Fil d'Ariane
LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME DÉBAT DES DROITS DES PERSONNES ATTEINTES D’ALBINISME ET DU DROIT À L’ALIMENTATION
Le Conseil des droits de l'homme a tenu, cet après-midi, un débat interactif avec l’Experte indépendante sur l’exercice des droits de l’homme par les personnes atteintes d’albinisme, Mme Ikponwosa Ero, après avoir achevé son dialogue avec la Rapporteuse spéciale sur la vente et l’exploitation sexuelle d’enfants, Mme Maud de Boer-Buquicchio. Le Conseil a ensuite engagé son dialogue avec la Rapporteuse spéciale sur le droit à l’alimentation, Mme Hilal Elver.
Présentant ses rapports, Mme Ero a expliqué que les personnes atteintes d’albinisme subissent des discriminations et une stigmatisation à cause de leur couleur. Les femmes et les enfants atteints d’albinisme sont particulièrement exposés à la violence, aux mauvais traitements ou à d’autres violations de leurs droits et libertés fondamentaux, a-t-elle souligné. Par ailleurs, la fétichisation de l’albinisme peut déboucher sur des violences sexuelles à l’égard de femmes et d’enfants, en raison du mythe qui veut que les rapports sexuels avec les personnes atteintes d’albinisme guérissent du VIH. En outre, dans certaines régions d’Afrique, il est fait état d’enlèvements ou de sacrifices rituels ciblant ces personnes.
L’Experte indépendante a ensuite rendu compte de sa visite en Afrique du Sud, après quoi la délégation sud-africaine est intervenue avant que de nombreuses délégations** prennent part au dialogue avec Mme Ero.
Présentant ses rapports, Mme Elver a, pour sa part, rappelé que l’accès à l’alimentation est une réalité éloignée pour de nombreuses personnes. La mondialisation et la marchandisation du secteur alimentaire présentent des inconvénients graves, a-t-elle souligné. Les droits des petits agriculteurs et des consommateurs sont violés et ignorés, a-t-elle précisé. Le secteur est aux mains d’un petit nombre d’acteurs, alors que les mesures d’austérité ont un effet préjudiciable sur les petits producteurs et créent de l’instabilité dans de nombreux pays, a-t-elle fait observer. Les tendances sont inquiétantes, a poursuivi la Rapporteuse spéciale. De nombreux travailleurs du secteur agricole continuent de rester dans une situation précaire et de relever du secteur informel; en outre, les protections juridiques de ces travailleurs sont insuffisantes, a-t-elle indiqué. Il faut changer le statu quo au niveau international avec un accord sur les droits de l'homme et la responsabilité des entreprises, a plaidé Mme Elver. Des millions de personnes dans le monde souffrent de la faim en raison des conflits et l’on voit des méthodes de guerre qui consistent à affamer les civils, a d’autre part souligné la Rapporteuse spéciale, avant de rappeler que la crise climatique ajoute de l’insécurité alimentaire.
Mme Elver a ensuite rendu compte des missions qu’elle a menées en Azerbaïdjan, au Zimbabwe et en Italie. Ces trois pays ont fait des déclarations en tant que pays concernés, avant que de nombreuses délégations*** n’interviennent dans le cadre du dialogue engagé avec la Rapporteuse spéciale.
En début de séance, de nombreuses délégations* sont également intervenues dans le cadre du débat sur la vente et l’exploitation sexuelle d’enfants.
En fin de séance, la Chine, l’Arménie et le Zimbabwe ont exercé leur droit de réponse.
Demain matin, à 10 heures, le Conseil doit achever son dialogue avec Mme Elver, avant d’entamer son débat interactif avec la Rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels.
Les débats de cette quarante-troisième session et l’ensemble des interventions auxquelles ils ont donné lieu peuvent être suivis et réentendus en consultant le site UN Web TV.
Fin du débat interactif avec la Rapporteuse spéciale sur la vente et l’exploitation sexuelle des enfants
Aperçu du débat
Les responsabilités des États de protéger les enfants et de veiller à leur accès à la justice en cas d’abus ont été mises en avant. La forte culture du silence autour des actes criminels visant des enfants a été dénoncée.
