Fil d'Ariane
République démocratique du Congo : le Comité des droits économiques, sociaux et culturels se penche notamment sur les violences sexuelles et sur la réglementation du secteur minier
Les Congolais sont confrontés à un paradoxe, car ils sont à la fois « dotés d’une grande richesse par la nature » et confrontés à de « grandes poches de pauvreté », a observé cet après-midi un membre du Comité des droits économiques, sociaux et culturels à l’issue de l’examen du rapport soumis par la République démocratique du Congo au titre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Le Gouvernement, a relevé cet expert, a d’ores et déjà adopté des lois pour combler les lacunes qui existent dans le domaine foncier, relativement aux peuples autochtones ou encore en ce qui concerne les défenseurs des droits de l’homme, tandis que investissements considérables ont été faits dans l’école primaire gratuite. Il est important de « traduire ce qui est réalisé au niveau législatif en réalité sur le terrain », a toutefois rappelé l’expert.
Durant l’examen du rapport, qui se tenait à Genève depuis lundi, un autre expert du Comité a fait part de sa grande préoccupation devant le caractère « systématique et particulièrement étendu des violences sexuelles » subies par les femmes et les fillettes dans les contextes de conflit ou autres en République démocratique du Congo – des violences perpétrées « la plupart du temps par les forces armées ou les forces de police », a ajouté cet expert.
Si un membre du Comité a constaté « des débuts de mécanisme de réglementation » du secteur minier en République démocratique du Congo, il n’en a pas moins été relevé que des milliers de travailleurs du secteur minier travaillent dans des conditions très dangereuses, proches de l’exploitation, entraînant blessures, maladies et même décès, tandis que nombre d’enfants et de femmes enceintes sont employés dans ce même secteur.
Selon le Programme alimentaire mondial (PAM), la République démocratique du Congo est confrontée à une « crise alimentaire absolue », en raison notamment de conflits internes, a-t-il également été relevé.
Il a par ailleurs été fait état de la situation difficile des défenseurs des droits de l’homme en République démocratique du Congo, qui sont souvent victimes de menaces, surtout lorsqu’ils défendent les droits fonciers. De même, les défenseurs des droits humains des LGBTI sont toujours confrontés à une très grande violence – même si les organisations de la société civile signalent des progrès dans ce domaine, a-t-il été ajouté.
Plusieurs experts ont souligné l’importance pour la République démocratique du Congo d’adopter une loi générale contre la discrimination.
Présentant le rapport de son pays, M. Albert Fabrice Puela, Ministre des droits humains de la République démocratique du Congo, a déclaré qu’« en dépit de la récurrence des attaques perpétrées par les groupes armés dans certaines parties » du pays, « auxquelles est venue malheureusement s’ajouter la pandémie de COVID-19 », la République démocratique du Congo travaillait sans relâche à la mise en œuvre du Pacte. Plusieurs mesures ont été prises par le Gouvernement, y compris l’état de siège décrété en mai 2021 en Ituri et au Nord-Kivu pour y restaurer l’autorité de l’État et favoriser le retour de la paix et le respect des droits humains, a souligné le Ministre.
D’autre part, a poursuivi M. Puela, pour éliminer la discrimination directe et indirecte fondée sur le genre, de nouvelles dispositions législatives ont été prises, au nombre desquelles figure la loi de 2016 qui a abrogé toutes les dispositions discriminatoires que portait le Code de la famille de 1987, notamment sur toutes les questions découlant du mariage et des rapports familiaux.
M. Puela a aussi souligné que l’instauration d’un État de droit impliquait la mise en œuvre de mécanismes susceptibles de faire face, d’une part, au lourd héritage de violences dans le pays et d’offrir, d’autre part, des chances à un environnement pacifié propice à la réconciliation nationale. À cet effet, plusieurs actions ont été menées par le Gouvernement pour matérialiser et opérationnaliser tous les mécanismes de justice transitionnelle, a-t-il fait valoir.
