Fil d'Ariane
Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme fait état d’une forte augmentation des violations des droits de l'homme avant, pendant et après les élections de décembre dernier en République centrafricaine
Depuis fin juillet 2020, le Haut-Commissariat note une amélioration sensible de la situation en matière de sécurité dans l'est de l’Ukraine
Il y a eu une forte augmentation des violations des droits de l'homme documentées avant, pendant et après les élections de décembre dernier en République centrafricaine. La Coalition des patriotes pour le changement (CPC) porte la plus grande responsabilité dans ces violations, tandis que les agents de l’État ont une responsabilité moindre. C’est ce qu’a indiqué cet après-midi la Haute-Commissaire adjointe aux droits de l’homme, Mme Nada Al-Nashif, alors que le Conseil des droits de l’homme tenait un dialogue de haut niveau sur la situation des droits de l’homme en République centrafricaine.
Il est essentiel que les Nations Unies et les partenaires internationaux continuent de joindre leurs efforts à ceux des autorités centrafricaines, aux niveaux politique et technique, pour garantir que les auteurs de toutes les parties soient tenus de rendre des comptes, a insisté la Haute-Commissaire adjointe aux droits de l’homme. Elle a en outre salué la signature, le 30 décembre dernier, du décret présidentiel confirmant la nomination officielle des 11 commissaires pour siéger à la Commission Vérité, Justice, Réparation et Réconciliation créée par la loi en février 2020.
Dans le cadre de ce dialogue de haut niveau, ont également fait des présentations : Mme Lizbeth Cullity, Représentante spéciale adjointe du Secrétaire général et Cheffe adjointe de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA) ; M. Yao Agbetse, Expert indépendant sur la situation des droits de l’homme en République centrafricaine ; M. François de Salle Bado, observateur des droits de l’homme chargé du dialogue et de la réconciliation auprès de l’Union africaine, représentant par intérim de l’Union africaine en République centrafricaine ; M. Jean Christophe Nguinza, Ministre du service public et Ministre par intérim de la justice de la République centrafricaine ; et M. Anicet Thierry Goue Moussangoe, Secrétaire général du Réseau des ONG pour la promotion et la défense des droits de l’homme.
Mme Cullity a notamment déclaré que depuis sa dernière présentation au Conseil en juin 2020, la situation générale des droits de l'homme en République centrafricaine s'était fortement détériorée. M. Agbetse a quant à lui déploré que, malgré les accords signés par certains groupes armés en 2019, la CPC continue d’enrôler des enfants dans ses rangs ; il a en outre souligné que les violations commises par les Forces de défense et de sécurité et par les Forces armées ne devaient pas rester impunies.
M. Bado a donné lecture d’une déclaration du Représentant spécial du Président de la Commission de l’Union africaine en République centrafricaine, M. Mathias Bertino Matondo, dans laquelle ce dernier souligne notamment que les Nations Unies devront être fermes dans la mise en œuvre des mandats d’arrêt contre les personnes figurant sur la liste de sanctions du Conseil de sécurité.
M. Nguinza a pour sa part déploré la persistance des violations des droits de l’homme par les groupes armés, en particulier la CPC, ainsi que le ralliement à la CPC de certains groupes armés pourtant signataires des Accord du 6 février 2019.
Quant au Secrétaire général du Réseau des ONG pour la promotion et la défense des droits de l’homme, il a exigé de la communauté internationale qu’elle prenne des mesures d’urgence pour assurer la sécurité des personnes et des biens sur toute l’étendue du territoire centrafricain et pour engager des poursuites judiciaires contre les auteurs des graves violations des droits humains et du droit international humanitaire.
De nombreuses délégations** ont participé au débat suite à ces présentations.
