Fil d'Ariane
LE CONSEIL SE PENCHE SUR LA SITUATION DES DÉFENSEURS DES DROITS CULTURELS, AINSI QUE SUR CELLE DES DÉFENSEURS DES DROITS DE L’HOMME EN PÉRIODE DE CONFLIT OU D’APRÈS-CONFLIT
Après avoir achevé son débat sur le droit à l’alimentation en entendant les déclarations de plusieurs intervenants*, le Conseil des droits de l’homme a tenu, ce matin, un débat interactif avec la Rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels, Mme Karima Bennoune, qui a notamment présenté son rapport thématique sur les défenseurs des droits culturels. Le Conseil a ensuite engagé son débat interactif avec le Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits de la personne, M. Michel Forst, qui a notamment présenté son rapport thématique sur la situation des défenseurs des droits de l'homme en période de conflit ou au lendemain de conflits.
Mme Bennoune a rendu compte des visites qu’elle a effectuées en Pologne et aux Maldives, avant de présenter son rapport thématique en faisant observer que les droits culturels ne sont pas toujours reconnus comme le sont les autres droits de l’homme et que, parallèlement, les défenseurs des droits culturels souffrent d’un manque de reconnaissance. Outre la préservation du patrimoine culturel, les défenseurs peuvent promouvoir les droits de groupes particuliers comme les minorités culturelles ou les personnes LGBTI, a-t-elle indiqué.
Mme Bennoune a ensuite fait valoir que les efforts déployés par les défenseurs des droits culturels peuvent avoir des effets très importants. Ce sont eux qui ont par exemple rappelé l’obligation de respecter le droit international lorsque le Président Trump a menacé de prendre pour cibles des sites culturels importants en Iran.
En tant que pays concernés par les visites de la Rapporteuse spéciale, la Pologne et les Maldives ont fait des déclarations, avant que ne s’engage avec Mme Bennoune un dialogue auquel ont pris part de nombreuses délégations**.
Présentant son rapport thématique, M. Forst a quant à lui indiqué qu’il s’y penche en particulier, sur la base de témoignages dans plusieurs régions, sur les risques extrêmes auxquels les défenseurs des droits de l'homme sont exposés, sur les divers moyens utilisés pour les réduire au silence, ainsi que sur les lacunes qui subsistent en termes de protection et d’impunité. Le Rapporteur spécial recommande notamment au Secrétaire général de l’ONU de concevoir une stratégie onusienne sur le défenseurs des droits de l’homme, calquée sur la Déclaration sur les droits des défenseurs des droits de l’homme.
M. Forst a également rendu compte de ses visites en Colombie, en Mongolie, deux pays qui se sont ensuite exprimés en tant que pays concernés, avant que ne s’engage avec le Rapporteur spécial un dialogue auquel ont pris part plusieurs délégations***.
Cet après-midi, à 15 heures, le Conseil achèvera son débat interactif avec M. Forst et tiendra ensuite un débat interactif avec le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte contre le terrorisme.
Les débats de cette quarante-troisième session et l’ensemble des interventions auxquelles ils ont donné lieu peuvent être suivis et réentendus en consultant le site UN Web TV.
Fin du débat interactif avec le Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation
Aperçu du débat
Il a été souligné que le droit à l’alimentation est partie intégrante des droits de l’homme, certains États l’ayant consacré dans leur législation, y compris dans leur constitution nationale, notamment par la protection de l’agriculture et la promotion des moyens de subsistance des paysans pour garantir le droit à la souveraineté alimentaire.
Les États ont été appelés à veiller à la réalisation de l’Objectif de développement durable n°2 (faim zéro). Une alimentation sûre, saine et abordable a en outre été érigée en priorité dans de nombreux pays en développement, grâce à des programmes de microcrédit censés renforcer la sécurité alimentaire, a-t-il été indiqué.