Pendant le débat avec les membres du Comité, la délégation a fait savoir, en particulier, que son Gouvernement était en train de revoir certains contrats miniers jugés « léonins » et de créer un fonds minier pour les générations futures, en vue de réparer les graves dommages causés à l’environnement dans les villages et autres agglomérations affectés par l’exploitation des minerais. D’autre part, le Gouvernement a engagé la communauté et les personnes dans un changement de comportement vis-à-vis des violences sexuelles, l’exemple venant du sommet de l’État, a assuré la délégation.
Outre M. Puela et plusieurs de ses collaborateurs au Ministère des droits humains, la délégation était composée de M. Paul Empole Losoko Efambe, Représentant permanent de la République démocratique du Congo auprès des Nations Unies à Genève, du Secrétaire permanente adjoint du Comité interministériel des droits de l’homme, ainsi que de représentants des Ministères de la justice ; du genre, de la femme et de la famille ; de l’urbanisme et de l’habitat ; de la culture, des arts et du patrimoine ; ainsi que de l’emploi, du travail et de la prévoyance sociale.
Le Comité doit achever, demain matin à partir de 9 heures, l’examen du rapport du Bélarus.
Examen du rapport
Le Comité est saisi du sixième rapport périodique soumis par la République démocratique du Congo (E/C.12/COD/6), ainsi que des réponses du pays à une liste de points à traiter qui lui avait été transmise par le Comité.
Présentation
Le rapport a été présenté par M. ALBERT FABRICE PUELA, Ministre des droits humains et chef de la délégation de la République démocratique du Congo.
M. Puela a d’abord déclaré qu’« en dépit de la récurrence des attaques perpétrées par les groupes armés dans certaines parties de la République démocratique du Congo, auxquelles est venue malheureusement s’ajouter la pandémie de COVID-19 », son pays travaillait sans relâche à la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Le rapport et les réponses à la liste de points à traiter indiquent que, pour garantir pleinement à tous les Congolais les droits énumérés dans le Pacte, plusieurs mesures ont été prises par le Gouvernement, y compris l’état de siège décrété en mai 2021 en Ituri et au Nord-Kivu pour y restaurer l’autorité de l’État et favoriser le retour de la paix et le respect des droits humains, « compte tenu des drames indicibles que vivent les populations dans cet espace », a souligné le Ministre.
D’autre part, a poursuivi M. Puela, pour éliminer la discrimination directe et indirecte fondée sur le genre, de nouvelles dispositions législatives ont été prises, au nombre desquelles figure la loi n°16/008 (2016), qui a abrogé toutes les dispositions discriminatoires que portait le Code de la famille de 1987, notamment sur toutes les questions découlant du mariage et des rapports familiaux.
M. Puela a ensuite cité le programme de développement à la base pour les 145 territoires de la République démocratique du Congo lancé en octobre 2021, un projet qui vise le développement dans chaque territoire et la construction et la réhabilitation des infrastructures sociales de base.
Dans le secteur de la santé, le Gouvernement s’est doté d’un Plan stratégique national de la couverture sanitaire universelle, a ensuite fait valoir le Ministre des droits humains. Le Gouvernement a reçu pour mission du chef de l’État d’accroître de 10% par an le taux de couverture des populations par un système d’assurance maladie abordable et efficace jusqu’à ce que soit atteinte la couverture maladie universelle. Le Plan stratégique national de la couverture sanitaire universelle repose sur cinq axes stratégiques, notamment l’amélioration de l’offre et de la qualité de soins et services de santé et la protection financière pour tous les utilisateurs de ces services, a précisé le Ministre. La République démocratique du Congo a réalisé des progrès remarquables, a insisté M. Puela, mentionnant notamment la création du Conseil national de la couverture sanitaire universelle, qui a pour mission d’assurer la concertation, l’orientation et le suivi de tous les services ; et l’examen de cinq projets de décret par le Conseil des Ministres, portant notamment sur le Fonds de Solidarité Santé et sur l’Institut national de santé publique.
