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La Conférence du désarmement poursuit son débat général en entendant les délégations d’une quinzaine de pays

Compte rendu de séance

 

La Conférence du désarmement a tenu cet après-midi, sous la présidence de l’Ambassadeur Marc Pecsteen de la Belgique, une séance plénière virtuelle au cours de laquelle quinze délégations ont fait des déclarations.

Pendant le débat, il a été notamment été affirmé que le déroulement des travaux à la Conférence du désarmement aurait inévitablement des répercussions sur la prochaine Conférence d'examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), prévue cet été.

Selon une délégation, la plus importante contribution que la Conférence puisse apporter au succès de la Conférence d’examen serait d’entamer des négociations sur un traité de cessation de la production de matières fissiles à des fins d’armements nucléaires (FMCT). Un autre intervenant a jugé qu’un tel traité (« cut-off ») qui ne tiendrait pas compte des stocks existants de matières fissiles « n’aurait aucun avenir ». Plusieurs intervenants ont néanmoins soutenu le lancement, au sein de la Conférence du désarmement, de négociations sur un traité d’interdiction des matières fissiles à des fins d’armement.

L’ouverture de négociations autour de la prévention d’une course aux armements dans l'espace et d’un traité sur les garanties négatives de sécurité a également été jugé souhaitable par plusieurs délégations.

Un intervenant a jugé nécessaire, au préalable, de déterminer exactement de quelles ressources financières la Conférence du désarmement disposerait en 2021.

Il a enfin été rappelé que le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires entrera en vigueur demain, 22 janvier 2021.

Les pays suivants ont fait des déclarations cet après-midi : Japon, Israël, Éthiopie, Argentine, Fédération de Russie, Royaume-Uni, Pakistan, Australie, République de Corée, Turquie, Colombie, Mexique, Syrie, Inde, États-Unis.

 

La prochaine séance plénière publique de la Conférence aura lieu mardi 26 janvier, à 10 heures. Jusqu’à nouvel ordre, les séances plénières de la Conférence se tiennent de manière virtuelle, en raison des restrictions imposées par la pandémie de COVID-19.

 

Aperçu des déclarations

Le Japon s’est dit très préoccupé par la poursuite du développement, par la République populaire démocratique de Corée, de capacités nucléaires et de missiles balistiques. Le Japon a appelé la République populaire démocratique de Corée à prendre des mesures concrètes en vue de la dénucléarisation, ainsi que tous les États Membres à mettre pleinement en œuvre les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité des Nations Unies.

S’agissant de la Conférence du désarmement, le Japon a réitéré l'importance qu’il accorde à l'ouverture immédiate de négociations sur un traité d’interdiction de la production de matières fissiles à des fins militaires. Le Japon a affirmé que le déroulement des travaux à la Conférence du désarmement aurait inévitablement des répercussions sur la prochaine Conférence d’examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), prévue cet été. Le Japon, qui plaide en outre pour l'entrée en vigueur du traité d’interdiction complète des essais nucléaires, demande aux États qui ne l’ont pas encore fait, notamment ceux d’entre eux qui sont visés à l'Annexe II du traité, de ratifier l’instrument sans plus tarder.

Israël a déploré l’escalade inquiétante de l’utilisation d’armes de destruction massive au Moyen-Orient et a estimé que le TNP n’était pas, à cet égard, capable d’apporter toutes les réponses. Israël a ainsi jugé très inquiétantes et menaçantes les activités nucléaires clandestines de l’Iran. Jugeant également préoccupante l’utilisation d’armes chimiques par des États contre leurs propres populations civiles, Israël a demandé que des enquêtes soient réalisées sur les faits survenus en Syrie, afin d’éviter qu’ils ne se reproduisent.

Israël a aussi recommandé de songer aux conséquences et inconvénients qu’aurait la création d’instances de désarmement autres que la Conférence, et a appelé à une réflexion sur les moyens d’obtenir des États qu’ils respectent leurs engagements au titre des traités qu’ils ont signés.

L'Éthiopie a réitéré sa conviction selon laquelle le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires constitue la pierre angulaire du régime mondial de non-prolifération. À cet égard, la dixième Conférence d'examen du TNP devrait rester la principale priorité du discours sur le désarmement et être menée à bien dès que la situation épidémiologique le permettra, a affirmé l’Éthiopie.