A d’autre part été dénoncé le système organisé de prostitution et d’esclavage sexuel établi par l’État islamique de l’Iraq et du Levant, une délégation mettant notamment en exergue dans ce contexte les pratiques à l’encontre des femmes et filles yézidies et d’autres minorités ethniques et religieuses. Cette même délégation a vivement dénoncé la pratique du mariage temporaire pour le plaisir (mut’aa) de jeunes filles vulnérables à des hommes bien plus âgés qu’elles.
Il a été recommandé que le mandat de la Rapporteuse spéciale continue de faire connaître les différentes formes d’exploitation sexuelle des enfants et mettre l’accent sur la nécessité de promouvoir la participation des enfants à la prise de décision en vue de l’élimination de ces fléaux, de donner aux enfants les moyens de s’exprimer, y compris à travers l’art et la culture, et de garantir le suivi de leurs plaintes.
Il a été en outre recommandé à l’ONU d’investir dans la mise en place de banques de données nationales sur l’exploitation sexuelle en ligne et d’analyser les tendances aux niveaux national et international sur la base de critères partagés par toutes les parties prenantes.
Plusieurs orateurs ont encouragé à remplacer l’expression « Pornographie infantile » par « Exploitation sexuelle des enfants et matériel pédopornographique en ligne » (Online Child Sexual Exploitation and Child Sexual Material). Il a en outre été rappelé que les garçons sont eux aussi soumis à l’exploitation sexuelle, une réalité qui n’est pas suffisamment connue par l’opinion publique. L’accent a été mis sur la nécessité de mettre en place des mécanismes de reddition de comptes pour relever le défi posé par l’impunité systémique dont jouissent ces délits et fournir des réparations aux victimes.
Dans les situations de conflit et de crise humanitaire, la vulnérabilité des enfants est exacerbée en raison de l’inexistence de certificats de naissance, de la perte des parents et du fait que les prédateurs savent parfaitement qu’il n’y a pas de mécanismes de reddition de comptes pour leurs actes dans de tels contextes, a-t-il en outre été observé.
*Liste intervenants : Guyane, Tchad, Caritas Internationationalis, Congregation of Our Lady of Charity of the Good Shepherd, Edmund International Limited, Defense for Children International (au nom également de Plan International, Inc et Terre Des Hommes Federation Internationale), Asociazione Comunita Papa Giovanni XXIII, Beijing Children’s Legal Aid and Research Center, Association Ma’onah for Human Rights and Immigration, Organisation mondiale contre la torture, Organisation internationale pour l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et Global Welfare Association.
Remarques et conclusion de la Rapporteuse spéciale
MME MAUD DE BOER-BUQUICCHIO, Rapporteuse spéciale sur la vente et l’exploitation sexuelle d’enfants, a rappelé que les objectifs du Programme de développement durable à l’horizon 2030 ont pour but principal de ne laisser personne de côté. Certains progrès ont été réalisés, mais cela reste aujourd’hui insuffisant, a-t-elle déclaré, expliquant que les violences contre les enfants n’ont en effet pas été suffisamment prises en compte, notamment pour ce qui est de la gestion des données relatives à l’exploitation sexuelle. Il faut se poser la question de savoir si la volonté est réellement de protéger tous les enfants et non pas seulement les nôtres, a-t-elle déclaré. Par exemple, il faut se demander si l’intérêt des enfants dans les camps de réfugiés est suffisamment pris en compte.
D’une manière générale, il faut se poser la question de savoir si les enfants sont suffisamment écoutés et entendus dans le monde, a poursuivi la Rapporteuse spéciale. Renforcer les systèmes de responsabilités reste utile; il ne faut pas détourner le regard. Il ne s’agit pas d’une tâche facile, mais le travail doit être fait et nécessite une volonté politique, a conclu Mme de Boer-Buquicchio.
