Aller au contenu principal

A l’issue de l’examen du rapport du Kazakhstan, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale recommande au pays de reconnaître les tensions ethniques existantes

Compte rendu de séance

 

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport présenté par le Kazakhstan au titre de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

A l’issue du dialogue noué entre les membres du Comité et la délégation kazakhe, la Rapporteuse du groupe de travail chargé par le Comité d’examiner plus en détail le rapport, Mme Sheikha Abdulla Ali Al-Misnad, a notamment recommandé au pays de reconnaître qu’il y a des tensions entre les différents groupes ethniques au Kazakhstan. Le Gouvernement doit former les populations et les forces de police, tenir des débats publics dans les médias et les universités, afin d’éduquer au respect des droits des minorités, a-t-elle indiqué. Estimant que le Kazakhstan est un pays en transition, elle a dit souhaiter que le discours du Président kazakhe du 16 mars dernier permette vraiment de changer les choses et n’ait pas seulement procédé d’une réaction à une situation.

Les experts du Comité ont par ailleurs relevé qu’en dépit des dispositions interdisant la discrimination raciale dans la Constitution et dans le corpus législatif du pays, le Kazakhstan ne dispose pas de loi globale couvrant l’interdiction de la discrimination raciale telle que définie au paragraphe 1 de l'article premier de la Convention.

Le Comité s’est cependant félicité que ce pays soit classé (pour 2021) 66 e sur 139 pays participants dans l’indice « très crédible et respecté » de l’état de droit réalisé par World Justice Project. C’est une très bonne réalisation pour un nouveau pays, dont l’indépendance remonte à 1991 seulement, a-t-il été souligné. Cependant, l’un des indicateurs de cet indice où le pays enregistrait son plus faible score était celui des droits fondamentaux, a-t-il été observé.

Présentant le rapport de son pays, M. Galym Shoikin, Président du Comité pour le développement des relations interethniques du Ministère de l'information et du développement social de la République du Kazakhstan, a souligné que la Constitution du Kazakhstan garantit l’égalité de tous devant la loi et les tribunaux ; nul ne peut faire l’objet d’une quelconque discrimination fondée sur l'origine, le statut social, officiel ou patrimonial, le sexe, la race, la nationalité, la langue, l'attitude à l’égard de la religion, les convictions, le lieu de résidence ou toute autre circonstance, a-t-il insisté.

Un système national de protection des droits de l’homme a été mis en place et se développe de manière dynamique dans la République, a souligné M. Shoikin, soulignant que le Médiateur des droits de l’homme est l’un des principaux éléments de ce système. Il a assuré que, conformément aux recommandations du Comité, son pays cherche à trouver des outils acceptables pour promouvoir l'égalité des chances et renforcer les stratégies de lutte contre les inégalités et la discrimination. Le Kazakhstan a notamment mis en place un système de quotas d'emploi à destination de populations cibles. En outre, en 2017-2021, des mesures ont été prises pour optimiser le régime migratoire dans le pays et assurer une migration sûre, ordonnée et légale, notamment au travers de modifications apportées au Code du travail.

En 2020, a par ailleurs souligné M. Shoikin, le Comité pour le développement des relations interethniques a été créé pour assurer l’interaction interethnique, la prévention et la non-discrimination à l’égard des droits des groupes ethniques. M. Shoikin a assuré que de profondes réformes démocratiques sont en cours au Kazakhstan dans tous les domaines pour construire un État juste et à l’écoute des gens.

La délégation du Kazakhstan était également composée de M. Yerlan Alimbayev, Représentant permanent de la République du Kazakhstan auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que d’autres membres de la Mission permanente du pays à Genève et de représentants du Ministère du travail et de la protection sociale, du Bureau du Procureur général et de la Commission des droits de l’homme auprès du Président du Kazakhstan.

 

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Kazakhstan et les rendra publiques à l’issue de sa session, le 29 avril 2022.

 

Examen du Kazakhstan

Le Comité est saisi du document (CERD/C/KAZ/8-10) valant huitième, neuvième et dixième rapports périodiques du Kazakhstan.

