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AU MEXIQUE, LES RÉPONSES A LA DISCRIMINATION HISTORIQUE ET STRUCTURELLE ENVERS LES POPULATIONS AUTOCHTONES, D’ASCENDANCE AFRICAINE ET MIGRANTES RESTENT INSUFFISANTES

Compte rendu de séance
Tel est le constat dressé par un membre du CERD lors de l’examen du rapport du pays

Au Mexique, les réponses apportées à la discrimination historique et structurelle envers les peuples autochtones, les personnes d’ascendance africaine et les migrants ont été insuffisantes jusqu’à présent, a estimé un membre du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale lors de l’examen du rapport soumis par le Mexique.

L’expert s’est toutefois félicité que l’État mexicain reconnaisse le problème de la discrimination, comme en témoigne la réalisation de la première Enquête nationale sur la discrimination (ENADIS) menée en 2017.

Sur deux séances, hier après-midi et ce matin, le Comité examinait en effet le rapport du Mexique sur les mesures prises par le pays pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

A particulièrement été débattue la situation des peuples autochtones et des communautés d’ascendance africaine, du point de vue – notamment – du droit de consultation préalable (face en particulier à de grands projets d’infrastructures), de leur accès à la justice et des inégalités socioéconomiques existantes.

A l’instar de M. Silvio José Albuquerque e Silva, rapporteur du Comité pour l’examen du rapport du Mexique, plusieurs experts membres du Comité se sont en outre inquiétés que les défenseurs des droits de l'homme et les journalistes soient fréquemment victimes de violations des droits de l'homme et ont souligné que l’impunité reste le principal défi à relever dans ce contexte.

Présentant le rapport de son pays, Mme Martha Delgado Peralta, Sous-Secrétaire aux affaires multilatérales et aux droits de l’homme au Ministère des relations extérieures du Mexique, a assuré que la promotion et le respect des droits de l'homme constituent l’un des principaux axes de la politique du nouveau Gouvernement du Mexique.

Evoquant les défis qui restent à surmonter après « des années d’inaction et d’omission de la part de l’État mexicain », elle a estimé que les actions futures exigent la pleine participation des peuples autochtones et des communautés d’ascendance africaine, ainsi qu’une totale coordination interinstitutionnelle et des ressources humaines et financières adéquates. Le Mexique est en effet un État pluriethnique et multiculturel, comprenant 68 peuples autochtones et le peuple afro-mexicain, a indiqué la cheffe de la délégation mexicaine.

Tout en mentionnant les réformes déjà entreprises, la Sous-secrétaire a fait valoir que l’État mexicain dispose pour les cinq prochaines années d’un Programme national pour l’égalité et la non-discrimination, d’un Programme national des peuples autochtones, d’un Programme pour l’égalité entre les hommes et les femmes et d’un Programme national des droits de l'homme. Ces programmes permettront de renforcer la protection des droits et des libertés fondamentales et de faire de la diversité une valeur plutôt qu’un motif de ségrégation injustifiée, a-t-elle affirmé.

S’agissant de la question des migrants et des réfugiés, Mme Delgado Peralta a souligné que les flux migratoires de ces derniers mois ont été sans précédent, ajoutant que des actions ont été menées afin de lutter contre les comportements xénophobes à l’égard des migrants et de former les agents fédéraux pour prévenir les pratiques de profilage racial. De 2012 à 2019, plus de 1,29 million de personnes migrantes ont reçu une aide humanitaire, a-t-elle précisé. Elle a lancé un appel aux agences et mécanismes des Nations Unies afin de promouvoir rapidement un schéma de responsabilité partagée et de coopération internationale pour faire face au flux migratoire dans le pays.

L’imposante délégation mexicaine était également composée, entre autres, de Mme Kenia López Rabadán, Présidente de la Commission des droits de l’homme du Sénat; Mme Alejandra Haas Paciuc, Présidente du Conseil national pour la prévention de la discrimination; Mme Mónica Maccise Duayhe, Secrétaire générale de l’Institut national des femmes; ainsi que de représentants du Ministère des relations extérieures, de Cour suprême de justice, de l’Institut fédéral de la défense publique et de l’Institut national des peuples autochtones.

