Fil d'Ariane
Tout en notant des changements positifs dans le pays, les experts du Comité des droits de l’homme font part de préoccupations au sujet de la discrimination ethnique, de la torture, des garanties judiciaires et des conditions carcérales au Kirghizistan
Le Comité des droits de l'homme a conclu, ce matin, l’examen du rapport soumis par le Kirghizistan au titre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
À l’ouverture, hier après-midi, du dialogue noué avec la délégation kirghize autour de l’examen de ce rapport, un membre du Comité a noté des changements positifs dans la Constitution de 2021, notamment l’octroi d’une place prépondérante aux droits de l’homme et aux libertés dans le cadre général et le rétablissement de la Cour constitutionnelle. Il a en outre été relevé que le Kirghizistan a fait des progrès significatifs dans la lutte contre l’apatridie.
Il a toutefois été relevé que le pays ne dispose toujours pas d’une loi antidiscrimination complète ni d’aucune loi incriminant les discours ou les crimes haineux en tant que tels. Or, la discrimination ethnique semble encore très présente au Kirghizistan, avec notamment la stigmatisation des Ouzbèks, des Turcs, des Ouïghours et des Mugats, et très peu voire aucune plainte n’a été déposée, notamment auprès de l’agence nationale chargée des collectivités territoriales et des relations interethniques, a fait observer une experte.
Par ailleurs, le recours à la torture et aux mauvais traitements reste très présent, ainsi d’ailleurs que l’utilisation d’aveux extorqués par la torture lors de procès, a-t-il été affirmé. Selon certaines informations reçues par le Comité, les garanties judiciaires restent très théoriques car il n’y a pas assez d’avocats et, souvent, l’accès à l’avocat n’intervient en pratique qu’au moment du procès mais pas avant, a fait observer une experte. En outre, les examens médicaux pratiqués sont très superficiels, a-t-elle ajouté. Surtout, l’arrestation, l’interrogatoire et la détention d’enfants en infraction avec la loi se font sans la présence des parents ou d’une personne ayant autorité, s’est-elle inquiétée. L’experte a ajouté que les informations reçues sur les délais de garde à vue sont très problématiques, car ce délai peut être de 48 heures, mais renouvelable, sans que les personnes n’aient de possibilité concrète et effective de faire contrôler la légalité de leur arrestation et de leur détention. Enfin, l’experte s’est inquiétée d’une réforme qui a permis de réintroduire la notion d’arrestation administrative, en vertu de laquelle une privation « administrative » de liberté peut aller jusqu’à 5 jours, sans aucune garantie judiciaire.
D’autre part, a-t-il été souligné, le surpeuplement dans les prisons kirghizes reste un problème crucial, de même que les conditions de détention, notamment pour les personnes condamnées à la réclusion à perpétuité, sans parler du taux de décès par suicide, qui reste alarmant. La situation des hôpitaux psychiatriques est également très problématique et cela n’a fait que s’aggraver durant la pandémie de COVID-19, a-t-il été affirmé.
En outre, malgré les lois visant à lutter contre la corruption, celle-ci augmente fortement dans le pays, comme en témoigne l’indice de perception de la corruption de Transparency International, qui a classé le Kirghizistan au 144ème rang sur 180 États en 2021, soit une baisse de 20 places par rapport à 2020.
Des inquiétudes ont également été exprimées s’agissant des conséquences d’une adoption du projet de loi en cours d’examen au Parlement sur les «agents étrangers», qui stigmatiserait les organisations à but non lucratif en tant qu'«agents étrangers» si elles reçoivent des fonds étrangers et accorderait aux autorités de larges pouvoirs pour s’ingérer dans les affaires intérieures de ces organisations.
Les membres du Comité ont par ailleurs fait part de leurs interrogations au sujet du sort des 450 ressortissants kirghizes, principalement des femmes et des enfants, qui attendent toujours leur rapatriement d’Iraq et de Syrie, ainsi que du Centre national pour la prévention de la torture – dont la fusion avec l’institution du Médiateur est envisagée.
