Fil d'Ariane
La Conférence du désarmement poursuit son débat général
L’Iran s’oppose à la demande du Yémen de participer aux travaux de la Conférence en tant qu’observateur
La Conférence du désarmement a poursuivi ce matin son débat général en entendant les déclarations d’une demi-douzaine de délégations.
Auparavant, la demande du Yémen de participation aux travaux de la Conférence en tant qu’observateur a été rejetée en raison de l’opposition de l’Iran. Plusieurs délégations sont alors intervenues pour déplorer cette position de l’Iran : Mexique, Royaume-Uni, Inde, États-Unis, Pays-Bas, Égypte, France, Pakistan, Maroc, Canada, Afrique du Sud.
La demande de participation aux travaux en qualité d’observateur déposée par Singapour a, quant à elle, été acceptée.
Dans le cadre du débat général, les pays suivants sont intervenus : Afrique du Sud, Cuba, Iran, Ukraine, République populaire démocratique de Corée et Sri Lanka. L’Allemagne, la Syrie, le Japon, les États-Unis et la République populaire démocratique de Corée sont en outre intervenus au titre du droit de réponse. Israël a pris la parole pour une motion d’ordre.
Au début de la séance, le Président a souhaité la bienvenue au nouveau Représentant permanent de l’Afrique du Sud à la Conférence.
Cet après-midi, à 15 heures, la Conférence doit entendre d’autres déclarations de délégations au titre du débat général, avant de se pencher sur l’ensemble (« paquet ») de documents présenté par le Président de la Conférence, l’Ambassadeur Marc Pecsteen de la Belgique, concernant les travaux de la Conférence pour 2021.
Examen de demandes de participation aux travaux de la Conférence en tant qu’observateur
Concernant la demande de participation aux travaux de la Conférence en tant qu’observateur présentée par le Yémen, l’Iran a dit attacher une grande importance à la Conférence du désarmement en tant qu’unique instance multilatérale de négociations dans le domaine du désarmement et a souligné que préserver l’intégrité de cette instance doit rester la priorité des membres de la Conférence. L’Iran a expliqué ne pas pouvoir souscrire à la requête du Yémen de participer aux travaux de la Conférence en tant qu’observateur, car la « partie » qui a fait cette demande « ne représente pas le grand pays et le grand peuple du Yémen et ne peut prétendre représenter que la seule coalition emmenée par l’Arabie saoudite, qui impose de grandes souffrances à la population ».
Suite à cette intervention de l’Iran, de nombreuses délégations ont regretté que la Conférence ait renoncé à adopter les demandes de participation d’États en tant qu’observateurs et ont insisté sur la nécessité d’une participation universelle aux forums internationaux, y compris sur les questions relatives au désarmement. La politisation du statut d’observateur à la Conférence a été condamnée. Un intervenant a souligné que le dialogue était à la base de la diplomatie et a condamné l’abus de la règle du consensus par l’Iran. Un autre a fait remarquer que le rejet de la demande de l’État de Palestine en 2019 avait créé un mauvais précédent. Plusieurs intervenants ont des États Membres des Nations Unies aient été empêchés de participer à la Conférence en tant qu'observateurs. Ils ont souligné que l'inclusion était un principe cardinal du multilatéralisme.
Les pays suivants ont ainsi déploré le refus de l’Iran d’accepter la demande de participation émanant du Yémen : Mexique,Royaume-Uni, Inde, États-Unis, Pays-Bas,Égypte, France, Pakistan, Maroc, Canada, Afrique du Sud.
Débat général
L’Afrique du Sud a rappelé que le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN, selon l’acronyme français ; TPNW selon l’acronyme anglais) était entré en vigueur vendredi dernier, 22 janvier 2021 et a exprimé la gratitude de son Gouvernement à tous les pays qui ont assuré cette entrée en vigueur. L’Afrique du Sud a ensuite exhorté tous les États qui ne l’ont pas encore fait à ratifier ce Traité dès que possible. Elle a poursuivi en soulignant que le TIAN, en établissant une interdiction claire des armes nucléaires, comblait une lacune juridique essentielle qui subsistait jusqu’ici dans le droit international s’agissant des armes de destruction massive. L’interdiction des armes nucléaires est l’engagement le plus ferme en faveur du désarmement nucléaire, a insisté l’Afrique du Sud.