Hier après-midi et – en cette Journée internationale des peuples autochtones (9 août) – ce matin, la délégation a répondu aux questions et observations des experts concernant, entre autres, la réforme constitutionnelle; le plan national de développement; la première Enquête nationale sur la discrimination menée en 2017; l’élaboration de la politique nationale pour l’égalité et contre la discrimination; les politiques publiques destinées aux populations autochtones et afro-mexicaines; la lutte contre les discours de haine; la population carcérale; ainsi que la politique migratoire.

Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Mexique et les rendra publiques à l’issue de la session, le jeudi 29 août prochain.


Mardi 13 août à 15 heures, le Comité entamera l’examen du rapport de l’État de Palestine (CERD/C/PSE/1-2).


Présentation du rapport

Le Comité est saisi du document regroupant les dix-huitième et dix-neuvième rapports périodiques du Mexique (CERD/C/MEX/18-21).

Présentant ce rapport, MME MARTHA DELGADO PERALTA, Sous-Secrétaire aux affaires multilatérales et aux droits de l’homme au Ministère des relations extérieures du Mexique, a condamné l’acte de haine raciale perpétré dans la ville d’El Paso, au Texas, par lequel 22 personnes, dont 8 mexicaines, ont perdu la vie. Elle a rappelé le devoir des États parties à la Convention de prendre des mesures pour éliminer toute incitation à la discrimination et à la haine.

La promotion et le respect des droits de l'homme constituent l’un des principaux axes de la politique du nouveau Gouvernement du Mexique, a ensuite déclaré Mme Delgado Peralta. Aux fins de l’élaboration du présent rapport, un dialogue interinstitutionnel a été mené avec des organisations de la société civile et les préoccupations légitimes concernant la situation des femmes et des hommes autochtones, des personnes d’ascendance africaine et des personnes en situation de migration ont été entendues, a-t-elle affirmé.

La Sous-Secrétaire a ensuite présenté les principaux progrès enregistrés dans son pays, de même que les défis qui restent à surmonter après « des années d’inaction et d’omission de la part de l’État mexicain » et en raison d’une attitude paternaliste vis-à-vis des populations discriminées du fait de leur ethnie ou de leur race. Aussi, les actions futures exigent-elles la pleine participation des peuples autochtones et des communautés d’ascendance africaine, ainsi qu’une totale coordination interinstitutionnelle et des ressources humaines et financières adéquates, a insisté Mme Delgado Peralta.

Le Mexique est un État pluriethnique et multiculturel, comprenant 68 peuples autochtones et le peuple afro-mexicain, a indiqué la cheffe de la délégation mexicaine. Selon le recensement de 2015, une proportion de plus de 20% de la population s’auto-identifie comme autochtone et 1,2% comme afro-mexicaine. La discrimination à l’encontre de ces deux groupes de la population est historique, organique et structurelle, a reconnu Mme Delgado Peralta, citant l’Enquête nationale sur la discrimination de 2017, qui montre que 2 personnes sur 10 déclarent avoir fait l’objet de discrimination pour une raison ou une autre.

L’État mexicain dispose pour les cinq prochaines années d’un Programme national pour l’égalité et la non-discrimination, d’un Programme national des peuples autochtones, d’un Programme pour l’égalité entre les hommes et les femmes et d’un Programme national des droits de l'homme, a fait valoir la Sous-secrétaire. Ces programmes permettront de renforcer la protection des droits et des libertés fondamentales et de faire de la diversité une valeur plutôt qu’un motif de ségrégation injustifiée, a-t-elle affirmé.

Sur le plan juridique, la Constitution stipule dans son article premier l’interdiction expresse de tout type de discrimination, y compris au motif de l’appartenance ethnique, a souligné Mme Delgado Peralta. Par ailleurs, le Sénat examine actuellement une initiative visant à pénaliser la violence exercée contre toute personne pour des motifs d’origine, d’appartenance ethnique, de religion, de couleur de peau, de langue, d’origine nationale ou sociale. Quant aux 32 entités fédératives constituant le Mexique, elles disposent toutes d’une loi contre la discrimination.