Présentation du rapport

M. GALYM SHOIKIN, Président du Comité pour le développement des relations interethniques du Ministère de l'information et du développement social de la République du Kazakhstan, a souligné qu’en adhérant à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, le Kazakhstan s'est engagé à interdire et à éliminer la discrimination raciale sous toutes ses formes et manifestations, ainsi qu’à assurer l'égalité de tous devant la loi, sans distinction de race, de couleur ou d'origine nationale ou ethnique. La Constitution du Kazakhstan garantit l’égalité de tous devant la loi et les tribunaux ; nul ne peut faire l’objet d’une quelconque discrimination fondée sur l'origine, le statut social, officiel ou patrimonial, le sexe, la race, la nationalité, la langue, l'attitude à l’égard de la religion, les convictions, le lieu de résidence ou toute autre circonstance.

Un système national de protection des droits de l’homme a été mis en place et se développe de manière dynamique dans la République, a souligné M. Shoikin, soulignant que le Médiateur des droits de l’homme est l’un des principaux éléments de ce système. Afin de promouvoir efficacement les droits de l'homme et de lutter contre la discrimination raciale, la loi du 29 décembre 2021 aligne autant que possible le mandat du Médiateur des droits de l'homme sur les Principes de Paris. La loi établit une garantie d'immunité du Médiateur en matière de responsabilité pénale et administrative et le protège contre les mesures de coercition procédurale, ainsi que contre l'ingérence et l'entrave à ses activités. Le Kazakhstan a également adopté au niveau international une politique de tolérance zéro concernant la torture et autres mauvais traitements. Depuis 2014, sous la direction du Médiateur, le Mécanisme national de prévention de la torture (MNP) dans les établissements fermés fonctionne selon le modèle « Ombudsman Plus », auquel participent activement les ONG de défense des droits de l'homme.

M. Shoikin a également souligné qu’au cours des cinq dernières années, des progrès « significatifs » dans la représentation des femmes ont été faits au Kazakhstan, y compris au travers des modifications apportées en février dernier à la loi sur les partis politiques. La proportion de femmes dans les postes de management est passée de 25% à 31%, a notamment fait valoir M. Shoikin. En 2021, a-t-il ajouté, le Kazakhstan a en outre complètement aboli la liste des professions interdites aux femmes.

M. Shoikin a également assuré que, conformément aux recommandations du Comité, son pays cherche à trouver des outils acceptables pour promouvoir l'égalité des chances et renforcer les stratégies de lutte contre les inégalités et la discrimination. Le Kazakhstan a ainsi mis en place un système de quotas d'emploi à destination de populations cibles, comme les personnes handicapées, les jeunes laissés avant l'âge de la majorité sans protection parentale ou encore les anciens détenus enregistrés auprès du service de probation. Environ 6000 personnes ayant des besoins spéciaux étaient employées dans le cadre du quota en 2020.

Pour la première fois aussi, au cours de l'année scolaire 2021-2022, des quotas de bourses ont été réservés aux segments socialement vulnérables de la population. En plus de cela, l'égalité d'accès des citoyens aux services publics est assurée. Actuellement, 12% du nombre total de fonctionnaires sont des représentants de 56 groupes ethniques, a notamment fait valoir M. Shoikin.

Depuis 2021, a poursuivi M. Shoikin, la base de données automatisée du système pénitentiaire du Ministère de l’intérieur donne accès à des informations sur la composition ethnique du contingent pénitentiaire. En outre, en 2017-2021, des mesures ont été prises pour optimiser le régime migratoire dans le pays et assurer une migration sûre, ordonnée et légale, notamment au travers de modifications apportées au Code du travail. Le Kazakhstan, avec de nombreux autres Etats, a signé une déclaration conjointe sur l’impact de la COVID-19 sur les migrants et a pris des mesures anti-crise stabilisatrices dans le contexte de la pandémie, y compris pour défendre les droits des migrants.