Débat interactif avec l’Experte indépendante sur l’exercice des droits de l’homme par les personnes atteintes d’albinisme
Présentation des rapports
Le Conseil est saisi du rapport thématique de l’Experte indépendante sur l’exercice des droits de l’homme par les personnes atteintes d’albinisme (A/HRC/43/42) et du rapport sur sa visite en Afrique du Sud (A/HRC/43/42/Add.1).
MME IKPONWOSA ERO, Experte indépendante sur l’exercice des droits de l’homme par les personnes atteintes d’albinisme, a expliqué que l’albinisme était une maladie relativement rare et non contagieuse qui conduit à une dépigmentation de la peau, des cheveux et des yeux. Cette affection concerne des personnes qui risquent, plus que d’autres, de développer un cancer de la peau et souffrent, dans la plupart des cas, d’une déficience visuelle et d’une affection dermatologique.
Ces personnes subissent aussi des discriminations et une stigmatisation à cause de leur couleur. Les femmes et les enfants atteints d’albinisme sont particulièrement exposés à la violence, aux mauvais traitements ou à d’autres violations de leurs droits et libertés fondamentaux. Les mères d’enfants atteints d’albinisme sont attaquées et rejetées, car souvent accusées d’être responsables de la faible coloration de la peau de leur enfant, voire taxées d’infidélité et abandonnées par leurs époux.
Par ailleurs, la fétichisation de l’albinisme peut déboucher sur des violences sexuelles à l’égard de femmes et d’enfants, en raison du mythe qui veut que les rapports sexuels avec les personnes atteintes d’albinisme guérissent du VIH. En outre, dans certaines régions de l’Afrique, il est fait état d’enlèvements ou de sacrifices rituels. La plupart du temps, les femmes et enfants atteints d’albinisme n’ont pas accès à la justice à cause de la pauvreté.
Mme Ero recommande, entre autres, d’inclure l’albinisme dans les politiques de santé publique et de prévoir des stratégies de conseil en matière de génétique, surtout dans les communautés qui pratiquent le mariage consanguin. Elle demande en outre aux États d’assurer un accès à la justice, ainsi que des mesures de réparation et de réadaptation, au profit des personnes atteintes d’albinisme.
L’Experte indépendante a ensuite relaté sa visite en Afrique du Sud, du 16 au 26 septembre 2019. Elle a salué les multiples initiatives du Gouvernement sud-africain pour promouvoir la jouissance des droits de l’homme par les personnes atteintes d’albinisme. Elle a aussi apprécié que les autorités aient entériné la Déclaration d’Ekurhuleni sur les droits des personnes atteintes d’albinisme (2013).
Mme Ero a constaté que si l’on déplore effectivement, en Afrique du Sud, des agressions et des meurtres de personnes atteintes d’albinisme, le pays est néanmoins exemplaire en comparaison régionale, car il y a eu des poursuites judiciaires contre les auteurs de ces actes. Les informations recueillies lors des procès ont été utiles pour mieux comprendre ces crimes sur tout le continent africain.
Néanmoins, l’Afrique du Sud pourrait mieux faire en termes de collecte de données et d’élaboration de statistiques, de protection des personnes atteintes d’albinisme, surtout en milieu rural. Mme Ero a aussi recommandé un changement de langage, pour que ces personnes ne soient plus désignées par des termes insultants et désobligeants; et l’octroi d’un soutien psycho-social, compte tenu de la fréquence des tendances suicidaires.
L’Experte indépendante a annoncé qu’elle présenterait à la quarante-sixième session du Conseil le rapport sur sa visite au Brésil en octobre-novembre 2019.
Pays concerné
L’Afrique du Sud a déclaré que le rapport était juste et équilibré s’agissant des progrès enregistrés et des défis à relever pour faire respecter les droits de l’homme des personnes atteintes d’albinisme. La délégation a relevé que les questions liées à la stigmatisation et à la discrimination à l’encontre des personnes atteintes d’albinisme, le manque de statistiques et de données, le droit à la vie et à la sécurité, la santé et l’éducation ont été notées comme particulièrement préoccupantes par les autorités. Le Gouvernement prépare, avec le secteur public, le secteur privé et les organisations de la société civile, un plan d’action national dans ce domaine.