La définition de la discrimination figurant dans la loi fédérale pour prévenir et éliminer la discrimination a été élargie et, en 2018, le travail de l’agence mexicaine chargée de prévenir la discrimination a été renforcé en lui conférant des attributions visant à prévenir et éliminer les discours de haine, a poursuivi Mme Delgado Peralta. En outre, une réforme constitutionnelle a récemment été approuvée aux fins de reconnaître explicitement les peuples et les communautés afro-mexicaines comme partie intégrante de la composition pluriculturelle du pays.

En 2018, a ajouté Mme Delgado Peralta, l’Institut national des peuples autochtones (INPI) a été créé dans l’objectif de s’attaquer à la discrimination structurelle. Pour ce qui concerne l’accès à la justice, la cheffe de la délégation a par ailleurs souligné que l’article 2 de la Constitution consacre le droit des personnes autochtones à voir leurs coutumes et spécificités culturelles prises en compte. En outre, le pays compte plus de 1700 interprètes certifiés dans 109 variantes linguistiques.

Le Mexique est partie à la Convention n°169 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) sur les peuples indigènes et tribaux et s’est engagé à garantir la consultation libre et informée de ces populations, a également fait valoir Mme Delgado Peralta. La Cour suprême de justice a, pour sa part, reconnu en 2015 que les peuples et communautés autochtones ont le droit d’être consultés au préalable dans les cas où l’activité de l’État a un impact significatif sur leur environnement, comme par exemple lors des projets hydroélectriques ou dans le contexte des cultures génétiquement modifiées. La Cour suprême a aussi reconnu le droit à l’intégrité des terres.

S’agissant de la participation politique, l’État mexicain a pris des mesures d’action affirmative pour favoriser une meilleure participation des personnes autochtones, a poursuivi la Sous-Secrétaire. En 2019, une réforme a été adoptée afin de garantir le principe de parité dans les municipalités où vit une population autochtone.

S’agissant de la santé, Mme Delgado Peralta a indiqué que le manque d’accès des populations autochtones aux services a nettement diminué; le nombre d’unités médico-rurales, parfois ambulantes, a – lui – augmenté. En ce qui concerne l’éducation, le nombre d’écoles autochtones bénéficiant de ressources fédérales a augmenté de 274% entre 2012 et 2016, a ensuite fait valoir la cheffe de délégation. La réforme éducative du Gouvernement actuel intègre une stratégie nationale d’inclusion éducative, a-t-elle ajouté.

Pour ce qui concerne les défenseurs des droits de l'homme, a poursuivi Mme Delgado Peralta, l’État mexicain dispose d’un Mécanisme de protection paradigmatique, qui fournit protection aux personnes menacées dans leur intégrité de par leur travail de défense des droits de l'homme, y compris des peuples autochtones et des migrants.

S’agissant de la question des migrants et des réfugiés, la Sous-Secrétaire aux affaires multilatérales et aux droits de l'homme a souligné que les flux migratoires de ces derniers mois ont été sans précédent. Des actions ont été menées afin de lutter contre les comportements xénophobes à l’égard des migrants et de former les agents fédéraux de manière à prévenir les pratiques de profilage racial. De 2012 à 2019, plus de 1,29 million de personnes migrantes ont reçu une aide humanitaire, a précisé Mme Delgado Peralta. Elle a lancé un appel aux agences et mécanismes des Nations Unies afin de promouvoir rapidement un schéma de responsabilité partagée et de coopération internationale pour faire face au flux migratoire dans le pays. L’État mexicain est prêt à maintenir un dialogue franc, constructif et transparent (avec le Comité), a-t-elle conclu.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. SILVIO JOSE ALBUQUERQUE E SILVA, rapporteur du Comité pour l’examen du rapport du Mexique, a noté que le rapport est antérieur à la prise de fonctions du nouveau Gouvernement du Mexique, le 1er décembre 2018, qui a initié une série de changements dans les politiques publiques.

