Fil d'Ariane
752 victimes civiles confirmées au 1er mars, dont 227 tués, et plus de deux millions de personnes contraintes de fuir: tel est le bilan provisoire dressé par Mme Bachelet à l’ouverture du débat urgent du Conseil des droits de l’homme sur la situation en Ukraine
Cet après-midi, le Conseil des droits de l’homme a ouvert son débat urgent sur « la situation des droits de l’homme en Ukraine résultant de l’agression russe » en entendant des déclarations de la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Mme Michelle Bachelet, et du Président du Comité de coordination des procédures spéciales (du Conseil), M. Victor Madrigal-Borloz. Ils ont tous deux dressé le même bilan, basé sur les chiffres de mardi soir [1er mars] du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, qui font état de 752 victimes civiles confirmées, dont 227 tués – parmi lesquels 15 enfants – et au moins 525 blessés, dont 28 enfants. Les chiffres exacts seront bien plus élevés, car de nombreuses autres pertes attendent d’être confirmées, ont-ils souligné.
Selon les estimations du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), plus de deux millions de personnes ont été contraintes de fuir leur domicile, a ajouté Mme Bachelet. Un million de personnes, selon les estimations du HCR, sont déplacées à l’intérieur du pays et plus d’un million de réfugiés (1 040 000) ont cherché refuge dans les pays voisins ces sept derniers jours, a-t-elle précisé, avant de souligner que le HCR estime que jusqu’à quatre millions de personnes pourraient quitter le pays dans les semaines à venir si le conflit se poursuit.
Mme Bachelet a affirmé que l'attaque militaire de la Fédération de Russie contre l'Ukraine lancée le 24 février dernier avait ouvert un « nouveau et dangereux chapitre de l'histoire du monde ». Elle a déploré que la plupart des pertes civiles aient été causées par le recours à l'artillerie lourde, à des systèmes de lance-roquettes multiples et à des frappes aériennes dans des zones peuplées, avec des rapports préoccupants faisant état de l’utilisation d’armes à sous-munitions frappant des cibles civiles.
Des dizaines de millions de personnes restent en Ukraine, potentiellement en danger de mort, a rappelé la Haute-Commissaire, avant de se dire profondément préoccupée que l’escalade actuelle des opérations militaires n’aggrave encore les souffrances auxquelles ces personnes sont confrontées. Mme Bachelet a souhaité se faire l’écho de l’appel lancé hier par l’Assemblée générale des Nations Unies en faveur d’une résolution immédiate du conflit par des moyens pacifiques. Elle a en outre fermement exhorté à la pleine protection des civils, ainsi que des soldats capturés, comme l’exige le droit humanitaire international.
Cette attaque militaire russe viole de manière flagrante le droit international et frappe au cœur même de l'esprit et de l'objet de la Charte des Nations Unies, a souligné M. Madrigal-Borloz. Il a indiqué qu’en tant qu'experts des droits de l'homme, ses collègues et lui exhortent la Fédération de Russie à respecter le droit international; à mettre fin aux hostilités immédiatement et sans condition ; à cesser immédiatement toutes les violations des droits de l'homme résultant de l'attaque ; à permettre aux défenseurs des droits de l'homme en Ukraine et en Fédération de Russie de mener à bien leur travail pacifique ; à faciliter l'acheminement immédiat et sans entrave de l'aide humanitaire sans aucune discrimination ; et à restaurer la capacité du peuple en Ukraine d’exercer ses droits de l’homme et ses libertés fondamentales sans ingérence militaire ou extérieure.
Le Président du Comité de coordination a dit compter sur le leadership du Conseil pour veiller à ce que l'accent mis actuellement sur la situation d'urgence ne détourne pas l'attention des libertés de réunion, d'association et d'expression en Fédération de Russie même, alors que des informations suggèrent que quelque 7000 personnes ont été arrêtées depuis jeudi dernier.
Le Conseil a ensuite entendu une déclaration de la Fédération de Russie dont le Représentant permanent auprès des Nations Unies à Genève a notamment interpellé les États-Unis et l’Union européenne en leur demandant « dans lequel des documents internationaux relatifs aux droits de l'homme auxquels [ils sont] parties est-il écrit que la fourniture d'armes létales contribue à sauver des vies humaines ? ». C’est très simple, leur a-t-il également lancé, « le régime fantoche de Zelensky ne vous intéresse que comme outil de pression et monnaie d'échange dans votre confrontation avec la Russie ».