Après la visite de l’Experte indépendante, plusieurs instances se sont saisies de cette question en vue de permettre un meilleur accès à la justice par les personnes atteintes d’albinisme, a poursuivi la délégation. Un comité consultatif sur le handicap sera créé au sein de la Commission nationale des droits de l’homme de l’Afrique du Sud pour veiller au suivi des recommandations du Comité des droits des personnes handicapées, a ajouté la délégation. L’Afrique du Sud soutient de manière claire la position prise par le continent africain s’agissant des pratiques préjudiciables, conformément à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.
Aperçu du débat
L’accès à l’éducation et à la santé et le droit à la justice ont été présentés comme indispensables à la protection de toutes les personnes atteintes d’albinisme. Des mesures complémentaires sont également essentielles pour traiter les facteurs sous-jacents de la violence à l’égard des femmes et des filles atteintes d’albinisme, a-t-il été souligné. Davantage d’efforts doivent en outre être faits pour lutter contre l’impunité, a-t-il été ajouté.
A notamment été saluée la coopération entre l’ONU et l’Union africaine, qui a culminé avec l’adoption du Plan régional d’action sur l’albinisme (2017-2021) – un Plan qui, a-t-il été affirmé, constitue un outil précieux de promotion et de protection des droits des personnes atteintes d’albinisme et pour la mise en œuvre duquel l’Union africaine a décidé de nommer, en 2020, un envoyé spécial.
Certains pays ont fait part des mesures qu’ils ont prises en faveur des personnes atteintes d’albinisme, une délégation évoquant à cet égard les consultations médicales gratuites qui ont été mises en place, dans son pays, pour ces personnes. Une délégation a fait état d’une similitude, en termes de discrimination vécue et de méconnaissance du public, entre la situation des personnes atteintes de la lèpre et celles des personnes atteintes d’albinisme.
A par ailleurs été salué l’esprit d’initiative d’un ancien représentant permanent [de la Somalie] à Genève, feu Yusuf Mohamed Ismail Bari-Bari, alors que le prix Bari-Bari, créé en sa mémoire pour récompenser d’excellents plaidoyers en faveur de l’albinisme, est encore décerné aujourd’hui.
Ont en outre été appuyées les recommandations de Mme Ero visant la création de forums et l’utilisation des médias sociaux afin de sensibiliser à la situation des personnes atteintes d’albinisme. Sept ans après l’adoption de la Déclaration d’Ekurhuleni, davantage de mesures concrètes s’avèrent indispensables pour que ce texte se concrétise pour les personnes concernées, a-t-il également été souligné.
**Liste des intervenants : Union européenne, Burkina Faso (au nom du Groupe africain), ONU-femmes, Fonds des Nations Unies pour l’enfance, Djibouti, Togo, Burkina Faso (au nom d’un groupe de pays), Japon, Lesotho, Malaisie, Namibie, Portugal, Égypte, Venezuela, Cameroun, Chine, Nigéria, Tanzanie, Somalie, Standing Voice, Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme (RADDHO), Amnesty International, World Barua Organization (WBO), Chinese Association for International Understanding, Association pour l’intégration et le développement durable au Burundi, China Society for Human Rights Studies (CSHRS) et Congrès juif mondial.
Remarques et conclusion de l’Experte indépendante
MME ERO a expliqué que lorsqu’on évoque les pratiques préjudiciables, on parle généralement des questions telles que le mariage précoce et la circoncision féminine, mais rarement des actes de sorcellerie contre les personnes atteintes d’albinisme, alors que des parties de leurs corps sont utilisées dans des rituels et que beaucoup d’États sont touchés par ces pratiques. Pour lutter contre ces pratiques préjudiciables associées à des questions de sorcellerie, il faut rencontrer toutes les parties prenantes, y compris les auteurs de ces pratiques, a par la suite souligné l’Experte indépendante. Toutes les parties prenantes, leaders religieux inclus, doivent mettre en œuvre les recommandations du rapport, a-t-elle insisté.
