Fil d'Ariane
Examen de l’Uruguay devant le Comité des droits de l’homme : la surpopulation et la violence carcérales, la situation des personnes d’ascendance africaine et des personnes LGBTI, ainsi que la violence domestique sont au cœur des débats
Tout en félicitant l’Uruguay pour la mise en place du système informatisé SIMORE, qui permet le suivi des recommandations adressées au pays par les instances internationales, les membres du Comité des droits de l’homme ont fait part de diverses préoccupations lors de l’examen, hier après-midi et ce matin, du rapport soumis par l’Uruguay au titre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Il a notamment été relevé que l’Uruguay possède un taux d’emprisonnement particulièrement élevé, avec environ 14 000 détenus pour une population totale qui ne dépasse pas les 3,5 millions d’habitants, et que la surpopulation carcérale – qui atteint 134%, voire 143% dans les prisons pour femmes - y est également inquiétante. Le système carcéral est également marqué par une forte violence : en 2021, 86 personnes sont mortes dans les prisons uruguayennes, s’est inquiété un membre du Comité.
Le Comité – a indiqué une experte – est préoccupé par le fait que la proportion de personnes d'ascendance africaine vivant dans la pauvreté (13,2%) est plus de deux fois supérieure à celle du reste de la population et que, de la même manière, le chômage des personnes d'ascendance africaine s'élevait en février 2022 à 10,2%, alors qu’il est de 6,9% pour le reste de la population.
Un expert s’est pour sa part inquiété d’une discrimination profondément ancrée à l'encontre des personnes LGBTI en Uruguay. Un autre membre du Comité a relevé qu’en 2021, on avait recensé en Uruguay trente féminicides et quelque 36 565 signalements de violence domestique, soit un toutes les 14 minutes.
Une experte a recommandé à l’Uruguay de clarifier la portée de la loi 19.932 (2020) introduisant une série de mesures destinées à contrer l'avancée du coronavirus et ayant pour cela suspendu certains droits consacrés par la Constitution, comme le droit de réunion et le droit d'entrer dans le pays.
Présentant le rapport de son pays, la Vice-Ministre des relations extérieures de l’Uruguay, Mme Carolina Ache a notamment indiqué que l’Uruguay avait ratifié tous les traités fondamentaux de protection des droits de l'homme, avec leurs protocoles facultatifs. Elle a insisté sur le fait que, sur la base du principe de liberté responsable et d'une stratégie de communication transparente, l'Uruguay avait réussi à contrôler la pandémie de COVID-19 sans interrompre l'activité économique et commerciale ni restreindre, à aucun moment, les libertés individuelles des ressortissants uruguayens et des étrangers résidents.
L’Uruguay s'engage contre la pauvreté et l'indigence ; pour l'égalité des sexes ; contre tous les types de discrimination ; et pour l'éradication de la violence sous toutes ses formes, a ensuite indiqué la Vice-Ministre. À cet égard, et compte tenu d’observations formulées antérieurement par le Comité, l'Uruguay reste déterminé à combler le fossé de l'inégalité et de l'injustice sociale qui affecte principalement les groupes les plus vulnérables de la population, en adoptant de nouveaux instruments juridiques et en mettant en œuvre les politiques nécessaires à leur application effective, a-t-elle déclaré. Mme Ache a notamment évoqué le Plan national pour l'équité raciale et l’afrodescendance (2019-2022) et, dans le domaine de l'orientation sexuelle et de la diversité des genres, la création de la Commission spéciale de réparation en vertu de la loi 19.684.
En Uruguay, les demandeurs d'asile, les réfugiés et les migrants jouissent des mêmes droits que les citoyens uruguayens et obtiennent en peu de temps un document d'identité qui leur donne accès au travail, à l'éducation et à la santé dans les mêmes conditions, a aussi expliqué la Vice-Ministre. L’Uruguay a par ailleurs créé les deux premiers tribunaux spécialisés dans la violence sexiste, domestique et sexuelle et quatre autres devraient être ouverts prochainement, a-t-elle fait savoir.
