Fil d'Ariane
LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION À L'ÉGARD DES FEMMES EXAMINE LE RAPPORT DU GABON
Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a examiné, aujourd'hui, le rapport du Gabon sur les mesures prises par ce pays en application des dispositions de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.
Mme Marie Françoise Dikoumba, Ministre déléguée chargée de la prévoyance sociale du Gabon, a souligné qu'un accent particulier a été mis dans son pays sur la promotion et la protection des droits des personnes vulnérables, notamment les femmes, les veuves, les personnes âgées, les orphelins et les personnes vivant avec un handicap, ainsi que dans le cadre de l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes. Mme Dikoumba a notamment évoqué le projet de loi modifiant certaines dispositions du code de sécurité sociale visant à supprimer les discriminations à l'égard des veuves. Elle a aussi indiqué qu'une proposition était en cours d'examen pour assurer une représentativité de 30% des femmes et ainsi favoriser la participation des femmes aux postes électifs. L'État gabonais mène une lutte acharnée contre les violences faites aux femmes et aux jeunes filles, notamment les viols, l'inceste et d'autres violences conjugales, et un projet de loi a été initié visant à modifier le code pénal à cet égard. Parmi les femmes âgées de 15 à 49 ans, 21% auraient été victimes de violences sexuelles selon un récent sondage. La violence, sujet considéré comme tabou, commence à être dénoncée systématiquement, a assuré Mme Dikoumba. Elle a par ailleurs déclaré que le pays n'a pas de problème de discrimination basée sur le genre en matière d'accès à l'éducation. La Ministre déléguée a aussi indiqué que son gouvernement avait mis en place une commission chargée de réfléchir sur la question de la légalisation du mariage coutumier.
La délégation gabonaise était également composée de la Directrice générale de la promotion de la femme, Mme Caroline Ondo Ndong; de la Directrice générale de la promotion des droits de l'homme, Mme Edna Paola Biyogou épouse Minko; du Représentant permanent du Gabon auprès des Nations Unies à Genève, M. Baudelaire Ndong Ella; et d'autres représentants du Ministère des affaires étrangères. La délégation a répondu aux questions qui lui étaient adressées s'agissant, notamment, de la situation des femmes veuves; de la définition de la discrimination; de la traite de personnes; de l'enregistrement des naissances; des pratiques culturelles comme la polygamie; de la prise en charge des femmes victimes de violence; de l'incrimination du viol conjugal; de l'éducation à la sexualité; de l'avortement; de la mortalité maternelle; de l'abandon scolaire; de l'accès des femmes à l'entreprenariat et au crédit; ou encore de la gestion des terres et des questions d'accès des femmes à la propriété foncière. Elle a indiqué à cet égard que le Gouvernement avait mis en place une politique de redistribution des terres pour mettre fin à la gestion clanique de la terre qui prédomine au Gabon et par laquelle une femme, lorsqu'elle se marie dans un village appartenant à un clan autre que celui de sa famille, ne peut hériter des terres dans son nouveau village. La délégation a assuré que la problématique de l'accès à la terre est actuellement en cours de résolution.
Une experte du Comité s'est enquise des garde-fous prévus pour éviter que les terres que s'approprie l'État dans le cadre de cette politique de redistribution des terres ne soient pas ensuite revendues à des entreprises multinationales ou à des États étrangers, comme cela se pratique actuellement dans un grand nombre de pays. Il y a «une urgence juridique, sociale et économique au Gabon au regard du droit des femmes», a déclaré une experte. Nous l'avons vu au sujet des violences et nous n'avons même pas abordé la question des crimes rituels qui restent une pratique répandue dans ce pays, a-t-elle insisté.
Des observations finales sur chacun des rapports examinés au cours de cette session seront rendues publiques à l'issue de la session, qui se termine le 6 mars prochain.
Demain, à partir de 10 heures, le Comité examinera le rapport de l'Azerbaïdjan.
(CEDAW/C/AZE/5).