La lutte contre la pauvreté est indispensable pour permettre la jouissance des droits des personnes atteintes d’albinisme, a d’autre part souligné Mme Ero. Elle a en outre rappelé qu’il ne fallait pas parler de « maladie rare » pour évoquer les personnes atteintes d’albinisme.
Il faut lutter contre les stigmatisations et les actes de violence à l’encontre des personnes atteintes d’albinisme, a insisté l’Experte indépendante. Pour conclure, elle a expliqué que lorsqu’une petite population est visée par des agressions, un petit génocide peut être commis. Les États doivent prendre cette question au sérieux pour ne pas permettre que soit commis un génocide à petite échelle, a déclaré l’Experte indépendante.
Débat interactif avec la Rapporteuse spéciale sur le droit à l’alimentation
Présentation des rapports
Le Conseil est saisi du rapport de la Rapporteuse spéciale sur le droit à l’alimentation (A/HRC/43/44) et des rapports concernant les visites qu’elle a effectuées en Azerbaïdjan (A/HRC/43/44/Add.1), au Zimbabwe (A/HRC/43/44/Add.2, à paraître en français) et en Italie (A/HRC/43/44/Add.3, à paraître en français).
Présentant ses rapports, MME HILAL ELVER, Rapporteuse spéciale sur le droit à l’alimentation, a déclaré qu’au cours des six dernières années de son mandat, elle a pu parvenir à une réflexion sur l’état mondial du droit à l’alimentation qui lui a permis de conclure que l’accès à l’alimentation est une réalité éloignée pour de nombreuses personnes.
La mondialisation et la marchandisation du secteur alimentaire présentent des inconvénients graves, a souligné la Rapporteuse spéciale. Les droits des petits agriculteurs et des consommateurs sont violés et ignorés, a-t-elle précisé. Le secteur est aux mains d’un petit nombre d’acteurs, alors que les mesures d’austérité ont un effet préjudiciable sur les petits producteurs et créent de l’instabilité dans de nombreux pays, a-t-elle fait observer.
Les tendances sont inquiétantes, a poursuivi la Rapporteuse spéciale. De nombreux travailleurs du secteur agricole continuent de rester dans une situation précaire et de relever du secteur informel. Les protections juridiques de ces travailleurs sont insuffisantes, a insisté Mme Elver. Il faut changer le statu quo au niveau international avec un accord sur les droits de l'homme et la responsabilité des entreprises, a-t-elle plaidé.
Pour la première fois, dans le monde, il y a plus de cas d’obésité que de personnes souffrant de la faim, a ensuite relevé la Rapporteuse spéciale. Des politiques contraignantes sur la nutrition doivent être prises par les États, a-t-elle demandé.
Des millions de personnes dans le monde souffrent de la faim en raison des conflits et l’on voit des méthodes de guerre qui consistent à affamer les civils, a d’autre part souligné Mme Elver.
La crise climatique ajoute de l’insécurité alimentaire, a poursuivi la Rapporteuse spéciale; ne pas agir pourrait pousser des millions de personnes dans la faim, a-t-elle prévenu.
Les États continent cependant de ne pas reconnaître le droit à l’alimentation dans leur cadre législatif, a regretté Mme Elver.
La Rapporteuse spéciale a ensuite rendu compte des missions qu’elle a menées dans trois pays. S’agissant de l’Azerbaïdjan, elle a notamment relevé la lourde dépendance du pays au gaz et au pétrole, tout en prenant note de l’existence de politiques concernant le droit à l’alimentation, dont témoigne notamment la création d’une institution publique chargée de la sécurité alimentaire.
Pour ce qui est du Zimbabwe, la Rapporteuse spéciale a expliqué que la famine ralentit l’évolution du pays, alors que l’on estime à 60% la proportion de la population qui se trouve dans une situation d’insécurité alimentaire. Mme Elver a recommandé au Gouvernement zimbabwéen de prendre des mesures pour permettre l’accès à la terre pour tous.