L’Éthiopie a, d’autre part, estimé que la création de zones exemptes d'armes nucléaires était essentielle pour assurer la sécurité régionale et parvenir à une paix et une stabilité mondiales durables. Le pays a enfin estimé qu’un traité complet sur les matières fissiles, un traité sur les garanties négatives de sécurité qui protégerait les États non dotés d'armes nucléaires contre toute menace, ainsi que la prévention de la course aux armements dans l'espace, constituent autant d’objectifs louables.

L’Argentine a dit accorder un traitement prioritaire au désarmement et à la non-prolifération nucléaires. Le strict respect et l'application des normes inscrites dans le cadre du TNP sont une garantie de progrès durable dans les trois piliers qui composent ce Traité, a estimé l’Argentine. Le TNP reste la pierre angulaire du régime de désarmement et de non-prolifération nucléaires, a-t-elle poursuivi : à cet égard, a-t-elle ajouté, la prochaine Conférence d’examen, qui sera présidée par l'Argentine, devra permettre de prendre des mesures concrètes pour aider les États à remplir leurs obligations en matière de désarmement et de non-prolifération.

L’Argentine a également souligné l’importance du Traité sur le commerce des armes, dont elle a rappelé avoir présidé la sixième Conférence des États parties en 2020. Elle a enfin cité « l'Agence argentino-brésilienne pour la comptabilité et le contrôle des matières nucléaires » (ABACC) comme un exemple d’instrument capable d’instaurer la confiance mutuelle dans le domaine nucléaire.

La Fédération de Russie a appelé de ses vœux l’instauration des conditions matérielles indispensables pour que la Conférence puisse fonctionner de manière prévisible et stable, y compris sur le plan financier, et a espéré que les Présidents successifs de cette session de 2021 soumettraient des idées à ce sujet. La Fédération de Russie a ensuite tenu à attirer l’attention des délégations sur le sens réel de l’adoption du programme de travail, à savoir qu’il s’agit de mener des négociations sur les thèmes qui figurent à l’ordre du jour de la Conférence. Cependant, au préalable, il importe de déterminer exactement de quelles ressources financières la Conférence du désarmement disposera en 2021, a souligné la Fédération de Russie.

Le Royaume-Uni a indiqué qu’il accorderait cette année la priorité à la dixième Conférence d'examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, qui devrait avoir lieu en août prochain. Pendant cinquante ans, le TNP a encadré l’utilisation pacifique de l'énergie nucléaire, minimisé la prolifération des armes nucléaires et favorisé le désarmement nucléaire, a souligné la délégation britannique. La plus importante contribution que la Conférence du désarmement puisse apporter au succès de la Conférence d’examen sera – peut-être – d’entamer des négociations sur un traité de cessation de la production de matières fissiles à des fins d’armement, a ajouté le Royaume-Uni.

La Conférence du désarmement a également un rôle crucial à jouer dans la prévention d'une course aux armements dans l'espace, a poursuivi le Royaume-Uni. Il s’est réjoui du très grand soutien recueilli par la résolution 75/36 (2020) de l'Assemblée générale des Nations Unies, intitulée « Réduire les menaces spatiales au moyen de normes, de règles et de principes de comportement responsable », résolution dont le Royaume-Uni était le parrain initial.

Le Pakistan a estimé que le paysage sécuritaire international s’était beaucoup détérioré ces dernières années, parallèlement à un recul du multilatéralisme et à un défaut de respect de leurs obligations internationales par certaines puissances. Le Pakistan s’est ainsi dit très préoccupé par « la politique d’hégémonie » et de « subversion de ses voisins » menée par l’Inde, « ses campagnes de désinformation », de même que par « les violations des droits de l’homme commises par l’Inde dans le Cachemire occupé ». « Cette attitude constitue une menace pour la sécurité régionale », a affirmé le Pakistan.

Le Pakistan a insisté sur le fait que la Conférence devait tenir compte des préoccupations légitimes des États en matière de sécurité. À cet égard, un traité d’interdiction de la production de matières fissiles devrait explicitement tenir compte de la question des stocks de ces matières, faute de quoi « il n’aurait aucun avenir », a souligné le Pakistan. Le pays a en outre recommandé que les négociations commencent au sujet des garanties négatives de sécurité et de la prévention d’une course aux armements dans l’espace, notamment.