L’attention a par ailleurs été attirée sur le nombre croissant de personnes qui souffrent de la faim dans les situations de conflit. La question du pillage et du détournement de l’assistance alimentaire dans des pays en guerre, en particulier de la part des acteurs non étatiques a été mise en exergue, la communauté internationale ayant alors été exhortée à poursuivre les auteurs de tels actes – en particulier au Yémen, où la population est intentionnellement affamée, ce qui est assimilable à un crime de guerre. L’on retrouve ces pratiques condamnables dans les situations d’occupation étrangère, a-t-il été ajouté. Les impôts prélevés pour financer la guerre, ainsi que la présence de milices et d’autres acteurs non étatiques qui recourent à la famine comme arme de guerre, font aussi partie des pratiques qui doivent cesser et donner lieu à des poursuites judiciaires, a-t-il été souligné.
Des mesures radicales s’imposent pour pallier les effets du changement climatique et préserver les populations de la famine, a-t-il en outre été souligné. La corrélation entre l’accès des femmes à la terre et à la propriété foncière et le droit à l’alimentation a également été mise en exergue.
Certains orateurs ont plaidé en faveur des droits des paysans et agriculteurs face à des gouvernements qui cherchent à privatiser les terres. Plusieurs intervenants se sont en outre exprimés contre les mesures coercitives unilatérales qui ont un impact inhumain sur les populations des pays ciblés.
Il a par ailleurs été rappelé que l’utilisation de pesticides dans les aliments ainsi que d’autres produits toxiques représentent également un danger qui, comme l’a indiqué la Rapporteuse spéciale, conduit à la « mal bouffe ».
Remarques et conclusion de la Rapporteuse spéciale
MME HILAL ELVER, Rapporteuse spéciale sur le droit à l’alimentation, a déclaré qu’il est crucial de ne pas détruire l’environnement de la forêt amazonienne car elle est vitale pour l’humanité, sans parler de l’impact d’une telle destruction sur les populations autochtones.
Le Sommet sur les systèmes alimentaires prévu pour 2021 constitue une excellente plate-forme pour que tous les acteurs oeuvrent de concert, a souligné Mme Elver, appelant à ne pas exclure le droit de l’alimentation de l’ordre du jour de cette réunion.
*Liste des intervenants : Népal, Brésil, Éthiopie, Arménie, Programme alimentaire mondial (PAM),Érythrée, FIAN International e.V, Action Canada pour la population et le développement
, Right Livelihood Award Population, Mouvement international de la jeunesse et des étudiants pour les Nations Unies, Organization for Defending Victims of Violence, Association d’entraide médicale Guinée, International Educational Development Inc, International Muslim Women’s Union, iuventum e.V, Synergie feminine pour la paix et le développement durable.
Débat interactif avec la Rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels
Présentation des rapports
Le Conseil est saisi du rapport thématique de la Rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels (A/HRC/43/50) ainsi que des rapports sur les visites de la Rapporteuse spéciale en Pologne (A/HRC/43/50/Add.1, à paraitre en français) et aux Maldives (A/HRC/43/50/Add.2, à paraître en français).
MME KARIMA BENNOUNE, Rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels, a d’abord rendu compte des visites qu’elle a effectuées en Pologne et aux Maldives. S’agissant de la Pologne, elle a souligné que le monde avait beaucoup à apprendre de la culture polonaise. Toutefois, aujourd’hui, des tentatives politiques visent à réduire cette richesse culturelle au profit d’une histoire simplifiée du pays. Elle a relevé des pressions sur les institutions culturelles et a appelé les autorités polonaises à prendre des mesures pour préserver la diversité culturelle dans le pays. Elle a par ailleurs condamné l’assassinat, le 14 janvier dernier, du maire de Gdansk, Pawel Adamowicz et a demandé qu’une enquête soit ouverte sur l’implication du discours de haine comme motif de ce meurtre.