S’agissant enfin de l’Italie, Mme Elver a relevé que le pays est confronté à certaines difficultés pour mettre en œuvre le droit à l’alimentation pour tous, notamment en raison de la crise économique de 2008. La Rapporteuse spéciale a en outre relevé la dichotomie entre les grandes exploitations agricoles du Nord du pays et les petites exploitations du Sud.
Pays concernés
L’Azerbaïdjan a fait observer que depuis plusieurs années, les titulaires de mandats visitent le pays suite à une invitation permanente qui leur a été adressée par les autorités. La délégation azerbaïdjanaise a remercié la Rapporteuse spéciale et l’assurée que le pays examinerait ses recommandations dans l’objectif de les mettre en œuvre. L’appui aux petites et moyennes entreprises et l’intégration des femmes dans l’agriculture sont de grandes priorités nationales, au moment même où le pays croule sous le fardeau de millions de réfugiés à cause du conflit avec l’Arménie, a déclaré la délégation. Elle a en outre signalé que des informations supplémentaires figurent dans l’additif au rapport concernant la visite de Mme Elver (A/HRC/43/44/Add.3).
La principale polémique avec le Haut-Commissariat porte sur l’équilibre qu’il faut veiller à maintenir dans les informations, alors que certaines sont fournies par des sources douteuses, a ensuite indiqué la délégation. Le point de vue des autorités azerbaïdjanaises doit être objectivement fourni aux lecteurs afin qu’ils puissent se faire leur propre idée de la situation, a-t-elle ajouté.
L’Italie a fait part de sa déception de constater qu’en dépit des réponses orales et des informations complémentaires soumises par le pays durant et après la visite qu’y a effectuée Mme Elver, la Rapporteuse spéciale ne semble pas les avoir pleinement prises en considération dans son rapport. Ainsi, le rapport de visite de Mme Elver ne présente-t-il pas dûment les activités et mesures mises en place en Italie dans les domaines de l’alimentation, de la sécurité alimentaire, ou encore des consultations avec les parties prenantes à la chaîne de production et de distribution alimentaires et avec les consommateurs.
La délégation italienne a jugé incorrect de présenter la loi n°166 de 2016 comme relevant d’une simple distribution de nourriture. D’autre part, au sujet des infiltrations de la criminalité organisée dans le système alimentaire italien, la délégation a tenu à souligner que les autorités italiennes sont très actives dans la répression des bandes criminelles et des situations illégales. Elle a ajouté que les affaires de fraude ne concernent que 0,01% de la valeur totale des ressources allouées à l’Italie par l’Union européenne. L’un des récents outils introduits dans le cadre de la stratégie de lutte contre la pauvreté est le revenu minimum, qui permet de répondre aux besoins de base des ménages, a d’autre part fait valoir la délégation italienne.
Le Zimbabwe a renvoyé à ses commentaires figurant dans l’additif au rapport de la Rapporteuse spéciale (A/HRC/43/44/Add.4- à paraître en français) et a rejeté les allégations de distribution partisane de l’aide alimentaire, de non-rémission au Trésor public des dividendes de la vente de minerais et de prétendue crise alimentaire provoquée. Le Zimbabwe est en butte à des difficultés économiques du fait de la poursuite des sanctions qui lui sont imposées, ce qui a entravé la jouissance des droits économiques et sociaux, a déclaré la délégation zimbabwéenne. Cette situation a été aggravée par la sécheresse récurrente et par le passage dévastateur du cyclone Idai, a-t-elle ajouté.
La délégation a estimé que la Rapporteuse spéciale exagérait beaucoup en déclarant que la majeure partie des Zimbabwéens souffrent d’insécurité alimentaire et a indiqué que les statistiques en la matière sont incluses dans ses commentaires figurant à l’additif au rapport susmentionné. Quant à la crise alimentaire prétendument provoquée, elle résulte directement des sanctions imposées au pays, a poursuivi la délégation, avant de demander la levée de ces sanctions. Ces sanctions ont été imposées par certaines nations occidentales en guise de représailles suite à la décision du pays de lancer une réforme agraire, au début de l’an 2000, pour remédier au système de propriété foncière hérité de l’ère coloniale, a déclaré la délégation. Ces sanctions sont illégales, injustifiées et contraires à l’Article 41 de la Charte de l’ONU, a-t-elle ajouté.