Présentant le rapport de son pays, M. Edil Baisalov, Vice-Président du Cabinet des ministres du Kirghizistan et Président du Conseil de coordination pour les droits de l’homme du Cabinet des ministres, a affirmé que depuis son indépendance en 1991, le Kirghizistan est devenu la démocratie la plus dynamique d’Asie centrale avec une presse libre et une société civile dynamique et active. Depuis qu’il a été élu à la présidence lors d’élections libres et équitables en janvier 2021, le Président Japarov a mené des réformes visant précisément à améliorer et à renforcer la démocratie au Kirghizistan et à garantir les droits et libertés des citoyens. Ainsi, en avril 2021, a été adoptée la nouvelle Constitution qui garantit que le Parlement est désormais composé de représentants nationaux directement élus. Ce Parlement, en collaboration avec les médias libres et actifs et la société civile la plus développée assure la responsabilité et la transparence de toute action gouvernementale et du processus inclusif de prise de décision, a déclaré M. Japarov.
Les obligations internationales assumées par le Kirghizistan, y compris la mise en œuvre des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, sont des lignes directrices inébranlables sur la voie du développement démocratique du pays, a assuré le chef de la délégation.
La délégation kirghize était également composée, entre autres, de M. Tynybek Bekeshov, juge à la Cour suprême ; M. Baktiyar Orozov, Ministre adjoint de la justice ; M. Erkebek Ashirkhodzhaev, Ministre adjoint des affaires internes ; Mme Zhyldyz Polotova, Ministre adjointe du travail, de la sécurité sociale et des migrations ; et M. Omar Sultanov, Représentant permanent du Kirghizistan auprès des Nations Unies à Genève. Elle comprenait également des représentants du Bureau du Procureur général et du Comité d’État pour la sécurité nationale, ainsi que des Ministères de la justice et des affaires étrangères.
Le Comité adoptera ultérieurement, dans le cadre de séances privées, ses observations finales sur le rapport du Kirghizistan et les rendra publiques à l'issue de sa session, qui se termine le 4 novembre prochain.
Demain, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport du Japon.
Examen du rapport
Le Comité est saisi du rapport du Kirghizistan, ainsi que des réponses apportées par le pays à une liste de points à traiter que lui avait adressée le Comité.
Présentation du rapport
M. EDIL BAISALOV, Vice-Président du Cabinet des ministres du Kirghizistan et Président du Conseil de coordination pour les droits de l’homme du Cabinet des ministres, a affirmé que depuis son indépendance en 1991, le Kirghizistan est devenu la démocratie la plus dynamique d’Asie centrale avec une presse libre et une société civile dynamique et active.
M. Baisalov a rappelé que l’actuel Président de la République kirghize, M. Sadyr Japarov, avait été emprisonné sous des accusations forgées de toutes pièces et condamné à 11 ans de prison. Après avoir purgé près de quatre ans de sa peine de prison, M. Japarov a été libéré il y a deux ans sous la pression de gigantesques manifestations publiques, a-t-il ajouté. Depuis qu’il a été élu à la présidence lors d’élections libres et équitables en janvier 2021, le Président Japarov a mené des réformes visant précisément à améliorer et à renforcer la démocratie au Kirghizistan et à garantir les droits et libertés des citoyens, a poursuivi le Vice-Président du Cabinet des ministres. Ainsi, en avril 2021, après toutes les discussions politiques nationales et inclusives, a été adoptée la nouvelle Constitution qui garantit que le Parlement est désormais composé de représentants nationaux directement élus. Ce Parlement, en collaboration avec les médias libres et actifs et la société civile la plus développée assure la responsabilité et la transparence de toute action gouvernementale et du processus inclusif de prise de décision, a déclaré M. Japarov.
Les obligations internationales assumées par le Kirghizistan, y compris la mise en œuvre des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, sont des lignes directrices inébranlables sur la voie du développement démocratique du pays, a assuré le chef de la délégation. Au nom de cette nouvelle direction démocratique, M. Japarov a solennellement assuré de l’adhésion du Kirghizistan aux normes les plus élevées des traités de l’ONU sur les droits civils et politiques et de leurs protocoles additionnels.
Questions et observations des membres du Comité
Un expert a noté deux changements positifs dans la Constitution de 2021, à savoir l’octroi d’une place prépondérante aux droits de l’homme et aux libertés dans le cadre général et le rétablissement de la Cour constitutionnelle.