S’agissant des Maldives, la Rapporteuse spéciale a estimé que des réformes devaient être entreprises d’urgence pour assurer l’ensemble des droits de l’homme, notamment les droits culturels, dans l’archipel. Les Maldives doivent lutter contre le fondamentalisme, une des menaces les plus importantes pesant sur la riche culture du pays, a-t-elle souligné.
S’agissant de son rapport thématique, consacré aux défenseurs des droits culturels, Mme Bennoune a fait observer que les droits culturels ne sont pas toujours reconnus comme le sont les autres droits de l’homme et que, parallèlement, les défenseurs des droits culturels souffrent d’un manque de reconnaissance. Il faut les rendre plus visibles, y compris dans le système des Nations Unies, a-t-elle recommandé. Outre la préservation du patrimoine culturel, les défenseurs peuvent promouvoir les droits de groupes particuliers comme les minorités culturelles ou les personnes LGBTI, a indiqué la Rapporteuse spéciale. Elle a en outre attiré l’attention sur le travail important des femmes défenseures des droits culturels.
Mme Bennoune a ensuite fait valoir que les efforts déployés par les défenseurs des droits culturels peuvent avoir des effets très importants. Ce sont eux qui ont par exemple rappelé l’obligation de respecter le droit international lorsque le Président Trump a menacé de prendre pour cibles des sites culturels importants en Iran.
La Rapporteuse spéciale a d’autre part rappelé que les défenseurs des droits culturels peuvent être confrontés à différentes violations des droits de l’homme, y compris des violences voire des meurtres. La communauté internationale doit reconnaître le travail des défenseurs des droits culturels et leurs contributions, a insisté Mme Bennoune. Le monde a une dette importante vis-à-vis des défenseurs des droits culturels pour leur travail en faveur des droits de l’homme et pour leur défense de la beauté, de l’expression et de la mémoire de notre monde, a-t-elle conclu.
Pays concernés
Les Maldives ont fait remarquer que la visite de Mme Bennoune était la première, dans le pays, d’un titulaire de mandat du Conseil depuis sept ans. Elles ont précisé que, depuis l’investiture du Président Ibrahim Mohamed Solih en novembre 2018, le Gouvernement maldivien s’est à nouveau engagé avec les mécanismes internationaux des droits de l’homme, ce qui a été réaffirmé par le Ministre des affaires étrangères à l’occasion du débat de haut niveau à la présente session du Conseil. Aujourd’hui, la promotion et la protection des droits de l’homme, pour jeter les bases d’une culture du respect de la dignité humaine dans la transparence, constituent les bases de la réforme en cours de ce pays.
La délégation maldivienne a assuré que les Maldives reconnaissent la nécessité de protéger les droits culturels ainsi que leur corrélation avec la protection des droits de l'homme. Elle a fait valoir qu’un ministère des arts, de la culture et du patrimoine avait été établi dans le pays et qu’en septembre 2019, la loi sur le patrimoine avait été ratifiée dans le dessein de sauvegarder la documentation et de préserver et protéger le patrimoine culturel de l’archipel. D’autre part, des programmes de développement ont été réorientés vers la préservation culturelle. La mise en œuvre des recommandations de la Rapporteuse spéciale sera guidée par la Constitution, par la législation et par les politiques nationales, a indiqué la délégation. Souscrivant aux conclusions de Mme Bennoune concernant l’impact du changement climatique, les Maldives ont salué l’intention de la Rapporteuse spéciale de préparer un rapport thématique sur le changement climatique et la culture dans le monde.
La Pologne, qui a rappelé avoir adressé une invitation permanente à toutes les procédures spéciales du Conseil, a indiqué en avoir accueillies trois en 2018 et entendre poursuivre ces échanges avec le plus grand sérieux. La Pologne s’est toutefois dite déçue au regard des nombreuses inexactitudes contenues, selon elle, dans le rapport. La délégation polonaise a cependant salué le fait que certaines observations figurant dans la réponse polonaise à ce rapport de visite aient été prises en considération.