Cet après-midi, le Conseil a également tenu un dialogue avec la Haute-Commissaire adjointe aux droits de l’homme, Mme Nada Al-Nashif, qui a fait une présentation orale sur la situation des droits de l’homme en Ukraine en indiquant que depuis l’entrée en vigueur, le 27 juillet 2020, de l’accord sur les mesures visant à renforcer le cessez-le-feu, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme a noté une amélioration sensible de la situation en matière de sécurité dans l'est du pays. Elle a exhorté les parties au conflit à respecter pleinement le cessez-le-feu et à se conformer au droit international humanitaire.
De nombreuses délégations* ont ensuite participé au dialogue interactif avec Mme Al-Nashif. Par la voix de sa Première Vice-Ministre des affaires étrangères de l’Ukraine, Mme Emine Dzheppar, l’Ukraine a notamment souligné que suite à la tentative d’annexion de la Crimée, la situation s’est détériorée dans ce territoire.
Le Conseil poursuit ses travaux cet après-midi en entendant la présentation de plusieurs rapports au titre de l’assistance technique et du renforcement des capacités, avant d’entamer son débat général sur ces questions.
Dialogue sur la situation des droits de l’homme en Ukraine
Le Conseil est saisi d’une présentation orale de la Haute-Commissaire aux droits de l’homme sur la situation des droits de l’homme en Ukraine.
Effectuant cette présentation, MME NADA AL-NASHIF, Haute-Commissaire adjointe aux droits de l’homme, a déclaré, s’agissant du conflit dans l'est de l'Ukraine, que depuis l’entrée en vigueur, le 27 juillet 2020, de l’accord sur les mesures visant à renforcer le cessez-le-feu, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme a noté une amélioration sensible de la situation en matière de sécurité dans l'est du pays. Elle a exhorté les parties au conflit à respecter pleinement le cessez-le-feu et à se conformer au droit international humanitaire. Elle a en outre insisté sur la nécessité de renforcer les mesures de sensibilisation aux mines, y compris pour les enfants et les jeunes.
Comme dans de nombreux pays, la pandémie de COVID-19 a révélé ou exacerbé les problèmes en matière de droits de l'homme, ainsi que des déficiences sociales, émergentes ou préexistantes, a poursuivi Mme Al-Nashif. Par exemple, le Haut-Commissariat a constaté une vulnérabilité parmi les agents de santé sous-payés, dont 83% sont des femmes. Les restrictions à la liberté de mouvement liées à la COVID-19 dans l'est de l'Ukraine ont eu un plus grand impact sur les personnes âgées (en particulier les femmes âgées) qui constituent la majorité de celles qui franchissaient la ligne de contact avant la pandémie.
Même si le Haut-Commissariat continue de bénéficier d'un accès sans entrave aux lieux de détention officiels sur le territoire contrôlé par le Gouvernement ukrainien, il est toutefois préoccupé que la Sûreté de l'État continue de détenir dans des lieux de détention non officiels – en violation des obligations de l’Ukraine dans le domaine du droit international relatif aux droits de l'homme – des individus soupçonnés d'être liés ou affiliés aux « républiques » autoproclamées, a indiqué la Haute-Commissaire adjointe.
Alors que le nombre de cas de torture et de mauvais traitements liés au conflit a diminué ces dernières années, le Haut-Commissariat a documenté une tendance à la torture et aux mauvais traitements par des agents des forces de l'ordre dans des affaires qui ne sont pas liées au conflit, notamment au travers de la violence policière.
Dans le territoire contrôlé par des « républiques » autoproclamées, le Haut-Commissariat continue de se voir refuser l'accès aux détenus et aux lieux de privation de liberté, a poursuivi Mme Al-Nashif. Le Haut-Commissariat continue néanmoins à documenter des cas de détention arbitraire et de détention au secret dans le cadre du conflit. Les personnes appréhendées sont confrontées à des conditions de détention inadéquates et risquent d'être torturées, maltraitées et soumises à d'autres violations des droits de l'homme.
Pays concerné
MME EMINE DZHEPPAR, Première Vice-Ministre des affaires étrangères de l’Ukraine, a déclaré que ce rapport rappelle les graves conséquences de l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine, qui a causé la mort de 13 000 personnes, dont 3000 civils.