M. Puela a par ailleurs fait savoir que son pays avait adhéré en 2015 à la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Pour se conformer à ladite Convention, les deux chambres du Parlement ont adopté en 2021 la Loi organique portant protection et promotion des droits de la personne avec handicap, qui vient créer un cadre efficace pour la protection et la promotion des droits de la personne avec handicap aux fins d’assurer sa pleine participation à la vie nationale au même titre que tous les autres citoyens.
En outre, a indiqué le Ministre des droits humains, le Gouvernement entend lutter contre les auteurs des actes de corruption, de concussion, de détournement de biens sociaux et autres actes de malversations financières, l’objectif étant de maximiser les ressources financières afin de les utiliser pour le bien-être de la population et l’intérêt général.
M. Puela a aussi souligné que l’instauration d’un État de droit impliquait la mise en œuvre de mécanismes susceptibles de faire face, d’une part, au lourd héritage de violences dans le pays et d’offrir, d’autre part, des chances à un environnement pacifié propice à la réconciliation nationale. À cet effet, plusieurs actions ont été menées par le Gouvernement pour matérialiser et opérationnaliser tous les mécanismes de justice transitionnelle, a-t-il fait valoir.
Étant donné la complexité de la matière et compte tenu de la diversité des cultures, des tribus et des conflits, et considérant la longue attente des victimes congolaises, le Gouvernement met un accent particulier sur l’analyse contextuelle. À cet effet, les consultations populaires préalables à tout processus de justice transitionnelle qui seront lancées à la fin de ce mois de février permettront à la population congolaise de dire ses attentes et desiderata, a indiqué le Ministre.
M. Puela a enfin réaffirmé la volonté du Gouvernement d’appliquer effectivement les recommandations qui lui seront adressées par le Comité à l’issue de ce dialogue, afin d’améliorer la jouissance des droits garantis dans le Pacte.
Questions et observations des membres du Comité
M. MICHAEL WINDFUHR, Vice-Président du Comité et rapporteur pour l’examen du rapport de la République démocratique du Congo, a d’abord demandé ce qui avait été fait pour promouvoir l’invocation du Pacte devant les tribunaux nationaux. Il a ensuite voulu savoir si le pays entendait signer le Protocole facultatif au Pacte (créant une procédure de plainte devant le Comité). M. Windfuhr a par ailleurs demandé si un budget était disponible pour l’ouverture de nouveaux bureaux de l’institution nationale de droits de l’homme.
Le rapporteur a remercié le chef de la délégation pour ses explications concernant le secteur de la santé. Les écoles fermées ayant été fermées pendant la COVID-19, il s’est néanmoins enquis de ce qu’avait été le sort des quelque 25 millions d’enfants ainsi déscolarisés.
Selon le Programme alimentaire mondial (PAM), la République démocratique du Congo est confrontée à une « crise alimentaire absolue », en raison notamment de conflits internes, a d’autre part fait remarquer le rapporteur. Quelque cinq millions de personnes déplacées à l’intérieur du pays y sont victimes d’attaques par des groupes armés, a-t-il souligné.
L’expert a par ailleurs fait état de la situation difficile des défenseurs des droits de l’homme en République démocratique du Congo, qui sont souvent victimes de menaces, surtout lorsqu’ils défendent les droits fonciers. De même, les défenseurs des droits humains des LGBTI sont toujours confrontés à une très grande violence – même si les organisations de la société civile signalent des progrès dans ce domaine, a fait observer M. Windfuhr. Le rapporteur a demandé quels mécanismes étaient envisagés pour défendre les droits des « peuples autochtones » et des LGBTIQ.
D’autres questions de M. Windfuhr ont porté sur la gestion des ressources forestières congolaises.
Le rapporteur a également pointé des problèmes liés au caractère « endémique » de la corruption en République démocratique du Congo.