En 2021, a poursuivi M. Shoikin, 371 réfugiés vivaient au Kazakhstan et 6911 personnes avaient le statut officiel d'apatride. Dans le même temps, 1808 apatrides ont obtenu la citoyenneté. L'année dernière, sur la base de la Convention de 1957 sur la nationalité de la femme mariée, 110 femmes qui n'avaient la nationalité d'aucun État ont été admises à la nationalité kazakhe. En 2020, une campagne d'identification à grande échelle a été menée conjointement avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) : plus de 6000 apatrides sans papiers ont été enregistrés, dont 3400 ont confirmé leur appartenance à la citoyenneté kazakhe et 1600 ont reçu le statut officiel d'apatride.

En 2018, la loi sur le Fonds d’indemnisation des victimes a été adoptée, selon laquelle les personnes reconnues comme victimes de crimes liés à la traite des êtres humains ont le droit de recevoir une indemnisation pécuniaire. En outre, a indiqué M. Shoikin, dans le cadre de l'application directe de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, 35 affaires ont été clôturées en 2016-2022 avec l'adoption de décisions judiciaires et administratives se référant à la Convention.

En 2020, a par ailleurs souligné M. Shoikin, le Comité pour le développement des relations interethniques a été créé pour assurer l’interaction interethnique, la prévention et la non-discrimination à l’égard des droits des groupes ethniques.

M. Shoikin a assuré que de profondes réformes démocratiques sont en cours au Kazakhstan dans tous les domaines pour construire un État juste et à l’écoute des gens. Afin de prendre de nouvelles mesures dans le domaine des droits de l'homme, au nom du Président, le Gouvernement a approuvé en 2021 un plan de mesures prioritaires dans le domaine des droits de l'homme. Ce plan prévoit l'amélioration des mécanismes d'interaction de l'État avec les organes conventionnels de l'ONU et les procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme, ainsi que la législation nationale et les pratiques d’application de loi dans le domaine des droits de l’homme conformément aux normes internationales.

Le Président kazakhe, dans une allocution en date du 16 mars dernier, a proposé de supprimer le quota de députés issus des minorités au Majilis et de le transférer au Sénat. Cette innovation fournira des mandats à divers groupes ethniques dans la chambre haute du Parlement, conformément aux recommandations du Comité, a souligné M. Shoikin.

En 2021, le Kazakhstan a ratifié sans réserve le deuxième Protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits civils et politiques relatif à l'abolition de la peine de mort et la Constitution sera modifiée en conséquence, a par ailleurs indiqué M. Shoikin.

Observations et questions du Comité

MME SHEIKHA ABDULLA ALI AL-MISNAD, Rapporteuse du groupe de travail chargé par le Comité d’examiner plus en détail le rapport du Kazakhstan, a félicité le Kazakhstan pour sa participation à l'indice de l'état de droit réalisé par la fondation à but non lucratif World Justice Project. Cet indice « très crédible et respecté » est pris au sérieux par les universités et les organisations internationales, a-t-elle précisé, indiquant que le Kazakhstan est classé 66e sur les 139 pays ayant participé à l'indice 2021. C’est une très bonne réalisation pour un nouveau pays (indépendance en 1991), a-t-elle souligné. Cependant, a-t-elle relevé, l’un des indicateurs où le pays enregistrait son plus faible score était celui des droits fondamentaux, qui inclut des questions liées à la discrimination, à la liberté d'expression, à la religion, aux droits du travail – soit les points principaux de la discussion d’aujourd'hui.

Mme Ali Al-Misnad a demandé à la délégation de fournir un certain nombre de statistiques, notamment en ce qui concerne situation sociale et économique des groupes ethniques, des migrants, des réfugiés, des demandeurs d'asile et des apatrides, et en particulier dans les domaines de l'éducation, de l'emploi, de la santé et du logement. Elle a également souhaité obtenir des chiffres sur la composition ethnique de la population carcérale.