L’expert a en outre relevé que le Kirghizistan a fait des progrès significatifs dans la lutte contre l’apatridie. Ainsi, en juillet 2019, est-il devenu le premier pays de l’histoire à résoudre tous les cas connus d’apatridie sur son territoire (de l’avis même du Haut-Commissariat pour les réfugiés - HCR). Cependant, le Comité est préoccupé par le fait que les amendements apportés au corpus législatif du pays concernant la privation de citoyenneté sous plusieurs motifs ne sont pas conformes aux obligations découlant du Pacte et aux normes internationales en matière de droits de l’homme, a souligné l’expert.
Ce même membre du Comité a ensuite souhaité obtenir une mise à jour concernant l’application de la législation antiterroriste dans la pratique, y compris des statistiques pertinentes ventilées par sexe, origine ethnique, handicap et âge s’agissant des poursuites et condamnations pour des infractions de terrorisme ou d’extrémisme.
Cet expert a par ailleurs relevé qu’il y a 450 ressortissants kirghizes, principalement des femmes et des enfants, qui attendent toujours leur rapatriement d’Iraq et de Syrie. Aussi, a-t-il souhaité en savoir davantage sur le nombre de ressortissants qui ont été rapatriés jusqu’ici et sur les mesures prises pour rapatrier les citoyens kirghizes détenus en Iraq et en Syrie en raison de leurs liens présumées avec des combattants étrangers de l’État islamique.
Une experte a fait observer qu’en mars 2021, un avis conjoint du Conseil de l’Europe et de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe avait relevé plusieurs éléments qui n’étaient pas clairs s’agissant de l’institution du Médiateur au Kirghizistan, à savoir ses compétences globales, son mandat et la disposition relative à sa révocation. Aussi, l’experte a-t-elle souhaité en savoir davantage sur le nouveau projet de loi régissant le Médiateur et sa conformité aux Principes de Paris et s’est enquise des raisons du retard pris dans son adoption.
L’experte a par ailleurs relevé qu’en avril 2020, le Président avait déclaré une situation d’urgence dans plusieurs provinces kirghizes en réponse à la pandémie de COVID-19. Or, a-t-elle fait observer, les ordres dans la province d’Och n’étaient disponibles que dans une seule langue, qui était le kirghize. Par conséquent, les personnes appartenant à des minorités linguistiques étaient incapables de comprendre les règles et ont été condamnées à des amendes disproportionnées et arrêtées pour avoir enfreint des règles qu’elles ne pouvaient pas comprendre, a déploré l’experte.
Cette même experte a en outre relevé que la situation d’urgence permet au Gouvernement d’adopter des lois de manière accélérée et de contourner la procédure parlementaire. Ainsi, a-t-elle souligné, une cinquantaine de lois ont été adoptées selon la procédure accélérée, notamment la loi sur les fausses informations autorisant la censure sur Internet sans décision judiciaire.
S’agissant des garanties contre le refoulement d’une personne vers un pays où elle encourt un risque réel de grave violation des droits de l’homme, l’experte a relevé que le Code de procédure pénale de 2017 contient des dispositions permettant de refuser les demandes d’extradition lorsqu’il existe des « motifs de croire que la torture peut se produire », mais elle a regretté que la notion de « motifs de croire » ne soit pas définie. Elle a ainsi souligné que le Comité a reçu des informations selon lesquelles des personnes ont été extradées malgré le risque de torture encouru.
Un autre expert, a par ailleurs relevé que l’État partie ne dispose toujours pas d’une loi antidiscrimination complète, dont l’adoption a été recommandée dans les observations finales précédentes. De plus, il n’existe aucune loi qui incrimine les discours ou les crimes haineux en tant que tels, a ajouté cet expert. Il a d’autre part souhaité savoir si le plan relatif aux droits de l’homme avait été officiellement adopté. Si le Kirghizistan a pris une série de mesures législatives pour créer les conditions d’une représentation égale des femmes au Parlement national, il n’en demeure pas moins que la proportion totale de femmes membres du Parlement est toujours de 21%, a-t-il relevé.
Un autre expert a souhaité connaitre les activités menées par le mécanisme national d’orientation des victimes de traite depuis sa création en 2019. Il a par ailleurs demandé à la délégation d’indiquer le nombre d’enquêtes ouvertes suite aux inspections menées dans le cadre de la lutte contre le travail des enfants. Il a aussi souhaité en savoir davantage sur les poursuites engagées contre les auteurs de violence et d’exploitation sexuelle visant des enfants. L’expert s’est également enquis des mesures prises pour protéger les femmes contre les violences domestiques et venir en aide aux victimes.