Dans un autre domaine, Mme Ache a souligné que son pays avait poursuivi sa lutte contre la surpopulation carcérale grâce à la construction de nouvelles places et à l'amélioration des conditions de détention, entre autres.
Outre Mme Ache, la délégation uruguayenne était également composée, entre autres, du Représentant permanent de l’Uruguay auprès des Nations Unies à Genève, M. Alvaro Moerzinger, et de représentants des Ministères des relations extérieures, de l’intérieur, du travail et de la sécurité sociale, et du développement social, ainsi que de représentants de la Cour suprême de justice et de l’Institut de l’enfant et de l’adolescent.
Au cours du dialogue, la délégation a notamment réfuté les informations faisant état d’un phénomène d’enfants vivant dans la rue en Uruguay, ce à quoi une experte du Comité a répondu que cette négation du phénomène était d’autant plus préoccupante que les informations en possession du Comité à ce sujet proviennent d’un site Internet gouvernemental (Ministère du développement social).
Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport de l’Uruguay et les rendra publiques à l’issue de sa session, le 27 juillet prochain.
Lundi prochain, 4 juillet, à partir de 15 heures, le Comité examinera le rapport de l’Irlande.
Examen du rapport
Le Comité est saisi du sixième rapport périodique de l’Uruguay (CCPR/C/URY/6), qui a été établi sur la base d’une liste de points à traiter soumise par le Comité.
Présentation
Présentant le rapport de son pays, MME CAROLINA ACHE, Vice-Ministre des relations extérieures de l’Uruguay, a insisté sur le fait que, sur la base du principe de liberté responsable et d'une stratégie de communication transparente, l'Uruguay avait réussi à contrôler la pandémie de COVID-19 sans interrompre l'activité économique et commerciale ni restreindre, à aucun moment, les libertés individuelles des ressortissants uruguayens et des étrangers résidents.
Mme Ache a ensuite fait savoir que l'Uruguay avait ratifié tous les traités fondamentaux de protection des droits de l'homme, avec leurs protocoles facultatifs, et reconnu la compétence des mécanismes de communication individuelle (plainte) prévus par ces instruments. L'Uruguay a aussi été le premier pays à ratifier l’Accord régional sur l’accès à l’information, la participation publique et l’accès à la justice à propos des questions environnementales en Amérique latine et dans les Caraïbes (accord d'Escazú).
L’Uruguay s'engage contre la pauvreté et l'indigence ; pour l'égalité des sexes ; contre tous les types de discrimination ; et pour l'éradication de la violence sous toutes ses formes, a ensuite indiqué la Vice-Ministre. À cet égard, et compte tenu d’observations formulées antérieurement par le Comité, l'Uruguay reste déterminé à combler le fossé de l'inégalité et de l'injustice sociale qui affecte principalement les groupes les plus vulnérables de la population, en adoptant de nouveaux instruments juridiques et en mettant en œuvre les politiques nécessaires à leur application effective.
Mme Ache a cité, dans ce domaine, le Plan national pour l'équité raciale et l’afrodescendance (2019-2022) et, dans le domaine de l'orientation sexuelle et de la diversité des genres, la création de la Commission spéciale de réparation en vertu de la loi 19.684. En vertu de cette dernière loi, les personnes transgenres nées avant le 31 décembre 1975 qui peuvent prouver que, pour des raisons liées à leur identité de genre, elles ont été victimes de violence institutionnelle ou privées de liberté, ou ont subi un préjudice moral ou physique, à la suite d’actes d’agents de l'État, peuvent obtenir une prestation de réparation. À ce jour, depuis mai 2019, quelque 234 demandes ont été traitées et 178 réparations ont été accordées.
Mme Ache a aussi mis en avant l'abrogation, en 2020, de la disposition interdisant « aux hommes ayant eu des relations sexuelles avec un autre homme » de donner leur sang, ainsi que l’abrogation du décret 263/99 qui établissait comme motif d'exclusion, pour l'entrée dans les forces armées, le fait d'être porteur du VIH.
En Uruguay, les demandeurs d'asile, les réfugiés et les migrants jouissent des mêmes droits que les citoyens uruguayens et obtiennent en peu de temps un document d'identité qui leur donne accès au travail, à l'éducation et à la santé dans les mêmes conditions, a aussi expliqué la Vice-Ministre.
