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Le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille ouvre les travaux de sa trente-deuxième session

Compte rendu de séance

 

Le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille a ouvert cet après-midi les travaux de sa trente-deuxième session, qui se tiendra en ligne jusqu’au 16 avril. Pendant cette session, le Comité examinera le deuxième rapport périodique du Chili concernant l’application, par ce pays, des dispositions de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (1990).

En ouverture de la séance, le Comité a entendu une déclaration de M. Mahamane Cissé-Gouro, Directeur de la Division du Conseil des droits de l'homme et des mécanismes de traités au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme. M. Cissé-Gouro a notamment relevé que le Comité, pendant cette session, doit adopter son projet d'observation générale sur les droits des migrants à la liberté et à la protection contre la détention arbitraire. Il a aussi rappelé que le Comité avait récemment publié, avec plusieurs autres instances des droits de l’homme, une note d'orientation appelant les pays à fournir un accès équitable à la vaccination contre la COVID-19 à tous les migrants et à leur famille, quels que soient leur nationalité et leur statut migratoire.

Le Comité a ensuite adopté l’ordre du jour provisoire et le programme de travail de sa session.

Il a ensuite auditionné en réunion informelle des représentants de la société civile au sujet de la mise en œuvre de la Convention au Chili – pays dont le rapport doit être examiné durant les trois prochains jours.

Au début de la séance, à la demande de leur Président, M. Can Ünver, les membres du Comité ont observé une minute de silence en mémoire de leur ancien ami et collègue Christof Heyns, décédé le 28 mars en Afrique du Sud.

 

Le Comité entamera l’examen du rapport du Chili (CMW/C/CHL/2) demain à partir de 16 heures.

 

Déclaration d’ouverture

M. MAHAMANE CISSE-GOURO, Directeur de la Division du Conseil des droits de l'homme et des mécanismes de traités au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme , a d’abord indiqué que la Haute-Commissaire aux droits de l’homme, Mme Michelle Bachelet, lui avait demandé de transmettre aux membres du Comité son appréciation pour leur travail et celui du système des organes de traités dans son ensemble, en particulier dans ce contexte troublé de pandémie de COVID-19.

M. Cissé-Gouro a ensuite salué la décision du Comité de tenir, à titre exceptionnel, un dialogue virtuel avec le Chili au cours des trois prochains jours. Il a remercié le Gouvernement du Chili d'avoir accepté cet examen en ligne de son deuxième rapport périodique.

M. Cissé-Gouro a ensuite rappelé que, lors de sa 46ème session, qui vient de s'achever, le Conseil des droits de l'homme avait adopté une résolution visant à garantir à tous les pays et pour tous, y compris aux migrants, un accès équitable et universel aux vaccins en réponse à la pandémie de coronavirus (COVID-19). De même, il y a tout juste un mois, le Comité a publié, avec plusieurs autres instances onusiennes et régionales des droits de l’homme, une note d’orientation sur l'accès équitable des migrants aux vaccins contre la COVID-19. Ce document exhorte notamment les pays à fournir un accès équitable à la vaccination contre la COVID-19 à tous les migrants et à leur famille, quels que soient leur nationalité et leur statut migratoire, et à veiller à ce que la hiérarchisation des vaccins au sein des pays tienne compte des vulnérabilités, des risques et des besoins des migrants les plus exposés et les plus vulnérables au virus. Cette note d'orientation fait suite à une autre note, de portée plus large, concernant les répercussions de la pandémie de COVI-19 sur les droits de l'homme des migrants en général , élaborée par le Comité et le Rapporteur spécial sur les droits de l'homme des migrants en mai 2020.

Pour ce qui concerne la présente session, M. Cissé-Gouro a par ailleurs relevé que le Comité devait adopter son projet d’observation générale sur les droits des migrants à la liberté et à la protection contre la détention arbitraire.

Enfin, M. Cissé-Gouro a noté que la prochaine observation générale du Comité porterait sur la convergence de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille avec le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, en particulier sous l’angle de l'harmonisation de l’application du Pacte avec les engagements des États parties au titre de la Convention.

Audition des organisations de la société civile

Pour la Clínica Jurídica de Migrantes y Refugiados de la Universidad Diego Portales , la pratique des expulsions collectives – surtout de ressortissants vénézuéliens – menées par le Chili depuis 2018 mérite un examen plus approfondi, notamment au regard de la nécessité de prendre en compte chaque cas individuel. En effet, aucune analyse n’est faite de la situation de chaque personne concernée s’agissant de son intégration au Chili ou de la situation dans son pays d’origine, a regretté l’ONG. Le Chili devrait donner des informations s’agissant du respect du principe de non-refoulement et de la prise en compte de la situation politique et sociale actuelle en Haïti, avant toute expulsion vers ce dernier pays, a ajouté l’ONG.