S’agissant de l’application de la Convention, le Comité a appris que les traités internationaux ne sont plus directement applicables dans l'État partie, à la suite d'un amendement apporté à la Constitution du pays, et que désormais c’est la loi secondaire qui détermine l'application des traités. Aussi, Mme Ali Al-Misnad a-t-elle demandé à la délégation de préciser si la Convention est directement applicable au Kazakhstan, et si oui de dire ce qui est fait pour s'assurer que ses dispositions soient incorporées dans le droit interne et soient appliquées dans la pratique.

Tout en prenant note des dispositions interdisant la discrimination raciale qui figurent dans la Constitution et dans le corpus législatif, Mme Ali Al-Misnad a souligné que cela n'équivaut pas à une loi anti-discrimination spécifique et complète. La délégation pourrait-elle donc indiquer si le Kazakhstan a l'intention d'adopter une loi anti-discrimination complète, comprenant une définition de la discrimination directe et indirecte, conformément au paragraphe 1 de l'article premier de la Convention, a demandé l’experte ?

Par ailleurs, selon ce qu’indique le rapport, la possibilité d'inclure dans le Code du travail une interdiction de la discrimination fondée sur la couleur de la peau serait en cours d’examen au Kazakhstan, a relevé Mme Ali Al-Misnad. Cette discussion a-t-elle eu lieu et, le cas échéant, quel en a été le résultat, a-t-elle demandé ?

L’experte a aussi souhaité en savoir davantage sur les mesures temporaires spéciales en vigueur dans le pays.

S’agissant de l’institution nationale des droits de l'homme, Mme Ali Al-Misnad a souhaité savoir comment le pays entend renforcer et garantir l'indépendance du Commissaire (Médiateur) aux droits de l'homme. Elle a aussi demandé des informations détaillées sur l'augmentation prévue des ressources financières et humaines mises à disposition du Commissaire et sur les raisons qui font que cette institution n’a pas le pouvoir d'enquêter sur les plaintes concernant les décisions du Président, des chefs d'agences gouvernementales, du Parlement, du Cabinet, du Conseil constitutionnel, du Bureau du Procureur général ou encore des tribunaux.

Relevant que le rapport fait état d’une augmentation du nombre de cas signalés de discrimination raciale, Mme Ali Al-Misnad a souhaité savoir ce qui explique cette hausse et s’est enquise des dernières statistiques sur le nombre de plaintes pour actes de discrimination raciale signalées au système judiciaire.

S’agissant des affrontements interethniques survenus en février 2020 dans le district de Korday, Mme Al-Misnad – relevant que le rapport met l’accent sur les efforts déployés par le pays dans la construction de l’unité – s’est enquise des activités entreprises pour rétablir et renforcer la confiance et des relations harmonieuses entre la communauté Dungan et les communautés voisines non Dungan. L’experte s’est également enquise des mesures prises pour enquêter sur les allégations d'incitation à la violence et de discours de haine (y compris par le biais des réseaux sociaux et des médias) contre le groupe minoritaire Dungan.

La corapporteuse du groupe de travail chargé par le Comité d’examiner plus en détail le rapport du Kazakhstan, MME CHINSUNG CHUNG, s’est enquise de l’implication de la société civile dans la rédaction du rapport du Kazakhstan et dans la mise en œuvre des recommandations du Comité. Elle a également souhaite connaître les délais de mise en œuvre des réformes annoncées le 16 mars dernier par le Président Kassym-Jomart Tokaïev.

S’intéressant au discours de haine au Kazakhstan, l’experte a ensuite souhaité savoir comment l'État partie s'assure que les dispositions par trop générales de l'article 174 du Code pénal n'entraîne pas d'ingérence inutile ou disproportionnée dans la liberté d'expression, y compris celle des communautés minoritaires. Est-il prévu de définir plus clairement les infractions pénales dans cet article, a-t-elle demandé ?

Mme Chung a aussi indiqué que le Comité est préoccupé par des informations selon lesquelles cet article 174 a été le plus souvent utilisé contre des militants de la société civile, par exemple des militants ouïghours au Kazakhstan. Elle a demandé à la délégation de fournir des informations sur les cas dans lesquels l'article 174 a été appliqué.