L’Uruguay a par ailleurs créé les deux premiers tribunaux spécialisés dans la violence sexiste, domestique et sexuelle et quatre autres devraient être ouverts prochainement, a fait savoir la Vice-Ministre des relations extérieures.
Mme Ache a aussi mentionné l'approbation, en 2018, de la loi de prévention et de lutte contre la traite des êtres humains, laquelle autorise une meilleure collaboration avec d’autres acteurs, tels que les organisations de la société civile, en vue de prévenir et de poursuivre ces conduites criminelles.
Dans un autre domaine, Mme Ache a souligné que son pays avait poursuivi sa lutte contre la surpopulation carcérale grâce à la construction de nouvelles places et à l'amélioration des conditions de détention, entre autres. En outre, conformément aux observations du Comité, la réforme du Code de procédure pénale est achevée : elle consiste, notamment, dans l’adoption du système accusatoire, avec à la clef le renforcement des garanties procédurales et de la protection des victimes.
En ce qui concerne les graves violations des droits de l'homme survenues dans un passé récent, Mme Ache a mis en avant le travail du Bureau du procureur spécial pour les crimes contre l'humanité s’agissant de la réactivation d’un certain nombre de procès ; de même que les actions menées par des organismes publics en faveur de la mémoire et de l'élucidation de la situation des personnes disparues. Le 27 juin dernier a marqué le 49 e anniversaire du coup d'État de 1973 : le souvenir de ces événements douloureux a donné naissance à un sentiment national très fort en faveur de la démocratie et des droits de l'homme, a assuré Mme Ache.
Mme Ache a enfin souligné que la structure et le fonctionnement de l'institution nationale des droits de l'homme avaient été renforcés par l'allocation de ressources financières, humaines et techniques nécessaires à l’accomplissement de son mandat.
Questions et observations des membres du Comité
Une experte du Comité a d’abord relevé avec satisfaction que l’Uruguay avait adopté un outil informatisé – le SIMORE – pour le suivi des recommandations adressées au pays par les instances internationales. En ce qui concerne l'état d'urgence, l’experte a recommandé à l’Uruguay de clarifier la portée de la loi 19.932 (2020) introduisant une série de mesures « afin de contrer l'avancée du coronavirus » et ayant pour cela suspendu certains droits consacrés par la Constitution, comme le droit de réunion et le droit d'entrer en Uruguay.
Le Comité, a dit une experte, est préoccupé par le fait que la proportion de personnes d'ascendance africaine vivant dans la pauvreté (13,2%) est plus de deux fois supérieure à celle du reste de la population et que, de la même manière, le chômage des personnes d'ascendance africaine s'élevait en février 2022 à 10,2%, alors qu’il est de 6,9% pour le reste de la population.
Des questions ont par ailleurs porté sur l’institution nationale de droits de l’homme, sa composition, son budget, les liens qu’elle entretient avec l’État et le traitement réservé aux plaintes qu’elle a reçues. Des inquiétudes ont été exprimées au sujet de tentatives de modifier la composition des membres de cet organe afin d’y nommer des acteurs politiques et la délégation a été invitée à faire des commentaires sur cette information. S’agissant du système des défenseurs, le Gouvernement envisage-t-il de le rendre indépendant du pouvoir judiciaire, a-t-il aussi été demandé ?
Un expert a voulu savoir dans quelle mesure les femmes rurales et les femmes migrantes avaient accès aux services d’interruptions volontaires de grossesse, dans un contexte où certains fonctionnaires de santé refusent de prendre en charge de ce point de vue les mineures victimes de viol.
Un expert s’est dit inquiet par les statistiques indiquant que l’espérance de vie des personnes transgenres en Uruguay est de quarante ans et que seules 66% de ces personnes ont un emploi – un tiers environ d’entre elles étant des travailleurs du sexe. Le même expert a constaté, d’autre part, une discrimination profondément ancrée à l'encontre des personnes LGBTI en Uruguay, malgré les mesures prises jusqu'à présent.
