Fil d'Ariane
LE CONSEIL DES DROITS DE L’HOMME DÉBAT DU RESPECT DES DROITS DE L’HOMME DANS LE CONTEXTE DE LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
Le Conseil des droits de l'homme a tenu, cet après-midi, un débat interactif avec la Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection des droits de l’homme et libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, Mme Fionnuala Ní Aoláin. Il a auparavant achevé son dialogue avec le Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits de la personne, M. Michel Forst, en entendant les interventions de nombreuses délégations*.
Présentant son rapport, Mme Ní Aoláin a souligné que si elle reconnaît la nécessité impérative de s’attaquer à l’extrémisme violent, elle estime aussi que seules des politiques axées sur les droits de l’homme donneront des résultats tangibles à long terme. Elle a en outre pointé de manière spécifique des politiques et pratiques qui ne reposent pas sur de solides bases scientifiques, ainsi qu’une absence totale de suivi et d’évaluation de ces politiques, y compris de la part des entités des Nations Unies.
Depuis les marches et la violence des partisans néonazis et jusqu’à la violence fanatique et brutale de l’État islamique de l’Iraq et du Levant, l’idéologie extrémiste violente est présente dans le monde entier, a poursuivi la Rapporteuse spéciale. Elle a également fait remarquer l’absence d’une définition mondialement agréée de « l’extrémisme violent », voire de « l’extrémisme » même, et a exprimé son inquiétude face à l’absence de clarté autour de ce terme dans les législations nationales, ce qui aboutit parfois à de graves violations des droits de l’homme.
S’agissant de ses activités, Mme Ní Aoláin a indiqué qu’elle avait accordé la priorité à l’approfondissement des relations institutionnelles avec les entités mondiales engagées dans la réglementation antiterroriste aux Nations Unies et ailleurs. Elle a en outre rendu compte de sa visite au Kazakhstan.
En tant que pays concerné, le Kazakhstan a fait une déclaration, avant que ne s’engage avec la Rapporteuse spéciale un dialogue auquel ont pris part de nombreuses délégations**.
En fin de séance, le Brésil, l’Inde, la Chine, l’Arménie, la Mongolie et l’Azerbaïdjan ont par ailleurs exercé leur droit de réponse.
Demain matin, à partir de 10 heures, le Conseil doit achever son dialogue avec Mme Ní Aoláin, avant d’entamer des débats interactifs avec le Rapporteur spécial sur le droit à la vie privée et avec la Rapporteuse spéciale sur le logement convenable.
Les débats de cette quarante-troisième session et l’ensemble des interventions auxquelles ils ont donné lieu peuvent être suivis et réentendus en consultant le site UN Web TV.
Fin du débat interactif sur la situation des défenseurs des droits de l'homme
Aperçu du débat
De nombreuses délégations ont appuyé le renouvellement du mandat du Rapporteur spécial. Elles ont exhorté à la vigilance s’agissant des droits des défenseurs et ont plaidé pour que leurs droits soient soutenus. Il est impératif de respecter les normes juridiques internationales et coutumières, en particulier dans le traitement des personnes qui prêtent assistance aux réfugiés et aux populations dans les zones de conflit, a-t-il été souligné.
Les exactions commises sur le terrain dans les situations de conflit et d’après-conflit restent souvent impunies, a-t-il été relevé, certains s’interrogeant alors sur les mesures que peuvent prendre le Conseil et les États pour améliorer la protection dans ce contexte. Il faut s’opposer catégoriquement aux actes d’intimidation et de représailles à l’encontre des défenseurs des droits de l'homme, a-t-il été souligné; il a également été observé que les défenseurs appartenant à des groupes vulnérables, comme les autochtones, sont particulièrement visés.
Certains intervenants ont dénoncé les régimes militaires qui répriment les défenseurs des droits de l’homme dans les territoires sous occupation étrangère. Les défenseurs des droits de l'homme jouent un rôle important pour l’édification de sociétés démocratiques et ouvertes, en particulier lors de périodes de transition politique, a-t-il été rappelé. Il importe en conséquence d’adopter des pratiques transparentes et de leur fournir les moyens de demander justice et de bénéficier de voies de recours.
Les risques encourus par les défenseurs des droits de l’homme vont parfois jusqu’à la mort, a-t-il été rappelé. L’Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l’homme (GANHRI, selon l’acronyme anglais) demeure cruciale en matière de protection des défenseurs, a-t-il été souligné
Une délégation s’est toutefois érigée contre l’approche du Rapporteur spécial qui – a-t-elle précisé – semble établir une catégorie de personnes à part; elle a signalé que la Déclaration de 1998 sur les défenseurs des droits de l’homme n’était aucunement contraignante du point de vue juridique et que la question des défenseurs des droits de l’homme était examinée par la Commission chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles (Troisième Commission) de l’Assemblée générale.