Une experte a rappelé que la question des violences interethniques de 2010 et plus généralement celle des tensions ethniques ont déjà fait l’objet de commentaires de la part du Comité. À ce sujet, des enquêtes auraient été menées, mais sans aucun respect des garanties judiciaires et, plus grave encore, ces enquêtes auraient été entachées par l’usage de la torture – notamment à l’encontre des membres de la minorité ouzbèke, auxquels des aveux forcés auraient été extorqués. Il semble qu’il n’y ait toujours aucun jugement prononcé contre les personnes à l’origine de ces violences ethniques ni aucune réparation en faveur des victimes – là encore le plus souvent d’origine ouzbèke, a regretté l’experte.
De manière plus générale, cette experte a fait observer que la discrimination ethnique semble encore très présente au Kirghizistan, avec notamment la stigmatisation des Ouzbèks, des Turcs, des Ouïghours et des Mugats, et que très peu voire aucune plainte n’a été déposée, notamment auprès de l’agence nationale chargée des collectivités territoriales et des relations interethniques.
L’experte s’est en outre enquis des mesures prises pour lutter contre la torture et a demandé pour quelles raisons le Centre national de prévention de la torture a été dissout alors que le recours à la torture et aux mauvais traitements reste très présent, ainsi d’ailleurs que l’utilisation d’aveux extorqués par la torture lors de procès. L’experte a ajouté que le Comité avait reçu des informations sur l’usage de la torture et autres traitements cruels, inhumains et dégradants dans des centres pour mineurs, réunissant du personnel militaire ou bien encore dans les établissements psychiatriques.
Une experte a relevé que selon certaines informations reçues par le Comité, les garanties judiciaires restent très théoriques car il n’y a pas assez d’avocats et, souvent, l’accès à l’avocat n’intervient en pratique qu’au moment du procès mais pas avant. En outre, les examens médicaux pratiqués sont très superficiels, a-t-elle ajouté. Surtout, l’arrestation, l’interrogatoire et la détention d’enfants en infraction avec la loi se font sans la présence des parents ou d’une personne ayant autorité, s’est-elle inquiétée. L’experte a ajouté que les informations reçues sur les délais de garde à vue sont très problématiques, car ce délai peut être de 48 heures, mais renouvelable, et les personnes n’ont pas de possibilité concrète et effective de faire contrôler la légalité de leur arrestation et de leur détention. Enfin, l’experte s’est inquiétée d’une réforme qui a permis de réintroduire la notion d’arrestation administrative, en vertu de laquelle une privation « administrative » de liberté peut aller jusqu’à 5 jours, sans aucune garantie judiciaire.
L’experte a poursuivi en soulignant que le surpeuplement dans les prisons kirghizes reste un problème crucial, de même que les conditions de détention, notamment pour les personnes condamnées à la réclusion à perpétuité, sans parler du taux de décès par suicide, qui reste alarmant. Concernant la détention des femmes et des enfants, l’experte a rappelé que le Comité contre la torture avait évoqué des « conditions épouvantables ». La situation des hôpitaux psychiatriques est également très problématique et cela n’a fait que s’aggraver durant la pandémie de COVID-19, a ajouté l’experte.
Concernant le décès de deux civils au cours d’une opération de police en 2015, cette même experte a insisté sur l’importance d’avoir des règles respectueuses des Principes de base de l’ONU sur le recours à la force et l’usage des armes à feu par les forces de police.
Une experte s’est enquise des mesures prises afin de garantir que le pouvoir judiciaire reste à l’abri des pressions politiques, y compris dans les affaires politiques très médiatisées. Cette experte s’est inquiétée des amendements constitutionnels de 2021 qui ont accordé au Président de la République le pouvoir de nommer des membres du pouvoir judiciaire, ce qui lui a donné un contrôle plus direct sur le pouvoir judiciaire qu’auparavant. Selon certains rapports, notamment celui de la Commission de Venise, le pouvoir présidentiel érode l’indépendance judiciaire au Kirghizistan, a insisté l’experte. Le pouvoir présidentiel peut être constaté dans la nomination du Président de la Cour suprême, M. Zamirbek Bazarbekov, qui fut l’avocat du Président Japarov.
