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Rapport de la Suisse : le comité des droits de l'enfant s'intéresse aux questions de coordination à l'échelle nationale et aux réserves émises

Compte rendu de séance

 

Le Comité des droits de l’enfant a examiné aujourd’hui le rapport périodique de la Suisse sur la mise en œuvre dans le pays des dispositions de la Convention relative aux droits de l’enfant.

Durant l’examen, les experts ont reconnu et salué l’intérêt que porte la Suisse à tous les enfants qui vivent sur son le territoire. Mais, dans le même temps, ils ont constaté des disparités dans la mise en œuvre de la Convention qui, en Suisse, repose essentiellement sur les cantons. Ainsi, dans certains cantons, mineurs et adultes sont placés dans les mêmes lieux de détention. Les experts ont également porté leur attention sur le droit des enfants d’être entendus. Ils ont aussi relevé que la Suisse refuse toujours de lever les réserves qu'elle a émises s'agissant de certaines dispositions de la Convention, en dépit de demandes répétées du Comité à cet effet.

Le Vice-Directeur de l'Office fédéral des assurances sociales, M. Stephan Cueni, et la Présidente de la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des affaires sociales, Mme Nathalie Barthoulot, ont expliqué que la situation des enfants était « plutôt bonne » en Suisse, comme le confirme une étude de l’UNICEF. La Suisse reconnaît néanmoins qu’il faut continuer d’améliorer la situation, notamment en ce qui concerne la collecte de données détaillées et uniformes, la systématisation de la participation des enfants, la prévention des violences contre les enfants ou encore la prise en compte des effets de la dégradation de l’environnement et des changements climatiques sur les droits de l’enfant et des jeunes.

Des membres du Comité ont pour leur part relevé un manque de coordination fédérale dans la mise en œuvre de la Convention. La question de l’âge de la responsabilité pénale, fixée à 10 ans en Suisse a également été soulevée, de même que les problèmes de violences à l’encontre des enfants, dans un pays qui n’interdit pas explicitement les châtiments corporels. Les questions portant sur les effets de la loi antiterroriste ou sur le retour des enfants suisses nés de combattants djihadistes étrangers dans les zones de conflit en Syrie ou en Iraq ont également été soulevées. La délégation a indiqué à cet égard que, par souci de sécurité nationale, le retour de ces enfants s’examine au cas par cas. Par ailleurs, la Suisse n’a pas l’intention de lever ses réserves à la Convention, soulignant en particulier que le pays considère que son article 10 n’établit pas un droit absolu de l’enfant au regroupement familial. Elle a par ailleurs assuré les membre du Comité que l'on pouvait constater une évolution sur la question des châtiments corporels.

La délégation suisse était également composée de représentants fédéraux et cantonaux dont des fonctionnaires du Département fédéral des affaires étrangères, de l’Office fédéral de la santé publique, de l’Office fédéral des assurances sociales, du Secrétariat d'État aux migrations, de représentants de la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des affaires sociales et de la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l'instruction publique.

Le Comité tiendra, pour le restant de cette semaine, des séances privées consacrées notamment à l'adoption de ses observations finales sur l'ensemble des rapports de pays examinés au cours de la session et qui seront rendues publiques au terme de la présente session.

 

La séance de clôture de la présente session du Comité des droits de l'enfant se tiendra le 24 septembre prochain à 17 heures.

 

Examen du rapport de la Suisse

Le Comité est saisi du rapport périodique soumis par la Suisse (CRC/C/CHE/5-6), qui contient les réponses du pays à une liste de points à traiter qui lui avait été soumise par le Comité. Des annexes au rapport sont disponibles sur la page internet consacrée à la présente session du Comité.

Présentation du rapport

M. STEPHAN CUENI, Vice-Directeur de l'Office fédéral des assurances sociales, a déclaré que la compétence en matière de politique de l’enfance revient en priorité aux cantons et aux communes. Au niveau national, c’est le groupe de coordination fédéral qui permet à la Confédération d’entretenir un échange régulier et systématisé autour des questions relatives à l'enfance et à la jeunesse. Depuis 2020, plusieurs conférences intercantonales y sont également associées afin d’optimiser le flux d’informations.

Le chef de la délégation suisse a affirmé que la situation des enfants en Suisse peut être qualifiée de « plutôt bonne ». Selon un rapport du Centre Innocenti d'UNICEF de septembre 2020, la Suisse se classe quatrième sur 41 pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et de l’Union européenne concernant le bien-être des enfants. En outre, 82% des filles et garçons de 15 ans de Suisse ont un degré de satisfaction élevé concernant leur vie. Les données se rapportent à la santé psychique et physique des enfants, à leurs compétences scolaires et sociales et aux conditions-cadres de la société.