Des inquiétudes ont été exprimées face à la généralisation des mesures d’exception, qui affectent les défenseurs et leur travail, et des interrogations ont été soulevées quant aux mesures pratiques qui pourraient permettre d’améliorer la sécurité en ligne des défenseurs et défenseuses des droits de l'homme.
Les recommandations adressées aux États par le Rapporteur spécial ont été jugées particulièrement pertinentes et nombre de délégations ont assuré qu’elles s’efforceraient de les mettre en œuvre et, le cas échéant, de solliciter la coopération du titulaire de mandat.
Les organisations de la société civile ont rappelé qu’il incombait en premier lieu aux États de protéger les défenseurs des droits de l’homme et de prendre toutes les mesures idoines à cette fin. Pour autant, dans de nombreux pays d’Amérique du sud et d’Asie du sud-est, harcèlements, arrestations, emprisonnements ou assassinats sont le lot quotidien des défenseurs des droits de l'homme, a-t-il été relevé. Cette violence touche aussi les femmes défenseuses des droits de l’homme, les défenseurs de l’environnement, les leaders communautaires et les journalistes, en raison de l’absence de politiques publiques et de législations robustes pour les protéger.
Remarques et conclusion du Rapporteur spécial
M. MICHEL FORST, Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l'homme, a remercié le Gouvernement colombien pour son appui à son mandat maintenant que tout malentendu est dissipé. Il a proposé une nouvelle visite de suivi dans ce pays. Il a ensuite salué les efforts de la Mongolie tendant à l’adoption d’une loi nationale sur la protection des défenseurs des droits de l’homme.
Il est fondamental que les responsables des violations des droits de l’homme soient poursuivis et jugés, a poursuivi le Rapporteur spécial. Il est très important par ailleurs que lorsque les États sont candidats à un siège au Conseil des droits de l'homme, l’on prenne en considération leur position et agissements en matière de respect des droits de l’homme, y compris pour ce qui est du respect des droits des défenseurs.
M. Forst a par ailleurs indiqué que son rapport fournit de nombreux exemples de bonnes pratiques.
Le Rapporteur spécial a souligné que son mandat n’avait pas été créé pour montrer du doigt tel ou tel pays, mais au contraire pour instaurer un dialogue avec tous. Il a d’autre part déploré que certains États continuent de remettre en question la définition donnée par ses prédécesseurs et par lui-même des défenseurs des droits de l’homme.
Alors qu’il quittera bientôt ses fonctions, le Rapporteur spécial a tenu à remercier toutes les personnes qui ont appuyé son mandat, celles qu’il a rencontrées lors de ses voyages et celles qui l’ont aidé dans son travail quotidien.
*Liste des intervenants : Équateur, Costa Rica, Pakistan, Pays-Bas, Tunisie, Fidji, Maroc, Danemark, Lituanie, Irlande, Monténégro, Honduras, Égypte, Lettonie, Fédération de Russie, Uruguay, Venezuela, Suède, Indonésie, Albanie, Maldives, Paraguay, Chine, Norvège, Thaïlande, Géorgie, Belgique, Royaume-Uni, Malte, Islande, Slovaquie, Bosnie-Herzégovine, Finlande, Iles Marshall, Cameroun, Arménie, Qatar, Pérou, France, Mexique. Global Alliance of National Human Rights institutions, Human Rights Commission of Zimbabwe, Colombian Commission of Jurists, Commisión Mexicana del Defensea y Promoción de los Derechos Humanos Associación Civil, Service international pour les droits de l'homme, Fondation de la Maison des droits de l'homme, Sociedade Maranhense De Direitos Humanos, Peace Brigades International Switzerland, Organisation mondiale contre la torture, Asian Forum for Human Rights and Development, Réseau international des droits de l’homme,Oidhaco.
Débat interactif sur la protection des droits de l'homme dans la lutte contre le terrorisme
Présentation des rapports
Le Conseil est saisi du rapport de la Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection des droits de l’homme et libertés fondamentales dans la lutte contre le terrorisme (A/HRC/43/46-à paraître en français), ainsi que du rapport sur la visite de la Rapporteuse spéciale au Kazakhstan (A/HRC/43/46/Add.1).