Présentation du rapport
Le Comité est saisi du sixième rapport périodique du Gabon (CEDAW/C/GAB/6), ainsi que de ses réponses (CEDAW/C/GAB/Q/6/Add.1) à une liste de questions (CEDAW/C/GAB/Q/6).
MME MARIE FRANÇOISE DIKOUMBA, Ministre déléguée chargée de la prévoyance sociale du Gabon, a présenté les excuses de son gouvernement pour le retard enregistré dans la présentation de ce rapport. Elle a ensuite souligné que depuis son accession à la magistrature suprême, le Président de la République gabonaise, M. Ali Bongo Ondimba, a engagé un certain nombre de réformes dont les plus importantes concernent l'amélioration des conditions de vie des populations. Un accent particulier a été mis sur la promotion et la protection des droits des personnes vulnérables, notamment les femmes, les veuves, les personnes âgées, les orphelins et les personnes vivant avec un handicap, a précisé la Ministre déléguée. De nombreux progrès ont été enregistrés dans le cadre de l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes depuis la transmission du dernier rapport, a-t-elle affirmé.
Sur le plan politique, a poursuivi Mme Dikoumba, conformément aux engagements internationaux, une proposition pour une représentativité de 30% des femmes qui devrait favoriser la participation des femmes aux postes électifs est en cours d'examen. Par ailleurs, a indiqué la Ministre déléguée, «la révision de la loi portant deuxième partie du code civil adopté par les deux chambres du Parlement en termes non identiques permettra les mesures significatives suivantes»: le remplacement du conseil de la famille par le conseil successoral composé des conjoints survivants ou leurs mandataires, les ascendants ou leurs mandataires ou leurs représentants; les héritiers légaux sont les descendants, le ou les conjoints survivants, les pères et mères du défunt; les cas d'exclusion de plein droit pour cause d'indignité successorale; l'énoncé des cas d'indignité à succéder; l'introduction de mesures conservatoires dès le décès (interdiction d'expulser le ou les conjoints survivants ou orphelins du domicile familial, d'exercer des actes de violence ou de spoliation à leur égard; interdiction aussi de s'opposer à la présence et à l'implication du conjoint ainsi que des orphelins dans l'organisation des funérailles); l'introduction de mesures pénales pour sanctionner les faits de violation de la loi en cas d'usurpation et autres violences à l'égard des conjoints survivants ou des orphelins dès l'ouverture de la succession jusqu'à l'exécution des décisions de justice. Mme Dikoumba a en outre évoqué le projet de loi modifiant certaines dispositions du code de sécurité sociale visant à supprimer les discriminations à l'égard des veuves et à harmoniser tous les systèmes de sécurité sociale. «Ce texte redéfinit le survivant comme étant bénéficiaire de la pension de survivant, veuve ou veuf à condition que le mariage ait été contracté un an au moins avant le décès; à moins qu'un enfant ne soit né de ladite union ou que la veuve ne soit en grossesse à la date du décès», a indiqué la Ministre déléguée.
L'État gabonais mène une lutte acharnée contre les violences faites aux femmes et aux jeunes filles, notamment les viols, l'inceste et d'autres violences conjugales, a poursuivi Mme Dikoumba. Pour accentuer la lutte contre ce phénomène, a-t-elle précisé, le Ministère de la justice a initié un projet de loi visant à modifier le code pénal. Cette révision a procédé à la criminalisation de l'inceste prévue à l'article 258 nouveau de cette loi et du viol commis dans certaines circonstances prévues et réprimées par l'article 259, ainsi qu'à l'aggravation de peine pour toute autre infraction portant agression sexuelle, a indiqué Mme Dikoumba. «C'est ainsi que les rapports sexuels non consentant dans un ménage ou dans un couple sont désormais correctionnalisés et punis de cinq à dix ans et d'une amende de 5 000 000 à 10 000 000 de francs CFA à condition d'établir que les rapports étaient anormalement consentis (violence, coups)», a-t-elle précisé.