L’Australie a estimé que la pandémie devait permettre de revoir le travail de la Conférence de manière créative. L’environnement sécuritaire international est toujours très difficile et il faut espérer que les délégations se sentiront amenées à travailler dans l’urgence à la Conférence en 2021.

L’Australie a ensuite salué la coordination des « P6 » (les six Présidents de la Conférence qui se succèdent lors d’une session annuelle). L’Australie a par ailleurs souhaité que la Conférence progresse sur la voie de la nouvelle approche sexospécifique dans ses travaux. S’agissant de la prochaine Conférence d’examen du TNP, l’Australie a dit espérer voir des progrès importants. Les résultats doivent être dans l’intérêt de tous les Etats parties et doivent être au-dessus de toutes les positions politiques régionales, a-t-elle insisté. Les efforts visant à instaurer un monde exempt d’armes nucléaires doivent être pratiques et faisables, a d’autre part affirmé l’Australie. Le pays a par ailleurs fait part de sa volonté de préserver l’espace en tant que domaine sécurisé, sûr et durable ; il faut parvenir à un accord international dans ce domaine et à instaurer la confiance mutuelle entre les États, a indiqué l’Australie.

La République de Corée a déclaré que la pandémie actuelle de COVID-19 menait à une réalité très difficile. Il s’agit d’une circonstance peu favorable pour les travaux de la Conférence. L’environnement est nouveau et il faut s’y adapter. La République de Corée estime qu’il faut être réaliste dans les ambitions et espère qu’il pourra y avoir consensus sur le programme de travail.

Il faut parvenir à mettre en œuvre un traité d’interdiction des matières fissiles à des fins d’armement (FMCT) dans les plus brefs délais, a poursuivi la République de Corée. Il faut en outre faire davantage dans le domaine de la lutte contre la course à l’armement dans l’espace extra-atmosphérique et l’adoption, dans ce domaine, d’une résolution à l’Assemblée générale est une bonne première étape, a estimé le pays. La pandémie a entraîné la numérisation massive de tous les domaines de la société et la Conférence doit s’emparer de cette thématique, a d’autre part affirmé la République de Corée. La dénucléarisation de la péninsule coréenne doit être concrète pour établir une paix durable dans cette région, a-t-elle ensuite déclaré. Il faut poursuive le dialogue et la diplomatie, seule façon de parvenir à une paix durable dans la péninsule. Il s’agit d’une obligation pour la postérité, a conclu la République de Corée.

La Turquie a regretté que la résolution de 1995 sur la création d'une zone exempte d'armes nucléaires au Moyen-Orient n'ait pas encore été appliquée. Le pays a par ailleurs espéré que la Fédération de Russie et les États-Unis se mettraient d'accord sur la prorogation du Traité New START de réduction des armements stratégiques, avant qu'il ne soit trop tard. La Turquie a d’autre part insisté sur le caractère central du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires dans la réalisation de l'objectif ultime d'un monde exempt d’armes nucléaires. Elle a par ailleurs appelé de ses vœux l’entrée en vigueur rapide du traité d’interdiction complète des essais nucléaires.

S’agissant des travaux de la Conférence en 2021, la Turquie a dit soutenir la création d'organes subsidiaires, comme il avait été fait en 2018. Elle a en outre souhaité que des négociations s’ouvrent au sujet d’un traité d’interdiction de la production de matières fissiles (à des fins d’armement). La Turquie a d’autre part rappelé qu’elle ne reconnaissait pas l’administration de la partie grecque de Chypre.

La Colombie a regretté que, lors de la première séance plénière de la Conférence, mardi dernier, la règle du consensus ait à nouveau été utilisée pour politiser les travaux de cette instance. Pour que le multilatéralisme soit vraiment productif, il faut un consensus constructif ; il faut que toutes les voix soient incluses et que les accords soient conclus par le dialogue et en écoutant ceux qui ont des points de vue différents. À la Conférence, les États doivent montrer par leurs actions que leur position sur le multilatéralisme va au-delà de la rhétorique et qu'ils sont réellement engagés pour l'avenir, a plaidé la Colombie.

La Colombie s’est dite prête à faire preuve de la plus grande souplesse et à soutenir les propositions de la présidence de la Conférence, à commencer par le « paquet » de décisions qui a été présenté par l’Ambassadeur Pecsteen de la Belgique [actuel Président de la Conférence].