Suite à la tentative d’annexion de la Crimée, la situation s’est détériorée dans ce territoire, a-t-elle rappelé. Elle a notamment dénoncé la discrimination raciale et les atteintes au patrimoine culturel et a souligné que les Tatars de Crimée sont victimes de graves violations et expulsés de leur terre natale. Un décret présidentiel russe entré en vigueur le 21 mars entraînerait pour les Ukrainiens [de Crimée] la privation de leurs droits fonciers. La Fédération de Russie a abusé de ses lois antiterroristes et anti-extrémistes pour faire taire les voix dissidentes en Crimée, a ajouté Mme Dzheppar. Toutes les voies dissonantes sont victimes de répressions en Crimée, a-t-elle insisté.
L’intervention du Haut-Commissariat doit contribuer à mettre en exergue d’autres violations des droits de l’homme en Crimée, a poursuivi Mme Dzheppar. Elle a en outre plaidé pour que les rapports incluent des recommandations à la Fédération de Russie en tant qu’« agresseur ».
Aperçu du dialogue
De très nombreuses délégations ont fait part de leurs préoccupations face à la poursuite des violations de droits de l'homme et du droit international humanitaire commises à l'encontre des personnes vivant dans les zones de l'est de l'Ukraine non contrôlées par le Gouvernement ukrainien, ainsi que dans la République autonome de Crimée et la ville de Sébastopol, illégalement annexées par la Fédération de Russie.
Ces délégations ont rappelé qu’elles ne reconnaissaient pas l’annexion illégale de la République autonome de Crimée et de la ville de Sébastopol par la Fédération de Russie, « puissance occupante », et qu’elles soutenaient la pleine souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine dans le cadre de ses frontières internationalement reconnues.
Un intervenant a condamné les déportations, transferts forcés et détentions illégales dont font l'objet les résidents de Crimée, ainsi que les restrictions à la liberté de religion et de conviction. Les déportations et transferts forcés de populations sont contraires à la quatrième Convention de Genève, a-t-il été rappelé. La Fédération de Russie a été appelée à respecter ses obligations en vertu du droit international humanitaire dans le territoire occupé.
Une intervenante s’est dite particulièrement préoccupée par les attaques documentées à l’encontre de journalistes, de défenseurs des droits de l’homme et de personnes LGBTI dans l’est de l’Ukraine et en Crimée.
La COVID-19 ayant aggravé un contexte déjà difficile, les parties ont été appelées à garantir l'accès aux services essentiels de manière sûre et sécurisée, notamment en facilitant la réouverture de tous les points de passage sur la ligne de contact.
Il a été demandé à plusieurs reprises que les organisations internationales puissent accéder sans entrave à la Crimée et à l'est de l'Ukraine. Les intervenants ont appelé à l’application des accords de Minsk et ont souligné la responsabilité russe à cet égard.
Une organisation non gouvernementale a regretté que les autorités ukrainiennes n'aient pas réagi à la plupart des attaques commises par des groupes prônant la discrimination à l'égard des militants et des groupes marginalisés. Il a été recommandé que l’Ukraine veille à ce que des enquêtes soient menées sur toutes les agressions contre des avocats en Ukraine, afin de traduire les responsables en justice.
La délégation russe a pour sa part demandé au Haut-Commissariat de s'abstenir d'inclure, dans ses rapports sur la situation des droits de l'homme en Ukraine, des questions liées à « des régions russes ».
*Liste des intervenants : Union européenne, Fédération de Russie, Canada, Allemagne, Finlande, Estonie, France, Japon, Australie, Pays-Bas, Suisse, Danemark, Lituanie, Norvège, États-Unis, Roumanie, Espagne, Croatie, Albanie, Bélarus, Monténégro, Pologne, Lettonie, Royaume-Uni, Malawi, Turquie, Islande, Irlande, Géorgie, Bulgarie, République tchèque, Slovaquie, Hongrie, Macédoine du Nord, Azerbaïdjan, Haut-Commissaire parlementaire aux droits de l’homme de l’Ukraine, Advocates for Human Rights, Bureau international catholique de l'enfance, Fondation de la Maison des droits de l'homme, Amnesty International et Commission internationale des juristes.