La Ministre déléguée a ensuite rendu compte de la restructuration du Ministère en charge de la promotion de la femme, intervenue en 2009, afin de ne plus réduire les questions de genre à un seul département ministériel. Cette restructuration permet de mieux coordonner les actions menées par le Gouvernement en matière de promotion de la femme, a-t-elle assuré.
En ce qui concerne la participation publique et politique des femmes, il n'existe pas de mesure discriminatoire, a poursuivi Mme Dikoumba. Elle a en outre souligné que le Gabon avait initié des mesures pour faciliter l'enregistrement des naissances.
La violence, qui jusque-là était considérée comme un sujet tabou commence à être dénoncée systématiquement, a en outre fait valoir la Ministre déléguée, après avoir fait état de campagnes de sensibilisation régulièrement organisées dans le pays afin de parvenir à modifier les schémas et modèles de comportement socioculturel. Mme Dikoumba a indiqué que selon les résultats d'une enquête menée en 2012, 21% des femmes âgées de 15 à 49 ans ont été victimes de violences sexuelles dont 8% au cours des 12 derniers mois ayant précédé l'enquête.
Avec 96,4% en 2012, le Gabon a l'un des taux de scolarisation primaire les plus élevés d'Afrique, a poursuivi la Ministre déléguée. Le système éducatif dans son ensemble n'a pas de problème de discrimination à l'accès basée sur le genre, a-t-elle affirmé. L'article 3 de la Loi de 2012 portant orientation générale de l'éducation, de la formation et de la recherche dispose que «le droit à l'égal accès à l'éducation (….) est garanti à tous sans distinction de croyance, de religion, de race, de sexe, d'appartenance politique ou de toute autre distinction sociale». Afin d'éviter l'exclusion des jeunes filles mères et des filles en difficulté sociale, le Gouvernement a initié en 2003 le programme national de construction des haltes garderie.
Faisant observer qu'il existe des écarts importants selon le milieu de résidence pour ce qui est des taux d'alphabétisation, Mme Dikoumba a précisé qu'aussi bien chez les femmes que chez les hommes, c'est en milieu rural que la proportion de ceux qui n'ont aucun niveau d'instruction est le plus élevé (respectivement 21% et 11% contre 9% et 8% en milieu urbain, en 2013). De nos jours, a poursuivi la Ministre déléguée, «le taux d'alphabétisation des femmes de 15 à 24 ans par rapport aux hommes de la même tranche d'âge est croissant et quasi égal à 100, c'est-à-dire à celui des hommes, ce qui confirme l'inexistence de disparité institutionnelle ou culturelle par rapport à l'éducation et à la formation».
Depuis 2014, a d'autre part indiqué Mme Dikoumba, la prise en charge des personnes démunies a été renforcée par la mise en place de la Stratégie d'investissement humain au Gabon, suite à une étude qui a posé un diagnostic sans appel selon lequel 30% de la population considérée comme économiquement faible vit avec de très faibles revenus (moins de 80 000 francs CFA par mois) et 55% des foyers économiquement faibles vivent dans les villes. Selon les résultats de cette même étude, sept segments de la population sont particulièrement fragiles, a fait observer Mme Dikoumba: les familles nombreuses, les mères célibataires, les personnes âgées, les veuves, les personnes handicapées, les étudiants et jeunes isolés, les orphelins et les enfants des rues. Le diagnostic posé confirme la nécessité pour notre pays de déployer une nouvelle politique d'accompagnement des foyers économiquement faibles, visant non seulement la réduction de la pauvreté, mais aussi les facteurs aggravants la précarité (inaccessibilité à la santé, à l'éducation, aux services publics et aux infrastructures de base), a affirmé la Ministre déléguée, avant de faire valoir les mesures prises afin d'assurer la prise en charge à 100% (depuis juin 2014) par la caisse d'assurance maladie des femmes atteintes du cancer du sein et du col de l'utérus ou encore la prise en charge à 100% (depuis janvier 2015) des familles vivant dans une grande précarité (par le biais du ticket modérateur).
