Fil d'Ariane
LE COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE AUDITIONNE LA SOCIÉTÉ CIVILE SUR LA SITUATION EN HONGRIE
Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a auditionné, ce matin, des représentants de la société civile au sujet de la mise en œuvre de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale par la Hongrie, un des trois pays dont les rapports seront examinés cette semaine (les deux autres étant la Lituanie et la Zambie).
Les organisations non gouvernementales ont notamment déploré la situation des Roms en Hongrie, qui ne sont pas assez protégés par la police contre les crimes haineux. Elles ont aussi pointé du doigt le manque d’application de la justice face à ces crimes. La politique répressive contre les migrants, a également été dénoncée, alors qu’était soulignée la détérioration de la situation des étrangers dans le pays. A par ailleurs été dénoncée l’atmosphère de crainte, de haine et de xénophobie qui prévaut en Hongrie.
Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de la Hongrie (CERD/C/HUN/18-25), qu'il achèvera demain matin.
Audition de la société civile
S’agissant de la Hongrie
Le Groupe de travail contre les crimes de haine en Hongrie a relevé l’existence de problèmes systématiques en ce qui concerne l’action que sont censées mener les forces de police pour protéger les groupes qui doivent l’être, notamment la communauté rom, contre les crimes haineux. Les victimes ont tendance à ne pas signaler ces crimes, ce qui explique le très faible nombre de plaintes; la communauté rom, par exemple, n’a pas du tout confiance en la police, a souligné l’ONG. La législation sur les crimes de haine n’est pas mise en œuvre de manière appropriée, a-t-elle insisté. Face aux crimes haineux, les autorités tirent la conclusion qu’il s’agit plutôt d’une agression physique, a-t-elle déploré, ajoutant qu’il arrive parfois – mais pas dans tous les cas – que les autorités judiciaires rectifient la qualification initiale qui avait été incorrectement retenue pour les crimes visés. Le rapport du Gouvernement hongrois insiste sur la création au sein de la police d’un réseau d’experts spécialisés dans [la lutte contre] les crimes de haine, a expliqué le Groupe de travail; mais en réalité, ces postes ne sont pas à plein temps, sans parler du turn-over important qui les caractérise, et ce réseau ne dispose pas de suffisamment de ressources pour pouvoir s’acquitter de ses tâches. De plus, les policiers qui composent ce réseau ne suivent qu’une seule formation de deux jours et ne sont donc pas assez formés, a déploré le Groupe de travail. Dans le rapport du Gouvernement, il est souligné qu’il existe une coopération régulière entre le Groupe de travail et les autorités hongroises, a poursuivi l’ONG; de fait, ces dernières années, des réunions régulières ont été tenues et pas mal de résultats ont été obtenus, a-t-elle admis. Néanmoins, aujourd’hui, le Groupe de travail n’a plus accès aux professionnels de justice, ni aux policiers, a-t-elle regretté, avant de dénoncer les campagnes de diffamation contre les organisations non gouvernementales menées dans la presse officielle.
Hungarian Helsinki Committee a déclaré que la Hongrie avait le plus grand mal à intégrer les Roms au sein de la société. Aucun gouvernement dans ce pays n’a pris de mesures exhaustives pour inclure et intégrer la communauté rom au sein de la société hongroise. Des organisations extrémistes se sont en revanche rassemblées pour mener des patrouilles illicites contre des Roms. Il existe un gouvernement rom autonome en Hongrie; mais il s’agit davantage d’une instance administrative que d’un réseau d’organisations représentatives des Roms. Certaines associations officielles roms sont très proches du parti au pouvoir. Même si les Roms peuvent élire leurs représentants, la plupart ne peuvent pas s’inscrire sur les listes électorales, ce qui a comme conséquence que peu de Roms ont la possibilité de se faire élire au Parlement. De plus, de très nombreuses associations roms ont interrompu leurs activités depuis 2016 sous l’effet des restrictions budgétaires. Plus de la moitié des Roms estiment que depuis 2016, ils assistent à une augmentation des cas de discrimination à leur encontre et ils ne savent pas à qui s’adresser face à ces discriminations, a insisté l’ONG.
Un autre représentant de cette même organisation a rappelé que le Gouvernement hongrois, dès 2015, avait lancé une campagne publique invitant chacun à respecter la vie des Hongrois et à ne pas voler le travail des Hongrois. Il a ajouté que suite à la crise des réfugiés depuis 2015, le Gouvernement avait organisé un référendum sur l’instauration de quotas obligatoires et dépensé des millions d’euros pour organiser des campagnes contre les migrants. En octobre 2016, le référendum n’a pas intéressé la population et les résultats n’ont pas été considérés comme juridiquement contraignants. Néanmoins, ces campagnes antimigrants se poursuivent aujourd’hui et il existe une atmosphère de crainte, de haine et de xénophobie dans tout le pays. La situation des étrangers s’est considérablement détériorée, a insisté l’ONG. Les demandeurs d’asile font trop souvent l’objet de détention dans des lieux où ils n’ont pas accès aux services de base. Les enfants, par exemple, ne bénéficient pas d’un enseignement digne de ce nom et rien n’est prévu pour permettre aux demandeurs d’asile d’avoir accès à un médecin. D’après les statistiques de la police, près de 50 000 décisions de renvoi auraient été prises depuis 2016 sans aucune mesure de protection.
Dans le cadre du dialogue qui a suivi ces présentations, Mme Keiko Ko, rapporteuse du Comité pour l’examen du rapport de la Hongrie, a mentionné le problème des campagnes antisémites et a souhaité savoir si ces campagnes étaient récurrentes ou au contraire isolées.
Un autre expert a relevé qu’en décembre 2018, le pouvoir exécutif hongrois avait décidé de prendre davantage de pouvoir sur les pouvoirs judiciaire et législatif; aussi, l’expert a-t-il souhaité savoir ce qu’il en était dans la réalité.
Un membre du Comité a demandé pourquoi les chiffres officiels du nombre de Roms en Hongrie étaient dix fois moins élevés que les chiffres fournis par certaines organisations.
Les organisations de la société civile ont alors répondu que de nombreux messages antisémites étaient affichés en Hongrie. Le Gouvernement a une grande part de responsabilité et cette campagne continue toujours. Il est de notoriété publique qu’il y a effectivement de grandes disparités entre les chiffres officiels concernant le nombre de Roms dans le pays et la réalité, ont ajouté les ONG.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel
CERD/19/F