S’exprimant à son tour, la Vice-Ministre des affaires étrangères de l’Ukraine a souligné que, pendant que la police russe jette en prison des centaines de Russes qui osent dire non à la guerre, des millions d’Ukrainiens résistent, luttent contre les tanks à main nue, servent volontairement de boucliers humains pour protéger une centrale nucléaire. Les bombes russes détruisent villes et villages, églises, musées, parcs et infrastructures critiques, a-t-elle insisté. « C’est un moment de vérité non seulement pour l’Ukraine, qui tente de survivre, mais pour tout le système international des droits de l’homme et ses institutions », a-t-elle averti.
Des déclarations ont ensuite été faites par de très nombreuses délégations* qui ont pris part au débat*.
Le Conseil poursuivra ce débat urgent demain matin, à partir de 10 heures, avant de se prononcer sur le projet de résolution dont il est saisi à ce titre.
Débat urgent sur la situation des droits de l’homme en Ukraine résultant de l’agression russe
Déclarations liminaires
MME MICHELLE BACHELET, Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, a souligné qu’il y a une semaine, l’attaque militaire lancée par la Fédération de Russie sur l’Ukraine avait ouvert un nouveau et dangereux chapitre dans l’histoire mondiale. Cette attaque, qui a débuté le 24 février, a un impact énorme sur les droits de millions de personnes à travers l’Ukraine, a-t-elle ajouté, avant de faire observer que les niveaux de menace élevés pour les armes nucléaires soulignent la gravité des risques pour l'ensemble de l'humanité.
Mme Bachelet a indiqué que les opérations militaires continuent de s’intensifier dans les principales villes et autour, notamment à Tchernihiv, Kharkiv, Kherson, Lyssytchansk, Sievierodonetsk, Soumy, Marioupol, Jytomyr, ainsi que dans la capitale, Kiev. La ville de Volnovakha, dans la région de Donetsk, a été presque entièrement détruite, a ajouté la Haute-Commissaire. Elle a précisé que les chiffres de mardi soir [1er mars] du Haut-Commissariat aux droits de l’homme font état de 752 victimes civiles confirmées, dont 227 tués – parmi lesquels 15 enfants – et au moins 525 blessés, dont 28 enfants. Quelques 323 de ces 752 victimes – 65 tués et 258 blessés – ont été enregistrées dans les régions de Donetsk et de la Lougansk, et le reste dans les autres régions de l’Ukraine. Les chiffres exacts seront bien plus élevés, car de nombreuses autres pertes attendent d’être confirmées, a souligné la Haute-Commissaire. « Nous pleurons tous les décès qui se sont produits », a-t-elle déclaré. Elle a déploré que la plupart des pertes civiles aient été causées par le recours à l'artillerie lourde, à des systèmes de lance-roquettes multiples et à des frappes aériennes dans des zones peuplées, avec des rapports préoccupants faisant état de l’utilisation d’armes à sous-munitions frappant des cibles civiles. Des dommages massifs ont été infligés à des bâtiments résidentiels, a insisté Mme Bachelet. « L’utilisation d’armes ayant des effets sur de vastes zones dans des zones urbaines densément peuplées est par nature aveugle et je demande la cessation immédiate d’une telle force », a affirmé la Haute-Commissaire. Des dommages substantiels ont été infligés à un grand nombre de biens civils, y compris des hôpitaux et des écoles, et des infrastructures essentielles ont été endommagées, coupant la fourniture de services essentiels tels que l’électricité, l’eau et l’accès aux soins de santé, a-t-elle indiqué. Le 26 février, des troupes russes près de Kherson auraient tiré sur une ambulance qui transportait des victimes gravement blessées ; le conducteur a été tué et un agent de santé blessé, a ajouté Mme Bachelet.