Le rapporteur a ensuite souligné que le Mexique est l’un des pays d’Amérique latine qui dispose de lois contre la discrimination, l’une des plus importantes étant, dans ce pays, la loi fédérale pour prévenir et éliminer la discrimination; le Mexique dispose également d’un Programme national en la matière. En dépit de la modification apportée à cette loi fédérale afin d’octroyer davantage de garanties au Conseil national pour la prévention de la discrimination (CONAPRED), M. Albuquerque e Silva a regretté que cette réforme de loi ne soit suffisante pour mettre pleinement les politiques publiques du Mexique en adéquation avec la Convention. Les réponses apportées à la discrimination historique et structurelle envers les peuples autochtones, les personnes d’ascendance africaine et les migrants ont été insuffisantes jusqu’à présent, a estimé le rapporteur.

M. Albuquerque e Silva a néanmoins salué la transparence affichée par la cheffe de la délégation mexicaine, qui montre que l’État reconnaît le problème de la discrimination, comme l’illustre la réalisation de la première enquête nationale sur la discrimination (ENADIS) en 2017. L’État doit maintenant approfondir les instruments des politiques compensatoires destinées à aider les segments de la population qui font l’objet de discrimination, a poursuivi le rapporteur. Il s’est demandé comment l’État mexicain entendait briser la neutralité des politiques de promotion de l’égalité dans une société dans laquelle les identités ne sont que vaguement définies.

M. Albuquerque e Silva a d’autre part regretté que les statistiques ne soient pas ventilées par groupe autochtone et s’est demandé quelles politiques ciblant la population d’ascendance africaine avaient pu être mises en place sur la base des données actuellement disponibles. En outre, a-t-il rappelé, le Comité exige que les statistiques disponibles permettent de connaître la répartition de chaque groupe dans la population carcérale. Le rapporteur s’est également enquis de la proportion de personnes d’ascendance africaine et autochtones parmi les magistrats.

S’agissant du cadre juridique et institutionnel, le rapporteur a souhaité connaître les mesures que l’État mexicain entend adopter pour définir comme actes répréhensibles toute diffusion d’idées fondées sur la supériorité ou la haine raciale, toute incitation à la discrimination raciale ainsi que tout acte de violence fondé sur des motifs raciaux. Quelles mesures spéciales concrètes sont en vigueur pour promouvoir l’égalité et lutter contre la discrimination, a-t-il par ailleurs demandé ?

Evoquant la pauvreté et la marginalisation sociale des peuples autochtones, M. Albuquerque e Silva s’est enquis des mesures adoptées pour combler les handicaps socioéconomiques de ces peuples. Quant à la justice agraire, elle se caractérise par des procédures très longues, ce qui ne fait qu’exacerber les conflits intra et intercommunautaires. Aussi, le rapporteur s’est-il enquis des mesures adoptées pour assurer la prise en charge des familles autochtones déplacées internes et des solutions permettant de faire face aux contentieux fonciers.

S’agissant du droit à la consultation libre, préalable et informée, M. Albuquerque e Silva s’est enquis des mesures prises pour veiller à ce que des mégaprojets ne se réalisent pas sans réelle consultation et pour garantir que les dispositions de la Convention n°169 de l’OIT sur les peuples indigènes et tribaux soient scrupuleusement respectées.

Combien de personnes autochtones, d’ascendance africaine et migrantes disparues l’État mexicain a-t-il enregistré et combien de cas ont-ils fait l’objet d’enquête, a ensuite demandé le rapporteur ?

Le rapporteur a également voulu en savoir davantage sur la proposition de réforme de l’article 2 de la Constitution, qui met en avant la composition pluriculturelle de la nation et reconnaît explicitement l’identité des peuples et communautés afro-mexicains et que le Sénat a approuvée le 30 avril 2019. Il s’est interrogé sur ce qu’une telle réforme signifierait en matière d’égalité et si l’État a l’intention d’accorder à ces peuples les mêmes droits qu’aux peuples autochtones.