S'agissant des droits de la femme en matière de mariage, le code civil reconnaît à l'épouse le droit de conserver son nom de jeune fille en y adjoignant celui de l'époux. Cependant, une discrimination importante porte sur le choix du domicile conjugal, dont la responsabilité incombe uniquement à l'époux, a reconnu Mme Dikoumba. Elle a indiqué que le Gouvernement gabonais a élaboré les termes de référence d'une étude sur l'élaboration, à partir de 2015, du code de la famille et de l'action sociale; cette étude permettra de poser les bases de la révision d'un certain nombre de dispositions discriminatoires (ayant trait notamment à l'âge du mariage et à l'effet du mariage coutumier et religieux). Le Gouvernement a mis en place une commission chargée de réfléchir sur la question de la légalisation du mariage coutumier, a précisé la Ministre déléguée. En effet, a-t-elle expliqué, sur le plan sociologique, ce mariage constitue la base de toute union au Gabon, mais n'est pas productif d'effet: la légalisation du mariage coutumier viserait à réduire les discriminations à l'endroit des femmes liées par ce type d'union.
Examen du rapport
Questions et observations des membres du Comité
Une experte a salué les efforts déployés par le Gabon afin de promouvoir les droits des femmes et a salué, dans ce contexte, l'implication personnelle de la Première Dame, notamment pour ce qui est des veuves. Relevant que le Gabon a ratifié de nombreux instruments internationaux, l'experte a souhaité savoir si le Protocole de Maputo (Protocole à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples relatif aux droits des femmes, interdisant notamment les mutilations génitales féminines) était en voie de ratification par le pays. Mais c'est surtout la consolidation de l'ordre juridique interne qu'impose le respect de la Convention, a souligné l'experte. Elle a déploré que le pays n'ait toujours pas procédé à la modification nécessaire concernant l'introduction d'une définition de la discrimination dans la Constitution; existe-t-il un espoir de voir cette modification opérée prochainement, a-t-elle demandé? Par ailleurs, le Gabon n'est toujours pas parvenu à éradiquer complètement les mesures discriminatoires que contiennent encore un certain nombre de textes législatifs, a fait observer l'experte. Existe-il un mécanisme gouvernemental permettant de définir les priorités et d'établir une approche holistique des questions de genre, a-t-elle en outre demandé? La Commission nationale des droits de l'homme a certes été consolidée, mais elle ne respecte toujours pas les Principes de Paris, a par ailleurs fait observer l'experte. Comment s'effectue la prise en compte de la diversité culturelle et sociale du Gabon, a-t-elle demandé?
Une autre experte a insisté sur l'importance de disposer d'un mécanisme institutionnel chargé de la promotion des droits de la femme. Cette experte a souhaité savoir qui, au Gabon, est chargé du suivi des recommandations (observations finales) adoptées par le Comité.
Une experte a déploré le manque de vision claire permettant de discerner les mesures concrètes prises afin d'améliorer l'égalité entre hommes et femmes.
Des réformes législatives ont-elles été adoptées ou sont-elles envisagées concernant l'inceste et le viol conjugal est-il désormais incriminé, a demandé un autre membre du Comité? Pourquoi la définition du viol se limite-t-elle aux filles de moins de 15 ans et aux femmes enceintes, s'est-elle étonnée? Toute la question de la violence à l'égard des femmes reste un peu floue, a déploré cette experte.
Alors que le Gabon présente son sixième rapport périodique, on peut s'attendre à ce que l'application de la Convention soit mûre au Gabon, a fait observer une experte. Or, à ce stade, aucune loi ne prévoit de sanctions adéquates contre les violences, en particulier sexuelles, faites aux femmes, alors que les résultats d'une étude ont montré qu'une femme sur cinq âgée de 15 à 49 ans en est victime. Pourquoi le pays n'adopte-t-il pas de loi spécifique sur la violence sexuelle, a demandé cette experte?
Plusieurs expertes ont relevé l'existence au Gabon de pratiques culturelles très enracinées et souvent négatives. Que fait le Gouvernement pour lutter contre des pratiques telles que la polygamie ou le lévirat (mutilations génitales féminines), a demandé l'une d'entre elles?