En revanche, a affirmé la délégation, plusieurs conclusions de la Rapporteuse spéciale reposent sur des informations partiales, ne sont pas objectives et ont été fournies par des interlocuteurs anonymes, sans aucune preuve à l’appui, ce qui ne les a pas empêchées d’être incluses dans le rapport. Le programme de la visite de la Rapporteuse spéciale a été agréé bien en amont et il n’a pas été possible, faute de temps, d’honorer la demande de Mme Bennoune de rencontrer le Ministre de la culture et du patrimoine national, M. Piotr Glinski, ce qui a été clarifié dans une lettre dudit Ministre.
Aperçu du débat
Plusieurs délégations ont fait part de leurs préoccupations vis-à-vis des représailles à l’encontre de tous les défenseurs des droits de l’homme, y compris des défenseurs des droits culturels. De nombreux intervenants ont appelé à la reconnaissance du travail de ces derniers et ont plaidé pour le respect de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l'homme.
Les droits culturels sont des droits de l’homme et tous les êtres humains ont le droit de participer à des activités culturelles sans restriction, a-t-il été rappelé. Des inquiétudes ont été exprimées face à la réduction de l’espace public accordé aux activités culturelles.
A par ailleurs été dénoncée l’arrestation de défenseurs des droits culturels pour blasphème.
Il faut prendre des mesures d’urgence pour défendre le patrimoine culturel menacé par les changements climatiques, a-t-il été souligné. Les États ont été exhortés à prendre des mesures pour contribuer à la mise en œuvre de l’Accord de Paris.
Dans le contexte actuel de crise mondiale, il faut promouvoir la diversité culturelle, a-t-il été souligné. La culture fournit une passerelle d’entente entre les pays, alors qu’une démarche similaire s’avère parfois impossible par d’autres canaux.
Il faut mettre un terme au trafic illicite d’objets culturels et prendre des mesures pour reconstruire ce qui a été détruit par les terroristes, a-t-il d’autre part été indiqué. Le rapport de la Rapporteuse spéciale aurait dû clairement faire mention de la destruction du patrimoine par les organisations terroristes, a affirmé une délégation, avant de plaider pour une coopération plus approfondie de la communauté internationale sur cette question.
Plusieurs délégations ont déploré que certaines « pratiques » dans le rapport de Mme Bennoune soient considérées comme « culturelles »; il ne faut pas imposer des termes qui n’ont pas été approuvés au niveau international au motif de la défense des droits culturels, a-t-il été affirmé. On trouve dans ce rapport des amalgames malheureux entre les droits culturels et l’homosexualité, a-t-il été précisé.
Remarques et conclusion de la Rapporteuse spéciale
Répondant aux Maldives, MME BENNOUNE, s’est félicitée de constater que le pays a d’ores et déjà commencé à mettre en œuvre certaines de ses recommandations. Elle a plus particulièrement demandé aux Maldives de veiller au droit de propriété de la femme, leur conseillant d’aligner leur législation avec les dispositions de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.
À la Pologne, la Rapporteuse spéciale a répondu qu’elle était simplement parvenue aux conclusions présentées dans son rapport après avoir vérifié les informations dont elle disposait auprès de diverses sources. Dans le secteur de la culture en Pologne, des personnes avaient à l’évidence peur de rencontrer la Rapporteuse spéciale par crainte de représailles, notamment par crainte de perdre leur emploi, a indiqué Mme Bennoune. Il est nécessaire de formuler des objectifs clairs dans le domaine de la politique culturelle, a-t-elle insisté, exhortant le Gouvernement polonais à prendre des mesures dans ce sens.
S’agissant plus largement de son rapport thématique, la Rapporteuse spéciale a notamment encouragé à une action internationale sur les droits culturels et leurs défenseurs. D’autres mandats examinent cette question, ce qui pourrait aboutir à des normes internationales en la matière, a-t-elle fait observer. Elle a en outre appelé à la libération d’un défenseur des droits culturels condamné en Chine.