Tout en se félicitant de la législation avancée dont dispose le Mexique dans le domaine de la protection des défenseurs des droits de l'homme, M. Albuquerque e Silva s’est néanmoins inquiété du fait qu’ils soient fréquemment victimes de violations des droits de l'homme, qu’il s’agisse des défenseurs des droits de l'homme ou des journalistes. L’impunité reste le principal défi à relever dans ce contexte, a souligné le rapporteur.

Selon quels critères et sur quelle base légale le Mexique a-t-il adopté ses mesures concernant la détention et l’expulsion de migrants et de membres de leur famille, a ensuite demandé le rapporteur, s’inquiétant en particulier du déploiement, le 24 juin dernier, de près de 15 000 soldats et membres de la Garde nationale (créée début 2019) dans le nord du pays afin de stopper le flux migratoire à la frontière avec les États-Unis ? Le Comité est en outre préoccupé par la hausse des discours de haine contre les groupes de migrants, a-t-il ajouté.

Enfin, le rapporteur a évoqué les impacts du changement climatique, qui affectent davantage les groupes les plus défavorisés, et s’est enquis des mesures adoptées ou envisagées pour protéger les droits des peuples autochtones et d’ascendance africaine au travers des politiques relatives au climat.

Un autre expert a demandé des informations complémentaires sur la protection des défenseurs des droits de l'homme et des journalistes et sur la lutte contre l’impunité dans ce contexte.

Les membres du Comité ont insisté sur l’importance de disposer de chiffres ventilés sur les victimes de violence et sur les discriminations.

Une experte a relevé le pourcentage élevé de femmes autochtones dans la population carcérale et a demandé des explications à ce sujet. Plusieurs experts se sont interrogés sur l’accès des femmes autochtones à la justice, en particulier dans le cas de violences intrafamiliales, faisant observer que nombre d’entre elles ne semblent pas être informées de la possibilité qui leur est offerte d’accéder au système judiciaire dans ce contexte.

S’agissant du principe de consultation préalable, les membres du Comité ont souhaité en savoir davantage sur la procédure suivie et se sont notamment enquis des critères de sélection des représentants des groupes appelés à être consultés.

Qu’est-ce qui est prévu à l’avenir pour les peuples autochtones et quel bilan peut-il être dressé, pour ces peuples, du plan national de développement, a demandé un expert ? Qu’en est-il de la discrimination pour ce qui concerne les travailleurs domestiques et le Gouvernement envisage-t-il de ratifier la Convention n°189 de l’OIT sur les travailleurs et les travailleuses domestiques, a-t-il demandé ?

Un membre du Comité s’est enquis de la place accordée à la médecine traditionnelle dans la prise en compte du droit à la santé des peuples autochtones et des populations d’ascendance africaine.

Comment briser les stéréotypes et mieux intégrer la diversité dans les programmes scolaires, en particulier en ce qui concerne l’histoire des Afro-mexicains, a demandé une experte ?

Au cours du dialogue avec la délégation mexicaine, M. Albuquerque e Silva a fait savoir que des fonctionnaires du bureau du Mexique du Haut-Commissariat aux droits de l'homme étaient allés sur le terrain enquêter sur la mort d’un migrant hondurien et avaient constaté qu’elle était due à un recours à la force létale lors d’un contrôle violent de la part des services de migration, qui aurait pu être alimenté par la xénophobie ou la haine. Un autre migrant haïtien serait mort le 6 août en raison du traitement discriminatoire qui lui a été infligé en centre de rétention, a ajouté le rapporteur. Il a demandé si une enquête serait menée par le personnel compétent s’agissant de ces cas.

Réponses de la délégation

La délégation mexicaine a indiqué que le plan de développement récemment approuvé met en avant la diversité et comprend pour la première fois un principe directeur selon lequel il ne faut laisser personne de côté.

Pour appuyer les décisions prises au niveau des politiques publiques, une nouvelle méthodologie a été établie; elle s’appuie sur l’Enquête nationale sur la discrimination (menée pour la première fois en 2017), ce qui permettra notamment de mesurer les progrès accomplis, a poursuivi la délégation.

Si une proportion de 20% de la population mexicaine a fait des études supérieures, le chiffre chute à 4% pour ce qui concerne la population autochtone, a indiqué la délégation, avant de citer des chiffres témoignant d’une inégalité semblable en ce qui concerne l’accès des femmes autochtones à leurs droits.