Sur les questions d’égalité entre les sexes, un autre expert a salué la publication de la loi n° 19.685 sur la promotion de l’égalité des genres dans le développement ainsi que la Stratégie nationale pour l'égalité des genres 2030, présentée en 2018 [par le Conseil national pour l’égalité des genres]. Mais l’expert a aussi relevé qu’en 2021, on avait recensé en Uruguay trente féminicides et quelque 36 565 signalements de violence domestique, soit un toutes les 14 minutes. Il a demandé quelles mesures étaient prises pour que les victimes de violences sexuelles – y compris les victimes des faits survenus pendant le régime [qui a gouverné le pays] de facto entre 1973 et 1985 – aient un accès effectif à la justice et reçoivent une réparation complète.
D’autres questions des experts ont porté sur la prévention de la torture et des mauvais traitements dans les prisons et autres lieux de privation de liberté, en particulier ceux où sont détenus des mineurs. Il a été demandé si les protocoles appliqués par la police garantissaient que les personnes arrêtées ne sont pas discriminées sur la base de leur identité de genre ou de leur orientation sexuelle.
La délégation a aussi été priée de préciser les résultats des enquêtes menées ces dernières années sur des affaires de traite des êtres humains.
Il a par ailleurs été relevé que l’Uruguay possède un taux d’emprisonnement particulièrement élevé, avec environ 14 000 détenus pour une population totale qui ne dépasse pas les 3,5 millions d’habitants, et que la surpopulation carcérale – qui atteint 134%, voire 143% dans les prisons pour femmes - y est également inquiétante. Le système carcéral est également marqué par une forte violence : en 2021, 86 personnes sont mortes dans les prisons uruguayennes, s’est inquiété un membre du Comité, souhaitant avoir des explications sur ces phénomènes.
De plus, alors que le Code de l’enfance et de l'adolescence prévoit, outre le régime de la privation de liberté, neuf autres mesures non privatives de liberté (de l'avertissement à la liberté assistée et surveillée), et tandis que la loi 19.551 (2017) permet des mesures comme l'assignation à résidence, les informations en possession du Comité révèlent qu’en 2021, 23 % des adolescents privés de liberté restaient en cellule plus de 18 heures par jour, 56 % entre 12 et 18 heures par jour, et seulement 17 % moins de 12 heures par jour, a-t-il été observé. Dans ce contexte, le Comité a voulu entendre les commentaires de la délégation sur l’application des nouveaux codes pénal et de procédure pénale.
Des questions ont également été posées sur le mariage des enfants et adolescents. Un expert a observé que l’âge nubile était historiquement passé de 12 à 14 ans avant d’être relevé à 16 ans. De plus, selon les informations du Comité, 15% des femmes se sont mariées officiellement ou officieusement avant 18 ans, ou vivent avec des hommes bien plus âgés qu’elles. La situation connaît en outre de grandes disparités entre les régions urbaines et rurales. Quelles sont les mesures envisagées par le Gouvernement pour combattre ce phénomène – et notamment relever l’âge minimum du mariage à 18 ans, sans distinction de genre – et pour lutter contre les mariages forcés ou précoces, a-t-il été demandé ?
Une experte a souhaité en savoir davantage sur le Plan national d'aide aux enfants et adolescents des rues 2020-2030. Le Comité a reçu des informations selon lesquelles ce plan pâtit d’un manque de lignes opérationnelles annuelles permettant la mise à jour des données quantitatives. En 2021, au moins 1168 enfants ou adolescents ont passé une nuit dans la rue en Uruguay et environ 45 % d'entre eux n'avaient aucune expérience de la rue ; c'est ce que révèlent les informations officielles du Ministère du développement social, a fait observer une experte.
S’agissant des personnes handicapées, et notamment de la politique de quotas les concernant, il a été observé que si le quota d’embauche de personnes handicapées dans les services publics a été fixé à 4%, leur part [dans les emplois de services publics] atteint à peine 0,4%. Les personnes handicapées sont en outre dans de nombreux cas privées de leur droit de vote, en raison de limitations, notamment des barrières à l’accessibilité des lieux publics ou encore l’absence d’accès à l’information, a-t-il été souligné.
