interdiction des mutilations génitales féminines et du mariage des enfants en 2015 et la création en 2018 d’un réseau interministériel contre les violences, ainsi que d’autres réformes en cours.
Cependant, le cadre législatif n’est pas encore assez robuste pour assurer la protection effective des droits des femmes et leur leadership dans la vie réelle et dans la sphère publique autant que privée, a poursuivi cette experte. L’application des lois se heurte à des difficultés structurelles sur le territoire, tandis que se pose la question de l’extraterritorialité pour les mutilations génitales féminines, qui sont souvent pratiquées hors du pays, a-t-elle fait observer. Il faut aussi regretter que l’adoption du projet de nouvelle Constitution, qui porte de réelles avancées, ait été reportée, a-t-elle ajouté. Elle a en outre voulu savoir si la Gambie entendait ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention (qui instaure une procédure de plaintes individuelles devant le Comité). Le droit doit être réellement appliqué, a insisté l’experte, avant de recommander au pays de lutter contre l’ensemble des discriminations qui touchent les communautés vulnérables.
La décision de créer la Commission vérité, réconciliation et réparations en 2018 a été refondatrice, a d’autre part souligné l’experte, rappelant que cette Commission avait entendu plusieurs milliers de témoignages et rendu son rapport en 2021. L’experte a demandé quand serait appliqué le plan de justice et de poursuites effectives des auteurs de violations des droits humains [perpétrées sous l’ancien président Yahya Jammeh] L’experte a par ailleurs insisté sur l’importance de garantir l’indépendance de l’institution nationale de droits de l’homme, laquelle a obtenu en trois ans le « statut A » de pleine conformité aux Principes de Paris – ce qui est remarquable, a souligné l’experte.
Relevant que les sources du droit gambien sont multiples – droit positif, charia et droit coutumier –, la même experte a rappelé que la Convention établit un socle universel de valeurs applicables dans tous les pays, comme en témoigne l’exemple de nombreux pays musulmans en Afrique. Dans ces conditions, l’experte a voulu savoir si le Gouvernement gambien menait un dialogue institutionnel avec les leaders religieux au sujet des droits fondamentaux des femmes ; il faut ici procéder à une révision des dispositions contradictoires avec la Convention, a insisté l’experte.
L’experte a ensuite voulu savoir si le processus de révision de la Constitution tenait compte des discriminations directes et indirectes. Si le principe d’égalité figure dans la loi, les discriminations existent toujours et frappent singulièrement les minorités mais aussi les personnes LGBT, qui font toujours l’objet d’une discrimination et de poursuites judiciaires, malgré la volonté politique exprimée, a fait observer l’experte.
S’agissant de l’accès à la justice, l’experte a relevé que la réforme du Code pénal et du Code de procédure pénale révisés en 2020 était en cours. L’application du droit en Gambie se trouve compliquée par les questions qui se posent en ce qui concerne la charge de la preuve, l’aide juridique, la spécialisation des avocats, la formation des juges, ou encore l’insuffisante définition des incriminations, notamment pour ce qui est du viol. L’experte a demandé si les tribunaux comporteront des sections spécialisées sur les droits des femmes.
Une autre experte a demandé si le Ministère de la femme disposait d’un budget suffisant pour remplir sa mission et a souhaité savoir dans quelle mesure la politique nationale de genre et d'autonomisation des femmes était alignée sur les objectifs de développement durable et la Convention. La même experte a relevé que, selon le rapport, depuis 2017, aucun cas de harcèlement ni d'intimidation de femmes défenseuses des droits humains n'a été signalé en Gambie.
Une experte a regretté que le rapport ne donne pas d’exemple de mesures temporaires spéciales prises pour améliorer la représentation des femmes, notamment pour porter à au moins 30% la part des femmes dans les instances élues aux niveaux national et local.
Une autre experte a tenu à saluer les efforts du Gouvernement dans la lutte contre la violence sexuelle et sexiste, avec la création, en 2018, d’une unité dédiée au sein du Ministère de la justice et le projet de loi de 2020 sur la violence domestique. Cependant, des sources alternatives ont fait part de leurs préoccupations concernant l'application inefficace des lois de 2013 sur la violence domestique et sur les infractions sexuelles et concernant également le manque de refuges pour femmes victimes de violence et l’absence de lieux où ces victimes puissent déposer plainte en toute sécurité.