Le Gabon n'est certes pas un pays d'origine de la traite de personnes, mais c'est néanmoins un pays de transit et de destination pour la traite - à des fins d'esclavage et souvent de prostitution – d'enfants en provenance du Bénin, du Nigéria, du Togo, du Mali de la Guinée et d'autres pays d'Afrique de l'Ouest, a fait observer une experte. Or, les poursuites à l'encontre des trafiquants sont rares, a relevé cette experte, s'inquiétant que le pays ne dispose pas données concernant la traite de femmes – surtout de jeunes filles – à des fins d'exploitation sexuelle et de travail domestique.
Alors que le taux de mortalité maternelle est de 519 pour 100 000 naissances vivantes, comment se fait-il que ce taux soit si élevé alors que 87% des délivrances (accouchements) sont assistés et se font dans les maternités, a demandé une experte? Quel est l'impact de l'avortement sur le taux de mortalité maternelle, a-t-elle également demandé?
Onze pour cent des enfants gabonais n'ont pas d'acte de naissance et sont donc en danger d'apatridie, s'est inquiétée une experte.
Le quota de 30% pour la participation des femmes aux postes électifs concerne-t-il leur présence sur les listes électorales ou bien les sièges qui leur sont réservés, a demandé une experte du Comité?
Une experte a regretté le manque d'informations fournies dans le rapport du Gabon concernant les taux d'abandon scolaire chez les garçons et les filles. Des préoccupations ont également été exprimées au sujet du taux élevé d'analphabétisme parmi les filles, en particulier dans les zones rurales et chez les femmes pygmées.
Une experte s'est demandée comment le rapport présenté par le Gabon pouvait affirmer, comme il le fait, qu'il n'y a aucune discrimination dans le domaine de l'emploi dans ce pays, alors que les chiffres disponibles indiquent que dans les zones urbaines, 60% des femmes sont sans emploi.
Une experte a déploré l'absence d'indicateurs permettant de se faire une idée des éventuels progrès accomplis dans le domaine de la santé. Elle a souhaité savoir si des campagnes publiques sont menées à travers le pays concernant la question de la sexualité associée à la santé. En effet, le problème du VIH/sida est important et il nous a été dit que ce sont les maris qui infectent leurs épouses; aussi, des campagnes visant l'utilisation du préservatif sont-elles menées à l'intention des hommes, a demandé l'experte?
En quoi consiste la politique gouvernementale visant à aider les enfants des femmes illettrées, a demandé une experte? Qu'en est-il du budget de l'éducation, a-t-il également été demandé?
Comme l'a révélé une étude menée en 2012, les femmes constituent la majorité des personnes économiquement faibles, a souligné une experte, avant d'insister sur la nécessité de veiller à ce que les femmes aient réellement accès aux fonds mis à disposition pour leur venir en aide.
Un expert a attiré l'attention sur les problèmes spécifiques que rencontrent les femmes rurales au Gabon eu égard, notamment, à la question de la propriété foncière. Les femmes mariées par mariage coutumier sont-elles exclues de la propriété foncière et que se passe-t-il pour elles en cas de décès du mari, a demandé cet expert? S'agissant du micro-crédit, le Gabon affirme que ses taux sont très bas, mais à 4%, on ne saurait affirmer cela au regard des taux moyens pratiqués à travers le monde, a par ailleurs fait observer cet expert.
Les traditions restent fortement enracinées dans les zones rurales, a poursuivi une experte, s'enquérant des mesures prises afin de changer les mentalités. Existe-t-il une stratégie globale des autorités à destination des zones rurales, a demandé cette experte?
Face à la politique de redistribution des terres qu'a décidé d'appliquer l'État, une experte s'est enquise des garde-fous prévus pour éviter que les terres que s'approprie désormais l'État à des fins de redistribution ne soient pas ensuite revendues à des entreprises multinationales ou à des États étrangers, comme cela se pratique actuellement beaucoup à travers le monde.