S’agissant de la situation des migrants, le Comité a connaissance d'informations selon lesquelles, malgré des améliorations concernant la délivrance des permis de travail, la lenteur du processus d'obtention d'un enregistrement de résidence pour les migrants entrave leur accès au marché du travail et aux prestations sociales, notamment dans les domaines des soins de santé, du logement et de l'éducation. Qu’est-il fait pour résoudre ce problème, a-t-elle demandé ? Elle a aussi demandé à la délégation de fournir des informations sur le nombre de migrants au Kazakhstan, y compris ceux en situation irrégulière. Par ailleurs, l’État partie envisage-t-il de ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et, le cas échéant, quand et sinon, pourquoi ?

Mme Chung a par ailleurs indiqué que le Comité avait eu vent d’informations selon lesquelles les enfants de migrants sans papiers qui ne possèdent pas d'enregistrement valide ou d'autres documents n'ont pas accès aux écoles ou aux manuels scolaires. La délégation pourrait-elle commenter ce point et fournir des informations sur ce que fait le pays pour veiller à ce que chaque enfant ait accès à l'école.

Selon les estimations de la mission de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) au Kazakhstan, en 2019, le nombre de victimes de la traite des êtres humains était de 116 personnes, dont 88 travailleurs migrants. Environ 30% d'entre eux étaient des femmes. Le Comité a reçu des informations selon lesquelles les agents des forces de l'ordre sont parfois complices de cette traite des êtres humains. La délégation dispose-t-elle d'informations sur ces pratiques, dans un contexte où le Kazakhstan n’a aucune loi distincte concernant la traite des êtres humains, a-t-elle demandé ?

Mme Chung a également relevé qu’au cours des cinq dernières années, seules 32 plaintes pour discrimination raciale ont été reçues par le Commissaire (Médiateur) aux droits de l’homme. Parmi celles-ci, des violations effectives ont été constatées dans seulement dans cinq cas. Comment la délégation explique-t-elle cette situation ?

M. GUN KUT, Rapporteur chargé du suivi des observations finales, a relevé que l’État partie a présenté son rapport intérimaire dans les délais, ce que le Comité apprécie. Il est louable que cette procédure (de présentation d’un rapport intérimaire) soit respectée, a-t-il insisté. Cependant le rapport périodique a quant à lui été présenté avec retard, a-t-il regretté.

Sur les questions soulevées lors des dernières observations finales du Comité, le rapport intérimaire – pas plus d’ailleurs que le rapport périodique – ne contient pas d’indication permettant d’apprécier les efforts du pays dans le domaine des mesures spéciales, a regretté M. Kut. Il a toutefois relevé que l’addendum au rapport périodique fournit, lui, quelques éléments, faisant notamment référence à une politique de quotas, ce qui est encourageant ; mais le Comité aimerait en savoir davantage sur les mesures concrètes que l’État partie envisage sur cette question, a-t-il dit. De la même façon, sur les questions relatives aux réfugiés et aux requérants d’asile, les informations du rapport intérimaire ne sont pas satisfaisantes ; le rapport périodique et l’addendum fournissent, eux, des éléments, mais le Comité a besoin de compléments d’informations, a ajouté M. Kut.

Parmi les autres membres du Comité, une experte s’est demandé si les statistiques qu’avaient fournies l’Etat partie restaient d’actualité, dans un contexte où la démographie du pays a changé au cours des dernières années. Par exemple, la part des populations russe et ouïghoure est-elle la même ? L’experte a en outre souhaité en savoir davantage sur l’origine des populations immigrées ainsi que sur la ventilation par origine ethnique des femmes occupant actuellement des postes à responsabilité au Kazakhstan.

Réponses de la délégation

S’agissant des organes des droits de l’homme, la délégation a expliqué qu’il y avait plusieurs mécanismes dédiés aux droits de l’homme dans le pays. Il y a notamment la Commission des droits de l’homme, qui est un organe consultatif auprès du Président du Kazakhstan. Composée de 37 membres nommés par le Président, dont 18 représentant la société civile, son rôle principal est d’aider le Président à s’acquitter de ses responsabilités en tant que garant des droits de l’homme au Kazakhstan. La Commission a également pour fonction d’aider le Parlement à élaborer des lois relatives aux droits de l’homme ; elle établit en outre des rapports, qui sont soumis au Président pour validation avant d’être envoyés au Parlement.