La même experte a relevé que persistaient en Gambie des attitudes patriarcales et des stéréotypes profondément ancrés concernant les rôles des femmes et des hommes. De nombreux mythes et idées fausses sur la violence sexuelle et sexiste sont véhiculés non seulement par le grand public, mais aussi par les policiers chargés de traiter cette violence, a fait remarquer l’experte.
La délégation a ensuite été priée de dire quelles mesures seraient prises pour améliorer la part insuffisante des femmes dans les instances élues, la sphère politique et l’administration gambiennes.
Une experte s’est dite alarmée par le faible taux de scolarisation en Gambie, un problème qui touche beaucoup plus les filles que les garçons et qui – a-t-elle ajouté – est largement imputable au mariage précoce des filles ainsi qu’au harcèlement à l’école. Pour ce qui est au moins de la scolarité obligatoire, il ne devrait y avoir absolument aucune discrimination au détriment des filles, a insisté l’experte. Au Maroc, a-t-elle fait remarquer, un pays qui applique lui aussi la charia, le taux de scolarisation des filles atteint 97%.
D’autres questions ont porté sur les mesures prises par l'État gambien pour lutter contre le harcèlement sexuel sur le lieu de travail – la question se posant notamment de savoir qui doit assumer la charge de la preuve – ou encore sur les initiatives menées pour encourager la participation économique des femmes et l'égalité en matière d'emploi.
Des questions ont porté sur l’accès des femmes rurales aux services de santé périnatale et aux moyens de contraception modernes. Il a été demandé si l’État pourrait utiliser le personnel de santé pour repérer les filles victimes de mutilations génitales et les prendre en charge. Une experte a voulu savoir dans quelle mesure les femmes toxicomanes et les femmes handicapées avaient accès aux services de santé.
Il a été demandé comment le plan national de développement pourrait lever les obstacles structurels qui freinent toujours l’autonomisation économique et financière des femmes, s’agissant notamment de l’accès au crédit et au foncier ; et si toutes les femmes accédaient, dans des conditions d'égalité, aux prestations sociales et aux pensions de retraite.
Les femmes sont majoritaires dans le secteur agricole mais sont exclues de la propriété foncière ainsi que des cultures les plus rentables, lesquelles sont exploitées par les hommes, a fait remarquer une experte. Les femmes rurales doivent aussi assumer les tâches ménagères, y compris la corvée de l’eau et du bois, a-t-elle observé.
Le critère d’appartenance à une caste n’est pas explicitement cité par la loi comme un motif de discrimination, a-t-il été constaté. Quant aux femmes et filles handicapées, elles souffrent toujours de discrimination dans l’accès aux services publics, a fait remarquer une experte.
Enfin, une experte a demandé si le Gouvernement prendrait des mesures pour harmoniser la loi avec la Convention et d’autres instruments internationaux contraignants, en vue de garantir aux femmes les mêmes droits que les hommes en matière de mariage, de divorce et d’héritage, notamment, en tenant compte de l’expérience de pays ayant un contexte socioculturel et religieux et un système juridique similaires. Elle a aussi voulu savoir si la Gambie envisageait d’interdire la polygamie dans la loi et si les femmes avaient les mêmes droits que les hommes en matière de garde d’enfants au moment du divorce.
Réponses de la délégation
S’agissant du cadre institutionnel, la Gambie a créé en 2019 le Ministère de la femme, avec pour mission, notamment, d’appliquer la Convention à l’ensemble du territoire, a souligné la délégation. Par ailleurs, a-t-elle ajouté, une commission est chargée de l’application des observations finales du Comité. Les organisations non gouvernementales (ONG) complètent l’action du Gouvernement ; elles sont bien représentées, par exemple, dans les comités chargés de la lutte contre la violence sexuelle et contre les mutilations génitales féminines, a précisé la délégation.
Créé très récemment, le Ministère de l’égalité des genres, de l’enfance et de la protection sociale a besoin d’un budget plus important pour, notamment, dispenser les formations qu’il prévoit d’organiser et recruter davantage de personnel afin de s’acquitter de son mandat. Le Ministère compte sur les financements publics mais aussi sur des financements de bailleurs de fonds, a fait savoir la délégation.