Aux fins de l’élaboration de la politique nationale pour l’égalité et contre la discrimination, un groupe d’experts a été constitué afin d’évaluer les pratiques discriminatoires, a par ailleurs indiqué la délégation. Cinq domaines d’action prioritaires ont ensuite été déterminés, a-t-elle précisé: l’éducation, le travail, la santé, la sécurité sociale et l’accès à la justice.

Sur la question du travail, l’État mexicain a jugé fondamental de passer à un modèle en vertu duquel le respect de l’égalité est obligatoire. La loi générale relative au travail interdit très clairement (dans ce contexte) la discrimination pour tout motif ethnique ou racial, a par ailleurs fait valoir la délégation. Pour les travailleurs journaliers agricoles autochtones, le Mexique dispose d’un permis particulier afin de s’assurer du recrutement légal des journaliers étrangers, a-t-elle ensuite expliqué. Des mécanismes existent aussi pour procéder à des contrôles sur les conditions de travail, a-t-elle ajouté.

S’il peut certes arriver que le caractère universel d’une politique soit au détriment de groupes historiquement marginalisés, il n’en a pas moins été envisagé, au Mexique, de créer un système de santé universel qui veille à n’opérer aucune différence de traitement entre les groupes de population.

S’agissant du lien entre la pauvreté et le racisme, l’État mexicain a constaté que si 3,1% de la population âgée de 15 à 60 ans est analphabète dans le pays, la proportion atteint plus de 13% chez les personnes autochtones. Plus de 69% de la population autochtone est en situation de pauvreté, contre environ 30% pour la population globale, a indiqué la délégation.

L’Enquête nationale sur la discrimination montre par ailleurs que ceux qui subissent le plus de rejet sont les Mexicains nés en dehors du territoire mexicain, a poursuivi la délégation, estimant qu’une réflexion sérieuse devait être menée à cet égard. S’agissant de la lutte contre les discours de haine, la délégation a constaté la multiplication de ce type de discours, en particulier à l’encontre des migrants, et a jugé nécessaire de mener des actions telles que la formation de journalistes afin de lutter contre la publication d’articles accusant les migrants de tous les maux. Des séries télévisées ont aussi été créées pour sensibiliser les jeunes et des actions sont menées contre les publicités audiovisuelles discriminatoires, a ajouté la délégation.

S’agissant des politiques publiques destinées aux peuples autochtones et aux Afro-mexicains, la délégation a indiqué qu’un institut spécialisé pour les personnes d’ascendance africaine avait été créé pour la première fois fin 2018. Aux fins du développement intégral des peuples autochtones et des personnes d’ascendance africaine, quelque 88 milliards de pesos ont été distribués au travers de plusieurs enveloppes budgétaires, a poursuivi la délégation. Par exemple, le Programme d’appui à l’éducation autochtone permet de nourrir les élèves et étudiants autochtones et d’améliorer les infrastructures de base, a-t-elle précisé.

Ces mesures bénéficient de l’appui et de l’accompagnement des populations concernées, a souligné la délégation. En outre, à l’avenir, des conseils seront mis en place dans les régions avec des représentants des peuples autochtones afin qu’ils participent sur un pied d’égalité à l’élaboration des politiques les concernant. L’Institut national des peuples autochtones envisage également de mettre en place des plans régionaux de développement intégral.

S’agissant de la réforme constitutionnelle et juridique visant la reconnaissance et les droits des peuples autochtones et d’ascendance africaine, la délégation a fait état d’un processus de dialogue à l’échelle nationale dans ce contexte et a précisé que ce processus de consultations libres, préalables et éclairées était fondé sur les normes internationales en la matière, faute de loi nationale dédiée, afin d’ouvrir la participation à tous les représentants de ces communautés mais aussi à tous les citoyens.

La délégation a insisté la réforme constitutionnelle récente reconnaissant les peuples autochtones et la population d’ascendance africaine comme étant un élément de la composition pluriculturelle de la Nation et le terme « afro-mexicain » figure dans la Constitution.