Il a d’autre part demandé s’il était envisagé d’adopter une loi interdisant globalement toutes les formes de discrimination en République démocratique du Congo.
D’autres questions du rapporteur ont porté sur les mesures prises pour remédier à l’insécurité alimentaire en République démocratique du Congo, un problème qui a été aggravé par la pandémie et a atteint une ampleur impressionnante, a dit l’expert.
Un autre membre du Comité a demandé ce qui avait été fait pour remédier au problème du chômage et pour donner des emplois aux personnes les plus démunies et les plus défavorisées, dans les secteurs tant formel qu’informel. Cet expert s’est ensuite enquis des mesures juridiques et des campagnes d’information visant à lutter contre la discrimination sur le lieu de travail, notamment la discrimination envers les femmes.
D’autres questions de l’expert ont porté sur les voies de recours ouvertes aux personnes qui veulent se plaindre de leurs conditions de travail ; sur la méthode de calcul du salaire minimal ; sur l’exercice des droits syndicaux ; et sur l’extension des prestations de sécurité sociale aux travailleurs du secteur informel.
Il a par ailleurs été relevé que des milliers de travailleurs du secteur minier travaillent dans des conditions très dangereuses, proches de l’exploitation, entraînant blessures, maladies et même décès. Il a été déploré que nombre d’enfants et de femmes enceintes soient employés dans ce secteur. M. Windfuhr a demandé si la révision du Code minier permettrait de protéger les moyens de substance des populations locales dans le cadre des grands projets d’extraction et de faire en sorte que les recettes minières profitent aux collectivités concernées.
Un autre expert du Comité a fait part de sa grande préoccupation devant le caractère « systématique et particulièrement étendu des violences sexuelles » subies par les femmes et les fillettes dans les contextes de conflit ou autres en République démocratique du Congo – des violences perpétrées « la plupart du temps par les forces armées ou les forces de police », a ajouté cet expert. Les informations communiquées au Comité montrent que cette question préoccupe grandement d’autres instances des Nations Unies, a-t-il souligné. Il a demandé quelles initiatives étaient prises pour s’efforcer de régler ce problème, de même que pour assurer des réparations pour les préjudices subis par les victimes de violences sexuelles. Le même expert a par ailleurs demandé où en était le projet de criminalisation du viol conjugal.
L’expert a aussi constaté « des débuts de mécanisme de réglementation » du secteur minier en République démocratique du Congo. Il a voulu savoir ce qu’il en était du contrôle du respect effectif, par les industries extractives, des normes relatives à la santé, à l’environnement et aux droits de l’homme.
Un autre expert a dit comprendre la logique de l’imposition de l’état de siège dans certaines régions du pays, vu la situation sécuritaire. L’expert a toutefois insisté sur le fait que l’état de siège – qui doit en principe protéger les droits des populations – ne devait pas se traduire par des restrictions disproportionnées des droits économiques, sociaux et culturels.
Le même expert a voulu savoir quelles dispositions concrètes étaient prises pour contrecarrer la discrimination dont souffrent les LGBTI en République démocratique du Congo. Cela souligne aussi l’importance pour le pays d’adopter une loi générale contre la discrimination, a souligné l’expert. Il a en outre demandé pourquoi la loi sur la protection des activités – légitimes – des défenseurs des droits de l’homme n’avait pas été approuvée.
Une chose est d’adopter des lois et des plans, mais ce qui préoccupe le plus le Comité, c’est la protection efficace et la mise en œuvre des droits des citoyens, a ensuite souligné un membre du Comité. Il a voulu savoir ce qui était fait pour remédier aux effets néfastes de la pandémie de COVID-19 sur l’emploi et les revenus des travailleurs ; pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes au travail ; et pour protéger les droits des travailleurs du secteur informel.