Réponses et remarques de conclusion de la Haute-Commissaire adjointe
MME AL-NASHIF a souligné que, depuis la pandémie de COVID-19, les groupes se trouvant dans des situations vulnérables avaient un accès réduit aux possibilités d’emploi et de revenu, ce qui entraîne pour eux isolement social et pertes de revenu. Les femmes sont particulièrement touchées par le problème de la violence domestique, a-t-elle ajouté. Les droits économiques et sociaux des populations de l’est de l’Ukraine, déjà mis à mal par la situation sur le terrain, sont eux aussi influencés par la pandémie : la levée des restrictions aux déplacements pourrait réduire ces difficultés, a fait observer la Haute-Commissaire adjointe aux droits de l’homme.
Mme Al-Nashif a par ailleurs souligné que certaines victimes des violences à Odessa en 2014 ou des événements de Maïdan, ou leurs familles, attendaient toujours que justice soit rendue.
Mme Al-Nashif a en outre mis en garde contre les séquelles de ce qu’elle a qualifié d’« institutionnalisation » de la torture et des mauvais traitements. Elle a demandé à la Fédération de Russie d’accorder des soins médicaux adéquats aux personnes d’origine ukrainienne qu’elle détient dans ses prisons. Elle a également recommandé que les parties créent des mécanismes de transfert de détenus de droit commun.
La Haute-Commissaire adjointe a fait état d’importantes limites posées à la liberté d’opinion et d’expression dans les deux républiques autoproclamées. La communauté internationale devrait demander à la Fédération de Russie qu’elle use de son influence pour que ces entités respectent les droits de l’homme, a-t-elle insisté.
Mme Al-Nashif a demandé que les conditions soient créées pour une visite du Haut-Commissariat en Crimée.
Dialogue de haut niveau sur la situation des droits de l’homme en République centrafricaine
Présentations
MME NADA AL-NASHIF, Haute-Commissaire adjointe aux droits de l’homme, a salué la signature, le 30 décembre dernier, du décret présidentiel confirmant la nomination officielle des 11 commissaires, dont cinq femmes, pour siéger à la Commission Vérité, Justice, Réparation et Réconciliation créée par la loi en février 2020. Cette évolution représente une étape importante dans le processus de justice transitionnelle et la mise en œuvre de l'Accord de paix, s’est-elle réjouie. Mme Al-Nashif a expliqué que le Haut-Commissariat est prêt à soutenir les prochaines étapes de l'opérationnalisation efficace de la Commission.
La Haute-Commissaire adjointe a ensuite fait observer avec regret que les violences contre les civils avaient repris avant les élections de décembre 2020. Des violations des droits de l'homme ont été commises et plus de 200 000 nouvelles personnes sont déplacées à l'intérieur et à l'extérieur de la République centrafricaine, a-t-elle indiqué. La violence a été déclenchée par la disqualification par la Cour constitutionnelle de la candidature de François Bozizé, ancien Président de la République centrafricaine, et la formation de la Coalition des patriotes pour le changement (CPC) dans le but d'empêcher les élections et d'évincer le Président Touadéra, qui a finalement été réélu.
Il y a eu une forte augmentation des violations des droits de l'homme documentées avant, pendant et après les élections, a poursuivi Mme Al-Nashif. La CPC porte la plus grande responsabilité dans ces violations, tandis que les agents de l’État ont une responsabilité moindre, a-t-elle précisé. Cependant, les deux parties ont contribué au nombre élevé de violations documentées, a indiqué la Haute-Commissaire adjointe.