Il y a «une urgence juridique, sociale et économique au Gabon au regard du droit des femmes», a déclaré une experte. Nous l'avons vu au sujet des violences et nous n'avons même pas abordé la question des crimes rituels qui restent une pratique répandue dans ce pays, a-t-elle insisté.
Réponses de la délégation
La délégation gabonaise a indiqué que pour ce qui est de la ratification du Protocole de Maputo (interdisant notamment les mutilations génitales féminines), «le processus est entretenu au niveau du Ministère des affaires étrangères». La ratification n'a pas été finalisée à ce stade, mais il n'y a pas de problème structurel ou fondamental expliquant que cet instrument n'ait pas encore été ratifié, a ajouté la délégation.
Après avoir rappelé que le Gabon avait présidé l'an dernier le Conseil des droits de l'homme, la délégation a indiqué que le Gabon ne ménage aucun effort pour que la Commission nationale des droits de l'homme soit pleinement conforme aux Principes de Paris. Quelques difficultés subsistent, mais la délégation a assuré que le pays y parviendra.
La délégation a par ailleurs insisté sur les mesures prises pour «faire avancer la situation de la femme veuve», citant notamment les textes relatifs au capital-décès et à l'assistance juridictionnelle. Le Gabon, en partenariat avec la société civile, n'a cessé de mettre en place, tant en zones rurales qu'en zones urbaines, des campagnes de sensibilisation afin d'informer les femmes au sujet de leurs droits et des différents dispositifs existants pour qu'elles puissent les faire valoir. C'est sur ce volet de la sensibilisation que le Gouvernement s'efforce de renforcer son programme, a indiqué la délégation.
S'agissant de l'introduction d'une définition de la discrimination dans la Constitution gabonaise, la délégation a reconnu que la Constitution n'a pas été revue en ce sens; mais c'est une question qui est sur la table du Gouvernement, a indiqué la délégation.
Le Gabon est un pays de transit et de destination de la traite d'enfants, a reconnu la délégation, qui a précisé que le Gouvernement avait mis en place un dispositif afin de juguler ce phénomène, y compris en traquant les trafiquants qui se livrent à ces activités. Le cadre juridique a été renforcé afin d'alourdir les peines encourues pour ce délit, a ajouté la délégation, faisant valoir qu'en 2013, des trafiquants ont été emprisonnés pour ce délit. En ce qui concerne plus spécifiquement les femmes, la délégation a expliqué qu'il y a certes des femmes qui arrivent au Gabon, mais il est difficile de savoir si elles sont victimes de traite ou si elles arrivent volontairement dans le pays. Il est donc malaisé de dire que les femmes qui arrivent sont victimes de traite car nombre d'entre elles sont candidates à l'immigration et viennent dans le pays de leur propre gré à la recherche d'un travail, a insisté la délégation; il n'en demeure pas moins qu'il faut s'assurer que parmi ces femmes, aucune n'est en réalité victime de traite, a-t-elle dit.
En 2012, un projet de loi sur la traite a été élaboré puis adopté l'année suivante en Conseil des ministres; ce projet se trouve actuellement devant le Parlement, a indiqué la délégation, précisant que ce projet entend élargir à toutes les personnes – et non plus seulement aux enfants – la définition de la traite.
En ce qui concerne les pratiques culturelles enracinées, la délégation a rappelé que le code civil du Gabon reconnaît la polygamie. «La femme qui va en polygamie sait à quoi elle s'attend» et il ne s'agit pas d'un mariage forcé, a précisé la délégation. Tout en prenant acte d'informations qui circulent à ce sujet, la délégation indiqué ne pas avoir connaissance d'un problème de jeunes filles arrivant dans le pays pour y être mariées de force.
À ce jour, le Gabon ne dispose pas de centre d'accueil pour les femmes victimes de violence, a reconnu la délégation. Mais un programme a été élaboré en vue de la création de tels centres, non seulement pour ces femmes mais aussi pour les enfants des rues, entre autres, a indiqué la délégation.