Un expert a voulu connaître les mesures de protection effectives prises pour mettre en œuvre les dispositions de la loi interdisant le mariage des enfants avant 18 ans révolus, ainsi que pour éviter le recrutement d’enfants dans les régions où les conflits sévissent encore et pour juguler le phénomène de la traite des êtres humains.
Le même expert a ajouté que le Comité avait reçu des informations faisant état de déplacements forcés de communautés dans plusieurs provinces pour laisser la place à l’exploitation minière : il a demandé quelles compensations et quels recours existaient dans ce domaine.
S’agissant des questions d’éducation, une experte du Comité a relevé que, depuis 2019-2020, le Gouvernement avait adopté plusieurs mesures visant à garantir l'efficacité de l'enseignement primaire gratuit, ce qui a eu des effets positifs sur l'augmentation du nombre d'enfants scolarisés, en particulier les filles, et sur la réduction de la charge financière pour les parents. La même experte a toutefois demandé comment le Gouvernement entendait résoudre les problèmes des classes surchargées et des coûts (d’éducation) indirects, cachés, payés par les parents. Elle a aussi constaté des lacunes dans l’accès à l'enseignement primaire pour les enfants des zones rurales ou issus de milieux socioéconomiques défavorisés, ainsi que pour les enfants appartenant à des communautés autochtones, notamment les Batwas.
D’autres questions ont porté sur l’exercice du droit au logement et sur l’accès à l’eau potable et à l’assainissement, de même que sur l’accès aux services de santé mentale en République démocratique du Congo.
Le Comité est là pour aider la République démocratique du Congo à identifier des violations et à y trouver des solutions, a souligné un expert, avant de se dire très préoccupé par la situation globale des droits de l’homme en raison de vulnérabilités multisectorielles. L’expert a demandé ce qui était fait pour mettre un terme aux violences sexuelles et aux viols, qui engendrent des souffrances mises en lumière par le docteur Mukwege, le prix Nobel de la paix congolais. Le même expert a constaté que l’avortement restait criminalisé et stigmatisé en République démocratique du Congo – ce qui entraîne des avortements clandestins eux-mêmes à l’origine de nouveaux problèmes, a-t-il souligné. Il a demandé si le Gouvernement envisageait de dépénaliser l’avortement.
Un autre expert a fait remarquer que la République démocratique du Congo était dotée de beaucoup de richesses naturelles mais était exposée à une très grande pauvreté et à des niveaux élevés d’inégalités. L’expert a en outre rappelé l’appel lancé par le docteur Mukwege à un processus de justice transitionnelle en République démocratique du Congo.
Plusieurs experts ont déploré les problèmes rencontrés par la République démocratique du Congo en matière alimentaire, alors que le pays est riche de ressources. Une bonne gouvernance, a dit l’un d’entre eux, doit permettre la redistribution des richesses, les entreprises devant assumer elles aussi leurs responsabilités à cet égard.
Réponses de la délégation
Répondant aux questions sur le secteur minier, la délégation a notamment déclaré que la République démocratique du Congo adhérerait prochainement aux Principes volontaires sur la sécurité et les droits de l’homme dans le secteur extractif, ce qui lui permettra de prendre des mesures adéquates. De même, la République démocratique du Congo figure parmi les premiers pays à avoir adhéré à l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives. Toutes les entreprises opérant dans le pays ont l’obligation de respecter les mesures concernant la protection de l’environnement et sont tenues, chaque année, de déclarer toutes les activités qu’elles mènent dans ce domaine, a ajouté la délégation. Le non-respect de cette obligation est sanctionné par des amendes se chiffrant en millions de dollars. La délégation a aussi fait état de la création d’un « fonds minier pour les générations futures », en vue de réparer les graves dommages causés à l’environnement dans les villages et autres agglomérations affectés par l’exploitation des minerais, a fait savoir la délégation.
La délégation a ajouté que la gratuité de l’enseignement, qui est désormais une réalité en République démocratique du Congo, permettait à tous les enfants, ruraux et urbains, d’avoir accès à l’école, et les dissuadait d’aller chercher des moyens de survie sur des sites miniers. Après la gratuité, le Gouvernement doit maintenant renforcer le caractère obligatoire de l’enseignement, a souligné la délégation.