La Suisse reconnaît cependant qu’il faut continuer à améliorer la situation. Ainsi, une statistique nationale permettrait d’améliorer la situation en matière de collectes de données plus détaillées et uniformes. Le droit de participer des enfants pourrait être garanti plus systématiquement. Les structures et les moyens de participation des enfants pourraient être soutenus avec des ressources supplémentaires, de même que les activités d’information et de sensibilisation des différents milieux concernés. La Suisse pourrait aussi faire davantage pour prévenir les violences contre les enfants ou encore prendre en compte les effets de la dégradation de l’environnement et des changements climatiques sur les droits de l’enfant et des jeunes, a reconnu M Cueni.

Le chef de la délégation suisse a ensuite attiré l'attention sur les avancées enregistrées depuis 2015, comme par exemple l'adhésion de la Suisse, en 2017, au Protocole facultatif établissant une procédure de présentation de communications au Comité des droits de l'enfant. Le pays a également adopté, en 2018, sur la base des recommandations émises en 2015 par le Comité, un train de onze mesures visant à combler les lacunes dans l’application de la Convention. Sur le plan de la santé, une Stratégie suisse de nutrition 2017-2024 a été adoptée. Le Gouvernement a en outre présenté en septembre 2020 un projet de loi fédérale sur la protection des mineurs, actuellement examiné par le Parlement, qui vise à les protéger des contenus de films et de jeux vidéo pouvant porter atteinte à leur développement physique, mental, psychique, moral ou social. Depuis le début de la pandémie, un soutien financier supplémentaire a été octroyé aux services d’aide et de conseil pour les enfants et les jeunes afin d'offrir une plus grande capacité de conseil et de consultation pendant la crise.

MME NATHALIE BARTHOULOT, Présidente de la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des affaires sociales (CDAS), a déclaré que la politique de l’enfance et de la jeunesse était un bon exemple du fonctionnement du fédéralisme suisse, ajoutant que, de manière générale, les cantons sont impliqués dans la mise en œuvre de la Convention. Cela se traduit notamment par l’augmentation constante du nombre de cantons collectant de manière systématique des données relatives à la mise en œuvre de la Convention et les utilisant pour définir ou évaluer leurs stratégies, programmes et projets. L’actualité de la pandémie a par ailleurs montré que les cantons sont capables de réagir de manière efficace et concertée pour protéger les droits des enfants et des jeunes lorsque cela est nécessaire. Pour preuve, la création d’une task-force, sous la houlette de la CDAS, dont le rôle a été de suivre la situation, faciliter la communication et, lorsque cela a été nécessaire, d’adresser des recommandations aux cantons sur des questions telles que l’accueil extra-familial ou la protection de l’enfance et de la jeunesse. Ces recommandations, garantes d’un certain niveau d’harmonisation des réglementations cantonales, représentent un outil fort dans le domaine de l’enfance et de la jeunesse, même hors des périodes extraordinaires comme actuellement.

Mme Barthoulot a enfin reconnu que l’un des chantiers auquel participe aujourd’hui la Suisse est le renforcement de la participation des enfants et des jeunes afin de mettre en œuvre l’article 12 de la Convention. Malgré la démocratie directe suisse et des structures existantes comme les Parlements de jeunes, la compréhension de cette disposition est désormais bien plus large et les cantons mettent en œuvre des mesures visant à améliorer et faciliter la participation des enfants et des jeunes.

Questions et observations des membres du Comité

MME HYND AYOUBI IDRISSI, coordonnatrice du groupe de travail chargé par le Comité d’examiner le rapport de la Suisse, a commencé par rappeler qu’à de nombreuse reprises, le Comité a demandé à la Suisse de lever ses réserves à la Convention, afin de pleinement la mettre en œuvre. Dans ce contexte, elle a voulu avoir des informations sur les mesures prises par les autorités fédérales et cantonales pour rendre conformes leurs lois avec les dispositions de la Convention. Compte tenu du fait que le Comité observe de grandes disparités dans la mise en œuvre de la Convention dans les cantons suisses, l’État fédéral envisage-t-il de développer un manuel d’uniformisation et existe-t-il par ailleurs un organe fédéral qui coordonne toutes les mesures cantonales pour la mise en œuvre de la Convention, y compris pour la collecte des données. Quelles sont par ailleurs les ressources disponibles et les mesures prises ou envisagées pour collecter ces données ventilées au niveau cantonal, a-t-elle demandé.