Les violations des droits de l’homme commises par la CPC sont les meurtres, les violences sexuelles, la torture et les mauvais traitements, les menaces de mort contre les électeurs, les enlèvements et les violations de la liberté de mouvement, a précisé Mme Al-Nashif. Certaines autorités locales ont demandé une protection individuelle à la MINUSCA, par crainte d'être sommairement exécutées par des groupes armés pour leur implication dans l'organisation des élections, a-t-elle ajouté.
Mme Al-Nashif a appelé toutes les parties au conflit à s'abstenir de toute violence et leur a rappelé qu'elles doivent respecter les droits de l'homme internationaux et le droit international humanitaire et donner la priorité à la protection des civils. En outre, il est essentiel que les Nations Unies et les partenaires internationaux continuent de joindre leurs efforts à ceux des autorités centrafricaines, aux niveaux politique et technique, pour garantir que les auteurs de toutes les parties soient tenus de rendre des comptes, a-t-elle insisté.
MME LIZBETH CULLITY, Représentante spéciale adjointe du Secrétaire général et Cheffe adjointe de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA), a déclaré que depuis sa dernière présentation au Conseil en juin 2020, la situation générale des droits de l'homme en République centrafricaine s'est fortement détériorée, avec des informations inquiétantes faisant état de graves violations des droits de l'homme ainsi que de violations du droit international humanitaire perpétrées par toutes les parties au conflit, en particulier dans le contexte du processus électoral. La formation le 17 décembre de la Coalition des Patriotes pour le Changement - la CPC, alliance composée de six groupes armés, dont des groupes armés précédemment engagés dans le processus de paix – a déclenché une recrudescence de la violence pendant la période électorale, illustrant la fragilité de la sécurité, de la situation politique et des droits de l’homme dans le pays.
Tout au long de la période entourant le premier tour des élections, du 1er octobre 2020 au 28 février 2021, la composante droits de l'homme de la MINUSCA a documenté 358 incidents de violations des droits de l'homme touchant 609 victimes, a indiqué Mme Cullity. Cela représente une augmentation de plus de 40% du nombre de victimes par rapport à la période des cinq mois précédents, a-t-elle fait observer. Les groupes armés sont responsables de la plupart des incidents, 85% environ étant imputables à la CPC, tandis que 15% des incidents étaient attribués aux forces de défense et de sécurité nationales, a-t-elle précisé. En outre, de janvier à février 2021, la MINUSCA a reçu un nombre important d'allégations de violences sexuelles liées au conflit qui font l'objet d'enquêtes – soit un total d’environ 85 cas touchant 50 filles et 99 femmes.
La MINUSCA travaille par ailleurs avec les autorités compétentes pour régler les problèmes d'impunité, a poursuivi Mme Cullity ; elle apporte un soutien technique et financier à cette fin.
M. YAO AGBETSE, Expert indépendant sur la situation des droits de l’homme en République centrafricaine, a d’abord relevé que la décision du 3 décembre 2020 de la Cour constitutionnelle ayant invalidé certaines candidatures, dont celle d’un leader d’un groupe armé et celle de l’ancien Président François Bozizé, avait été considérée par la population comme une victoire sur l’impunité.
Mais, malgré les accords signés par certains groupes armés en 2019, la Coalition des patriotes pour le changement (CPC) continue d’enrôler des enfants dans ses rangs, a déploré l’Expert indépendant. Il est impérieux que les autorités centrafricaines mettent en application les dispositions du Code de protection de l’enfance relatives aux sanctions des personnes et entités qui enrôlent et utilisent les enfants dans les hostilités, a-t-il demandé.
D’autre part, d’octobre 2020 à février 2021, la MINUSCA a documenté 53 incidents de violences sexuelles liées au conflit, touchant 40 femmes et 43 filles, a poursuivi M. Agbetse. Il importe d’élever la lutte contre les violences sexuelles au rang de priorité nationale en mettant en œuvre les engagements pris dans le cadre du Communiqué conjoint signé avec les Nations Unies en 2019, notamment sur l’axe de la lutte contre l’impunité au moyen de la justice, a insisté l’Expert indépendant.