Répondant par la suite aux questions des membres du Comité sur les conditions de travail des femmes et des enfants dans les mines, la délégation a notamment déclaré que le Gouvernement avait lancé en 2019 un « projet d’appui au bien-être alternatif des enfants et des jeunes impliqués dans la chaîne d’approvisionnement du cobalt ». Ce projet concerne en fait tous les minerais, au-delà du seul cobalt, et sa gestion a été confiée au Fonds national social qui veille, entre autres, au relèvement économique et social à la base, a expliqué la délégation. Le projet a pour but de retirer les femmes enceintes et les enfants vulnérables des sites miniers, industriels et artisanaux. Après leur retrait, le projet veille notamment à la réinsertion sociale des personnes et à leur reconversion professionnelle, ainsi qu’à la lutte contre la pauvreté des ménages, a fait savoir la délégation.
En outre, a rappelé la délégation, la loi de 2018 exige le respect des normes environnementales par les sociétés minières. Toutes les entreprises doivent déposer une évaluation d’impact de leurs activités et sont tenues de constituer des provisions pour la réhabilitation des sites, a-t-elle souligné.
Le Gouvernement s’emploie d’autre part à encourager l’agriculture et l’élevage, le but étant de lutter contre la malnutrition et de réduire la dépendance envers les ressources du sous-sol, a par la suite souligné la délégation. Le Gouvernement est parallèlement en train de revoir certains contrats miniers jugés « léonins », a-t-elle ajouté.
Concernant la lutte contre la discrimination envers les femmes, la délégation a indiqué que la loi 15/015 (2015) portant modalités d’application des droits de la femme mentionne notamment les « structures de participation ». La délégation a cité le Conseil national du genre et de la parité, chargé de proposer une politique et des solutions de réduction des écarts. En l’état, a fait valoir la délégation, « les écarts n’existent plus ou se sont sensiblement amenuisés », au niveau du Gouvernement en particulier. Pour la première fois, une dame est gouverneure de la Banque centrale et la République démocratique du Congo est en train de dépasser les 30% de femmes dans les secteurs décisionnels de la vie nationale.
Par ailleurs, a poursuivi la délégation, un numéro vert gratuit permet de dénoncer toutes les violences faites aux femmes sur tout le territoire, y compris dans les provinces soumises à l’état d’urgence. La délégation a fait état de la création d’un fonds national de réparation pour les victimes de violences, géré par le Ministère des droits humains, ainsi que du lancement d’une campagne de lutte contre la violence sexuelle à l’école.
Le Ministère du genre a élaboré une stratégie nationale de lutte contre les violences basées sur le genre en vue d’améliorer les techniques de prévention et la prise en charge des victimes, a ensuite indiqué la délégation. L’approche retenue est axée sur les besoins des survivantes ; la non-stigmatisation des victimes et le respect de leurs droits humains ; ainsi que sur le renforcement des mécanismes de protection. L’accent porte aussi sur l’encouragement de la masculinité positive.
La délégation a aussi fait état de la création d’unités spécialisées dans la lutte contre les violences sexuelles dans les régions en conflit, ainsi que de l’instauration d’un auditorat militaire pour traiter les violences sexuelles basées sur le genre. Des condamnations peuvent être prononcées immédiatement en cas de flagrant délit, a-t-il été expliqué. La délégation a aussi annoncé la création prochaine d’un fonds national de réparation pour les victimes de crimes sexuels et de crimes graves.
De 2010 à 2019, les violences sexuelles, que les conflits armés attisaient, sont allées diminuant, a ajouté la délégation. L’instauration de l’état de siège a entraîné une amélioration très sensible de la situation, a-t-elle assuré, avant de préciser que l’État avait désigné une Représentante spéciale chargée de suivre cette question de près.