Le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) reste la pierre angulaire du désarmement et de la non-prolifération nucléaires et doit être préservé et renforcé, a par ailleurs expliqué l’Afrique du Sud. La Conférence d'examen de 2020 du TNP a été reportée au mois d'août de cette année, en raison des mesures prises pour empêcher la propagation de la pandémie de COVID-19, a-t-elle rappelé. La réponse qui doit être apportée à la pandémie actuelle rappelle brutalement à chacun que les défis mondiaux dans un monde interconnecté ne peuvent être relevés efficacement que par une réponse multilatérale et que la paix et la sécurité internationales ne peuvent être dissociées du développement. La sécurité mondiale n'est pas réalisable lorsque d'énormes ressources financières et autres sont encore détournées vers l'acquisition de capacités de plus en plus destructrices, à un moment où des milliards de personnes dans le monde continuent de souffrir de la faim, de la privation et du manque d'accès aux soins de santé, a insisté l’Afrique du Sud. Après tant d'années d'inaction, il faut réfléchir à la pertinence de la Conférence du désarmement et se poser la question de savoir si elle serait en mesure de regagner sa position d'instance multilatérale réactive capable de contribuer à dégager un consensus sur les questions touchant notre sécurité commune. Pour sa part, l’Afrique du Sud a indiqué être prête à contribuer de manière constructive à faire en sorte que la Conférence retrouve son rôle légitime en tant qu’unique instance multilatérale de négociations sur le désarmement.
Cuba a indiqué soutenir l'adoption d'un programme de travail complet et équilibré dans lequel le désarmement nucléaire complet se voie accorder toute l'importance qu'il mérite, étant donné qu'il constitue une menace directe pour la survie de l'humanité. La paralysie des travaux de la Conférence est le reflet direct du manque de volonté politique de certains États, soit parce qu'ils favorisent le commerce de la course aux armements, avec des politiques unilatérales d'agression, soit parce qu'ils sont des États menacés par de telles politiques, a poursuivi la délégation cubaine. Tout en exhortant tous les États à travailler ensemble à un programme de paix, de non-prolifération et de désarmement, Cuba a réaffirmé son rejet de l'imposition de mesures coercitives unilatérales telles que le blocus économique, commercial et financier imposé par les États-Unis à Cuba.
La Conférence est prête à négocier plusieurs questions simultanément, a poursuivi Cuba, avant d’appeler à profiter de l'élan donné par l'entrée en vigueur du Traité sur l'interdiction des armes nucléaires. Le désarmement nucléaire est et doit rester la plus haute priorité dans le domaine du désarmement, a conclu Cuba.
L’Iran a relevé que l’année 2020 avait été marquée par la montée de l’unilatéralisme dans le monde. L’Iran a été confrontée, pour sa part, aux mesures coercitives unilatérales des États-Unis, ainsi qu’à des assassinats orchestrés par les États-Unis et Israël. L’Iran a en outre rappelé qu’Israël reste le seul État détenteur de l’arme nucléaire dans la région.
La délégation iranienne a par ailleurs souligné que l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) avait, au terme de ses visites d’inspection, confirmé que l’Iran respectait ses engagements. La décision de l’Iran de revenir sur ses engagements volontaires est conforme aux dispositions du JCPOA (Accord sur le nucléaire), a assuré la délégation iranienne. Elle a d’autre part regretté que l’Allemagne « ne respecte pas » les articles I, II et VI du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP).
L’environnement sécuritaire international s’est dégradé sous l’effet d’une préoccupante course aux armements, le Moyen-Orient étant le principal marché des exportateurs d’armements, au détriment des civils, tandis que « le régime israélien continue d’accumuler d’énormes arsenaux » échappant à toute supervision, a mis en garde l’Iran.