Selon les estimations du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), plus de deux millions de personnes ont été contraintes de fuir leur domicile. Un million de personnes, selon les estimations du HCR, sont déplacées à l’intérieur du pays et plus d’un million de réfugiés (1 040 000) ont cherché refuge dans les pays voisins ces sept derniers jours, a précisé Mme Bachelet. Le HCR estime que jusqu’à quatre millions de personnes pourraient quitter le pays dans les semaines à venir si le conflit se poursuit, a ajouté la Haute-Commissaire aux droits de l’homme, avant de saluer l’accueil que les Ukrainiens qui quittent le pays ont reçu. Cet accueil doit être étendu à tous ceux qui fuient le conflit, quels que soient leur citoyenneté, leur appartenance ethnique et leur statut, migratoire ou autre. Il y a eu des indications troublantes de discrimination à l'encontre de ressortissants africains et asiatiques qui fuyaient l’Ukraine et le Haut-Commissariat aux droits de l’homme scrutera cette situation avec attention, a indiqué Mme Bachelet.
Des dizaines de millions de personnes restent en Ukraine, potentiellement en danger de mort, a poursuivi la Haute-Commissaire, avant de se dire profondément préoccupée que l’escalade actuelle des opérations militaires n’aggrave encore les souffrances auxquelles ces personnes sont confrontées. Le personnel du Haut-Commissariat aux droits de l’homme en Ukraine a été contacté par plusieurs groupes – notamment des membres de la communauté des Tatars de Crimée en Ukraine continentale (mainland Ukraine) ainsi que d’éminents défenseurs des droits de l’homme et journalistes – qui craignent d’être persécutés si les troupes russes avancent.
Mme Bachelet a souhaité se faire l’écho de l’appel lancé hier par l’Assemblée générale des Nations Unies en faveur d’une résolution immédiate du conflit par des moyens pacifiques. Les États doivent se conformer au droit international et il est impératif de permettre le plein accès pour l’acheminement de l'aide humanitaire aux civils dans l'ensemble du pays, a-t-elle déclaré. Elle a fermement exhorté à la pleine protection des civils, ainsi que des soldats capturés, comme l’exige le droit humanitaire international.
La Haute-Commissaire a par ailleurs noté que la Cour internationale de justice a officiellement été saisie de procédures liées au conflit et qu’elle entamera la semaine prochaine des audiences sur une demande de mesures provisoires. D’autre part, le Procureur de la Cour pénale internationale a annoncé sa décision de procéder immédiatement à des enquêtes actives sur la situation en Ukraine, suite aux saisines émanant d’un grand nombre d’Etats. Quant au Conseil des droits de l’homme, a souligné Mme Bachelet, il est saisi d’une importante proposition qui vise à élargir les voies de l’obligation redditionnelle au travers d’une commission d’enquête internationale indépendante.
Mme Bachelet a rappelé que ces huit dernières années, le Haut-Commissariat avait surveillé de manière approfondie et régulière la situation des droits de l’homme en Ukraine, en se concentrant sur les régions du Donbass engagées dans le conflit ainsi que sur la République autonome de Crimée et la ville de Sébastopol occupées par la Fédération de Russie depuis 2014. Les 40 rapports publiés par le Haut-Commissariat sont accessibles au public ; ils documentent les violations du droit international relatif aux droits de l’homme et au droit humanitaire par de multiples acteurs sur cette période, a rappelé Mme Bachemet. Elle a, à cet égard, précisé que les observateurs des droits de l’homme du Haut-Commissariat continueront à opérer à travers le pays dans toute la mesure de leurs capacités. Cette crise démontre l’importance vitale de notre surveillance objective et de nos rapports objectifs en Ukraine, a souligné Mme Bachelet. Elle a conclu son propos en exprimant son soutien aux personnes qui souffrent de privations, de douleurs et de peurs insupportables en raison de la destruction insensée de la guerre.
M. VICTOR MADRIGAL-BORLOZ, Président du Comité de coordination des procédures spéciales (du Conseil des droits de l’homme) a déclaré qu’alors que le monde continue d’assister, désespéré, à l’impact désastreux de l’attaque militaire de la Fédération de Russie sur l’Ukraine, les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil qu’il représente ici saluent la décision du Conseil de tenir ce débat urgent. A la suite de la décision historique de l'Assemblée générale de déplorer dans les termes les plus vifs l'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine en violation de l'article 2 de la Charte, il appartient maintenant à ce Conseil d'inscrire « pleinement » les droits de l'homme dans la réponse à la crise et de contribuer à un cessez-le-feu immédiat, à une désescalade des tensions et à un retour résolu à la diplomatie et au dialogue. Les titulaires de mandat sont « prêts » à continuer d'aider le Conseil et les parties concernées, aujourd'hui et dans les semaines à venir, a-t-il indiqué.