En 2020, plus de 70 000 cas de violences sexuelles ont été dénoncés : quelque 24 000 victimes ont été prises en charge, plus de 21 000 bénéficiant d’un accompagnement psychologique, a par la suite précisé la délégation. Le Gouvernement a engagé la communauté et les personnes dans un changement de comportement vis-à-vis des violences sexuelles, l’exemple venant du sommet de l’État, a-t-elle indiqué. Un renforcement du cadre légal et réglementaire, y compris l’adoption d’une stratégie nationale révisée en 2020, vient encadrer la lutte contre ces violences, a-t-elle rappelé.
Un processus de dépénalisation de l’avortement sera engagé conformément aux engagements internationaux pris par la République démocratique du Congo, notamment la ratification du Protocole de Maputo à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, relatif aux droits de la femme en Afrique, a-t-il été indiqué.
La République démocratique du Congo ne tolère aucune stigmatisation ni discrimination envers quiconque, y compris les personnes LGBT, a par ailleurs assuré la délégation.
Par ailleurs, s’agissant de l’application du Pacte par les juges, le Comité interministériel [des droits de l’homme] a élaboré un plan intégré suite aux recommandations issues des organes de traités et de l’Examen périodique universel (EPU), a expliqué la délégation. L’Institut national de formation judiciaire va s’occuper de la formation des magistrats, a-t-elle ajouté.
La délégation a en outre évoqué le processus de renouvellement de la Commission nationale de droits de l’homme, indiquant notamment que le budget de cette institution avait été revu à la hausse.
D’autre part, la présence des forces armées a été renforcée dans les camps de réfugiés pour remédier à l’insécurité dont sont victimes les personnes déplacées, a indiqué la délégation. L’état de siège a été décrété pour lutter, entre autres, contre les atrocités commises contre ces personnes, a-t-elle souligné.
Le Parlement est actuellement saisi d’une proposition de loi sur la protection des défenseurs des droits de l’homme, a par ailleurs fait savoir la délégation. Elle a par la suite déclaré que l’obstacle au vote de cette loi tenait aux divergences de vues des deux chambres du Parlement quant à la définition à donner des « défenseurs ». Une nouvelle version du texte devrait faire l’objet d’un vote à la prochaine session ordinaire, a indiqué la délégation.
Concernant la lutte contre la corruption, la délégation a mis en avant les efforts consentis son pays dans ce domaine, en particulier au travers de l’agence contre la corruption et de l’Inspection des finances. Ces efforts ont abouti, en particulier, au renvoi en jugement et à la condamnation d’un haut fonctionnaire, tandis que d’anciens responsables d’une grande entreprise ont été renvoyés en jugement pour actes de corruption. La corruption fait l’objet d’une « tolérance zéro », a insisté la délégation.
La délégation a par la suite précisé que la Constitution obligeait les membres du Gouvernement à déclarer leur patrimoine au début et à la fin de leur mandat, afin d’éviter tout enrichissement excessif.
La délégation a ensuite indiqué que des négociations menées par les syndicats avaient abouti à de sensibles augmentations de salaire pour les enseignants.
Une stratégie nationale de protection des peuples autochtones est mise en œuvre, eu égard en particulier aux effets du changement climatique, a d’autre part indiqué la délégation. Des stratégies de conscientisation et des stratégies incitatives contre le déboisement sauvage sont destinées aux peuples autochtones, a-t-elle ajouté. Le Gouvernement va créer une agence nationale de protection des peuples autochtones, qui sera notamment chargée de recenser les discriminations dont les peuples autochtones sont victimes, a-t-elle par ailleurs indiqué.
Le mariage des mineurs est strictement interdit en République démocratique du Congo, a assuré la délégation, avant d’ajouter que le Ministère du genre avait lancé une campagne contre les mariages et les grossesses précoces. Elle a ensuite ajouté que le Gouvernement avait adopté un plan d’action contre les mariages précoces, renforcé les capacités des acteurs locaux et mené des campagnes de sensibilisation en la matière. Des jeunes eux-mêmes participent à la sensibilisation de leurs pairs dans les écoles et dans la communauté.