Alors que, jusqu'à un passé récent, toutes les questions de viol et d'inceste n'étaient pas criminalisées, le viol conjugal a désormais été criminalisé puisque, depuis 2013, ces viols sont incriminés et sont passibles de peines de cinq à dix ans d'emprisonnement et d'une amende, a rappelé la délégation.
La question de la délivrance des actes de naissance est une question qui mobilise depuis quelques temps le Gouvernement gabonais, alors qu'il y a une quinzaine d'années, aucun problème ne se posait dans le pays en la matière, a indiqué la délégation. Au départ, a-t-elle expliqué, on n'a pas compris pourquoi ce phénomène de non-délivrance d'actes de naissance se posait. Aussi, une étude a-t-elle été menée, avec l'aide du Fonds des Nations Unies pour l'enfance, qui a mis en exergue un certain nombre de dysfonctionnements dans la chaîne d'établissement des actes de naissance, a poursuivi la délégation. On a notamment constaté que des femmes se voyaient privées de certificats de naissance pour leurs enfants faute de pouvoir verser la somme requise; il s'agissait pourtant là d'un grave manquement de la part des agents concernés. On a également constaté que les officiers d'état civil mettaient énormément de temps pour délivrer les actes de naissance. Un programme a donc été mis en place qui implique tous les intervenants, aux niveaux des hôpitaux, des mairies, des préfectures et même des familles, a indiqué la délégation. Elle a fait état d'un projet visant à ce que désormais, la déclaration de naissance et donc la fourniture de l'acte de naissance se fassent au moment de la naissance; ce sera donc à l'officier d'état civil de se déplacer à l'hôpital au moment de la naissance afin de fournir aux familles le certificat de naissance de l'enfant. Ainsi, la situation est en voie de régularisation et concomitamment, les procédures sont en cours de révision afin d'assurer une délivrance adéquate des certificats de naissance, a résumé la délégation.
En ce qui concerne l'éducation à la santé sexuelle, la délégation a indiqué que des programmes ont été mis en place par les autorités, à l'intention tant des jeunes filles que des garçons et concernant notamment les questions relatives à la transmission des maladies sexuellement transmissibles et du VIH/sida. Les dernières études en date montrent que l'épidémie de VIH/sida tend à se féminiser, a ajouté la délégation.
S'agissant de l'avortement, la délégation a indiqué que le corps médical et le corps judiciaire admettent qu'à la demande de la femme, un avortement puisse être pratiqué lorsque la grossesse est issue d'un viol ou d'un inceste. De la même manière, l'avortement peut être autorisé lorsque l'enfant à naître encourt un risque de malformation, a précisé la délégation.
Toutes les causes de mortalité maternelle ne sont clairement pas liées à l'avortement, a indiqué la délégation, avant de souligner que les femmes au Gabon accouchent à l'hôpital.
Afin d'inciter les femmes à assurer le suivi médical de leur grossesse, un certain nombre de mesures et de conditionnalités ont été mises en place, a poursuivi la délégation. Ainsi, par exemple, la fourniture de layettes aux femmes enceintes est-elle conditionnée au suivi médical de leur grossesse, c'est-à-dire à la présence de ces femmes à un certain nombre d'entretiens médicaux.
Est en outre en train d'être déployée une médecine itinérante afin d'éviter que ne se creuse un fossé entre zones urbaines, bien dotées en structures hospitalières, et zones rurales, a fait valoir la délégation
La délégation a admis qu'il est justifié de corréler les grossesses précoces et les taux d'abandon scolaire, comme l'ont fait certains membres du Comité. Précisément, a-t-elle fait valoir, le Gouvernement a mis en place un programme de développement de haltes garderie afin de permettre aux jeunes filles de reprendre leurs études après leur accouchement. Suite aux états généraux de l'éducation de 2011, les autorités se sont employées à mettre en place des réformes qui ont abouti, d'une part, à éviter que ne soient plus acceptés les redoublements au primaire et, surtout, à supprimer le concours d'entrée en sixième, lequel constituait un goulet d'étranglement. Le Gouvernement gabonais s'efforce de favoriser l'enseignement professionnel, a par ailleurs indiqué la délégation.