M. Madrigal-Borloz a ensuite rappelé que lundi dernier, quelque 63 experts des droits de l'homme nommés par le Conseil des droits de l’homme, ainsi que les présidents de six des organes conventionnels des droits de l'homme des Nations Unies ont exprimé, à l'unisson, leur « profonde indignation » et leur « détresse » face à « l'agression perpétrée par les forces de la Fédération de Russie à l’encontre de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de l'Ukraine et de toutes les personnes se trouvant sous juridiction ukrainienne ». Cette attaque militaire, qui viole de manière flagrante le droit international et frappe au cœur même de l'esprit et de l'objet de la Charte des Nations Unies, est fondamentalement une atteinte à l'ordre qui permet à notre travail de faire avancer les droits de l'homme et leur objectif de promouvoir le respect de la dignité humaine, a déclaré le Président du Comité de coordination des procédures spéciales.
M. Madrigal-Borloz a ensuite repris à l’identique les chiffres relatifs au bilan des victimes que la Haute-Commissaire vient de présenter dans sa déclaration [ci-dessus]. La plupart de ces victimes ont été causées par l'utilisation d'armes explosives à large zone d'impact, a-t-il lui aussi fait observer, avant de souligner, à son tour, que le nombre réel de victimes est probablement beaucoup plus élevé. « Nous condamnons avec la plus grande fermeté ces graves violations du droit à la vie, à la liberté et à la sécurité », a déclaré M. Madrigal-Borloz. Les effets catastrophiques et traumatiques des déplacements forcés et de la destruction des infrastructures essentielles s’étendront sur des générations, en particulier pour les enfants pour lesquels le traumatisme risque de durer toute une vie, a-t-il insisté.
L’espoir des procédures spéciales est que ce Conseil jouera le rôle qui lui revient en plaçant et en maintenant les droits de l'homme au centre de la réponse par une série de mesures concrètes. Le Conseil pourra, notamment, engager tous les efforts nécessaires pour garantir l’obligation redditionnelle due, à partir d'une approche fondée sur des preuves. Il faut s'attendre à ce que vos procédures spéciales reçoivent des informations importantes sur la manière dont le coût humain doit être évalué au regard des normes du droit international relatif aux droits de l'homme, a souligné M. Madrigal-Borloz à l’intention des délégations. De leur côté, a-t-il poursuivi, les procédures spéciales appellent tous les membres de la communauté internationale, en particulier ceux qui fournissent un soutien et un abri aux personnes fuyant le conflit, à respecter le principe fondamental de non-discrimination. Nous sommes profondément troublés, par exemple, que des femmes et des enfants puissent être affectés de manière disproportionnée par cette guerre et que des ressortissants de pays tiers puissent faire l'objet d'un traitement discriminatoire lorsqu'ils fuient le conflit et se voir refuser l'accès à une assistance essentielle, a indiqué M. Madrigal-Borloz. D’autre part, a-t-il ajouté, les entreprises, y compris les entreprises technologiques et celles qui ont des usines dans un contexte de conflit, devraient être appelées à s'engager dans une diligence raisonnable accrue en matière de droits de l'homme, conformément aux Principes directeurs des Nations Unies sur les entreprises et les droits de l'homme. Par ailleurs, dans cette approche globale fondée sur les droits de l’homme, aussi longtemps que cela sera faisable, les voix et le savoir de la société civile et des défenseurs des droits de l’homme ukrainiens doivent se voir accorder une place fondamentale, a indiqué M. Madrigal-Borloz.
M. Madrigal-Borloz s’est en outre fait l’écho des mots prononcés par le Secrétaire général à l'Assemblée générale, indiquant que nous sommes confrontés à ce qui pourrait devenir « la pire crise humanitaire et de réfugiés en Europe depuis des décennies ». Il a ici aussi repris les chiffres mentionnés par la Haute-Commissaire dans sa déclaration devant le Conseil cet après-midi (voir ci-dessus).