Le Ministère est en train d’élaborer une nouvelle politique sur le genre, alignée sur les objectifs de développement durable et visant l’autonomisation économique et sociale des femmes. Cette politique, qui tient compte de domaines négligés par la politique précédente, comporte des objectifs assortis de délais ainsi que des indicateurs qui permettront d’en évaluer l’efficacité ; elle traitera, entre autres, des mutilations génitales féminines et des effets des changements climatiques sur les femmes, a précisé la délégation.
Le Gouvernement veille aussi à ce que le secteur privé tienne compte des aspects de genre, a ajouté la délégation, après avoir décrit la coordination des différentes institutions publiques dans ce domaine.
La Commission vérité, réconciliation et réparations enquête sur les abus commis pendant le régime autoritaire qui a duré plus de vingt ans. Elle met aussi l’accent sur les différentes formes de violence sexuelle et sexiste, a d’autre part rappelé la délégation. Le Ministère de la justice a créé une division, dirigée par un procureur spécial, pour enquêter sur les cas mis au jour par cette Commission et lancer, le cas échéant, des poursuites, a par la suite indiqué la délégation.
Quant à la Commission nationale des droits de l’homme, elle joue un rôle très important dans la prévention des violences et harcèlement sexistes, y compris sur le lieu de travail, a souligné la délégation. Les femmes connaissent l’existence de cette Commission et le Gouvernement travaille étroitement avec les médias pour faire connaître son action en matière de droits de femmes, a-t-elle assuré.
Le Gouvernement gambien a réaffirmé son engagement à protéger les journalistes et les défenseurs des droits de l’homme, a d’autre part fait savoir la délégation.
Le droit coutumier s’applique à certaines communautés ; la charia régit le mariage, le divorce et l’héritage chez les musulmans, a par ailleurs rappelé la délégation. Une dizaine de lois sont en cours d’examen en vue d’en supprimer les dispositions discriminatoires envers les femmes et les enfants, entre autres, a-t-elle indiqué.
Une réforme de la Constitution est en cours ; l’Assemblée générale examinera un projet de loi à ce sujet en 2023, a poursuivi la délégation, précisant que les avis des femmes consultées pendant le processus ont été intégrés au projet.
Le système de caste disparaît progressivement, a ensuite indiqué la délégation.
La loi et la Constitution protègent les droits de tous en Gambie, y compris ceux des personnes LGBT, a ajouté la délégation.
Le document stratégique pour l’amélioration de la participation des femmes par une action affirmative sera appliqué aussi longtemps que la situation ne se sera pas améliorée, a d’autre part fait valoir la délégation. Des mesures temporaires spéciales seront introduites progressivement pour améliorer le taux de scolarisation des filles, a-t-elle indiqué.
Les femmes ont droit à une aide juridictionnelle pour défendre leurs droits. Le Gouvernement est en train de créer des tribunaux spécialisés chargés de juger les affaires de violence sexiste et de violence sexuelle ; des laboratoires de médecine légale seront créés parallèlement.
La délégation a fourni d’autres renseignements sur les aides apportées par les autorités aux femmes, aux enfants et aux familles frappées par la COVID-19. On a enregistré une augmentation des violences intrafamiliales, des mutilations génitales féminines et des mariages d’enfants pendant cette pandémie : le Gouvernement a adopté des mesures pour remédier à ces trois phénomènes, a-t-il été indiqué.
Nombre de cas de violence sexuelle et sexiste ne sont pas dénoncés, les plaignants se méfiant de la police et craignant que leur plainte ne soit classée, a expliqué la délégation. Les policiers, procureurs et juges sont donc formés à la manière de traiter les cas de violence sexuelle et sexiste. La police mène un travail de sensibilisation auprès des communautés pour informer les populations de leurs droits et des recours disponibles.
Neuf refuges pour femmes et enfants victimes de violence sont opérationnels et une ligne d’appel d’urgence est gérée avec une ONG, a indiqué la délégation.
Le Gouvernement a pris note des lacunes de la loi sur les infractions sexuelles de 2013 ; un projet d’amendement destiné, notamment, à aggraver la qualification du viol a été élaboré et sera soumis au Parlement, a indiqué la délégation. Le Gouvernement mettra tout en œuvre pour poursuivre les auteurs de harcèlement sexuel au travail, a-t-elle par ailleurs assuré.