Le budget de l'éducation, qui s'élevait à 70 milliards de francs CFA en 2005, à 94 milliards en 2008 et à 156 milliards en 2010, atteignait en 2012 quelque 191 milliards de francs CFA. Près de mille milliards de francs CFA vont être mobilisés d'ici 2020 pour la construction de 400 salles de classes, le recrutement d'enseignants et la promotion des capacités d'enseignants déjà en exercice, a en outre indiqué la délégation.
L'accès des femmes à l'entreprenariat est une problématique que porte actuellement le Gouvernement car pour lutter contre la pauvreté, il est nécessaire d'encourager l'entreprenariat et l'auto-emploi, a d'autre part souligné la délégation. Pour cela, il convient de faciliter l'accès des femmes au crédit, a-t-elle rappelé, avant d'indiquer qu'un fonds a été mis en place à cette fin.
Ce sont les femmes qui portent l'essentiel de la production et des activités dans les zones rurales, a rappelé la délégation. Elle a insisté sur le souhait de l'État de promouvoir une politique de regroupement des petits villages, une tentative en ce sens ayant pour l'heure échoué car il s'est avéré que les populations restaient attachées à leurs traditions propres.
Au Gabon, la terre est gérée sur une base clanique, c'est-à-dire que la terre et la rivière appartiennent au clan, a expliqué la délégation. Ainsi, lorsqu'une femme se marie dans un village appartenant à un clan autre que celui de sa famille, elle ne peut, en raison des traditions, hériter des terres dans ce nouveau village. C'est pourquoi le Gouvernement a mis en place une politique de redistribution des terres, en vertu duquel l'État récupère toutes les terres et les redistribue afin que ce ne soit plus les clans qui décident des choses en la matière, a expliqué la délégation. Il y a certes des terres ancestrales, mais globalement, la terre appartient à l'État, a-t-elle ajouté. La problématique de l'accès à la terre est actuellement en cours de résolution par le Gouvernement, a assuré la délégation.
«Tout pousse au Gabon», s'est réjoui la délégation; aussi, face à l'effondrement des cours du pétrole dont pâtit le pays, le Gouvernement s'efforce-t-il de promouvoir une politique de retour à la terre, productrice potentielle de très grandes richesses. Les autorités encouragent le financement des activités génératrices de revenus.
Le changement des mentalités est à la base de tout, a d'autre part souligné la délégation.
Interrogée sur le calendrier envisagé par les autorités pour la révision du code civil, s'agissant notamment des questions de mariage, y compris les mariages coutumiers et polygamiques, la délégation a affirmé que pour l'instant, indépendamment de toute volonté du législateur de modifier la situation actuelle, il est possible d'avancer par l'éducation à l'intention des femmes, des filles et des jeunes filles afin de les sensibiliser aux difficultés que représentent ces types d'unions.
Pour l'heure, l'âge du mariage pour la jeune fille est fixé à 15 ans, a par ailleurs indiqué la délégation.
S'agissant de la question de la polygamie, la délégation a expliqué que c'est en raison d'une instabilité gouvernementale ayant vu une succession de remaniements ministériels que les projets de modification des textes de loi relatifs à la polygamie n'ont pas abouti et se trouvent de nouveau sur la table.
L'égalité de droits entre hommes et femmes ne peut se faire qu'en réécrivant le cadre juridique, mais sans oublier de s'appuyer sur l'éducation et sur la sensibilisation, sous peine de se retrouver avec un cadre juridique certes très bien rédigé mais aussi avec des attitudes discriminatoires parce que les populations n'adhèrent pas à ce cadre, a souligné la délégation. C'est cette approche que le Gouvernement cherche à promouvoir en remettant à plat tous les cadres normatifs, a-t-elle indiqué, insistant sur la volonté des autorités de parvenir à la disparition de toutes les formes de violence.
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CEDAW15/004F