De même, une politique de tolérance zéro doit s’appliquer, avec des réponses appropriées aux victimes, face aux cas d’exploitation et d’atteintes sexuelles par le personnel militaire de la MINUSCA – alors que neuf cas ont été rapportés en 2020 –, a également plaidé l’Expert indépendant.
M. Agbetse a ensuite fait état d’informations concordantes au sujet d’une corruption étendue au sein du système judiciaire centrafricain. Il a appelé les autorités centrafricaines à réformer en profondeur l’administration judiciaire afin de renforcer son efficacité et rétablir la confiance de la population dans le système de justice.
L’Expert indépendant a d’autre part salué les efforts de l’Etat dans la formation des forces de l’ordre et de sécurité. Cependant, les violations commises par les Forces de défense et de sécurité et par les Forces armées ne doivent pas rester impunies, a-t-il souligné. Il faut opérationnaliser un tribunal militaire pour faire respecter le code de conduite militaire ; il faut également dispenser des formations régulières sur le code de conduite, les droits de l'homme et le droit international humanitaire, a-t-il indiqué.
M. Agbetse a enfin salué le décret du 30 décembre 2020 portant confirmation de la nomination officielle des onze commissaires de la Commission Vérité, Justice, Réparation et Réconciliation (CVJRR).
M. FRANÇOIS DE SALLE BADO, observateur des droits de l’homme chargé du dialogue et de la réconciliation auprès de l’Union africaine, représentant par intérim de l’Union africaine en République centrafricaine, a donné lecture d’une déclaration du Représentant spécial du Président de la Commission de l’Union africaine en République centrafricaine, M. MATHIAS BERTINO MATONDO. Dans cette déclaration, M. Matondo relève en particulier que, dans l’histoire de la République centrafricaine, deux mots reviennent assez régulièrement : la mal gouvernance et l’impunité.
L’Union africaine estime que la lutte contre l’impunité relève de la volonté politique de chaque pays et de chaque gouvernement. De ce fait, l’Union africaine ne peut qu’encourager tous les États Membres à promouvoir la bonne gouvernance dans tous les secteurs d’activités en vue de prévenir l’injustice sociale, l’instabilité politique et les rébellions. La communauté internationale et les partenaires au développement, pour leur part, doivent accompagner les gouvernements dans la lutte contre l’impunité.
D’autre part, les Nations Unies devront être fermes dans la mise en œuvre des mandats d’arrêt contre les personnes figurant sur la liste de sanctions du Conseil de sécurité. Les populations centrafricaines ont parfois le sentiment d’être totalement méprisées lorsque des personnes inscrites sur la liste des sanctions des Nations Unies continuent de circuler librement, de mener leurs activités criminelles et de narguer les populations. Dans sa déclaration, M. Matondo met aussi en garde contre les crimes économiques commis par des agents de l’État et qui sont impunis.
M. Jean Christophe Nguinza, Ministre du service public et Ministre par intérim de la justice de la République centrafricaine, a déploré la persistance des violations des droits de l’homme par les groupes armés, en particulier la CPC (Coalition des patriotes pour le changement). Il a également déploré le ralliement à la CPC de certains groupes armés pourtant signataires des Accord du 6 février 2019. Cette coalition s’est formée dans l’objectif d’empêcher la tenue des élections et ses attaques ont effectivement empêché la campagne électorale, le déploiement du matériel électoral, la mobilisation des électeurs pour exercer leur de vote et provoqué l’incendie et le pillage des bureaux de vote dans certaines localités, a dénoncé le Ministre.
Il en a résulté la perte en vies humaines parmi la population civile et les soldats de la paix de la MINUSCA, l’utilisation d’enfants soldats, des cas de déplacements massifs de personnes à l’intérieur et à l’extérieur du pays ainsi que le pillage de locaux des humanitaires. L’insécurité alimentaire s’est accentuée par la raréfaction des biens de première nécessité et la flambée de leur prix. En outre, des écoles ont été fermées dans certaines zones du pays en raison de l’insécurité, a déploré M. Nguinza.