La loi sur les mutilations génitales féminines s’applique sur l’ensemble du territoire et tout le monde sait que cette pratique est punissable, a poursuivi la délégation. Ici encore, le problème réside dans le fait que nombre de cas ne sont pas poursuivis faute de plainte, a-t-elle expliqué. Le Gouvernement continue donc ses efforts de sensibilisation pour encourager les gens à porter plainte, en expliquant que cette démarche peut se faire de manière anonyme. La tendance aux mutilations génitales féminines est à la baisse, même si la prévalence reste élevée, a ajouté la délégation.
Le Gouvernement s’efforce en même temps de combattre les mariages forcés et précoces.
La délégation a estimé que le moment n’était pas encore venu pour la Gambie de songer à abolir la polygamie, une démarche qui – a-t-elle souligné – demandera un long travail de sensibilisation. Cela dit, certains couples choisissent d’ores et déjà de se marier sous le régime de la monogamie, a-t-elle fait valoir. La Gambie est prête à apprendre de l’expérience d’autres pays à cet égard, a ajouté la délégation, avant de rappeler que l’âge du mariage est fixé à 18 ans pour les filles et les garçons.
S’agissant de la garde des enfants, elle est régie par l’intérêt supérieur de l’enfant au moment du divorce, a indiqué la délégation, précisant que les tribunaux tranchent le plus souvent en faveur de la mère.
Le Gouvernement évaluera avec la société civile l’efficacité de toutes ses campagnes de sensibilisation, a indiqué la délégation.
Le Gouvernement met en avant la bonne participation des femmes dans les gouvernements locaux pour encourager davantage de femmes à se porter candidates aux fonctions élues, a poursuivi la délégation. L’État envisage de modifier la loi pour améliorer la participation des femmes aux processus de décision et réalisera un sondage pour tenter de comprendre pourquoi les femmes préfèrent toujours voter pour des hommes, a-t-elle indiqué. En l’état, la proportion des femmes à tous les niveaux de responsabilité est insuffisante, a admis la délégation.
L’éducation des filles est la solution à de nombreux problèmes, a ensuite souligné la délégation, qui a fait part des efforts de son Gouvernement pour améliorer leur participation dans le système primaire et secondaire, notamment grâce à l’octroi de bourses : cette mesure a rencontré un grand succès. Les autorités ont aussi pris des mesures contre le harcèlement des filles à l’école, pour la réintégration des jeunes filles mères et pour encourager les filles à entrer dans les filières scientifiques, a ajouté la délégation.
En ce qui concerne l’autonomisation économique, la délégation a mentionné l’accent mis par le Gouvernement sur le soutien à la création d’entreprises par les femmes.
S’agissant des questions de santé, la délégation a assuré que les femmes handicapées avaient accès à des services de qualité et gratuits sur l’ensemble du territoire. Elle a précisé d’autre part que des cours d’éducation sexuelle complète étaient dispensés aux différents niveaux d’enseignement. Les contraceptifs sont accessibles à toutes les femmes. Quant à l’avortement, il est autorisé seulement si la santé ou la vie de la mère est en danger, a en outre souligné la délégation.
Le programme de protection sociale ne comporte pas de volet consacré aux pensions de retraite, a précisé la délégation. Le Gouvernement s’inspire actuellement des bonnes pratiques d’autres pays pour améliorer cet aspect.
La délégation a ensuite mentionné plusieurs initiatives du Ministère de l’égalité des genres pour favoriser l’ accès des femmes à la propriété foncière et les aider à créer leurs petites entreprises.
Remarques de conclusion
MME KINTEH a insisté sur l’environnement propice aux droits des femmes et des enfants instauré en Gambie par le Président Barrow.
M. MUHAMMADOU M.O. KAH, Représentant permanent de la Gambie auprès des Nations Unies à Genève, a félicité la Ministre de son engagement pour la cause des femmes en Gambie. Le Gouvernement prendra bonne note de toutes les recommandations du Comité, a ajouté le Représentant permanent. Il a insisté sur le fait que « la Gambie d’aujourd’hui n’est pas la Gambie d’hier » et que le pays ne ménagerait aucun effort aussi longtemps que l’autonomisation des femmes ne serait pas réalisée.
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CEDAW22.035E