A côté de la Commission, a poursuivi la délégation, il y a aussi le Commissaire (Médiateur) aux droits de l’homme. Anciennement nommé par le Président, il est depuis quelques années nommé par le Sénat. C’est une personne indépendante, avec un rang constitutionnel. Il y a en outre plusieurs Ombudsman, dont un pour les droits de l’enfant.

S’agissant de la manière dont sont appréhendéesla discrimination raciale et l’application de la Convention, la délégation a notamment expliqué que le Kazakhstan s’appuie sur sa Constitution et sur les normes en vigueur qui interdisent explicitement toutes les formes de discrimination. La Convention est directement applicable, conformément à une décision de la Cour suprême du 10 juillet 2008 qui rend obligatoire l’application directe des normes internationales dans le droit interne.

En ce qui concerne l’administration de la justice, la délégation a notamment indiqué que le Kazakhstan dispose d’instituts de formation, notamment l’Académie de justice, qui forment aux métiers judiciaires. La nomination des juges relève du Conseil judiciaire suprême et est soumise à des exigences en matière d’âge (avoir au moins trente ans), d’expérience (avoir au moins cinq années d’expérience dans la pratique du droit) et de niveau d’études. Des examens médicaux et psychologiques sont également obligatoires. On compte en moyenne 15 juges pour 10 000 habitants, a précisé la délégation, indiquant qu’environ 2600 juges traitent environ un million d’affaires chaque année. Les fonctionnaires de la police et d’autres corps reçoivent quant à eux des formations dans divers centres, y compris en ce qui concerne la Convention et sa mise en œuvre.

S’agissant des langues minoritaires nationales, la délégation a notamment indiqué que le pays a accru l’accès des enfants issus de ces minorités à l’enseignement dans leur propre langue. Ont notamment été ouvertes des « écoles du dimanche », au nombre de 174, qui permettent aux enfants issus des minorités d’apprendre leurs langues ethniques. Au Kazakhstan on compte 7393 écoles accueillant plus de 3,3 millions d’élèves. Outre les écoles en langue kazakhe, il y a des écoles délivrant un enseignement dans plusieurs langues, a souligné la délégation. Le nombre d’école dispensant un enseignement en russe augmente (elles sont au nombre de 1312, soit environ 17%) et le Kazakhstan compte également 12 écoles dispensant un enseignement en ouzbèke (8000 élèves) et 11 en ouïghour (6000 élèves). Il y a aussi des écoles dispensant un enseignement en tadjik, en polonais, en dungan ou encore en kurde. Toutes les écoles appliquent les programmes scolaires décidés par le Gouvernement.

S’agissant des réfugiés et des apatrides, la délégation a indiqué que le Kazakhstan a comptabilisé 7323 apatrides ou enregistrées comme tels, dont 261 enfants. Depuis 2015, environ 6323 personnes ont obtenu la nationalité kazakhe. Conformément à la loi sur la nationalité, toute personne qui en fait la demande a le droit d’obtenir la nationalité. S’agissant des réfugiés, ils étaient, au mois de janvier de cette année, 340, dont 122 enfants.

La délégation a par ailleurs indiqué le pays avait bien reçu des recommandations visant la ratification des Conventions de 1954 et 1961 relatives à l’apatridie. Cette option est en cours d’examen et ces conventions seront probablement ratifiées, a dit la délégation.

L’accès des migrants à l’éducation et au service sociaux est assuré car toutes les personnes vivant sur le territoire du Kazakhstan ont les même droits sociaux, exception faite des droits électoraux pour les migrants.

S’agissant du retour au Kazakhstan des « Kazakhes de souche » ou Kandas, un million d’entre eux sont revenus dans le pays depuis son indépendance en 1991. Ils s’installent généralement dans les régions méridionales, a indiqué la délégation.