MME FIONNUALA NÍ AOLÁIN, Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection des droits de l’homme et libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, a présenté un rapport thématique sur l’impact sur les droits de l’homme des politiques et pratiques visant la prévention et la lutte contre l’extrémisme violent. Tout en reconnaissant la nécessité impérative de s’attaquer à l’extrémisme violent, la Rapporteuse spéciale a néanmoins souligné que seules des politiques axées sur les droits de l’homme donneront des résultats tangibles à long terme. Mme Ní Aoláin a pointé de manière spécifique des politiques et pratiques qui ne reposent pas sur de solides bases scientifiques, ainsi qu’une absence totale de suivi et d’évaluation de ces politiques, y compris de la part des entités des Nations Unies.
Depuis les marches et la violence des partisans néonazis et jusqu’à la violence fanatique et brutale de l’État islamique de l’Iraq et du Levant, l’idéologie extrémiste violente est présente dans le monde entier, a poursuivi la Rapporteuse spéciale, affirmant que ce n’est pas un hasard si cette tendance s’est accentuée depuis les attentats de septembre 2001. La Rapporteuse spéciale a également fait remarquer l’absence d’une définition mondialement agréée de « l’extrémisme violent », voire de « l’extrémisme » même, et a exprimé son inquiétude face à l’absence de clarté autour de ce terme dans les législations nationales, ce qui aboutit parfois à de graves violations des droits de l’homme.
S’agissant de ses activités, Mme Ní Aoláin a indiqué qu’elle avait accordé la priorité à l’approfondissement des relations institutionnelles avec les entités mondiales engagées dans la réglementation antiterroriste aux Nations Unies et ailleurs. Elle a précisé avoir en particulier coopéré avec le Groupe d’action financière (Financial Action Task Force, FATF) ainsi qu’avec le Pacte mondial de coordination contre le terrorisme, et a ajouté avoir effectué en janvier 2020 une visite auprès de l’Union européenne. Dans le même esprit, elle a collaboré avec le Bureau de lutte contre le terrorisme et avec le Secrétaire général adjoint (à la tête de ce Bureau), M. Vladimir Ivanovich Voronkov.
La Rapporteuse spéciale a attiré l’attention sur les défis que connaît son mandat en raison des ressources limitées dont disposent les procédures spéciales. Elle s’est en particulier érigée contre le fait que les titulaires de mandats en soient réduits à puiser dans les fonds de recherche de leurs universités pour accomplir des tâches essentielles. S’agissant des organisations de la société civile, elle a fait état de deux réunions tenues à New York pour faciliter leur engagement avec l’architecture mondiale antiterroriste.
Les victimes du terrorisme demeurent une priorité centrale, a par ailleurs souligné Mme Ní Aoláin, avant de faire état de sa collaboration avec la Commission internationale des juristes dans la préparation d’un Compendium sur les droits de l’homme des victimes du terrorisme, qui repose sur les instruments juridiques du droit international.
La Rapporteuse spéciale a ensuite salué la coopération avec la Belgique, la France, et leurs services de renseignement, ainsi qu’avec l’Irlande et la Turquie, en particulier à la suite des communications relatives aux personnes retournées, ainsi qu’avec Chypre. Elle a évoqué les législations antiterrorisme de la Chine, de l’Égypte, de l’Éthiopie et de la Tunisie, et a encouragé les États au respect des normes juridiques internationales.
Enfin, la Rapporteuse spéciale a vivement salué la disponibilité du Kazakhstan durant la visite qu’elle a effectuée dans ce pays et s’est réjouie d’avoir pu y avoir accès à plus de 500 femmes et enfants rapatriés ainsi qu’à d’anciennes combattantes étrangères et à leurs enfants. Elle a plus particulièrement salué les politiques du Kazakhstan en la matière au vu de la grave situation humanitaire dans le Nord de la Syrie, dans les camps, et de l’extrême vulnérabilité des femmes et des enfants dont la grande majorité sont victimes du terrorisme. Elle a également salué les changements positifs intervenus dans le système pénitentiaire kazakhe, s’agissant notamment des peines de substitution et de la réduction de la population carcérale.
Pays concerné
Le Kazakhstan a expliqué que sa politique en matière de contreterrorisme vise non seulement à arrêter et poursuive les auteurs d’actes terroristes, mais aussi à prévenir les actes de terrorisme et d’extrémisme violent, tout en promouvant les droits de l’homme. Dans ce contexte, le pays s’efforce de promouvoir le dialogue et la tolérance entre les religions, sans exception, tout en préservant la liberté de religion ou de conviction parmi les membres de la société, y compris pour ce qui est des minorités.