L’experte a poursuivi en relevant qu’en 2019, une enquête a révélé qu’une majorité d’avocats kirghizes ne se sentaient pas en sécurité et trouvaient les garanties institutionnelles insuffisantes. Le Conseil des barreaux européens s’est également déclaré préoccupé par le traitement des avocats au Kirghizistan.
En outre, a souligné l’experte, malgré les lois visant à lutter contre la corruption, celle-ci augmente fortement dans le pays, selon plusieurs rapports. En 2021, l’indice de perception de la corruption de Transparency International a classé le Kirghizistan au 144ème rang sur 180 États, soit une baisse de 20 places par rapport à 2020.
Un autre expert s’est inquiété de la pratique des tribunaux d’anciens (aksakals) du fait que ses membres n’ont pas de connaissances juridiques, y compris sur la protection des droits de l’homme, et statuent sur des affaires sur la base de normes culturelles et morales traditionnelles, ce qui peut parfois entraver l’amélioration de la situation des personnes vulnérables, y compris les femmes et les enfants.
Cet expert s’est aussi inquiété des conséquences d’une adoption du projet de loi en cours d’examen au Parlement sur les «agents étrangers», qui stigmatiserait les organisations à but non lucratif en tant qu'«agents étrangers» si elles reçoivent des fonds étrangers et accorderait aux autorités de larges pouvoirs pour s’ingérer dans les affaires intérieures de ces organisations.
L’expert s’est en outre enquis des mesures prises pour promouvoir la participation des minorités ethniques à la vie politique. Il s’est aussi enquis des progrès accomplis dans l’augmentation de leur représentation dans les organes politiques et les postes de décision, y compris pour ce qui est du respect des quotas de minorités lors des prochaines élections législatives et locales, en particulier pour la minorité ouzbèke. Il s’est en outre inquiété que le nombre d’écoles ouzbèkes ait presque été réduit de moitié au cours des dernières années.
Enfin, un expert s’est inquiété d’informations selon lesquelles des journalistes, des défenseurs des droits de l’homme, des avocats et des personnalités politiques ont été victimes d’actes d’intimidation, de harcèlement et de persécution ainsi que d’agressions.
Réponses de la délégation
Après avoir rappelé qu’au Kirghizistan, une nouvelle Constitution avait été adoptée par référendum en avril 2021, après d’incessants débats sur le type de régime que devait adopter le pays [régime parlementaire ou régime présidentiel], la délégation kirghize a souligné que les dispositions sur l’ apatridie qu’ont mentionnées certains experts faisaient partie de l’ancienne Constitution. La nouvelle Constitution supprime la clause qui prévoit l’exclusion de citoyens du pays. Aujourd’hui, la citoyenneté est garantie par la Constitution, a insisté la délégation.
S’agissant du rapatriement de citoyens kirghizes de Syrie et d’Iraq, la délégation a indiqué que le Kirghizistan a déjà rapatrié des enfants et que le processus [de rapatriement] est toujours en cours. L’intention du Kirghizistan est de réagir aux besoins humanitaires de sa population, notamment pour ce qui est des enfants qui se trouvent à l’étranger, a expliqué la délégation, avant d’ajouter qu’elle communiquerait davantage sur ce sujet une fois les opérations [de rapatriement] terminées.
S’agissant de l’institution du Médiateur et du Centre national pour la prévention de la torture, la délégation a souligné qu’en 2021, le nouveau Parlement a élu la première femme Médiatrice, laquelle participera prochainement à une grande réunion des institutions nationales des droits de l’homme du Caucase, au Kirghizistan. Le nouveau projet de loi sur le Médiateur sera adopté après de larges discussions avec tous les acteurs concernés, a ajouté la délégation. La fusion entre le Centre national pour la prévention de la torture et le Médiateur ne se fera que lorsque l’institution du Médiateur sera pleinement opérationnelle, en conformité avec les Principes de Paris, l’objectif étant de créer une puissante institution nationale des droits de l’homme dans le pays, a indiqué la délégation.