Le Président du Comité de coordination a également dit compter sur le leadership du Conseil pour veiller à ce que l'accent mis actuellement sur la situation d'urgence ne détourne pas l'attention des libertés de réunion, d'association et d'expression en Fédération de Russie même. Des informations suggèrent que quelque 7000 personnes ont été arrêtées depuis jeudi dernier, a indiqué M. Madrigal-Borloz, appelant à ce que toutes les personnes arrêtées et détenues soient traitées conformément aux obligations internationales de la Fédération de Russie en matière de droits humains et soient libérées sans plus tarder. Il a par ailleurs indiqué que la menace que fait peser sur l’environnement le conflit armé, avec des zones qui seraient contaminées par des radiations, est également source de profonde préoccupation.
M. Madrigal-Borloz a exhorté la Fédération de Russie à écouter les voix collectives de la communauté internationale – laquelle s'exprime maintenant unanimement pour dire sans équivoque que ces actions militaires sont inacceptables pour tous.
En tant qu'experts des droits de l'homme, mes collègues et moi exhortons la Fédération de Russie à respecter le droit international; à mettre fin aux hostilités immédiatement et sans condition ; à cesser immédiatement toutes les violations des droits de l'homme résultant de l'attaque ; à permettre aux défenseurs des droits de l'homme en Ukraine et en Fédération de Russie de mener à bien leur travail pacifique ; à faciliter l'acheminement immédiat et sans entrave de l'aide humanitaire sans aucune discrimination ; et à restaurer la capacité du peuple en Ukraine d’exercer ses droits de l’homme et ses libertés fondamentales sans ingérence militaire ou extérieure, a conclu M. Madrigal-Borloz.
Pays concernés
M. GENNADY GATILOV, Représentant permanent de la Fédération de Russie auprès des Nations Unies à Genève, a rappelé que le Conseil s’était saisi de la situation en Ukraine en 2014, « au moment où un régime est arrivé au pouvoir à Kiev à la suite d'un coup d'État anticonstitutionnel qui, dans les meilleures traditions de l'Allemagne nazie, a entrepris de virtuellement exterminer la population russophone de son pays ».
« Les résultats tragiques sont bien connus », a ajouté le Représentant permanent de la Fédération de Russie, citant « les dizaines de personnes brûlées vives dans la Maison des syndicats à Odessa, des tirs de snipers contre des manifestants pacifiques sur le Maïdan lui-même et des massacres brutaux de dissidents à travers l'Ukraine ». La population du Donbass ne voulait pas vivre dans la peur perpétuelle, ni être éventuellement exterminée, a ajouté M. Gatilov. Il ne tenait qu’à Kiev de remplir ses propres engagements au titre du paquet de mesures de Minsk pour parvenir à la paix sur son propre territoire, a-t-il affirmé.
Depuis huit ans, le Conseil discute régulièrement de la situation en Ukraine, a poursuivi M. Gatilov, avant de s’interroger sur les progrès réalisés durant tout ce temps. Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme a préparé 45 rapports sur la base des matériaux émanant de sa propre Mission d'observation et chacun d'entre eux documente la souffrance de la population du Donbass. Il semblerait donc que « les membres du Conseil avaient entre leurs mains tous les éléments factuels sur la base desquels des conclusions pouvaient être tirées pour remédier à la situation », a déclaré M. Gatilov. « Il aurait été possible de sauver la vie des habitants du Don et de Lougansk tués par les forces armées et les nationalistes ukrainiens et d'empêcher l'escalade actuelle », a-t-il affirmé. Pour cela, les pays de l’Union européenne et les États-Unis auraient dû exercer une pression sur les autorités de Kiev pour les encourager à prendre des mesures afin d’améliorer la situation dans leur propre pays et de résoudre le conflit au Donbas, a dit M. Gatilov. Au lieu de cela, « vous avez ignoré la tragédie de la population de cette région et, en fait, de toute l’Ukraine », a-t-il déclaré.