Des informations sur la politique migratoire de l’Uruguay ont également été demandées à la délégation. Comment le pays garantit-il la protection internationale et humanitaire pour les demandeurs d’asile, les réfugiés et les apatrides ?
Des questions ont également été posées concernant des allégations d’abus de la part des forces de l’ordre, sur la base des 85 plaintes déposée au Parlement par l'Association des Défenseurs publics pour des cas qui se seraient produits en 2021.
Réponses de la délégation
La délégation a indiqué que l’application SIMORE, qui permet le suivi des recommandations reçues des organes conventionnelles et de l’Examen périodique universelle, était en cours de mise à jour et que son exploitation était momentanément suspendue. Mais sur les 979 recommandations reçues par l’Uruguay, 950 font déjà l’objet d’un suivi ; il en sera évidemment de même pour les autres, et en ce domaine, l’Uruguay a besoin de l’assistance technique du Haut-Commissariat, a fait savoir la délégation.
L’état d’urgence est régi par la Constitution uruguayenne, a ensuite précisé la délégation. En cas de violation des droits de l’homme pendant l’état d’urgence, il est toujours possible de s’adresser aux organes de contrôle de l’État, qui sont indépendants, a-t-elle fait valoir. En mars 2020, le Gouvernement a fermé les frontières pour cause de COVID-19, sauf pour les personnes ayant manifestement un besoin de protection internationale, a-t-elle indiqué. Les article 3 et 4 du Pacte ont toujours été respectés, a-t-elle ajouté. Les mesures prises ont permis de limiter certaines libertés, notamment le droit de réunion et le droit de rentrer dans le pays, mais pas de les suspendre ; et ce, dans le seul but de protéger la population, conformément au Pacte, a insisté la délégation, ajoutant même qu’il n’y avait pas eu de confinement obligatoire de la population, contrairement à ce qui a été le cas dans d’autres pays de la région ou du monde. La liberté responsable est la base de la politique uruguayenne, a expliqué la délégation.
S’agissant des personnes d’ascendance africaine, le Gouvernement est conscient du fait que les Afro-uruguayens ont été et sont toujours victimes d’injustices historiques, a ensuite déclaré la délégation. Le Gouvernement s’efforce en particulier, par des prestations ciblées, de combler les écarts enregistrés en défaveur des enfants noirs et de leurs mères ; ces mesures ont été renforcées pendant la pandémie. Le Gouvernement gère aussi des projets d’éducation et d’insertion des jeunes Afro-uruguayens sur le marché du travail. Le Plan national pour l’égalité raciale a été suspendu à cause de la pandémie : le Gouvernement a dû en effet traiter des questions plus urgentes, comme l’alimentation. Les autorités travaillent d’ores et déjà sur le prochain plan pour l’égalité raciale, a indiqué la délégation.
Le problème du manque d’intégration des Afro-uruguayens sur le marché du travail tient au manque de formation, a ensuite expliqué la délégation. Le Gouvernement s’efforce aussi d’améliorer la présence d’Afro-descendants dans la fonction publique, a-t-elle ajouté, avant de souligner que son action a été entravée par les effets de la pandémie, qui a entraîné une augmentation générale du chômage parmi les populations vulnérables. Pour remédier à ce manque d’intégration des Afro-uruguayens sur le marché du travail, le pays dispose d’une loi d’action affirmative pour cette catégorie – une loi qui prévoit un quota de 8% dans les administrations publiques et l’éducation. Mais cet objectif n’est pas encore atteint, a reconnu la délégation, exception faite pour les bourses d’études. Actuellement, 11% des bourses d’études sont décernée à des personnes d’ascendance africaine, conformément au quota qui a été rendu obligatoire. Les entreprises qui embauchent des personnes d’ascendance africaine bénéficient de subventions, a ajouté la délégation.
L’Uruguay envisage la possibilité de ratifier la Convention n°169 de l’Organisation internationale du Travail, relative aux peuples indigènes et tribaux, a d’autre part indiqué la délégation.
Le Gouvernement forme les fonctionnaires aux exigences de la lutte contre le racisme. Il tient compte, pour ce faire, des exigences formulées par la société civile.