L’experte a également relevé que les autorités suisses avaient créé une institution nationale des droits de l'homme, dotée d’un budget d’un million de francs suisses, ajoutant que, de l’avis général, cette somme était insuffisante. Les autorités envisagent-elles la création d’autres mécanismes, par exemple de type ombudsman ?

Parmi les autres membres du Comité, certains ont relevé qu’en matière de droit à être entendu, stipulé à l’article 12 de la Convention, il existe des disparités entre cantons. Que fait ou compte donc faire le Gouvernement pour unifier les pratiques en la matière, a-t-il été demandé. Les experts ont également constaté un manque de coordination fédérale dans la mise en œuvre de la Convention.

Concernant la justice pour mineurs, un expert a regretté que la Suisse persiste à ne pas vouloir relever l’âge de la responsabilité pénale, qui est fixé à 10 ans en Suisse. Il semble aussi que dans de nombreux cantons, les enfants sont placés en détention avec des adultes, ce qui, pour le Comité est source de grandes préoccupations. Quelles sont donc les mesures prises ou envisagées par le Gouvernement pour répondre à ces préoccupations, y compris pour mettre en œuvre l’objectif 16 du Programme de développement durable à l’horizon 2030 relatif à la paix, la justice et des institutions efficaces.

Le Comité est aussi informé que dans certains cantons, on met en place des « législations de ségrégation », excluant les enfants handicapés des écoles publiques, les obligeant de fait à fréquenter les écoles privées, avec les frais supplémentaires que cela implique. Il a également été porté à la connaissance du Comité que des accès insuffisants pour les personnes en fauteuil roulant dans les écoles publiques. Il semble aussi que l’on retrouve une surreprésentation des enfants issus de familles économiquement et socialement défavorisées et issus de la migration dans des classes spéciales.

D’après une étude, 43% des enfants en Suisse ont subi des discriminations en raison de leur race, de leur origine ou de leur religion, tandis que 22% ont subi des mauvais traitements en raison de leur apparence. Il apparaît aussi que 20% des enfants suisses sont confrontés au moins une fois dans leur vie à la violence. Les membres du Comité ont relevé à cet égard qu'il n’existe pas en Suisse de loi interdisant clairement la violence intrafamiliale à l’encontre des enfants. Ils ont alors voulu savoir si la Suisse avait adopté une stratégie de la prévention de la violence et, si oui, quelles en étaient les grandes lignes. Par ailleurs que fait le Gouvernement pour s’assurer que ces discriminations cessent, y compris pour mettre en œuvre les lois anti-discrimination existantes ? La Suisse dispose-t-elle de données sur la pratique de l'excisions, s'agissant en particulier des enquêtes diligentées, des procès tenus, des mécanismes de réparation prévus ou des campagnes menées pour lutter contre ce phénomène ?

La loi sur le terrorisme a également retenu l’attention du Comité. Alors qu'elle est censée entrer en vigueur en octobre 2021, il apparaît qu’elle pose des problèmes dans le domaine des droits de l’enfant, notamment en matière de surveillance de mineurs. Quelle est d'autre part la position du Gouvernement suisse concernant le retour des enfants de combattants djihadistes de Syrie?

Les experts ont aussi interrogé la délégation sur la responsabilité sociale des entreprises lorsque celles-ci ont contribuer à la violation des droits des enfants. La délégation a été invitée à dire les mesures envisagées pour conformer les activités des entreprises au respect des droits de l’enfant, y compris en matière de réparation. Il lui a aussi été demandé de dire comment elle traitait la question migratoire et les cas d’enfants apatrides. Par ailleurs, comment le Gouvernement s’assure-t-il que la notion d’intérêt supérieur de l'enfant est bien comprise et mise en œuvre par tous les acteurs intervenant dans le domaine des droits de l’enfant. Par quels moyens l'État détermine-t-il l’âge des mineurs non accompagnés demandeurs d’asile en l'absence de documents. La méthode employée est-elle conforme à l’ observation générale n° 23 du Comité, qui inclut des recommandations pour obtenir une estimation éclairée de l’âge des enfants dans le contexte des migrations internationales?

Réponses de la délégation

Répondant aux questions des membres du Comité s'agissant des réserves émises par la Suisse à l'égard de la Convention, la délégation a expliqué que la jurisprudence suisse établissait que ni l’article 10 de la Convention relative aux droits de l’enfants, ni l’article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ne donne un droit absolu au regroupement familial. Le droit suisse ne permet pas le regroupement familial pour des étrangers ayant des autorisations de séjour limitées dans le temps, comme les étudiants ou les travailleurs temporaires et les demandeurs d’asile dont les demandes sont en cours d’examen. Des exceptions existent cependant, sous certaines conditions.