L’article 27 de la Constitution reconnaît le droit à la terre, mais de manière large, a en outre souligné la délégation.

S’agissant du respect des communautés autochtones dans le contexte de grands projets hydroélectriques ou d’infrastructures, la délégation a assuré que le Gouvernement se devait de respecter le protocole relatif à l’organisation de consultations des peuples et communautés autochtones – des consultations qui, en l’occurrence, doivent être respectueuses des normes établies par la Convention n°169 de l’OIT sur les peuples indigènes et tribaux que le Mexique a adoptée en 2013.

Le projet de Train maya vise à mieux mettre en valeur les ressources du sud du pays, le Gouvernement s’étant en effet engagé à développer le pays de manière équitable, a ensuite déclaré la délégation. L’UNESCO fournira dans ce contexte l’appui nécessaire au respect de la réserve de biosphère et des communautés concernées et des consultations ponctuelles seront menées sur ce projet, a précisé la délégation.

S’agissant de la population carcérale, la délégation a indiqué que plus de 6000 personnes autochtones étaient privées de liberté au Mexique au mois de juillet 2019; il ressort de l’analyse des données qu’elles représentent entre 3,2 et 3,3% des personnes privées de liberté dans le pays. La détention préventive ne peut durer plus de deux ans, a en outre précisé la délégation.

Quelque 49 magistrats se reconnaissent comme autochtones, a par ailleurs fait savoir la délégation, précisant par la suite que cela représente environ 8% du nombre total de magistrats dans le pays, qui s’établit à 608.

En ce qui concerne les femmes, des mesures d’action affirmative ont été mises en place, a d’autre part fait valoir la délégation. Le nouveau Gouvernement a décidé de réfléchir à la meilleure manière de canaliser les ressources, notamment pour lutter contre les grossesses chez les adolescentes, alors que le Mexique affiche en la matière l’un des taux les plus élevés, ce qui concerne en particulier les populations autochtones. En outre des ressources supplémentaires ont été allouées aux foyers recevant les femmes victimes de violences. Quant à la surreprésentation des femmes autochtones parmi les détenus, la délégation a reconnu qu’elles ont tendance à être davantage poursuivies en raison de stéréotypes et à être défendues de manière moins efficace.

Des mesures visent à promouvoir la médecine traditionnelle en articulation avec la médecine moderne, a ensuite indiqué la délégation. Pour éviter les stérilisations non volontaires, une politique d’information sur la contraception a été lancée, a-t-elle ajouté.

Quant à la politique migratoire, elle veille à respecter les droits et libertés des personnes étrangères, conformément aux traités internationaux, a assuré la délégation. Les étrangers entrés de manière irrégulière doivent être présentés dans un centre migratoire aux fins de l’examen de leur situation, a-t-elle ajouté. Depuis octobre 2018, a rappelé la délégation, le Mexique a reçu des flux migratoires tout à fait exceptionnels et des dizaines de milliers de migrants ont bénéficié d’une aide. L’augmentation exponentielle des demandes de protection et d’asile a constitué une pression considérable et le Gouvernement a collaboré avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux réfugiés (HCR) dans ce contexte.

La délégation a par ailleurs reconnu l’existence d’incidents entre les migrants et des groupes armés.

Remarques de conclusion

M. ALBUQUERQUE E SILVA s’est félicité de l’esprit de coopération et du comportement particulièrement constructif manifestés par la délégation mexicaine à l’égard du Comité. Il a dit croire à la capacité du Mexique à se mettre pleinement en conformité avec les articles de la Convention.

MME DELGADO PERALTA a remercié le Comité pour ce dialogue et a indiqué que sa délégation apporterait par écrit des réponses aux questions des experts restées en suspens. Elle n’a pas manqué de rappeler l’engagement de son Gouvernement à faire en sorte que personne ne soit laissé pour compte, conformément aux Objectifs de développement durable et a jugé cela particulièrement nécessaire face à la montée de l’intolérance et des discours de haine. En conclusion, elle a assuré que le Mexique tiendrait compte des observations finales que lui adressera le Comité.


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CERD19.013F