La délégation a par ailleurs fourni des indications statistiques attestant de l’effet positif de la gratuité de l’enseignement primaire sur l’accès des enfants à la scolarité. Le manque de moyen était auparavant un alibi pour les parents désireux de soustraire leurs enfants de l’école : la gratuité a rendu cela impossible, a insisté la délégation. Elle a par la suite précisé que le Gouvernement avait supprimé en 2019 les frais scolaires, les « frais de motivation des enseignants » payés par les parents depuis le début des années 1990, entre autres frais ; cette mesure a permis de consacrer la gratuité de l’enseignement primaire public. D’autre part, « les enseignants mal payés étant peu motivés », le Gouvernement a augmenté de 142% les salaires des enseignants, a fait valoir la délégation. Plus de 200 000 enseignants ont ainsi bénéficié, depuis 2019, d’une augmentation de leur salaire moyen de 90 à 207 dollars. D’autres mesures de soutien aux infrastructures ont entraîné l’intégration dans l’enseignement scolaire de base de deux millions d’élèves, a ajouté la délégation.
La République démocratique du Congo a été radiée en 2017 de la liste des pays recrutant des enfants dans les conflits armés, a par ailleurs indiqué la délégation.
Le pays est résolument engagé en faveur de la justice transitionnelle, l’un des objectifs étant la non-répétition des crimes du passé, a ensuite fait savoir la délégation. Après avoir souligné que des procédures judiciaires ont été engagées et des condamnations prononcées dans ce contexte, la délégation s’est dite ouverte aux retours d’expérience de pays confrontés aux mêmes exigences de justice transitionnelle.
Remarques de conclusion
M. WINDFUHR a remercié la délégation de la République démocratique du Congo de son ouverture et de son esprit positif pour surmonter le paradoxe auquel sont confrontés les Congolais, qui sont à la fois dotés d’une grande richesse par la nature mais qui ont aussi de grandes poches de pauvreté. Le rapporteur a constaté que le Gouvernement avait d’ores et déjà adopté des lois pour combler les lacunes qui existent dans le domaine foncier, relativement aux peuples autochtones, ou encore en ce qui concerne les défenseurs des droits de l’homme. Ont aussi été évoqués pendant le débat les investissements considérables qui ont été faits dans l’école primaire gratuite, a rappelé M. Windfuhr.
Le Comité a posé beaucoup de questions et a insisté sur l’importance de « traduire ce qui est réalisé au niveau législatif en réalité sur le terrain », a relevé le rapporteur, avant d’encourager la République démocratique du Congo à mettre les dispositions du Pacte au cœur des préoccupations nationales.
M. Windfuhr a ensuite évoqué les programmes de démobilisation et de stabilisation menés par le Gouvernement, ainsi que l’instauration de l’état d’urgence : autant de mesures qui vont dans le sens de la protection des civils et des personnes déplacées, a-t-il affirmé. Toutefois, « ces mesures doivent s’accompagner d’une participation économique, pour que tous reçoivent une part équitable du fruit des activités, ce qui sera le meilleur moyen pour parvenir à la stabilisation », a conclu M. Windfuhr.
M. PUELA a déclaré que les droits économiques, sociaux et culturels en République démocratique du Congo allaient s’améliorant grâce à la volonté non équivoque du chef de l’État ainsi que du Gouvernement. Les défis restent très grands, surtout à l’approche des élections en 2023, « mais on ne pourra pas reprocher au chef de l’État ni au Gouvernement de manquer de volonté », a déclaré le Ministre des droits humains.
Le Président du Comité, M. MOHAMED EZZELDIN ABDEL-MONEIM, a remercié la délégation et salué la participation active de la société civile de la République démocratique du Congo.
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