La délégation a confirmé la faible représentation des femmes dans les espaces de décision en Uruguay. La loi sur les quotas a eu moins d’effets qu’escompté, en raison tant du fonctionnement des partis que des comportements sociaux, a-t-elle expliqué. Le Gouvernement a donc présenté une proposition consistant à obliger les partis à faire figurer autant de femmes que d’hommes sur leurs listes électorales ; il œuvre aussi pour renforcer les compétences des femmes. Pour autant, les femmes sont fortement représentées dans le corps des défenseurs publics, où elles représentent plus des deux tiers des effectifs.
S’agissant de ces défenseurs publics, un débat est en cours dans les milieux universitaires afin d’examiner les moyens de renforcer leur indépendance, même si, en l’état actuel, le pouvoir judiciaire n’intervient pas dans l’action des défenseurs publics. En outre, même si l’Uruguay ne dispose pas de ministère de la justice – et c’est là une anomalie institutionnelle qu’il faudrait corriger, a affirmé la délégation –, il n’en demeure pas moins que le système judiciaire en Uruguay bénéficie de 4% du budget national.
La loi sur la violence à l’égard des femmes oblige l’État à accorder des réparations aux femmes victimes de violence sexiste, de même qu’aux orphelins de victimes de féminicide, a ensuite indiqué la délégation. Quelque 382 indemnisations ont été octroyées en 2021 à des victimes de violence sexiste, a-t-elle ajouté, avant de préciser que la lutte contre la violence au sein de la famille est aussi une priorité pour l’État. Ce dernier a lancé des campagnes de prévention et de formation et les hommes violents peuvent être obligés de porter des bracelets électroniques, a insisté la délégation. Le Gouvernement mise sur la formation, la dissuasion et la prévention pour enrayer ce problème social, a-t-elle expliqué.
La Stratégie pour l’égalité entre les sexes (2030) prévoit plusieurs mesures liées à la réalisation du cinquième objectif de développement durable, a ajouté la délégation, avant de mentionner également l’adoption d’une loi sur l’élimination des stéréotypes sexistes.
Le Gouvernement applique, d’autre part, un projet pilote pour améliorer l’employabilité et l’insertion sur le marché du travail des personnes trans.
En 2021, 10 111 interruptions volontaires de grossesse (IVG) ont été réalisées en Uruguay, a indiqué la délégation. Depuis l’adoption de la loi dépénalisant l’avortement sous certaines conditions, les consultations sont en hausse ; 6% des patientes qui consultent décident de poursuivre leur grossesse, a précisé la délégation. Le médecin a la faculté d’élever une objection de conscience [pour refuser de pratiquer une IVG], mais il est alors obligé d’orienter sa patiente vers un collègue prêt à réaliser cette intervention. La loi interdit au médecin d’imposer aux patientes ses propres idées sur l’avortement.
Le Gouvernement respecte pleinement l’indépendance de l’ institution nationale des droits de l’homme, a par ailleurs assuré la délégation, avant de préciser que cette institution dispose de plus de 90 fonctionnaires, détachés par plusieurs ministères mais indépendants d’eux, pour assurer sa mission. En 2021, 627 « interventions » ont été demandées à cette institution, dont 26% en rapport avec des plaintes relatives à des violations des droits de l’homme.
La délégation a ensuite fait état du lancement d’un programme d’élargissement de l’accès à la justice, afin de lever les obstacles économiques ou juridiques qui demeurent en ce domaine. Magistrats et défenseurs publics reçoivent de nombreuses formations aux droits de l’homme, a-t-elle précisé.
Aucun policier ne travaille au contact direct d’ adolescents privés de liberté, a par ailleurs indiqué la délégation.
En matière de protection de l’enfance, la délégation a indiqué que les privations de liberté ne concernent que certains cas et que le nombre de mesures socio-éducatives a augmenté.. Dans ce contexte, la plupart des adolescents purgent des peines autres que la privation de liberté ; entre 10% et 15% d’entre eux se retrouvent en prison, a précisé la délégation.