M. Gatilov a demandé aux États-Unis et à l’Union européenne : « Dans lequel des documents internationaux relatifs aux droits de l'homme auxquels vous êtes parties est-il écrit que la fourniture d'armes létales contribue à sauver des vies humaines ? ». « Durant la seule agression de l'OTAN contre la Yougoslavie en 1999 , durant laquelle vous avez utilisé des armes complètement inhumaines et eu recours à des frappes avec des bombes à fragmentation aveugles, quelque 200 000 civils ont été tués, y compris des enfants », leur a-t-il également lancé. Et qu’en est-il des « centaines de milliers de vies que votre travail missionnaire en Afghanistan, en Iraq, en Libye ou en Syrie ont prises », a-t-il ajouté ?
C’est très simple, a conclu le Représentant permanent de la Fédération de Russie : « il n'est pas dans votre intérêt que l'Ukraine reste calme et prospère. […] Vous n'avez pas besoin que la situation dans ce pays soit réglée. Et le régime fantoche de Zelensky ne vous intéresse que comme outil de pression et monnaie d'échange dans votre confrontation avec la Russie ».
MME EMINE DZHAPAROVA, Première Vice-Ministre des affaires étrangères de l’Ukraine, a dénoncé une « menace existentielle pour les droits de l’homme provoquée par la violation des principes fondamentaux du droit international consacrés par la Charte des Nations Unies » de la part d’une puissance majeure, membre du Conseil de sécurité, un des plus grands pays au monde – d’un « dirigeant qui veut paraître fort alors qu’il est faible, le Président Poutine ».
L’invasion de l’Ukraine par la Fédération de Russie amorce sa deuxième semaine, a poursuivi Mme Dhzaparova, « et chaque jour apporte son lot de morts, d’indignité, de déshonneur, de décès ». Une maternité a été bombardée, tandis que la Fédération de Russie frappe avec des missiles en pleine nuit, a dénoncé la Vice-Ministre.
Pendant que [en Fédération de Russie] la police russe jette en prison des centaines de Russes qui osent dire non à la guerre, des millions d’Ukrainiens résistent, luttent contre les tanks à main nue, servent volontairement de boucliers humains pour protéger une centrale nucléaire, a rappelé Mme Dhzaparova. Les bombes russes détruisent villes et villages, églises, musées, parcs et infrastructures critiques. “Des millions de mes compatriotes ont été contraints de devenir des réfugiés ou des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays. Tout ceci se produit en Ukraine, en 2022, sous vos yeux et à vos portes », a mis en garde Mme Dhzaparova.
« Nous n’avons rien fait pour provoquer cela, nous essayons seulement (…) de construire notre futur comme nous l’imaginons sans notre voisin », a expliqué la Vice-Ministre ukrainienne, avant de dénoncer un « groupe de criminels de guerre avec accès au bouton nucléaire [qui] se place au-dessus du droit international ». Le Conseil joue un rôle prépondérant pour conjuguer les efforts afin de permettre que la Fédération de Russie réponde de ses actes et de ses crimes envers l’Ukraine, a souligné Mme Dhzaparova. Alors que le Conseil va se prononcer sur une résolution prévoyant la création d’une commission d’enquête sur les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire résultant de l’agression russe, dans le prolongement de la résolution de l’Assemblée générale intitulée « Agression contre l’Ukraine » adoptée hier, Mme Dhzaparova a remercié celles et ceux qui ont fait preuve d’une forte solidarité avec l’Ukraine. « C’est un moment de vérité non seulement pour l’Ukraine, qui tente de survivre, mais pour tout le système international des droits de l’homme et ses institutions », a conclu la Vice-Ministre.
Aperçu du débat
Hier, à l’Assemblée générale, 141 membres des Nations Unies ont déjà dénoncé l’agression russe contre l’Ukraine, ont souligné nombre de délégations, avant de condamner la « violation flagrante des principes fondamentaux du droit international » que constitue « l’agression militaire non provoquée et injustifiée » contre l'Ukraine par la Fédération de Russie. Une action militaire menée par un membre du Conseil contre un autre État membre est incompatible avec les buts et principes régissant la coexistence pacifique entre les nations, a-t-il été souligné. Plusieurs intervenants ont ajouté que « l’invasion en cours », dont la responsabilité incombe au seul Président Poutine est le point culminant des actions hostiles de la Fédération de Russie visant l'Ukraine depuis 2014. Il ne s’agit pas seulement d’une attaque contre l’Ukraine, mais d’une attaque contre l’Europe, a-t-il été dit.