La Rapporteuse spéciale a par la suite salué le travail de l’UNESCO pour son travail en faveur de la protection des droits culturels.
Mme Bennoune a transmis un message d’appui aux artistes et à tous ceux qui oeuvrent dans le domaine de la défense des droits culturels partout dans le monde.
**Liste des intervenants : Union européenne, Îles Salomon, Qatar, Cuba, Togo, Libye, Serbie, Afghanistan, Iraq, Timor-Leste, Arabie saoudite, Bahreïn, France, Philippines, Uruguay, Chypre, Monténégro, Égypte, Grèce, Équateur, Syrie, Iran, Venezuela, Indonésie, Cameroun, Chine, Népal, Norvège, Géorgie, Îles Marshall, Arménie, Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), Azerbaïdjan, Amnesty International, Freemuse – The World Forum on Music and Censorship, International PEN, Société pour les peuples menacés, Rencontre Africaine pour la defense des droits de l’homme, Organisation internationale pour le droit à l'éducation et à la liberté d'enseignement, Helsinki Foundation for Human Rights, Article 18 – International Centre Against Censorship, British Humanist Association, et Comisión Mexicana de Defensa y Promoción de los Derechos Humanos.
Débat interactif sur les défenseurs des droits de l'homme
Présentation des rapports
Le Conseil est notamment saisi du rapport du Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits de la personne (A/HRC/43/51), ainsi que des rapports sur les visites du Rapporteur spécial en Colombie (A/HRC/43/51/Add.1) et en Mongolie (A/HRC/43/51/Add.2)
Au terme de six années de mandat, M. MICHEL FORST, Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits de la personne, a eu des mots forts en faveur des défenseurs des droits de l’homme qui, selon lui, « nous rappellent tous les jours à notre humanité » en condamnant le silence complice de la communauté internationale dans des conflits armés en Syrie et au Yémen, où les populations civiles sont réduites à des enjeux géopolitiques; ou encore en révélant les ventes d’armes, les scandales environnementaux ou la mauvaise gouvernance et en mettant en question les pratiques sexistes, racistes et discriminatoires des sociétés.
M. Forst a affirmé que c’est par l’analyse de la situation de la société civile et des défenseurs que l’on prend le pouls de nos sociétés. Il n’y a pas de gouvernement plus fragile que celui qui veut faire taire toute opposition, a-t-il déclaré. En fait, a-t-il poursuivi, les défenseurs « nous tendent ce miroir grossissant qui dévoile ce que nous aimerions cacher ». Enfin, les défenseurs rappellent que les engagements pris, il y a 72 ans, dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, ne peuvent et ne doivent pas rester lettre morte.
Tirant des conclusions de son mandat, M. Forst a dit avoir appris que les défenseurs ne veulent pas être des martyrs ou des héros et que c’est le système qui les force à le devenir, à prendre des risques incalculables et inimaginables pour « nous qui sommes réunis ici dans le confort feutré du Palais des Nations ». Il a rappelé à la mémoire du Conseil tous ceux tombés sous le « feu des lâches », dont Berta Caceres et tant d’autres qu’il ne faut pas oublier.
En 2019 et jusqu’au début 2020, le Rapporteur spécial a indiqué avoir adressé 255 communications à 100 États, soit 21 de plus que l’année dernière, ainsi qu’à 16 autres acteurs, concernant la situation de plus de 535 personnes dont 160 défenseuses des droits de l’homme. Il a précisé que 23 communications traitaient d’allégations de représailles pour coopération avec les Nations Unies et 18 concernaient des projets de législation, ou d’autres d’ores et déjà adoptés, qui risquent d’avoir un impact négatif sur l’environnement où les défenseurs opèrent. Au sujet des réponses, il a indiqué qu’il en avait reçues 56%, soit 6% de plus que l’année dernière, ce qui – a-t-il souligné – est un important indicateur du degré d’engagement des États avec le mandat. Ce mandat n’a pas été établi pour couvrir les États de honte, mais pour procéder à une évaluation de la situation des droits des défenseurs sur le terrain, notamment par le biais de l’assistance technique et de la coopération.