Le Ministre a poursuivi en expliquant que plusieurs dossiers étaient en cours de traitement devant deux cours d’appel et devant la Cour pénale spéciale mais que malheureusement la pandémie de COVID-19 en avait ralenti les travaux. Il a par ailleurs relevé la nomination par décret présidentiel des membres de la Commission Vérité, Justice, Réparation et Réconciliation, le 30 décembre 2020. Le Ministre a aussi mentionné le transfèrement d’un chef de guerre de la Séléka, soupçonné de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, à la Cour pénale internationale.
M. Anicet Thierry Goue Moussangoe, Secrétaire général du Réseau des ONG pour la promotion et la défense des droits de l’homme (RONGDH), a déclaré qu’à ce jour, la République centrafricaine continue d’être au centre des préoccupations de la communauté internationale, en raison des multiples violations des droits de l’homme suite à la récurrence des crises militaro-politiques qui ont aggravé de manière tragique les conditions de vie de la grande majorité de la population.
Certains groupes armés qui se sont constitués dans une prétendue Coalition des patriotes pour le changement (CPC), ont déclenché, depuis le mois de décembre 2020, des violences suite à l’invalidation de la candidature de l’ancien Président François Bozizé pour les élections présidentielle et législatives de 2020-2021 et cette Coalition n’avait pour objectif principal que la déstabilisation des institutions républicaines, a affirmé le Secrétaire général du Réseau des ONG. Ces actes ont également occasionné plusieurs pertes en vies humaines au niveau des populations civiles et parmi les Casques bleus de la MINUSCA.
A ce jour, le constat est alarmant car les institutions judiciaires de base, comme la police, la gendarmerie et le parquet, sont absentes dans la majeure partie du pays suite aux évènements, a regretté le Secrétaire général du Réseau des ONG. Les organisations de défense des droits de l’homme tant nationales qu’internationales ont toujours œuvré de manière significative à la responsabilisation des auteurs de graves et systématiques violations des droits de l’homme et pour la garantie de recours efficaces pour les victimes en appuyant le processus de consolidation du pays, a-t-il expliqué. Le Réseau n’a en outre cessé de rappeler aux mouvements rebelles leurs responsabilités devant les juridictions tant nationales qu’internationales pour les crimes de guerre et crimes contre l’humanité qu’ils ne cessent de commettre sur des personnes sans défense.
Par conséquent, le Réseau exige de la communauté internationale qu’elle prenne des mesures d’urgence pour assurer la sécurité des personnes et des biens sur toute l’étendue du territoire centrafricain et pour engager des poursuites judiciaires contre les auteurs des graves violations des droits humains et du droit international humanitaire.
Aperçu du dialogue
Nombre de délégations se sont dites profondément préoccupées par la persistance d’affrontements en République centrafricaine. A été particulièrement dénoncé le rôle destructeur des dirigeants des groupes armés illégaux qui ont pris le parti de s'écarter de leurs engagements au titre de l'Accord politique du 6 février 2019 et de s’engager dans la confrontation armée. À cet égard, plusieurs intervenants ont dénoncé les pratiques de la CPC.
Le recrutement et l'utilisation forcée d’enfants par des groupes armés, ainsi que les viols et les violences sexuelles liés au conflit ont également été dénoncés.
La lutte contre l’impunité constitue une condition essentielle pour permettre un retour à la paix en République centrafricaine, a-t-il été souligné.
Le Gouvernement et les acteurs centrafricains ont été appelés à mettre un terme aux hostilités et à emprunter la voie de la réconciliation, notamment en vue de la poursuite du processus électoral. À ce propos, l’Expert indépendant a été prié de dire comment la communauté internationale pourrait aider les autorités centrafricaines à organiser un second tour des élections qui soit crédible et pacifique, alors que – a relevé un intervenant – la situation sécuritaire s'est considérablement dégradée dans le contexte des élections générales qui ont eu lieu le 27 décembre 2020.