La délégation kazakhe a ensuite rappelé que suite aux élections pacifiques qui se sont tenues dans son pays, l’ancien directeur général de l’Office des Nations Unies à Genève, M. Kassym-Jomart Tokayev, a été élu en juin dernier, Président du Kazakhstan. M. Tokayev a fixé ses priorités en matière de droits de l’homme et entamé des réformes conformes aux obligations internationales du Kazakhstan, a souligné la délégation. Le Kazakhstan a aboli la peine de mort et décidé d’accéder au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, a-t-elle fait valoir.
Le Kazakhstan reconnaît la relation complexe entre droits de l’homme et nécessité de lutter contre le terrorisme. Il estime aussi qu’il est plus que jamais temps de faire prendre conscience des conséquences nationales et internationales des politiques et pratiques visant à prévenir et lutter contre le terrorisme et l’extrémisme violent. Afin de répondre à l’appel international lancé à nouveau ici, il y a quelques jours, par la Haute-Commissaire aux droits de l’homme, le Kazakhstan a rapatrié ses combattants étrangers, a fait valoir la délégation. Environ 600 citoyens kazakhes, « victimes de la propagande terroriste » ont été rapatriés de Syrie, a-t-elle précisé.
Aperçu du débat
Un groupe d’États a estimé que le fléau du terrorisme reste l’un des principaux défis de sécurité auxquels les États sont confrontés, ce qui constitue une menace réelle pour la paix et la sécurité internationales. Il a réitéré son appel permanent en faveur d’une coopération et d’efforts mondiaux concertés dans la lutte contre ce fléau, d’autant plus que les groupes terroristes poursuivent leurs activités, causant des pertes de vies et de nombreux biens ainsi que le déplacement de millions de personnes.
Il importe que toutes les mesures antiterroristes se fassent dans le respect du droit international et du droit international humanitaire, en prenant en considération les facteurs ayant conduit à l’extrémisme violent et au terrorisme, parmi lesquels la faible gouvernance, les violations des droits de l’homme, le manque d’état de droit, la corruption, ainsi que les conflits, la pauvreté, la prolifération des armes et la fragilité étatique, a-t-il été souligné. Il convient en outre, dans le contexte des mesures antiterroristes, de respecter le principe de proportionnalité, a ajouté une délégation, avant de demander à la Rapporteuse spéciale quels seraient selon elle les éléments fondamentaux à prendre en considération dans l’élaboration des stratégies de prévention et de lutte contre le terrorisme.
Certains ont noté, pour s’en inquiéter, l’utilisation à mauvais escient des mesures antiterroristes pour restreindre la liberté d’expression en ligne et hors ligne et réduire au silence les défenseurs des droits de l’homme, les journalistes, les opposants politiques et les minorités religieuses ou ethniques.
A été déplorée la poursuite, sans relâche, du profilage de certaines communautés religieuses. Il a en outre été relevé que la Rapporteuse spéciale confirme l’inexistence d’une définition internationalement agréée de l’extrémisme violent.
Des États en butte au terrorisme ont sollicité l’appui de la communauté internationale aux fins du renforcement de leur sécurité et de leur stabilité sans ingérence, pour autant, dans leurs décisions souveraines.
Les ressorts du processus de radicalisation (surtout chez les jeunes) peuvent être d’ordre psychologique, politique ou social, a-t-il été souligné. De surcroît, la radicalisation trouve en Internet un vecteur propice, d’où la nécessité pour les États de sensibiliser les opérateurs et entreprises en ligne à leurs responsabilités à ce propos : c’est là l’esprit de l’Appel de Christchurch lancé en mai 2019, a-t-il été rappelé.
Des recommandations spécifiques doivent être faites s’agissant des pays qui appuient, financent et exportent l’extrémisme violent.
Remarques de la Rapporteuse spéciale
MME NÍ AOLÁIN a déclaré qu’il fallait souligner et reconnaître que les approches militaires ne constituent pas une solution complète, si l’on ne se penche pas sur les causes profondes de l’extrémisme violent. Il faut aussi reconnaître que l’action de prévention et de lutte contre le terrorisme peut être intrusive pour les communautés et, de ce fait, aboutir à rompre la confiance; or, il est primordial d’instaurer et de préserver la confiance entre l’État et les communautés si l’on veut avoir des résultats. Il faut par ailleurs inclure la société civile dans ce travail, a plaidé la Rapporteuse spéciale.
**Liste des intervenants : Burkina Faso (au nom du Groupe africain et en son nom propre), Union européenne, Danemark (au nom de huit pays), Libye, Mexique, Qatar, Suisse, Cuba, Commission permanente de droits de l’homme de l’OCI, Arabie saoudite, France, Philippines, Pakistan, Pays-Bas, Tunisie, Maroc, Irlande, Égypte, Myanmar, Azerbaïdjan, Fédération de Russie, Uruguay, Syrie et Venezuela.
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