Concernant la détention de mineurs avec des adultes, la délégation a déclaré qu’une étude menée a jugée satisfaisante la séparation des mineurs et des adultes, et a précisé que « mélanger » détenus mineurs et adultes ne veut pas dire qu’ils se trouvent dans les mêmes cellules. La délégation a par ailleurs précisé que le droit pénal suisse n’était pas centré sur la faute, mais sur l’auteur. De fait, la justice accompagne l’auteur mineur dans un schéma de rééducation et de réinsertion. Ces dispositions prennent fin lorsque le prévenu atteint l’âge de 25 ans.

Les membres du Comité ayant posé des questions sur le retour en Suisse des enfants de djihadistes, la délégation a rappelé que le Conseil fédéral avait décidé en 2019, pour des raisons de sécurité nationale, de ne pas rapatrier activement les voyageurs majeurs ayant des motivations terroristes. Cette décision étant toujours en vigueur, le rapatriement de mineurs ne peut être envisagé qu’au cas par cas. Selon les chiffres dont dispose la délégation, cette catégorie concernerait une douzaine de femmes ayant un lien avec la Suisse, ainsi qu’au moins 7 enfants ayant des parents suisses dans les zones de conflit.

S’agissant des statistiques concernant les enfants victimes de maltraitance ou de violence , la Suisse a reconnu qu’elle ne disposait pas de données nationales, cette question relevant des cantons. Cependant, des données sont disponibles en ce qui concerne les aides aux victimes de violences et de mauvais traitement. Il existe aussi des données en matière de dénonciations policières, qui figurent dans le rapport du pays.

La délégation a d'autre part assuré que les budgets consacrés aux droits de l’enfant, n'avaient pas subi de diminution, ajoutant même que le budget alloué aux activités extrascolaires des enfants avait été augmenté, passant de 10 millions à 15 millions en 2020.

En matière de coordination des politiques relatives aux droits de l’enfant, même si le système suisse est complexe, un groupe de coordination au niveau fédéral a été mis sur pied en 2014 rassemblant les services cantonaux et municipaux compétents en matière de mise en œuvre des droits de l’enfant. Ce groupe se rencontre au minimum une fois par an.

Répondant à une question sur la création en Suisse d’une institution nationale des droits de l'homme en Suisse, la délégation a fait valoir que les deux chambres du Parlement avaient adopté le projet de loi à cet effet et qu'il ne restait plus que la formalité d’adopter la loi. Des modifications y ont été apportées, notamment en ce qui concerne le budget initial d’un million d’euros. La nouvelle mouture prévoit désormais un plafond de dépenses, dont le montant sera réévalué tous les quatre ans. Par ailleurs, il existe déjà en Suisse une pléthore de services que peuvent saisir les enfants, tant publics au niveau cantonal ou fédéral que privés. Le Gouvernement a également reçu une motion le chargeant de créer un bureau de médiation pour les droits de l’enfant. La création d’un organe national ouvert à tous les enfants et offrant des services de médiation et de conseils est privilégié.

Concernant les discriminations faites aux enfants LGBTIQ+, la délégation a reconnu que les cantons ne disposaient pas actuellement de bases légales spécifiques pour lutter contre les violences et discriminations à leur encontre. Cependant, une sensibilisation aux questions de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre est dispensée à l'école dans le cadre des cours d’éducation sexuelle.

En réponse à une question sur les droits de l’enfant et la responsabilité des entreprises, la délégation a fait valoir que la Suisse avait adopté un plan national sur les entreprises et les droits de l'homme et un autre sur la responsabilité sociale des entreprises. Les entreprises ont un devoir de diligence et l’interdiction du travail des enfants s'applique y compris dans les chaînes d’approvisionnement. Un débat public a eu lieu concernant ce devoir de diligence. Il s’est récemment achevé et c’est au Conseil fédéral qu’il revient de donner suite à ces contributions.

S’agissant de la question sur la ségrégation touchant les enfants handicapés dans certains cantons, la délégation a déclaré qu’officiellement, ce système n’existe plus. Jusqu’en 2004, la Suisse, comme les pays du nord de l’Europe, connaissait un système dit « séparatiste », financé par le Gouvernement fédéral, qui séparait les enfants handicapés des valides. En 2004, une loi a supprimé ce système et instauré un système « inclusif » ou d’intégration. Passer d’un système à un autre ne se fait pas facilement, a plaidé la délégation. À ce jour, 97% des enfants handicapés sont scolarisés dans les écoles régulières, l’objectif étant de parvenir à 100% d’ici à quelques années. Par ailleurs, la Suisse étant partie à la Convention relative aux droits des personnes handicapées, ne fait aucune distinction dans le code civil entre enfants handicapés et non handicapés.