En ce qui concerne les statiques sur la représentation des femmes et des minorités , la délégation a expliqué que le Parlement (Majilis et Sénat) est composé de 152 personnes, dont 107 députés du Majilis et 45 sénateurs. Sur ce nombre, 35 députés, soit 23% du total, représentent 11 groupes ethnique différents. On compte 27% de femmes députés. On retrouve aussi 7000 personnes issues de groupes ethniques dans la fonction publique, soit 7,8% du nombre total des fonctionnaires. En janvier de cette année, 55% des fonctionnaires étaient des femmes, dont 39% occupent des postes élevés.

Le Gouvernement reconnaît par ailleurs une montée des discours de haine, notamment sur les réseaux sociaux, a poursuivi la délégation. Il reconnaît aussi qu’il n’existe pas de législation globale concernant le discours de haine. Afin de répondre au phénomène, a été mis en place un mécanisme de prévention et de surveillance des réseaux sociaux. Les ONG, les médias ou encore l’Assemblée du peuple sont mis à contribution afin de pallier ces problèmes.

La loi sur les médias sera prochainement révisée, sur instruction du Président, afin de tenir compte des besoins actuels propres à l’évolution des réseaux sociaux et des discours de haine, a par ailleurs indiqué la délégation. Les représentants des médias et d’autres experts pourront participer à cette révision afin que la nouvelle législation puisse être adoptée d’ici la fin de l’année, a-t-elle précisé.

Evoquant par ailleurs les mesures prises dans le contexte de la lutte contre la pandémie de COVID-19 , la délégation a rappelé que des restrictions avaient été introduites dans le pays, notamment un état d’urgence pendant 60 jours. Tous les étrangers ont alors été exonérées de leurs responsabilités administratives en matière de droit de séjour ; l’État a pris des mesures pour permettre aux étrangers dont les visas, les permis de séjour ou les passeports avaient expiré de rester au Kazakhstan. Les chancelleries étrangères ont apprécié ces mesures, a souligné la délégation.

Sur l’ensemble de la population carcérale, plus de la moitié (54,3%) est composée de Kazakhs et 28% de Russes ; on compte aussi 2,8% d’Ukrainiens, 1,5% d’Allemands, 2,4% d’Ouzbeks et moins d’1% pour les autres groupes. Environ 36% des condamnés l’ont été pour atteintes aux biens, 22% pour homicide, 14% pour trafic de stupéfiants, 11% pour voies de fait et 9% pour viol.

Les autorités entendent par ailleurs élargir la base des ONG participant à l’élaboration des rapports du pays, conformément aux recommandations du Comité, a par ailleurs assuré la délégation.

Remarques de conclusion

MME ALI AL-MISNAD a recommandé au pays de reconnaître qu’il y a des tensions entre les différents groupes ethniques au Kazakhstan et que ces tensions sont notamment dues à des facteurs tels que la corruption ou les activités criminelles. Le Gouvernement doit former les populations et les forces de police, tenir des débats publics dans les médias et les universités, afin d’éduquer au respect des droits des minorités. Il doit en outre permettre aux jeunes de ces minorités d’avoir des horizons, y compris en développant un programme de formation visant à les aider à passer les examens d’entrée à l’Université. L’Experte a également indiqué qu’il lui semble que le Kazakhstan est un pays en transition. Il est donc à souhaiter que le discours du Président kazakhe du 16 mars dernier permette vraiment de changer les choses et n’ait pas seulement procédé d’une réaction à une situation.

Concluant à son tour, M. SHOIKIN a remercié le Comité pour ce dialogue positif et a assuré de la détermination de son pays à continuer de perfectionner son modèle et les droits de tous. La délégation kazakhe a pris bonne note de toutes les questions soulevées et les observations finales du Comité seront d’un grand intérêt pour le pays, a-t-il assuré.

 

Ce document produit par le Service de l’information des Nations Unies à Genève est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel.

Les versions anglaise et française de nos communiqués sont différentes car elles sont le produit de deux équipes de couverture distinctes qui travaillent indépendamment.

 

CERD22.005F