Le Centre national pour la prévention contre la torture existe toujours et est fonctionnel. Aucune décision n’a pour l’heure été prise de le fermer. Il y a juste un débat ouvert dans le pays sur la question de l’intégrer au bureau du Médiateur, a ensuite précisé la délégation.
S’agissant de la torture, la délégation a rappelé que le Kirghizistan a ratifié la Convention contre la torture et que la Constitution interdit spécifiquement la torture. Conformément au nouveau Code de procédure pénale, la question de la torture est désormais aussi examinée par le Bureau du Procureur et n’est plus du seul ressort de la sécurité nationale. Le Procureur se base sur le Protocole d’Istanbul pour réaliser ses enquêtes, a précisé la délégation.
La délégation a par ailleurs présenté plusieurs mesures prises par le pays pour lutter contre la traite de personnes, notamment en coopération avec les organisations internationales pertinentes.
S’agissant des décès en prison, la délégation a assuré que pour chaque cas une enquête avait eu lieu ; dans un cas notamment, une vidéo a permis de confirmer qu’il s’agissait bien d’un suicide, a-t-elle indiqué.
S’agissant de l’état d’urgence, la délégation a indiqué qu’il a été déclaré en mars 2020 suite à un climat de panique dans le pays, alors qu’aucun cas de COVID-19 n’avait été détecté. L’état d’urgence a été levé progressivement et il n’était plus en vigueur dans les faits depuis longtemps lorsque le Président l’a officiellement levé en décembre 2021.
La situation d’urgence, elle, existe toujours dans certaines zones, notamment suite à « l’agression du Tadjikistan », a poursuivi la délégation kirghize, expliquant que quelque 140 000 citoyens souhaitant fuir les violences ont été évacués et que le Gouvernement a été contraint d’instaurer la situation d’urgence dans les régions touchées par cette « agression ».
Les autorités kirghizes sont en train de revoir la loi sur la défense civile afin de trouver une nouvelle définition de la « situation d’urgence » avec des termes conformes au Pacte, a indiqué la délégation.
La délégation a d’autre part indiqué que des amendements ont été introduits à la loi sur les associations à but non lucratif en vue de renforcer la confiance et la transparence de ces organisations, s’agissant notamment de leurs ressources. Cette transparence devrait permettre une meilleure coopération entre ces organisations et l’État, a affirmé la délégation. La loi et les amendements introduits, qui ne sont pas encore entrés en vigueur, ne violent pas les droits et libertés des citoyens, a-t-elle insisté, rappelant qu’il y a aujourd’hui plus de 20 000 organisations de la société civile dans le pays.
La délégation a par ailleurs assuré que les autorités kirghizes n’ont pas la volonté d’adopter une loi sur les « agents étrangers », même si le Parlement, lui, est libre de discuter de n’importe quel sujet.
La loi sur la censure permet au pays d’avoir un cadre juridique rationnel qui permet à chacun de faire respecter son honneur, a par ailleurs déclaré la délégation. Cette loi réglemente les relations entre la victime d’une désinformation et la personne qui détient ou publie cette information. Cette loi permet de s’adresser à l’auteur de l’information lorsque celle-ci ne correspond pas à la réalité.
S’agissant du plan d’action des droits de l’homme, la délégation a indiqué que le dernier plan a été mise en œuvre à 68% et que le nouveau plan reprend les recommandations issues de l’EPU, les recommandations des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme ainsi que les mesures qui n’ont pas été mises en œuvre lors du dernier plan. Ce nouveau plan reprend par exemple des mesures de protection des femmes, des enfants et des personnes âgées mais aussi toute une série de mesures de lutte contre la corruption. Ce nouveau plan devrait être adopté prochainement, après l’approbation du Président de la République, a précisé la délégation.
S’agissant des extraditions, la délégation a expliqué que la décision est prise par le procureur général ou l’un de ses adjoints. L’expulsion peut être refusée pour différents motifs conformément au Code de procédure pénale, notamment si la peine encourue par la personne est la peine capitale ou si la personne a fait une demande d’asile. Si la personne n’est pas d’accord avec la décision prise concernant son extradition, elle dispose d’un recours et peut interjeter appel. Toute extradition doit être conforme aux obligations du Kirghizistan au titre des traités internationaux ratifiés par le pays.
Il n’y a aucune arrestation arbitraire en raison des événements de 2010, a ensuite déclaré la délégation.