Concernant la forte proportion d’enfants migrants dans les classes spéciales, la délégation l’a expliqué par les forts phénomènes migratoires de ces dernières années, et notamment des bouleversements au Moyen-Orient. Les enfants migrants qui sont arrivés étaient pour la grande majorité non alphabétisés. Il a donc fallu les alphabétiser. Le Canton de Genève, qui accueille un grand nombre de migrants, n'ouvrait, en 2013, qu'une seule classe d’alphabétisation par an; le taux a été multiplié par dix depuis 2015. En outre, la Suisse n’a recours aux méthodes scientifiques pour la détermination de l’âge que lorsqu’il existe un doute sur la minorité de l’enfant migrant.

Répondant à une question sur la surveillance policière de mineurs, la délégation a souligné que la Suisse, comme d’autres pays, est menacée par le terrorisme djihadiste. L’expérience a montré que même des mineurs sont susceptibles de poser des actes terroristes. Ce qui justifie, pour la délégation, qu’ils soient également surveillés.

S’agissant des personnes en situation irrégulière, la délégation a indiqué qu'elles sont tenues, comme toute personne vivant en Suisse, de disposer d’une assurance maladie. Elles ont en outre droit aux allocations familiales et à l’aide d’urgence. Mais par peur de se faire connaître des autorités, elles n’en font pas toujours la demande. Les villes de Genève, Zurich et Bâle par exemple ont débloqué des fonds pour permettre aux personnes en situation irrégulière de bénéficier de soins en ces temps de pandémie de COVID-19.

La Suisse garantit des droits aux apatrides bien qu'elle ne soit pas partie à la Convention des Nations Unies sur la réduction de l’apatridie ou à la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention des cas d’apatridie. La position de la Suisse à cet égard est que ces instruments consacrent le principe du droit du sol, qui n’est pas reconnu dans l’ordre juridique suisse. Il dérogerait au principe de l’acquisition de la nationalité par filiation ou par naturalisation. La délégation a précisé que tout enfant apatride mineur a le droit, depuis 2006, de former une demande de naturalisation par un recours simplifié. Le système légal actuel est donc adéquat, a estimé la délégation.

Concernant les châtiments corporels, le Gouvernement et le Parlement ont jugé inutile leur interdiction expresse dans le code civil , en raison d’un cadre juridique de protection suffisant. Mais les esprits ont évolué sur la question et une étude est en cours d’élaboration portant sur une protection contre la violence dans l’éducation, incluant un examen des législations des pays voisins membres de l’Union européenne.

En ce qui concerne la formation à l’intérêt supérieur de l’enfant, la Suisse finance un organisme associatif qui diffuse auprès des professionnels du judiciaire, notamment les juges, une formation sur les lignes directrices pour une justice adaptée aux enfants, élaborée par le Conseil de l’Europe.

La Suisse considère que l’article 12 de la Convention ne crée pas un droit absolu pour l’enfant à être entendu. Il ne vise qu’à s’assurer de la prise en compte de la parole de l’enfant dans les processus qui le concernent. De ce fait, par exemple, la Suisse juge inutile d’infliger une audition à un enfant dans un processus lorsque les faits sont établis.

Concernant les mutilations génitales féminines, l’article 124 du code pénal suisse punit cette pratique, y compris contre les personnes l’ayant exercée hors de Suisse. Les femmes victimes bénéficient d’une aide médicale, sauf si l’excision a été faite à l’étranger. En effet, le droit suisse n’accorde pas de réparations pour les crimes commis hors de son territoire. Les victimes se trouvant dans ce cas peuvent cependant bénéficier d’un accompagnement psychologique, a indiqué la délégation.

Enfin, concernant la question de l'âge d'obtention du droit de vote, seul un canton octroie ce droit dès 16 ans, mais un débat animé a lieu actuellement sur la question.

Conclusions

Pour le Comité, MME IDRISSI a salué la réceptivité de la délégation suisse, qui a répondu à la quasi-totalité des questions. Elle a également souligné le fait, selon elle, que la Suisse a à cœur l’intérêt des enfants qui vivent sur son territoire.

Le chef de la délégation suisse, M. CUENI, a remercié le Comité pour le dialogue et les mots encourageants adressés à son pays. Il a reconnu la spécificité du modèle fédéraliste suisse, source de disparités. Mais ce modèle a aussi des avantages, car il permet de tailler des réponses au plus près de là où vivent les enfants et les jeunes, a-t-il dit en conclusion.

 

CRC21.013F