Alors que la situation humanitaire continue de se détériorer et que le nombre de personnes déplacées et de réfugiés augmente toujours, la protection des civils et des personnels humanitaires et médicaux, ainsi qu’un accès humanitaire sûr et sans entrave doivent rester des priorités, a-t-il été affirmé.
Une organisation non gouvernementale a recommandé de maintenir entre les partis au conflit un dialogue qui placerait les droits de l’enfant au cœur des priorités et qui viserait à garantir un couloir humanitaire, ainsi qu’à respecter le caractère civil des écoles et des infrastructures de santé. Une autre ONG a souligné le rôle important que, du fait de leur autorité morale, les leaders religieux du pays peuvent jouer pour le rétablissement de l’ordre et la réconciliation.
Une délégation a rappelé que le « point 10 » de l'ordre du jour du Conseil a été conçu pour traiter de la coopération, de l'assistance technique et du renforcement des capacités dans le domaine des droits de l'homme, toujours avec la participation du pays concerné et conformément aux principes universels de respect de la souveraineté et de l'indépendance des Etats et de non-ingérence dans les affaires intérieures des États.
**Liste des intervenants : Union européenne, Islande (au nom des pays nordiques), Belgique (au nom d'un groupe de pays), Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), Portugal, Fédération de Russie, Sénégal, France, Togo, Mauritanie, Maroc, Venezuela, États-Unis, Égypte, Angola, Chine, Botswana, Royaume-Uni, Soudan, Malawi, Soudan du Sud, Tchad, Irlande, Défense des enfants - international,World Evangelical Alliance, Elizka Relief Foundation, Christian Solidarity Worldwide, Rencontre africaine pour la défense des droits de l'homme et The Next Century Foundation.
Réponses et remarques de conclusion
M. MAHAMANE CISSÉ-GOURO, Directeur de la Division du Conseil des droits de l’homme et des mécanismes de traités au Haut-Commissariat aux droits de l’homme, a indiqué que le Haut-Commissariat continuerait de soutenir les efforts du Gouvernement centrafricain pour préserver l’espace démocratique en République centrafricaine, y compris s’agissant de la lutte contre l’impunité, qui doit être une priorité pour le Gouvernement. Le Haut-Commissariat aidera aussi le Gouvernement à créer des institutions fortes et à promouvoir l’état de droit sur tout le territoire.
Un représentant de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine a assuré que la MINUSCA travaillerait avec tous les partenaires concernés pour mettre fin à l’impunité.
M. Agbetse a souligné que 57% de la population centrafricaine avait besoin d’une assistance humanitaire et que la communauté internationale devait donc continuer à soutenir l’action humanitaire dans le pays. Dans ce contexte, il a condamné les attaques perpétrées contre les organisations humanitaires. M. Agbetse a par ailleurs plaidé pour le déploiement des forces de sécurité nationale sur l’ensemble du territoire centrafricain. Il a réitéré son appel au cessez-le-feu à l’intention des groupes armés et a demandé aux autorités centrafricaines de renforcer le dialogue avec la société civile, notamment les femmes, dans le cadre du processus de réconciliation.
M. Léopold Ismael Samba, Représentant permanent de la République centrafricaine auprès des Nations Unies à Genève, a expliqué que le Gouvernement centrafricain avait fait preuve de bonne volonté et avait honoré ses engagements. Il faut que la communauté internationale soutienne le pays pour ce qui est des mesures à prendre pour lutter contre l’impunité ; la lutte contre l’impunité doit être globale, a-t-il insisté.
M. BRUNO HYACINTHE Gbiegba, Coordinateur adjoint du Réseau des ONG pour la promotion et la défense des droits de l’homme (RONGDH), a souligné que la lutte contre l’impunité ne peut se faire dans un contexte d’insécurité et a appelé au soutien de la communauté internationale dans ce domaine. Il faut que la communauté internationale aide la République centrafricaine tout en laissant le pays décider lui-même des solutions, a-t-il déclaré.
HRC21.051F