La délégation a par ailleurs indiqué que dorénavant les châtiments corporels étaient interdits dans le système scolaire malgré les réticences de certains, notamment des parents qui souhaitent conserver une éducation à l’«ancienne».
La délégation a ensuite fait observer qu’il y a aujourd’hui davantage d’ouverture de la population aux questions liées au genre. En aucun cas, le pays ne se précipite pour adopter ces évolutions culturelles. La loi suivra, une fois que la société sera prête à accepter ces nouvelles normes. Néanmoins, aujourd’hui, ces personnes vulnérables sont protégées, a indiqué la délégation.
La délégation a par ailleurs souligné que le financement des centres d’urgence pour les femmes victimes de violence a sensiblement augmenté.
Il existe des cas de violences à l’encontre des journalistes, a reconnu la délégation, tout en indiquant que dans la grande majorité des cas, les forces de l’ordre travaillent à la protection des travailleurs des médias. L’État reconnait l’importance du travail des journalistes dans une société démocratique. Cependant, quelques journalistes ont violé le droit à la liberté de parole en étant à l’origine de discours haineux et en poussant à des conflits interethniques. Il ne faut pas abuser du droit de parole ou de l’influence publique, a insisté la délégation.
La délégation a souligné que l’ administration de la justice ne se fait que par les tribunaux et que les tribunaux sont indépendants et ne sont soumis qu’à la Constitution et la loi.
S’agissant de la nomination du Président de la Cour suprême, la délégation a assuré qu’au Kirghizistan, le processus de nominations des juges respecte les normes internationales fondées notamment sur le principe d’indépendance. Pour la désignation du Président de la Cour suprême, une procédure indépendante a été respectée, avec des entretiens au sein d’une commission composée de juges, de parlementaires et du Président. C’est cette commission qui a proposé le nom du candidat, dont la nomination a ensuite été approuvée par Parlement.
La délégation a présenté l’ensemble des garanties judiciaires pour les personnes interpellées qui, selon elle, sont conformes aux normes internationales en la matière.
La délégation a rejeté les allégations laissant entendre que les personnes en détention provisoire n’auraient pas accès à un avocat. Toute personne qui le souhaite peut avoir accès à un avocat, a-t-elle assuré.
En outre, a ajouté la délégation, d’après la loi, l’interrogatoire des mineurs ne peut se faire sans la présence d’un parent ou d’un tuteur et d’un avocat.
Par ailleurs, la délégation a assuré qu’il n’y avait pas eu de plainte d’avocat pour intimidation sans qu’une enquête n’ait été menée et des mesures prises en conséquence. Dans le cas où les coupables sont retrouvés, ils sont soumis à la justice du pays, a-t-elle insisté.
L’utilisation des armes par la police est règlementée par la loi, a d’autre part rappelé la délégation, avant de préciser, notamment, que les forces de l’ordre ne peuvent utiliser leurs armes contre les femmes ou les enfants, sauf s’il s’agit d’une attaque armée.
La délégation a par ailleurs assuré que toutes les mesures prises par l’État pour lutter contre la corruption sont conformes aux normes internationales en la matière.
La délégation a d’autre part rejeté l’affirmation d’un expert du Comité qui laissait entendre que le nombre d’écoles ouzbèkes dans le pays aurait diminué de moitié, alors que – a assuré la délégation – il n’y a eu aucune fermeture d’écoles.
Remarques de conclusion
M. BAISALOV a remercié l’ensemble des parties prenantes à ce dialogue, notamment les membres du Comité et les organisations de la société civile, et a indiqué que sa délégation s’engageait à fournir au Comité des réponses par écrit aux questions laissées en suspens. La volonté des autorités kirghizes est de renforcer la promotion et la protection des droits de l’homme dans le pays, a conclu la délégation.
La tenue de ce dialogue intervient à un moment opportun puisque de nombreuses réformes dans le domaine des droits de l’homme sont en cours au Kirghizistan, a fait observer Mme Photini PAZARTZIS, Présidente du Comité. Rappelant que les membres du Comité s’intéressent au cadre normatif et principalement à la manière dont les droits, dans la pratique, sont mis en œuvre, elle a souligné combien il est nécessaire que la société civile soit impliquée dans l’ensemble des réformes entamées dans le domaine des droits de l’homme.
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