Présentant son rapport thématique sur la situation des défenseurs des droits de l’homme en période de conflit ou au lendemain de conflits, le Rapporteur spécial a précisé qu’y sont présentés le profil et les témoignages d’un certain nombre de défenseurs, dont des femmes bénévoles apportant un soutien humanitaire et aidant les familles déplacées et les familles dont les maisons ont été détruites. Les défenseurs sont présents sur tous les fronts et leur travail est d’une importance capitale, a insisté M. Forst. Il recommande au Secrétaire général de l’ONU de concevoir une stratégie onusienne sur les défenseurs des droits de l’homme, calquée sur la Déclaration sur les droits des défenseurs des droits de l’homme, et formule une série de recommandations adressées aux États et aux entités des Nations Unies.
Rendant compte de sa visite en Colombie, effectuée en novembre-décembre 2018, le Rapporteur spécial a indiqué avoir pu se rendre compte que l’État colombien, en partenariat avec la société civile, avait déployé des efforts significatifs pour améliorer son arsenal législatif et institutionnel en vue de créer un climat propice à la défense et la promotion des droits de l’homme. Il a aussi noté la mise en place d’un mécanisme de sauvegarde du travail des défenseurs et, en 2011, d’une Unité nationale de protection qui s’est transformée en un des systèmes les plus sophistiqués dans la région en termes de protection des défenseurs. M. Forst a aussi cité le système d’alerte précoce que représente le bureau de l’Ombudsman.
En dépit de toute cette architecture, la vaste majorité des défenseurs restent en danger en Colombie, les risques étant même plus élevés depuis la signature de l’Accord de paix il y a trois ans, a regretté le Rapporteur spécial. Les personnes les plus à risque sont les leaders sociaux en zone rurale, en particulier ceux qui mettent en œuvre les dispositions dudit Accord et défendent la terre, l’environnement et les droits des communautés ethniques et afro-colombiennes. M. Forst a aussi signalé un nombre élevé de meurtres de défenseurs, soit 486 au 30 juin dernier. Cela s’accompagne d’un haut degré d’impunité malgré les efforts soutenus dans ce contexte, a-t-il ajouté.
S’agissant de sa visite en Mongolie, où il s’est rendu en avril-mai 2019, M. Forst a remarqué qu’en règle générale, le pays était sûr pour les défenseurs, mais que leurs activités étaient stigmatisées et qu’ils faisaient l’objet de pressions, de criminalisation, de discours de haine sur les médias sociaux, le tout ayant culminé avec des amendements législatifs entravant leurs droits. Le Rapporteur spécial a par conséquent recommandé l’adoption d’une loi robuste pour protéger les droits et reconnaître les activités des défenseurs. Il a déploré la réticence du Ministère de la justice et des affaires intérieures à adopter la loi sur les défenseurs des droits de l’homme.
M. Forst a par contre félicité le Pérou, où il a effectué une visite au début de cette année, pour la récente adoption du plan national pour les droits de l'homme et du protocole de protection des droits des défenseurs des droits de l’homme dans le contexte du processus de l’Accord d’Escazú. Il a encouragé le pays à prendre d’autres mesures et a offert sa coopération technique.