Le Mexique a déclaré que la pandémie de COVID-19 s’était traduite par certaines mesures ayant favorisé une escalade des tensions internationales, tandis que les puissances nucléaires alimentent la course aux armements, en contravention du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires. Le Mexique a déploré le retrait des États-Unis et de la Fédération de Russie du Traité « Ciel ouvert » et a appelé les puissances nucléaires à faire preuve de responsabilité. Le Mexique a, à son tour, insisté sur l’importance de la prochaine Conférence d’examen du TNP ainsi que sur l’importance de l’entrée en vigueur, demain, du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires.

Les enceintes multilatérales doivent être à la hauteur des défis de l’époque, a poursuivi la délégation mexicaine, qui a regretté à ce propos que certains États Membres aient abusé du Règlement intérieur de cette instance pour refuser la participation de certains pays en tant qu’observateurs aux travaux de la Conférence.

Dans un droit de réponse, la République arabe syrienne a souhaité dénoncer « les mensonges proférées par Israël », qui tente de détourner l’attention de la communauté internationale de ses propres violations du droit international et des résolutions du Conseil de sécurité. Israël est le seul membre de la Conférence à nier l’importance du TNP et reste seul, dans la région du Moyen-Orient, à ne pas être partie à ce Traité, refusant que ses installations nucléaires soient soumises au régime de garanties de l’AIEA, a ajouté la délégation syrienne. La Syrie, elle, est partie au TNP ainsi qu’aux conventions sur les armes biologiques et sur les armes chimiques et elle ne cesse – contrairement à Israël – de soutenir la création d’une zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient, a-t-elle poursuivi. Israël occupe le Golan syrien et soutient les groupes terroristes en Syrie, notamment le Front Al Nosra dans le sud du pays.

Jamais la Syrie n’a utilisé par le passé ni jamais elle n’utilisera d’armes chimiques, a déclaré la délégation syrienne, ajoutant que les stocks d’armes chimiques ont été détruits et que le pays coopère avec l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC). Israël est le dernier pays à pouvoir s’exprimer en matière de désarmement car il n’a adhéré à aucun des traités négociés au sein de cette instance.

Également dans un droit de réponse, l’Inde a déclaré que le Pakistan avait une fois de plus abusé de la patience de la Conférence et de la bonne foi des enceintes onusiennes. Le moment est venu pour le Pakistan de cesser de diffuser de fausses informations au sein des Nations Unies et d’inciter à la haine et à la violence, a ajouté l’Inde, affirmant qu’elle n’avait aucune leçon à recevoir d’un pays qui exporte de manière illicite des matières nucléaires et qui est un épicentre du terrorisme. Chacun sait qui a bloqué à plusieurs reprises les négociations sur un FMCT au sein de la Conférence du désarmement, a poursuivi l’Inde.

Rejetant les allégations inutiles et infondées sur le Jammu-et-Cachemire proférées par le Pakistan, l’Inde a souligné que les questions bilatérales n’ont pas leur place au sein de cette Conférence ; il faut rejeter toutes les tentatives de politiser les débats, a-t-elle conclu.

Les États-Unis ont quant à eux souhaité réagir aux propos de l’Iran, en affirmant que ce pays n’est pas en position de critiquer qui que ce soit, étant donné que l’Iran est le sponsor (parrain) mondial du terrorisme. Les États-Unis espèrent que l’Iran va jouer un rôle constructif dans la région du Moyen-Orient et ailleurs.

Le Pakistan a réagi aux commentaires de l’Inde en affirmant que la désinformation est ce qui caractérise la partie indienne aujourd’hui. Contrairement aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies qui ont déterminé que le Jammu-et-Cachemire est un territoire contesté, l’Inde a eu de nouveau recours à la duplicité sur ce sujet. Depuis l’été 2019, le Conseil de sécurité a discuté à plusieurs reprises de cette question, ce qui suffit à démontrer la duplicité de l’Inde et prouve que cette question mérite réflexion, a insisté la délégation pakistanaise.

Contrairement à ce qu’elle prétend, c’est l’Inde elle-même qui s’est distinguée comme un centre du terrorisme dans la région, a en outre déclaré le Pakistan. L’Inde est obsédée par le Pakistan, comme en témoignent les réflexions de ses dirigeants, a ajouté le pays.

 

DC21.005F