Pour ce qui concerne le système pénitentiaire, des évaluations sont régulièrement faites, a poursuivi la délégation, reconnaissant que la surpopulation carcérale, tout comme le taux de croissance de la population carcérale, sont inacceptables et incompréhensibles, compte tenu du niveau de développement. Des tentatives de réformes sont envisagées, mais nécessitent des accords de gouvernement qui ne sont pas encore réunis, a expliqué la délégation. Un plan de lutte contre la récidive - dont le taux est également assez élevé eu Uruguay - a été mis en place, a ajouté la délégation.
S’agissant des abus commis du temps de la dictature, la délégation a rappelé que la loi interdisant de poursuivre les officiels ayant commis des violations des droits de l’homme durant cette période avait été abrogée il y a plus d’une décennie. Mais les poursuites sont restées limités, en raison de la difficulté d’appliquer une loi de manière rétroactive, a-t-elle expliqué. Cependant, 48 procès ont eu lieu, et 10 condamnations ont été prononcées, a précisé la délégation.
Une commission a en outre été créée afin d’octroyer des réparations aux victimes d’abus commis entre juin 1968 et juin 1975. A ce jour, 128 personnes ayant été subis des préjudices graves ont été indemnisés. Des réparations, y compris « symboliques », ont aussi été accordées à plus de 900 personnes, dont des ressortissants étrangers.
S’agissant de la liberté d’expression, aucun mécanisme de contrôle ou de censure n’existe en Uruguay, pas plus qu’il n’y a dans ce pays d’attaques, de pressions, de représailles ou de meurtres visant des journalistes. Des personnes peuvent en revanche se sentir lésées par certains articles de presse et saisir les tribunaux à cet effet. La délégation ne peut donc pas accepter que l’on prétende que la liberté d’expression s’érode en Uruguay, comme le font certains, alors que des revues comme The Economist ou une organisation comme Reporters sans frontières classent même l’Uruguay parmi les pays les plus respectueux de la liberté de la presse.
La délégation a réfuté les informations faisant état d’un phénomène d’enfants vivant dans la rue en Uruguay.
En matière de politique migratoire et de protection internationale, la doctrine de l’Uruguay est la régularisation rapide des migrants, a ensuite souligné la délégation. Ces derniers, de même que leurs enfants, jouissent des mêmes droits que les ressortissants uruguayens, a-t-elle indiqué. Depuis la naissance du pays, l’Uruguay ouvre ses portes à tous les migrants, a rappelé la délégation, avant d’ajouter que durant la pandémie de COVID-19, toute personne, indépendamment de son statut, a été vaccinée.
L’an dernier, seules cinq personnes ont été reconnues apatrides par la Commission nationale des réfugiés. Cette dernière a par ailleurs traité beaucoup de demandes émanant majoritairement de Cubains migrant pour des raisons économiques ; or, ce motif ne permet pas de leur reconnaître le statut de réfugiés, a expliqué la délégation.
S’agissant du relèvement de l’âge du mariage, un projet de loi visant à le porter à 18 ans est actuellement à l’étude au Sénat, a d’autre part indiqué la délégation.
S’agissant des allégations de violences policières, des enquêtes sont systématiquement ouvertes, a par ailleurs indiqué la délégation. Dans les 109 cas présentés par les Défenseurs publics, il s’est avéré, après enquêtes, que dans 92 d’entre eux il n’y avait pas eu d’abus de la police, a-t-elle précisé.
Remarques de conclusion
MME ACHE a dit avoir apprécié les commentaires, remarques et observation des membres du Comité. La délégation et le Gouvernement espèrent que les informations fournies permettront au Comité de mieux comprendre la réalité du l’Uruguay, a ajouté la Vice-Ministre des relations extérieures.
MME TANIA MARIA ABDO ROCHOLL, membre du Comité, a de son côté jugé « préoccupant » que la délégation nie le phénomène des enfants des rues, alors que les informations en possession du Comité à ce sujet proviennent d’un site Internet gouvernemental.
La Présidente du Comité, MME PHOTINI PAZARTZIS, a remercié la délégation et a rappelé les liens historiques entre son pays - la Grèce - et l’Uruguay, soulignant que ce dernier avait été parmi les premiers pays à reconnaître la naissance de l’État grec moderne.
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