Pays concernés
La Colombie a exprimé l’espoir que l’ouverture du Gouvernement colombien à l’égard du travail du Rapporteur spécial aura permis à ce dernier de se rendre compte des efforts des autorités. Le Rapporteur spécial a effectué des visites dans des zones où sévissent des narcotrafiquants, sans prendre en compte la situation dans les autres zones du pays, a ensuite affirmé la délégation colombienne. Le Président de la République lui-même a reconnu l’importance du travail des défenseurs des droits de l’homme et le Gouvernement colombien a érigé leur protection au rang de priorité, a-t-elle ajouté. Des mesures ont été prises pour que les défenseurs puissent faire leur travail sans risque, a insisté la délégation, avant de souligner que l’unité de protection existante a proposé une protection à de nombreux défenseurs. Le Rapporteur spécial devrait recouper les sources et vérifier que les plaintes dont il a été saisi n’ont pas fait l’objet d’une saisine des tribunaux colombiens, a par ailleurs déclaré la délégation colombienne.
Le Défenseur du peuple de la Colombie a déclaré que la visite du Rapporteur spécial a permis de consolider le rôle de l’institution [du Défenseur du peuple] comme institution nationale de droits de l'homme. Il a ensuite souligné que les défenseurs des droits de l’homme en Colombie étaient les victimes d’attaques de la part de narcotrafiquants ou d’entreprises minières. Quelque 1101 actes et atteintes contre les défenseurs des droits de l’homme ont été recensés en 2019, dont plus d’une centaine étaient des homicides, a-t-il précisé. Le Défenseur a souligné que les difficultés restaient importantes dans le domaine de la protection des défenseurs des droits de l'homme, malgré les mesures positives prises par les autorités colombiennes.
La Mongolie a indiqué qu’un projet de loi sur la protection des défenseurs des droits de l'homme, déjà examiné par le Gouvernement, allait être soumis au Parlement mongole. La Mongolie a pris les mesures requises aux fins de la mise en œuvre de la loi contre la corruption, a par ailleurs fait valoir la délégation. Quant à la loi sur la Commission nationale des droits de l’homme, elle a été révisée afin de renforcer cette institution; cette révision prévoit notamment des amendes pour les entités qui ne respectent pas les recommandations de la Commission à l’issue de l’examen d’une plainte. Le Ministère de l’environnement et le Ministère de l’exploitation minière envisagent par ailleurs de mettre en œuvre un mécanisme de contrôle des activités minières dans le pays, a ajouté la délégation mongole.
Aperçu du débat
Reconnaissant les risques extrêmes encourus par les défenseurs des droits de l'homme, les délégations se sont enquises des mesures à prendre en vue de la protection de ces personnes dans les zones de conflit et dans les situations d’occupation étrangère. Elles ont insisté sur la nécessité de veiller à l’interdiction de toutes représailles à l’encontre des défenseurs des droits de l'homme ainsi qu’au respect des établissements scolaires et des centres médicaux durant les conflits.
Les défenseurs des zones rurales ou reculées, les personnes LGBTI, les femmes défenseuses courent des risques spécifiques et accrus, a-t-il été souligné, plusieurs intervenants mettant l’accent sur les risques élevés de violences sexuelles qu’encourent les femmes défenseuses.
L’attention a été attirée sur les témoignages alarmants figurant dans le rapport de M. Forst – un rapport qui doit interpeler les États quant à la nécessité pour eux d’adopter et d’appliquer [aux fins de la protection des défenseurs] des lois et des cadres stratégiques conformes aux normes du droit international.
Certains États en proie à des conflits ont insisté sur la nécessité de distinguer les défenseurs des droits de l’homme des terroristes qui sévissent en prétendant être des acteurs de la société civile.
Un intervenant a regretté le recours fréquent aux lois d’exception, qui affectent les défenseurs des droits de l'homme et leur travail.
***Liste des intervenants : Pakistan (au nom de l’OCI), Union européenne, Croatie (au nom d’un groupe de pays), Pérou (au nom d’un groupe de pays), Tchéquie, Canada, ONU-femmes, État de Palestine, Australie, Brésil, Suisse, Burkina Faso, Estonie, Botswana, Liechtenstein, Afghanistan, Iraq, Bahreïn, Philippines, Italie et Luxembourg.
HRC20.019F