Le États non dotés d’armes nucléaires doivent pouvoir bénéficier de garanties négatives de sécurité, a demandé l’Iran, avant de plaider pour des mesures concrètes en vue de l’élimination complète des armes nucléaires. Le pays a demandé aux États dotés d’armes nucléaires de faire preuve d’une véritable volonté politique. Il a enfin jugé prometteuse l’entrée en vigueur du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires.
Dans une motion d’ordre, Israël est ici intervenu pour exiger que l’Iran utilise le nom officiel d’« Israël ».
L’Ukraine a remercié les États-Unis de leur soutien sans faille face à une « agression russe » qui est toujours en cours, plus de 40 000 km2 du territoire ukrainien se trouvant « toujours sous occupation ». La situation dans le Donbass reste fragile, la Fédération de Russie ne voulant pas participer au processus de paix de manière constructive, tandis que l’annexion de parties du territoire ukrainien reste une menace pour la sécurité en Europe, a mis en garde la délégation ukrainienne.
L’infrastructure du contrôle des armements a été fragilisée par les actions de la Fédération de Russie, a déploré l’Ukraine. Elle a jugé alarmantes les informations selon lesquelles des moyens nucléaires maritimes et terrestres ont été déplacés en Crimée par la Fédération de Russie. La Fédération de Russie porte atteinte à l’interdiction des armes chimiques et biologiques, a également affirmé l’Ukraine. Elle a aussi dénoncé des violations du Traité « Ciel ouvert » par la Fédération de Russie, ainsi que le retrait de la partie russe de cet instrument. L’Ukraine s’est dite prête à contribuer de manière constructive aux travaux de la Conférence, avec pour priorités, notamment, un traité d’interdiction de la production de matières fissiles à des fins de fabrication d’armements nucléaires, ainsi qu’un instrument juridiquement contraignant sur les garanties négatives de sécurité.
La République populaire démocratique de Corée a déclaré qu’aucun autre pays n’était exposé à une menace constante de guerre comme elle l’est elle-même, mais a assuré que le désir de paix de son peuple était très fort. L’accumulation irresponsable d’armes de haute technologie dirigées par des forces hostiles contre la République populaire démocratique de Corée sape l'équilibre international, a ajouté la délégation de la République populaire démocratique de Corée. « La réalité montre que ce n'est qu’en renforçant notre capacité de défense nationale que nous serons en mesure de contenir la menace militaire et de parvenir à la paix et à la prospérité de la péninsule coréenne », a-t-elle affirmé. Elle a ajouté que son pays, en tant qu'État doté d'armes nucléaires responsable, n'utiliserait pas ses armes nucléaires à mauvais escient, à moins que des forces hostiles agressives n'essaient d’utiliser de telles armes contre lui.
Sri Lanka a pris note avec satisfaction de la proposition de « paquet » présentée par le « P6 » (les six Présidents de la Conférence pour cette année). Le pays s’est dit préoccupé par la détérioration rapide du régime international de sécurité et de contrôle des armements. Il a fait part de ses inquiétudes s’agissant de l'absence de progrès au sujet du TNP et face à l'incapacité des États à travailler ensemble pour faire progresser les objectifs de non-prolifération, alors que la dixième Conférence d'examen du TNP est en cours de préparation. Il semble que les États dotés d’armes nucléaires, au lieu de mettre en œuvre des mesures coordonnées pour abandonner leurs arsenaux d'armes nucléaires, s'orientent plutôt vers l’expansion et la modernisation desdits arsenaux, a poursuivi Sri Lanka. La progression des systèmes d'armes autonomes et des technologies émergentes connexes, en dehors de tout contrôle humain significatif, reste également un sujet de grave préoccupation, a ajouté la délégation sri-lankaise. L'ouverture rapide de négociations sur des limitations et des réglementations contraignantes de ces systèmes d'armes est une nécessité absolue, a-t-elle insisté.
Durant la séance, plusieurs délégations sont en outre intervenues au titre du droit de réponse : Allemagne, République arabe syrienne, Japon, États-Unis et République populaire démocratique de Corée.
DC21.006F