Le peuple ukrainien se bat aujourd’hui non seulement pour la survie de son pays, mais aussi pour défendre l'ordre international fondé sur des règles et créé sur les cendres de la Seconde Guerre mondiale. Les conséquences dévastatrices de cette agression sont, non seulement pour l'Europe, mais aussi pour le monde entier, a-t-il été affirmé.
Malgré des « efforts inlassables » de l’Union européenne pour parvenir à une solution diplomatique, a-t-il été affirmé, la Fédération de Russie a opté « unilatéralement » pour une « escalade grave et préméditée. » On assiste à des scènes effroyables d’attaques aveugles de l’armée russe contre des cibles civiles, a-t-il été souligné. Il ne saurait y avoir de place au sein de ce Conseil pour les auteurs de telles terribles violations, a affirmé un intervenant.
Le Président Poutine a menti, afin de justifier une « agression inacceptable et sans issue », a-t-il été affirmé. Un pays qui a combattu le fascisme ne peut agir de la sorte, a déploré une délégation, jugeant aussi que les hostilités contre l'Ukraine vont à l'encontre des principes de respect de la souveraineté, de l'intégrité territoriale, de la non-ingérence dans les affaires intérieures d'un autre État souverain, ainsi que de l'interdiction du recours à la force ou de la menace d’y recourir. La Fédération de Russie manipule cyniquement la notion de génocide pour justifier son agression – une accusation que les rapports de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et des Nations Unies ne confirment pas, a-t-il été souligné.
Pour quelques délégations, la « vérité » est plutôt que l’ordre mondial datant de plus de 30 ans est en train de changer et cela témoigne en outre de l’échec de l’architecture sécuritaire internationale. Une délégation a affirmé que l’on cherche en réalité à déstabiliser la Fédération de Russie, en ayant recours à divers stratagèmes.
Cette attaque russe fait courir un risque immense à des millions de personnes, alors même que de nombreux civils sont déjà morts ou ont été blessés et que des centaines de milliers de personnes sont déplacées, a-t-il été rappelé. Plusieurs délégations ont déploré des attaques répétées et ciblées contre des infrastructures civiles, y compris des écoles et des hôpitaux, de la part des forces armées russes, et ont dénoncé le recours à des armes explosives et à sous munitions dans des zones habitées pour semer la terreur au sein de la population civile – des pratiques proscrites par les Conventions de Genève.
Un cessez-le-feu s’impose pour réduire les tensions et rechercher une solution pacifique, ont plaidé plusieurs délégations. Toutes les parties ont été appelées à protéger, en tant que priorité absolue, les femmes et les enfants en Ukraine, de même qu’à assurer le passage de l’aide humanitaire aux personnes dans le besoin. Plusieurs délégations se sont prononcés en faveur d’un corridor humanitaire permettant l’acheminement sans entrave de l’aide humanitaire ou ont plaidé pour des « pauses humanitaires », à des fins exclusivement humanitaires.
Certains intervenants ont part de leurs inquiétudes s’agissant de ressortissants africains en Ukraine qui se verraient refuser le droit de traverser la frontière pour se mettre à l’abri hors du pays.
La Fédération de Russie a été appelée à retirer ses troupes de l'ensemble du territoire de l'Ukraine et à respecter pleinement et sans condition l’intégrité territoriale et l’indépendance du pays. Elle a aussi été appelée à respecter le droit international humanitaire et les droits de l'homme. Plusieurs orateurs ont demandé à la Fédération de Russie de mettre fin à cette « guerre injuste », mais aussi à sa campagne de désinformation et de cyberattaques. Il n’y a que la Fédération de Russie qui puisse mettre un terme à cette « folie », a-t-il été affirmé.
Nombre de délégations ont apporté leur soutien à toutes les initiatives qui sont prises pour résoudre le conflit par le biais de moyens diplomatiques, et ont plaidé pour un processus de désescalade. Elles ont salué les efforts diplomatiques qui sont actuellement en cours entre la Fédération de Russie et l’Ukraine pour trouver une solution au conflit.
Il est crucial de veiller à ce que tous les auteurs des violations perpétrées dans le cadre de ce conflit soient traduits en justice, a-t-il été souligné. La nécessité de créer une commission d'enquête sur toutes les violations des droits de l'homme commises par la Fédération de Russie en Ukraine – comme le prévoit le projet de résolution sur lequel le Conseil doit se prononcer demain – a été jugée indispensable.