La Commission des droits de l’homme du Zimbabwe a félicité le Gouvernement zimbabwéen qui – a-t-elle affirmé – a facilité [par la visite de la Rapporteuse spéciale] une évaluation transparente, inclusive et participative en vue de la promotion de la sécurité alimentaire durable dans le pays. La Commission des droits de l’homme a un rôle de surveillance qui lui fait dire que si l’exactitude de certains détails peut prêter à interprétation, il n’en demeure pas moins que le rapport de la Rapporteuse spéciale reflète la réalité sur le terrain et que ses conclusions parviennent à ce que la Commission elle-même a déjà établi.
Le rapport de Mme Elver a bien reflété les efforts des autorités tendant à mettre en place des programmes de promotion de la production agricole et à œuvrer de concert avec les partenaires de développement pour l’assistance alimentaire et les programmes alimentaires de prévention de la faim et de la malnutrition, a poursuivi la Commission. Elle a abondé dans le sens de Mme Elver concernant les facteurs sous-jacents que constituent les catastrophes, les sécheresses consécutives, le chômage, l’inflation galopante, l’érosion du revenu, la crise énergétique et les sanctions économiques. La Commission a appuyé les recommandations de la Rapporteuse spéciale, avant d’insister sur l’impérieuse nécessité de renforcer les capacités de la Commission et de rendre ses services accessibles dans les zones les plus reculées du pays par le biais de la décentralisation.
Aperçu du débat
De nombreuses délégations ont regretté que le droit à l’alimentation reste un objectif lointain pour de nombreuses populations dans le monde.
Plusieurs délégations ont dénoncé les subventions versées aux agriculteurs des pays développés, qui remettent en cause le commerce équitable et entraînent une saturation des marchés internationaux par leurs produits. A également été dénoncé l’impact de l’agriculture intensive sur l’environnement et sur l’ensemble des droits de l’homme, dont le droit à l’alimentation. Un système agricole durable est essentiel pour mettre en œuvre le droit à l’alimentation, a-t-il été souligné. Certains ont plaidé pour la protection des petites exploitations agricoles respectueuses de l’environnement.
L’approche des droits de l’homme est indispensable pour permettre l’accès à l’alimentation pour tous, a-t-il été souligné. A par ailleurs été déplorée l’utilisation de la famine comme méthode de guerre. Les zones de conflit continuent à être l’épicentre des famines, a-t-il été relevé.
Certaines délégations ont dénoncé l’impact des mesures coercitives unilatérales sur le droit à l’alimentation des populations des pays visés.
Remarques de la Rapporteuse spéciale
MME ELVER a dit avoir accordé la priorité aux contacts avec les personnes et groupes ayant des difficultés à la contacter autrement. Les Gouvernements des pays visités ont été très coopératifs et il n’y a eu aucun type d’ingérence ou d’entrave de leur part, a-t-elle reconnu.
Concernant le Zimbabwe, la Rapporteuse spéciale a affirmé qu’il est difficile d’affirmer que la situation en termes de sécurité alimentaire est bonne dans ce pays. Elle a encouragé à travailler ensemble pour sortir ce « pays magnifique » de cette situation qu’il ne devrait pas avoir à subir. La Rapporteuse spéciale a proposé qu’un groupe d’experts se rende au Zimbabwe pour approfondir ses propres conclusions et dire à la communauté internationale de mettre fin à cette situation.
***Liste des intervenants : Union européenne, Organisation de la coopération islamique, Cuba, État de Palestine, Saint-Siège, Algérie, Burkina Faso, Djibouti, Iraq, Philippines, Inde, Pakistan, Malaisie, Équateur, El Salvador, Soudan, Égypte, Myanmar, Turquie, Venezuela, Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, Libye, Indonésie, Cameroun, Fonds des Nations Unies pour l’enfance, et Chine.
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