S’agissant de l’application de l’article 44 de la Convention, la Fundación Servicio Jesuita a Migrantes a fait observer qu’il n’existe pas au Chili de dispositif permettant de prendre en compte la situation familiale et particulière de chaque migrant au moment de la décision administrative d'expulsion le concernant. En outre, rien n’est prévu pour soumettre, par voie administrative, des informations sur le regroupement familial qui permettraient à l'autorité de reconsidérer une décision d’expulsion. L’ONG a regretté l’expulsion administrative collective, en février dernier, au titre du « Plan Colchane », de quelque 120 migrants, sans que la situation personnelle de chacun ait été évaluée.

L’Observatorio Ciudano a regretté que la nouvelle loi chilienne sur les migrations et les étrangers ne prévoie pas de mécanisme de régularisation ordinaire qui permettrait de régulariser les situations de personnes ayant déjà des racines sociales et professionnelles dans le pays. L’ONG a recommandé que le Chili se dote de mécanismes de régularisation des migrants suffisamment souples pour garantir leur séjour régulier.

Le Red Nacional de Organizaciones Migrantes y Promigrantes a regretté que la migration régulière au Chili soit pénalisée par une politique migratoire régressive, sans approche basée sur les droits ; par une gestion migratoire déficiente et discrétionnaire, avec des procédures administratives beaucoup trop longues et des situations absurdes ; et par une institution migratoire centralisée et inefficace. L’ONG a recommandé au pays d’harmoniser les procédures administratives ; d’éviter de demander des documents à des personnes qui ne seront pas en mesure de les obtenir en raison de la situation dans leur pays d'origine ; et de s’abstenir de tirer prétexte des restrictions à la mobilité induites par la pandémie pour imposer des mesures de contrôle des migrations qui ne respectent pas les droits des personnes en situation de mobilité humaine.

L’ONG Corporación Humanas a déploré que les migrants au Chili soient confrontés à une forte discrimination, qui s'exprime tant dans le traitement quotidien qu'ils subissent que dans leur accès inégal à un travail décent, à l'éducation, à la santé et au logement, entre autres. Elle a regretté que les autorités n’aient pas contenu ni condamné les appels à des « marches antimigrants » et les incitations à la violence. D’autre part, les travailleuses domestiques, dont 11% sont des migrantes, sont les plus touchées par l'absence de contrat de travail et par le non-respect des conditions minimales de travail. L’ONG a aussi déploré des mesures discriminatoires visant spécifiquement les migrants originaires d’Haïti et du Venezuela.

Le Movimiento de Acción Migrantes a suggéré que l'État chilien veille à ce que les principes d'égalité et de non-discrimination dans l'accès à la sécurité sociale soient respectés et qu'il élimine toute restriction à l'égard des non-ressortissants qui ne serait pas justifiée et proportionnée. L’ONG a également suggéré que l'État chilien donne des garanties de procédure régulière pour toutes les expulsions, y compris pour ce qui est du droit à une décision motivée, du droit à une représentation judiciaire, du droit à un délai raisonnable pour faire appel et du droit à un recours effectif, ainsi que pour ce qui est de la garantie d'un contrôle judiciaire de la décision prise.

Pendant le dialogue qui a suivi ces présentations de la société civile, M. ALVARO BOTERO NAVARRO, membre du Comité, a remercié les organisations pour les informations très utiles qu’elles ont communiquées. Il s’est interrogé sur la manière dont le « Plan Colchane » est appliqué, sur le nombre de personnes concernées et sur les résultats des recours déposés par des migrants souhaitant rester au Chili.

M. EDGAR CORZO SOSA, membre du Comité, a demandé des renseignements concernant le traitement administratif des entrées illégales sur le territoire chilien. L’expert a aussi pointé un vide juridique dans la nouvelle loi sur les migrations en ce qui concerne le traitement des enfants de migrants nés au Chili.

Répondant aux questions des membres du Comité, les organisations de la société civile ont notamment indiqué que la loi prévoit des peines de prison ferme, pouvant aller jusqu’à cinq ans, en cas d’entrée irrégulière au Chili. Cette voie pénale, qui présente certaines garanties, est cependant rarement suivie jusqu’à son terme : un désistement survient souvent qui ouvre la voie à une procédure administrative.

Quelque 120 mandats d’expulsion ont été prononcés à ce jour, a-t-il été indiqué. Les organisations de la société civile n’hésitent pas à attaquer en justice les mandats d’expulsion prononcés par les autorités administratives, a-t-il été expliqué. Il a été observé que la nouvelle loi offre la possibilité aux justiciables de saisir le tribunal suprême, mais que cette disposition n’a pas encore été mise à l’épreuve.

Certains enfants nés au Chili ne sont pas considérés comme Chiliens, a confirmé une intervenante : le Chili peut faire des progrès dans ce domaine, avec l’aide des organisations non gouvernementales et du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, a-t-elle ajouté.

 

CMW21.001F