Le Conseil ne peut s’exonérer de ses responsabilités, a-t-il été affirmé, alors qu’il doit se prononcer sur un projet de texte, il est essentiel qu’il s'informe de la situation des droits de l'homme en Ukraine, surveille son évolution et prenne des mesures pour prévenir et documenter les violations des droits de l'homme, a-t-on souligné. La communauté internationale dans son ensemble doit assumer ses responsabilités pour faire la lumière sur toutes les violations du droit international humanitaire commises en Ukraine et rendre les auteurs des violences responsables de leurs actes. Une délégation a exhorté le Conseil des droits de l'homme à utiliser tous les mécanismes et instruments à sa disposition pour éviter une escalade des violences.
Plusieurs délégations ont insisté sur l’importance des saisines de la Cour pénale internationale et de la Cour internationale de justice.
Quelques délégations ont pour leur part clairement annoncé leur opposition à toute résolution du Conseil des droits de l’homme sur le sujet, estimant que la création d’une commission d’enquête ne contribuerait pas à trouver une solution diplomatique à la crise. Le Conseil se doit d’éviter la politisation des droits de l’homme, a-t-il été souligné. D’aucuns ont mis en garde contre « la politique de deux poids deux mesures au sein du Conseil à laquelle se livrent certains États qui sont eux-mêmes responsables des pires violations des droits de l'homme dans le monde ». Le Conseil devrait au contraire chercher le dialogue et promouvoir la paix, y compris par la prise en compte de tous les points de vue.
L’escalade actuelle prend sa source dans l’effondrement des accords de Minsk, à l’instigation des États-Unis, dans l’expansion incessante de l’OTAN vers l’est et dans une attitude hostile envers la Fédération de Russie, a dit un intervenant. D’aucuns ont dénoncé les années de silence de la communauté internationale concernant les violations des droits de l’homme dans le Donbass et le bombardement de quartiers résidentiels dans cette même région. L’une d’entre elles a estimé que ce conflit prenait sa source dans la politique hégémoniste des États-Unis. Une délégation a estimé que les chantages, les sanctions et les menaces ne génèrent que davantage de conflit.
La population russe n’est pas ici l’ennemie, a-t-il été rappelé, alors que plusieurs intervenants exprimaient leur soutien aux défenseurs des droits de l’homme russes et bélarussiens.
*Liste des intervenants : Pologne, Lituanie, Finlande, France (au nom de l’Union européenne), Arabie saoudite (au nom du Conseil de coopération du Golfe), Barbade (au nom d’un groupe de pays), Maroc (au nom du Groupe arabe), Côte d’Ivoire (au nom du Groupe africain), Allemagne, Îles Marshall, France, Japon, Venezuela, Luxembourg, Émirats arabes unis, Inde, Paraguay, Mexique, Honduras, République de Corée, États-Unis, Libye, Chine, Pays Bas, Indonésie, Royaume-Uni, Monténégro, Népal, Argentine, Malaisie, Bolivie, Brésil, Malawi, Pakistan, Bénin, Érythrée, Colombie, Belgique, Estonie, Islande, Slovénie, Norvège, Croatie, Portugal, Suède, Espagne, Autriche, République tchèque, Costa Rica, Bulgarie, Italie, Slovaquie, Roumanie, Ordre souverain de Malte, Monaco, Brunei Darussalam, Vanuatu, République dominicaine, Canada, Australie, Turquie, Organisation internationale de droit du développement, Maldives, Singapour, Andorre, Trinité-et-Tobago, Grèce, Bélarus, Albanie, République arabe syrienne, Lettonie, Chypre, Géorgie, Irlande, Thaïlande, Malte, Suisse, Uruguay, Danemark, Nicaragua, République de Moldova, Nouvelle-Zélande, Chili, Liechtenstein, Équateur, Guatemala, Israël, Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), République populaire démocratique de Corée, Afghanistan, Saint-Siège, Liban, Timor-Leste, Macédoine du Nord, Afrique du Sud, Saint-Marin, Pérou, Jamaïque, Bangladesh, Bosnie-Herzégovine, Cabo Verde, Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF).
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